Élection présidentielle française 2022: scénarios et retournements

Une réflexion sur les portes vitrées de la cour du palais présidentiel de l'Élysée à Paris le 8 avril 2021. Ludovic MARIN / AFP
Une réflexion sur les portes vitrées de la cour du palais présidentiel de l'Élysée à Paris le 8 avril 2021. Ludovic MARIN / AFP
Short Url
Publié le Lundi 12 avril 2021

Élection présidentielle française 2022: scénarios et retournements

  • À environ un an de l’élection présidentielle, la campagne électorale a déjà commencé, dans un paysage politique français agité par des tensions internes et la pandémie de coronavirus
  • Les trois prétendants à la présidentielle de 2017 se trouvent à nouveau sur le devant de la scène, mais les sondages d'opinion indiquent pour la première fois une percée de Marine Le Pen

PARIS: La prochaine présidentielle, la douzième de la Ve République, se tiendra en avril-mai 2022. Mais en réalité, la campagne électorale a déjà commencé, dans un paysage politique français agité par des tensions internes et la pandémie de coronavirus. La confusion règne lorsque les enjeux de la prise de décision sur la crise sanitaire peuvent jouer dans la course vers l’Élysée. Pour le président actuel, candidat à sa propre succession, les problèmes ne manquent pas. Il espère néanmoins être réélu, contrairement à ses deux prédécesseurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy.

Le scrutin est brouillé par un paysage politique éclaté qui attise la concurrence entre plusieurs candidats dont les plus importants et déclarés pour le moment sont: Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, le divers droite Xavier Bertrand, le gaulliste Nicolas Dupont-Aignan, le vert Yannick Jadot, le communiste Fabien Roussel… On évoque même le retour de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe comme candidat potentiel, qui pourrait venir menacer l’actuel locataire de l’Élysée.

Avec la montée en puissance de Marine Le Pen dans les sondages, la candidature de Bertrand et l’appel de Jadot pour construire un grand projet alternatif, la campagne électorale démarre sur les chapeaux de roue. La gestion sanitaire de la Covid-19, et ses effets économiques, politiques et sociaux, seront au cœur de l’élection, avec une troisième vague de coronavirus. La pandémie aura perturbé le mandat du président français.

Bras de fer

La décision française de décider d’un troisième confinement – certes allégé – a amené Macron à admettre son échec dans le bras de fer qui l’oppose au conseil scientifique. Ce dernier avait en effet recommandé plus de restrictions sanitaires depuis la fin janvier. Il est clair que la position de Macron peut s’expliquer par le poids de la crise économique, la pandémie ayant coûté au Trésor français plus de 160 milliards d'euros l’an dernier. Mais certains ont interprété le refus de Macron d’écouter l'avis du personnel scientifique comme une volonté de faire primer les décisions politiques de l’exécutif sur d’autres instances. 

macron
Le président français Emmanuel Macron lors de sa visite à l'usine Delpharm de Saint-Rémy-sur-Avre, à l'ouest de Paris, le 9 avril 2021 à Paris. CHRISTOPHE ENA / POOL / AFP

Cependant, la saturation des services de soins intensifs, notamment en région parisienne, lors de la troisième vague du virus, ont incité Macron à se plier à l'avis du conseil scientifique et à entamer un nouveau virage pour tenter de freiner l'expansion de l'infection. En outre, la lenteur et l'échec de la stratégie de la première phase de vaccination ne sont pas passés inaperçus auprès d’une opinion publique française, surprise du manque de prévention lors de la première vague de Covid-19.

Contrairement au printemps 2020, le consensus sur la pandémie s’est écroulé au sein de la classe politique française, un an plus tard. L’opposition accuse le président de mal gérer la crise. Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national (ex-Front national), a vivement critiqué «l'échec réitéré» du président français. Le dirigeant d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon vilipende la stratégie hasardeuse de Macron… Les trois prétendants à la présidentielle de 2017 se retrouvent sur le devant de la scène, et les sondages d'opinion indiquent pour la première fois une percée de l'extrême droite avec Le Pen, embarrassant Macron qui craint de payer le prix de ses choix dans la gestion de la crise.

Cependant, même si les idées de Marine Le Pen progressent dans l’opinion, son image reste dégradée et son parti souffre d’un déficit budgétaire pour affronter les prochaines élections régionales, législatives et la présidentielle (en raison de la condamnation à de fortes amendes lors de procès pour corruption). Alors que les sondages actuels favorisent Le Pen pour le second tour de la présidentielle (entre 23% et 35% de votes fermes dans les différentes couches de la population), 80% des Français estiment qu’elle incarne le mieux son parti, devant sa nièce Marion Maréchal (74%). Toutes deux distancent largement d’autres figures de la droite «nationaliste» comme Éric Zemmour et Robert Ménard.

Marine Le Pen
Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national (ex-Front national), a vivement critiqué «l'échec réitéré» du président français. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Forte de cette position, la présidente du RN travaille à une stratégie de «rassemblement» dès le premier tour. Elle devrait abandonner cet été la tête de son mouvement. Toutefois, la tentative de faire du RN un «parti de gouvernement» crédible demeure incertaine. Malgré l’effritement attendu de ce qu’on appelle le «front républicain», les sondages donnent toujours Macron élu par 53% des voix au second tour (contre 47% pour Le Pen) en cas de nouveau duel.

Quant aux autres candidats, l’insoumis Mélenchon demeure toujours empêtré dans son discours très idéologique, et sa campagne demeure axée autour de sa propre personne. Du côté de la droite, l’ancien proche de Jacques Chirac, Xavier Bertrand, pourrait ne pas parvenir à rassembler autour de son personnage ou son programme. 

Melenchon
L’insoumis Mélenchon demeure toujours empêtré dans son discours très idéologique, et sa campagne demeure axée autour de sa propre personne. THOMAS COEX / AFP

Pour le député européen écologiste Yannick Jadot, sans l’union entre la gauche et les écologistes, les chances de succès seraient minimes. À première vue, le socialiste Olivier Faure, l’ancien candidat présidentiel Benoît Hamon, le communiste Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon ont répondu positivement à l’appel à l’union de Yannick Jadot. Mais il faudra juger sur acte.

Jadot
Pour le député européen écologiste Yannick Jadot, sans l’union entre la gauche et les écologistes, les chances de succès seraient minimes. ALAIN JOCARD / AFP

Loin des répercussions économiques et sociales de la pandémie, la gauche revient à ses thèmes favoris, comme la lutte contre les inégalités et contre le racisme. Mais elle est divisée par les effets des fractures identitaires et le débat sur la laïcité, amplifiés par l’assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty. La gauche est également fracturée par l’attitude à adopter face à l’islam. Certains confondent islam, insécurité et extrémisme, alors que d’autres, affublés du nom d’«islamo-gauchistes», sont accusés de prendre des positions trop tolérantes face à l’islam politique. D’autres thèmes classiques refont surface dans le débat, notamment la place de la France dans l’Europe et le monde à l’heure de la révolution numérique.

Malgré un début de campagne qui s’annonce houleux, les dés ne sont pas encore jetés et les surprises ne manqueront pas. Parmi les derniers prétendants ambitieux qui pourraient se déclarer, il faudra compter sur l’ancien ministre Arnaud Montebourg, qui est sorti de son silence et prédit un nouveau duel Macron-Le Pen en 2022, avec un score de Le Pen plus important, car «le président de la République est détesté en raison de son arrogance». Il ne constitue donc pas un «rempart» au Rassemblement national. L’ancien candidat socialiste à la primaire présidentielle compare le phénomène Le Pen à ceux de Trump et du Brexit.

Montebourg
Parmi les derniers prétendants ambitieux qui pourraient se déclarer, il faudra compter sur l’ancien ministre Arnaud Montebourg. JEFF PACHOUD / AFP

Certes, les hypothèses avancées par Montebourg sont discutables et lui servent peut être à préparer le terrain pour sa propre campagne afin de se présenter en sauveur. Mais son étiquette politique ambiguë de gauche nationale («made in France» était son slogan lorsqu’il était ministre de l’Industrie) ne permet pas nécessairement de faire de lui un rassembleur, compte tenu de l’avancée globale de la droite dans le paysage politique. En revanche, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe marqué à droite, républicain, bon gestionnaire et rassembleur, pourrait constituer l’un des éléments clés du scrutin de 2022, s’il décide de se présenter.

CHARLES PLATIAU / POOL / AFP
 L’ancien Premier ministre Édouard Philippe (à gauche) marqué à droite, républicain, bon gestionnaire et rassembleur, pourrait constituer l’un des éléments clés du scrutin de 2022, s’il décide de se présenter. CHARLES PLATIAU / POOL / AFP

 


En Nouvelle-Calédonie, situation «plus calme» mais vie quotidienne difficile

Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
Short Url
  • Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation
  • Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel

NOUMÉA, France : La vie quotidienne des Néo-Calédoniens devient de plus en plus difficile samedi, malgré une situation «plus calme» sur la majeure partie de l'archipel français du Pacifique Sud, au sixième jour des émeutes causées par une réforme électorale qui a provoqué la colère des indépendantistes.

Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation.

Mais pour les habitants, les dégâts de plus en plus étendus compliquent le ravitaillement dans les commerces, ainsi que le fonctionnement des services publics, notamment de santé.

Le danger subsiste par ailleurs dans les quartiers où les émeutiers sont les plus nombreux et les mieux organisés.

Dans l'un d'eux, la Vallée du Tir à Nouméa, un motard s'est tué vendredi en fin d'après-midi dans un accident de la route en heurtant une épave de voiture, selon le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a appelé lors d'une conférence de presse à cesser barrages et barricades.

«On est en train de s'entretuer et on ne peut pas continuer comme ça», a déclaré Vaimu'a Muliava, membre du gouvernement chargé de la fonction publique.

«Des gens meurent déjà non pas à cause des conflits armés, mais parce qu'ils n'ont pas accès aux soins, pas accès à l'alimentation», a-t-il ajouté.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a aussi recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel.

Les autorités françaises espèrent que l'état d'urgence en vigueur depuis jeudi va continuer à faire reculer les violences, qui ont débuté lundi après une mobilisation contre une réforme électorale contestée par les représentants du peuple autochtone kanak.

Depuis, la crise qui frappe ce territoire colonisé par la France au XIXe siècle a fait cinq morts, dont deux gendarmes et trois civils kanaks, et des centaines de blessés au cours de violentes nuit d'émeutes. En réponse, le gouvernement a envoyé des renforts policiers, interdit TikTok - réseau social prisé des émeutiers -, et déployé des militaires.

- Strict minimum -

Devant les rares magasins de Nouméa qui n'ont pas été ravagés par les flammes ou pillés, les files d'attente restaient très longues samedi.

«Cela fait plus de trois heures qu'on est là», soupirait Kenzo, 17 ans, en quête de riz et de pâtes.

Selon la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, les violences ont «anéanti» 80% à 90% de la chaîne de distribution commerciale de la ville.

Le représentant de l'Etat français en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a promis la mobilisation de l'Etat pour «organiser l'acheminement des produits de première nécessité» et un «pont aérien» entre la métropole et son archipel, séparés de plus de 16.000 km.

De son côté, un responsable de l'hôpital de Nouméa, Thierry de Greslan, s'est alarmé de la dégradation de la situation sanitaire. «Trois ou quatre personnes seraient décédées hier (jeudi) par manque d'accessibilité aux soins», en raison notamment de barrages érigés dans la ville, a-t-il avancé sur la radio France Info.

Face à la «gravité» de la situation et afin «de répondre aux besoins sanitaires de la population», l'Etablissement français du sang (EFS) a annoncé vendredi l'envoi de produits sanguins.

- «Grande fermeté» -

A Paris, le ministre de la Justice a demandé au parquet «la plus grande fermeté à l'encontre des auteurs des exactions». Eric Dupond-Moretti a aussi indiqué qu'il envisageait de transférer les «criminels» arrêtés sur le «Caillou» en métropole «pour ne pas qu'il y ait de contaminations (...) des esprits les plus fragiles».

Parallèlement, la justice française a ouvert une enquête sur «les commanditaires» des émeutes, ciblant notamment le collectif CCAT (Cellule de coordination des action de terrain), frange la plus radicale des indépendantistes, déjà mis en cause par le gouvernement.

«J'ai décidé d'ouvrir une enquête visant notamment des faits susceptibles de concerner des commanditaires», parmi lesquels «certains membres de la CCAT», a déclaré le procureur Yves Dupas, pointant «ceux qui ont instrumentalisé certains jeunes dans une spirale de radicalisation violente». Au total, depuis dimanche, 163 personnes ont été placées en garde à vue, dont 26 ont été déférées devant la justice, selon le parquet.

Jeudi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait qualifié la CCAT d'organisation «mafieuse».

Vendredi, ce collectif a demandé «un temps d'apaisement pour enrayer l'escalade de la violence». Sur la radio RFI, un de ses membres, Rock Haocas, a assuré que son organisation «n'a pas appelé à la violence», attribuant ces émeutes à une «population majoritairement kanak marginalisée».

Sur le front politique, après l'annulation d'une visioconférence avec tous les élus calédoniens jeudi, le président français Emmanuel Macron a commencé vendredi à avoir des échanges avec certains d'entre eux mais son service de communication a refusé d'en dire plus.

Présentée par son gouvernement, la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales sur l'archipel. Les partisans de l'indépendance estiment que cette modification risque de réduire leur poids électoral.

Paris a par ailleurs détaillé ses accusations portées contre l'Azerbaïdjan «d'ingérences» en Nouvelle-Calédonie, archipel stratégique pour la France qui veut renforcer son influence en Asie Pacifique et de part ses riches ressources en nickel.

Paris a évoqué une «propagation massive et coordonnée» de contenus relayés par des comptes liés à Bakou et accusant la police française de tirer sur des manifestants indépendantistes.

 

 


Rouen: un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
Short Url
  • Selon une source proche du dossier, l'homme était armé «d'un couteau et d'une barre de fer»
  • «Il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé», a précisé le procureur

ROUEN: Des policiers ont abattu vendredi matin un homme armé notamment d'un couteau qui tentait de mettre le feu à une synagogue à Rouen et les menaçait, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Vers 6h45, les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", située rue des Bons enfants dans le centre historique de Rouen, a détaillé une source policière à l'AFP.

"Un individu a mis le feu à la synagogue de Rouen. Il aurait pris à partie les policiers et les pompiers", a pour sa part indiqué à l'AFP le procureur de Rouen, Frédéric Teillet.

Selon une source proche du dossier, l'homme était armé "d'un couteau et d'une barre de fer".

"Ensuite, il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé", a précisé le procureur.

Une première enquête a été ouverte pour "incendie volontaire" visant un lieu de culte, "violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique confiée à la DGPN, a fait savoir le parquet.

Un autre enquête a été ouverte sur les circonstances du décès de l'individu armé pour "violences volontaires avec armes ayant entrainé la mort sans intention de la donner", confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", a écrit M. Darmanin sur X.

L'homme abattu par les forces de l'ordre n'a pas été immédiatement identifié, a-t-on précisé de source policière.

Sollicité par l'AFP, le Parquet national antiterroriste indique être en train d'évaluer s'il se saisit du dossier.

De nombreux pompiers et policiers étaient déployés sur place vendredi matin, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Sous le choc»

Selon le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, les pompiers maîtrisaient vendredi matin le départ de feu et il n'y aurait "pas d'autres victimes que l'individu armé".

"A travers cette agression et cette tentative d'incendie de la synagogue de Rouen, ce n'est pas seulement la communauté israélite qui est touchée. C'est toute la ville de Rouen qui est meurtrie et sous le choc", a réagi  le maire sur X.

"Tenter de brûler une synagogue, c'est vouloir intimider tous les Juifs. Une nouvelle fois, on veut faire peser un climat de terreur sur les Juifs de notre pays. Combattre l'antisémitisme, c'est défendre la République", a affirmé sur X le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi.

Gérald Darmanin avait demandé le 14 avril dernier aux préfets de renforcer la sécurité devant les lieux de culte juifs ainsi que devant les écoles confessionnelles, au lendemain de l'attaque menée par l'Iran contre Israël.

Les opérations militaires lancées par l'Etat hébreu contre la bande de Gaza, qui ont causé la mort de plus de 35.000 personnes, en représailles à l'attaque des combattants du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier ont provoqué une forte hausse des actes d'antisémitisme en France.

Début mai, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé que "366 faits antisémites" avaient été enregistrés au premier trimestre 2024, soit "une hausse de 300% par rapport aux trois premiers mois de l'année 2023".

Face à cette hausse, "pas un acte ne doit rester impuni, pas un antisémite ne doit avoir l'âme tranquille", avait affirmé le chef du gouvernement en promettant de "faire preuve d'une fermeté exemplaire à chaque acte".


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Short Url
  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.