Élection présidentielle française 2022: scénarios et retournements

Une réflexion sur les portes vitrées de la cour du palais présidentiel de l'Élysée à Paris le 8 avril 2021. Ludovic MARIN / AFP
Une réflexion sur les portes vitrées de la cour du palais présidentiel de l'Élysée à Paris le 8 avril 2021. Ludovic MARIN / AFP
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Publié le Lundi 12 avril 2021

Élection présidentielle française 2022: scénarios et retournements

  • À environ un an de l’élection présidentielle, la campagne électorale a déjà commencé, dans un paysage politique français agité par des tensions internes et la pandémie de coronavirus
  • Les trois prétendants à la présidentielle de 2017 se trouvent à nouveau sur le devant de la scène, mais les sondages d'opinion indiquent pour la première fois une percée de Marine Le Pen

PARIS: La prochaine présidentielle, la douzième de la Ve République, se tiendra en avril-mai 2022. Mais en réalité, la campagne électorale a déjà commencé, dans un paysage politique français agité par des tensions internes et la pandémie de coronavirus. La confusion règne lorsque les enjeux de la prise de décision sur la crise sanitaire peuvent jouer dans la course vers l’Élysée. Pour le président actuel, candidat à sa propre succession, les problèmes ne manquent pas. Il espère néanmoins être réélu, contrairement à ses deux prédécesseurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy.

Le scrutin est brouillé par un paysage politique éclaté qui attise la concurrence entre plusieurs candidats dont les plus importants et déclarés pour le moment sont: Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, le divers droite Xavier Bertrand, le gaulliste Nicolas Dupont-Aignan, le vert Yannick Jadot, le communiste Fabien Roussel… On évoque même le retour de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe comme candidat potentiel, qui pourrait venir menacer l’actuel locataire de l’Élysée.

Avec la montée en puissance de Marine Le Pen dans les sondages, la candidature de Bertrand et l’appel de Jadot pour construire un grand projet alternatif, la campagne électorale démarre sur les chapeaux de roue. La gestion sanitaire de la Covid-19, et ses effets économiques, politiques et sociaux, seront au cœur de l’élection, avec une troisième vague de coronavirus. La pandémie aura perturbé le mandat du président français.

Bras de fer

La décision française de décider d’un troisième confinement – certes allégé – a amené Macron à admettre son échec dans le bras de fer qui l’oppose au conseil scientifique. Ce dernier avait en effet recommandé plus de restrictions sanitaires depuis la fin janvier. Il est clair que la position de Macron peut s’expliquer par le poids de la crise économique, la pandémie ayant coûté au Trésor français plus de 160 milliards d'euros l’an dernier. Mais certains ont interprété le refus de Macron d’écouter l'avis du personnel scientifique comme une volonté de faire primer les décisions politiques de l’exécutif sur d’autres instances. 

macron
Le président français Emmanuel Macron lors de sa visite à l'usine Delpharm de Saint-Rémy-sur-Avre, à l'ouest de Paris, le 9 avril 2021 à Paris. CHRISTOPHE ENA / POOL / AFP

Cependant, la saturation des services de soins intensifs, notamment en région parisienne, lors de la troisième vague du virus, ont incité Macron à se plier à l'avis du conseil scientifique et à entamer un nouveau virage pour tenter de freiner l'expansion de l'infection. En outre, la lenteur et l'échec de la stratégie de la première phase de vaccination ne sont pas passés inaperçus auprès d’une opinion publique française, surprise du manque de prévention lors de la première vague de Covid-19.

Contrairement au printemps 2020, le consensus sur la pandémie s’est écroulé au sein de la classe politique française, un an plus tard. L’opposition accuse le président de mal gérer la crise. Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national (ex-Front national), a vivement critiqué «l'échec réitéré» du président français. Le dirigeant d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon vilipende la stratégie hasardeuse de Macron… Les trois prétendants à la présidentielle de 2017 se retrouvent sur le devant de la scène, et les sondages d'opinion indiquent pour la première fois une percée de l'extrême droite avec Le Pen, embarrassant Macron qui craint de payer le prix de ses choix dans la gestion de la crise.

Cependant, même si les idées de Marine Le Pen progressent dans l’opinion, son image reste dégradée et son parti souffre d’un déficit budgétaire pour affronter les prochaines élections régionales, législatives et la présidentielle (en raison de la condamnation à de fortes amendes lors de procès pour corruption). Alors que les sondages actuels favorisent Le Pen pour le second tour de la présidentielle (entre 23% et 35% de votes fermes dans les différentes couches de la population), 80% des Français estiment qu’elle incarne le mieux son parti, devant sa nièce Marion Maréchal (74%). Toutes deux distancent largement d’autres figures de la droite «nationaliste» comme Éric Zemmour et Robert Ménard.

Marine Le Pen
Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national (ex-Front national), a vivement critiqué «l'échec réitéré» du président français. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Forte de cette position, la présidente du RN travaille à une stratégie de «rassemblement» dès le premier tour. Elle devrait abandonner cet été la tête de son mouvement. Toutefois, la tentative de faire du RN un «parti de gouvernement» crédible demeure incertaine. Malgré l’effritement attendu de ce qu’on appelle le «front républicain», les sondages donnent toujours Macron élu par 53% des voix au second tour (contre 47% pour Le Pen) en cas de nouveau duel.

Quant aux autres candidats, l’insoumis Mélenchon demeure toujours empêtré dans son discours très idéologique, et sa campagne demeure axée autour de sa propre personne. Du côté de la droite, l’ancien proche de Jacques Chirac, Xavier Bertrand, pourrait ne pas parvenir à rassembler autour de son personnage ou son programme. 

Melenchon
L’insoumis Mélenchon demeure toujours empêtré dans son discours très idéologique, et sa campagne demeure axée autour de sa propre personne. THOMAS COEX / AFP

Pour le député européen écologiste Yannick Jadot, sans l’union entre la gauche et les écologistes, les chances de succès seraient minimes. À première vue, le socialiste Olivier Faure, l’ancien candidat présidentiel Benoît Hamon, le communiste Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon ont répondu positivement à l’appel à l’union de Yannick Jadot. Mais il faudra juger sur acte.

Jadot
Pour le député européen écologiste Yannick Jadot, sans l’union entre la gauche et les écologistes, les chances de succès seraient minimes. ALAIN JOCARD / AFP

Loin des répercussions économiques et sociales de la pandémie, la gauche revient à ses thèmes favoris, comme la lutte contre les inégalités et contre le racisme. Mais elle est divisée par les effets des fractures identitaires et le débat sur la laïcité, amplifiés par l’assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty. La gauche est également fracturée par l’attitude à adopter face à l’islam. Certains confondent islam, insécurité et extrémisme, alors que d’autres, affublés du nom d’«islamo-gauchistes», sont accusés de prendre des positions trop tolérantes face à l’islam politique. D’autres thèmes classiques refont surface dans le débat, notamment la place de la France dans l’Europe et le monde à l’heure de la révolution numérique.

Malgré un début de campagne qui s’annonce houleux, les dés ne sont pas encore jetés et les surprises ne manqueront pas. Parmi les derniers prétendants ambitieux qui pourraient se déclarer, il faudra compter sur l’ancien ministre Arnaud Montebourg, qui est sorti de son silence et prédit un nouveau duel Macron-Le Pen en 2022, avec un score de Le Pen plus important, car «le président de la République est détesté en raison de son arrogance». Il ne constitue donc pas un «rempart» au Rassemblement national. L’ancien candidat socialiste à la primaire présidentielle compare le phénomène Le Pen à ceux de Trump et du Brexit.

Montebourg
Parmi les derniers prétendants ambitieux qui pourraient se déclarer, il faudra compter sur l’ancien ministre Arnaud Montebourg. JEFF PACHOUD / AFP

Certes, les hypothèses avancées par Montebourg sont discutables et lui servent peut être à préparer le terrain pour sa propre campagne afin de se présenter en sauveur. Mais son étiquette politique ambiguë de gauche nationale («made in France» était son slogan lorsqu’il était ministre de l’Industrie) ne permet pas nécessairement de faire de lui un rassembleur, compte tenu de l’avancée globale de la droite dans le paysage politique. En revanche, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe marqué à droite, républicain, bon gestionnaire et rassembleur, pourrait constituer l’un des éléments clés du scrutin de 2022, s’il décide de se présenter.

CHARLES PLATIAU / POOL / AFP
 L’ancien Premier ministre Édouard Philippe (à gauche) marqué à droite, républicain, bon gestionnaire et rassembleur, pourrait constituer l’un des éléments clés du scrutin de 2022, s’il décide de se présenter. CHARLES PLATIAU / POOL / AFP

 


Macron donne le coup d'envoi du futur porte-avions lors du Noël avec les troupes

Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
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  • Plus grand et plus puissant, ce bâtiment symbolise l’ambition stratégique et industrielle de la France, malgré les contraintes budgétaires et les débats sur l’évolution des menaces

ABOU DHABI: Emmanuel Macron a donné dimanche le coup d'envoi de la construction du futur porte-avions français destiné à remplacer le Charles De Gaulle et qui doit entrer en service en 2038.

"Ce nouveau porte-avions sera l'illustration de la puissance de notre nation, puissance de l'industrie, de la technique, puissance au service de la liberté sur les mers et dans les remous du temps", a-t-il assuré.

L'annonce du lancement officiel de la construction était très attendue malgré l'impasse budgétaire dans laquelle se trouve le gouvernement, alors que le mur d'investissements nécessaires et l'évolution des menaces mettent le projet sous pression.

"Conformément aux deux dernières lois de programmation militaire, et après un examen complet et minutieux, j'ai décidé de doter la France d'un nouveau porte-avions", a annoncé le chef de l'Etat français lors du Noël avec les troupes à Abou Dhabi.

"La décision de lancer en réalisation ce très grand programme a été prise cette semaine", a-t-il ajouté.

Lui aussi à propulsion nucléaire, le nouveau porte-avions sera beaucoup plus massif que l'actuel. Il fera près de 80.000 tonnes pour environ 310 mètres de long, contre 42.000 tonnes pour 261 mètres pour le Charles De Gaulle. Avec un équipage de 2.000 marins, il pourra embarquer 30 avions de combat.

Le risque d'un "choc dans trois, quatre ans" face à la Russie évoqué par les armées fait craindre que les budgets ne filent vers des priorités plus pressantes.

De récents propos du chef d'état-major des armées, le général Fabien Mandon, jugeant qu'on "ne peut pas se contenter de reproduire un outil qui a été conçu à la moitié du siècle dernier", semblent mettre aussi en question le concept du porte-avions.

Le général a notamment souligné le "besoin de permanence à la mer" du bâtiment et sa capacité d'emport de "drones de tous types".

Un seul bâtiment, en l'occurence le Charles De Gaulle, est disponible 65% du temps, selon la Marine. Un décalage de la construction et donc de l'entrée en service de son successeur laisserait la Marine sans porte-avions.

Une étude menée à l'occasion du prochain arrêt technique majeur du Charles De Gaulle permettra de dire en 2029 si le bâtiment peut être prolongé de quelques années au-delà de 2038, en fonction de l'état de ses chaufferies nucléaires et de sa structure.

Le président français Emmanuel Macron a fait cette annonce lors d'une visite aux Emirats arabes unis, allié militaire avec lequel Paris souhaite renforcer son "partenariat stratégique" et dont il espère plus de coopération dans sa lutte contre le narcotrafic.


Macron aux Emirats pour fêter Noël avec les forces françaises

Le président français Emmanuel Macron (à gauche) serre la main du président des Émirats arabes unis, Sheikh Mohamed ben Zayed Al Nahyan, lors d'une rencontre au musée national Zayed à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (à gauche) serre la main du président des Émirats arabes unis, Sheikh Mohamed ben Zayed Al Nahyan, lors d'une rencontre au musée national Zayed à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, le 21 décembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron est en visite aux Émirats arabes unis pour célébrer Noël avec les 900 soldats français déployés et renforcer le partenariat stratégique, notamment en matière de défense et de sécurité

ABOU DHABI: Emmanuel Macron a entamé dimanche matin une visite aux Emirats arabes unis pour célébrer Noël avec les forces françaises qui y sont déployées et vanter son partenariat avec ce pays du Golfe, dont Paris espère plus de coopération dans sa lutte contre le narcotrafic.

Le président français, accompagné notamment de sa ministre des Armées Catherine Vautrin, est arrivé en fin de matinée (en heure locale) à Abou Dhabi, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Il doit tout d'abord visiter le musée national Zayed. Puis il aura un entretien avec le président émirati, Sheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyane, afin d'évoquer "le renforcement du partenariat stratégique" entre leurs pays, selon la présidence française, qui souligne leur coopération "en matière de sécurité et de défense".

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Le président français Emmanuel Macron (à gauche) marche aux côtés du président des Émirats arabes unis, Sheikh Mohamed ben Zayed Al Nahyan, lors d'une visite au musée national Zayed à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, le 21 décembre 2025. (AFP)

La France travaille avec les Emirats sur le plan militaire, plus de 900 soldats français y étant déployés sur trois bases.

C'est devant eux qu'Emmanuel Macron doit s'exprimer dimanche après-midi, avant de partager un dîner de Noël préparé par les chefs cuisiniers de l'Elysée.

Selon la tradition, le président français célèbre les fêtes de fin d'année auprès des troupes déployées à l'étranger. Les Emirats ont été choisis cette fois car "la région cristallise un ensemble de crises", a précisé la présidence française cette semaine.

- "Guerre" du narco -

La France coopère avec les Emirats sur un éventail de domaines allant de l'intelligence artificielle à la culture, en passant bien sûr par le commerce. Le pays pétrolier est son premier client en termes d'exportations au Proche et Moyen Orient, selon l'Elysée.

Paris veut désormais s'assurer de l'appui des Emirats dans la "guerre" déclarée par le gouvernement français au narcotrafic.

D'importants narcotrafiquants originaires de France s'y seraient installés, notamment à Dubaï, et se sont parfois constitué des patrimoines immobiliers imposants.

Le sujet est omniprésent en France depuis l'assassinat en novembre de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic, abattu en plein jour à Marseille.

Mardi, à Marseille, Emmanuel Macron a dit vouloir rechercher la coopération des pays où se trouvent certaines "têtes de réseau", afin de "pouvoir saisir leurs biens" et obtenir leur arrestation.

Son ministre de la Justice Gérald Darmanin a déjà réclamé en novembre aux Emirats arabes unis l'extradition d'une quinzaine de narcotrafiquants présumés recherchés par la France.

- Houthis -

Certains des soldats français déployés aux Emirats contribuent à la lutte contre le narcotrafic.

Sur l'imposante frégate "La Provence", des militaires de la marine tentent de repérer et d'intercepter des bateaux transportant de la drogue.

Ils se trouvent à proximité de l'océan Indien, une route importante. Les trafiquants passent souvent par le golfe d'Aden, vers la Somalie ou le Yémen, ou alors vers l'Afrique de l'Ouest.

En 2025, "plus d'une vingtaine de tonnes de drogue" ont déjà été saisies par la marine française dans la zone de l'Océan Indien, soit une valeur marchande pouvant atteindre plusieurs centaines de millions d'euros, selon le commandant de frégate Pascal Forissier.

Autant de stupéfiants sortis du marché. Mais, reconnaît le militaire, les saisies ne représentent "qu'une petite partie" de toute la drogue en circulation.

Le narcotrafic ne constitue qu'une facette de leurs responsabilités. La France participe à l'opération Aspides, qui protège les bateaux contre les frappes des Houthis en mer rouge.

En plus de cela, les soldats français aux Emirats sont engagés dans l'opération Chammal, au sein de la coalition contre le groupe Etat islamique.

D'après la présidence française, la présence des troupes aux Emirats illustre la volonté de la France de conserver une capacité "d'action autonome dans un contexte international tendu".

Lundi, Emmanuel Macron devrait être aux premières loges pour observer les moyens militaires français dans la zone au cours d'une démonstration organisée pour conclure sa visite.


Lancés vers 2027, Bardella et Mélenchon préparent leur lutte finale

Jordan Bardella (à gauche), président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN), posant lors d'une séance photo à Paris le 31 janvier 2024, et Jean-Luc Mélenchon, alors candidat du parti de gauche « La France insoumise » aux élections présidentielles françaises de 2017, posant lors d'une séance photo à Paris le 24 janvier 2017. (AFP)
Jordan Bardella (à gauche), président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN), posant lors d'une séance photo à Paris le 31 janvier 2024, et Jean-Luc Mélenchon, alors candidat du parti de gauche « La France insoumise » aux élections présidentielles françaises de 2017, posant lors d'une séance photo à Paris le 24 janvier 2017. (AFP)
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  • À un an et demi de la présidentielle, Jordan Bardella et Jean-Luc Mélenchon installent déjà le récit d’un duel annoncé entre l’extrême droite et la gauche radicale
  • Tandis que le RN estime qu’un face-à-face avec Mélenchon faciliterait la victoire de Bardella, les Insoumis jugent au contraire le président du RN plus fragile que Marine Le Pen

PARIS: Quatre décennies les séparent. Vingt points dans les sondages, aussi. Favoris de leurs camps respectifs à un an et demi de la présidentielle, Jordan Bardella et Jean-Luc Mélenchon installent déjà à distance le récit de leur affrontement final.

Pour provoquer un duel, il faut désigner l'adversaire. Jordan Bardella a choisi le sien et ne manque pas une occasion ces derniers mois de cibler un Jean-Luc Mélenchon qui "met de l'huile sur le feu" et "veut l'implosion du pays", incarnation d'une "menace qui pèse sur nos valeurs".

Du haut de ses 30 ans, le jeune président du Rassemblement national cherche aussi à discréditer son aîné, âgé de 74 ans, en l'accusant systématiquement de "s'être allié" à Emmanuel Macron aux dernières législatives. L'épouvantail insoumis, "main dans la main" avec le président repoussoir "pour m'empêcher de devenir Premier ministre", se lamente presque le remplaçant désigné de Marine Le Pen - en cas d'inéligibilité confirmée en appel.

Un acharnement justifié par ce constat: "Il est à gauche celui qui a la possibilité d'emmener son camp au second tour de l'élection présidentielle". Le parti à la flamme étant, dans tous les pronostics, déjà qualifié pour la finale, inutile donc de s'épuiser contre des outsiders.

"À part Marine et Jordan, y a rien d'autre", résume un eurodéputé RN, qui reconnait quelques qualités au tribun de la gauche radicale: "Il sait s'exprimer, il a du talent", et surtout "il a un socle d'adhésion en dessous duquel il ne peut pas descendre".

La question n'est donc "pas de savoir s'il est le meilleur", de toute façon "c'est lui qui sera au second tour", ajoute ce cadre du mouvement d'extrême droite, pour qui ce scénario "rend plus simple l'élection". Chacun ayant en tête le récent sondage prédisant une victoire écrasante (74% contre 26%) de M. Bardella dans un second tour face à M. Mélenchon.

Un proche de Mme Le Pen faisait la même analyse au début de l'automne: "Pour gagner, il vaut mieux être contre un Mélenchon" jugé "très clivant", même si "une partie des gens votera moins pour nous que contre lui".

- "Bardella, c'est plus simple" -

Du côté des Insoumis, cela fait plus de 10 ans, avant même la création de LFI, que Jean-Luc Mélenchon prophétise: "à la fin ça se terminera entre eux et nous". Comprendre l'extrême droite et la gauche radicale.

Et ils sont persuadés que cette fois, leur fondateur pourrait accéder au second tour après trois échecs - à chaque fois derrière Marine Le Pen. Et que Jordan Bardella, en raison de son manque d'expérience et son profil plus libéral que la patronne du RN, ferait un meilleur adversaire que cette dernière.

"Bardella, c'est plus simple que Marine Le Pen au second tour. Il apprend par coeur mais il ne réfléchit pas par lui-même. Il peut s'effondrer pendant la campagne, comme lors des législatives l'année dernière", assure le coordinateur de LFI Manuel Bompard, alors que le mouvement mélenchoniste a acté que l'option Bardella était "la plus probable" pour le parti d'extrême droite en 2027.

Et suit de près son activité à Bruxelles.

"Sur cette dernière année, Bardella a déposé beaucoup plus d'amendements que lors tout son mandat précédent. Et il donne beaucoup plus de conférences de presse. Il fait ça pour la présidentielle, c'est évident", assure la cadre insoumise Manon Aubry, élue au Parlement européen depuis 2019 comme le président du RN.

"À LFI, je suis un peu l'anti-Bardella, je surveille de près ce qu'il fait au Parlement européen où il profite de la moindre médiatisation pour voter contre les droits des femmes ou les droits des LGBT", ajoute-t-elle, en précisant: "Il y aura de quoi avoir beaucoup de munitions pour Jean-Luc Mélenchon pour un éventuel débat d'entre-deux tours, s'ils sont tous les deux candidats".

Les Insoumis restent persuadés que la "magie du second tour" pourrait opérer, malgré les sondages très défavorables et à la faveur de la dynamique de campagne, pour qu'un "front républicain anti-RN" puisse se mettre en place.

Et tant pis si des responsables macronistes, comme Elisabeth Borne, refusent publiquement de choisir entre les deux. "Je suis incapable de voter pour Jean-Luc Mélenchon", a déclaré l'ancienne Première ministre, pourtant connue pour son engagement contre l'extrême droite.