Un an de Covid, et des étrangers en France dans la nasse de la dématérialisation

Une photo prise le 23 janvier 2021 montre le poste frontière fermé d'Ispéguy à Saint-Etienne de Baigorry, dans le sud-ouest de la France. (Gaizka Iroz/AFP)
Une photo prise le 23 janvier 2021 montre le poste frontière fermé d'Ispéguy à Saint-Etienne de Baigorry, dans le sud-ouest de la France. (Gaizka Iroz/AFP)
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Publié le Vendredi 16 avril 2021

Un an de Covid, et des étrangers en France dans la nasse de la dématérialisation

  • Locaux fermés au public, demandes traitées par la poste, rendez-vous reportés aux calendes grecques par le système internet, délais allongés: début mars, la préfecture des Alpes-Maritimes a admis l'existence de nombreuses "situations problématiques"
  • Non moins de 1.400 référés en trois mois, pour manque de récépissé ou de rendez-vous

NICE : "Au premier confinement, j'avais des papiers. Depuis ça, je me suis fait virer": en France, des milliers d'étrangers se retrouvent dans la nasse, incapables de renouveler à distance leurs titres de séjour auprès de préfectures engorgées et inaccessibles depuis l'épidémie de Covid-19.

Gauthier Tchoutang Nkweya, 33 ans, né au Cameroun, père de quatre enfants avec sa compagne française, fait partie de ces administrés qui ont perdu leur travail par manque d'un récépissé de la préfecture et dans l'impossibilité d'avoir rendez-vous au service des étrangers dont il dépend pour renouveler son titre de séjour.

"Au premier confinement, j'avais des papiers. Comme c'était périmé au mois de janvier (2020), ils ont prorogé, trois mois, six mois, et ça me permettait de travailler", raconte le père de famille dans le bureau de son avocat. "J'ai ramené des sous, tout le monde était content. Mon patron me renouvelait. Mais un jour, il m'a dit +Gauthier, franchement, je peux plus rien faire, le boss me prend la tête, il faut tes papiers et dans ton cas, tu devrais en avoir+".

Arrivé sur la Côte d'Azur avec une carte de séjour délivrée dans la Manche et bataillant depuis six ans pour la renouveler dans les Alpes-Maritimes, M. Tchoutang Nkweya a reperdu son travail.

Un jeune Philippin, marié, un enfant, a lui perdu tout revenu depuis le 25 février malgré son contrat de cuisinier à Nice. La préfecture a reçu son dossier de renouvellement de carte de séjour selon l'accusé réception du courrier recommandé consulté par l'AFP mais il n'a aucun récépissé permettant de travailler. Il a peur de donner son nom ou son âge par peur de gêner son employeur qui a lui peur d'être en infraction en employant un étranger sans titre.

Explosion des contentieux

Locaux fermés au public, demandes traitées par la poste, rendez-vous reportés aux calendes grecques par le système internet, délais allongés: début mars, la préfecture des Alpes-Maritimes a admis l'existence de nombreuses "situations problématiques" générant une masse de contentieux au tribunal administratif de Nice. Ce dernier enregistre des dizaines de requêtes en urgence par mois de la part de résidents étrangers.

Selon des chiffres du Conseil d'Etat, le problème s'étend au-delà des Alpes-Maritimes. La saisine des tribunaux administratifs de Paris, Montreuil, Melun, Versailles ou Lyon, explose. En ajoutant Nice, ce sont pas moins de 1.400 référés en trois mois, pour manque de récépissé ou de rendez-vous.

A Lyon, le compteur de ces référés s'est affolé à partir de septembre. Il a atteint 101 requêtes en un trimestre contre 95 sur toute l'année 2020 et à peine 25 en 2019. A Paris, les magistrats enregistrent 385 requêtes depuis janvier, un chiffre qui augmente chaque mois.

A Versailles, c'est six fois plus qu'au premier trimestre 2020. A Melun, la hausse est de 170% et Montreuil totalise en trois mois le triple de référés qu'au cours des deux dernières années réunies.

Pour Gauthier Tchoutang Nkweya, l'absence de renouvellement de ses papiers a entraîné la dégringolade.

A découvert de 200 euros, son compte bancaire a été fermé. Une dette de loyers impayés datant de périodes antérieures sans récépissé pour travailler a conduit à l'expulsion de la famille en juillet. Ils ont retrouvé un toit transitoire loué via une association. "Je vais être franc, j'ai jamais miséré dans ma vie comme ici", dit Gauthier.

"Inaccessibilité totale"

Si Gauthier accepte de témoigner, c'est parce que son récépissé est finalement arrivé le 25 mars. Erreur ou pas, le document indique qu'il est primo-demandeur alors qu'il a obtenu sa première carte de séjour en 2013 dans la Manche.

Il a fallu une saisine du Défenseur des droits et un recours à un avocat pour que la situation se débloque. "Sans tout ça, les gens se retrouvent sans rien", déplore Me Zia Oloumi qui cite le cas d'une aide-ménagère cap-verdienne de 56 ans pour qui la machine s'est aussi récemment grippée.

L'impossibilité de parler à quelqu'un et la dématérialisation aggravent aussi la barrière de la langue. D'un geste, Me Oloumi montre les 10 centimètres d'épaisseur de documents donnant les indications de la préfecture sur la marche à suivre à distance. "Ca a changé plusieurs fois. Le confinement a quadruplé les problèmes car l'inaccessibilité est totale. Au téléphone, ils ne répondent pas. Par email, ils ne répondent pas. Etc.", peste l'avocat.

Un couple philippin, perdu malgré une vingtaine d'années à travailler entre Nice et Monaco, a vécu des semaines d'angoisse. Le renouvellement de la carte de séjour des époux, une formalité jusqu'à présent, a traîné. Hasard de la procédure à distance, monsieur n'a jamais été convoqué alors que les deux dossiers avaient été postés le même jour. La boule au ventre, ils sont allés à la convocation de madame, lui dehors, elle dedans. Au guichet, elle a pu exposer et dénouer la situation.

 


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.


Quatre associations musulmanes portent plainte contre un sondage Ifop

Le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, pose dans la grande mosquée de Lyon le 30 septembre 2025. (AFP)
Le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, pose dans la grande mosquée de Lyon le 30 septembre 2025. (AFP)
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  • Les Conseils départementaux du culte musulman (CDCM) du Loiret, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris après la publication le 18 novembre du sondage Ifop
  • Les CDCM sont l'échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l'islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021

PARIS: Quatre associations du culte musulman ont porté plainte lundi pour dénoncer le manque d'objectivité supposé d'un sondage Ifop sur le rapport des fidèles à l'islam, ont annoncé leurs avocats à l'AFP.

Les Conseils départementaux du culte musulman (CDCM) du Loiret, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris après la publication le 18 novembre du sondage Ifop "Etat des lieux du rapport à l'islam et à l'islamisme des musulmans de France".

Les CDCM sont l'échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l'islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021.

Ce sondage "viole le principe d'objectivité posé par la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et la diffusion des sondages d'opinion", se "fonde sur des questions orientées" et se "focalise sur des résultats minoritaires mis en avant à des fins polémiques", accusent les avocats Mes Raphaël Kempf et Romain Ruiz, dans un communiqué.

Selon eux, le sondage distille "le poison de la haine dans l'espace public", renforçant "les amalgames".

Contacté par téléphone, François Kraus, directeur du pôle politique/actualités de l'Ifop, a indiqué qu'il répondrait à l'AFP par écrit, ce qu'il n'avait pas fait dans l'après-midi.

Le CFCM avait déjà dans un communiqué vendredi déploré "une nouvelle mise à l’index des citoyens français de confession musulmane et de leurs pratiques religieuses", avec des analyses et données "contestables".

L'enquête Ifop, basée sur un échantillon de 1.005 personnes de religion musulmane, a été commandée par le média confidentiel "Ecran de veille", qui se présente comme "le mensuel pour résister aux fanatismes".

L'attention médiatique et politique s'est beaucoup focalisée sur le sous-échantillon des 15-24 ans, constitué de 291 personnes, et révélant une forte pratique (87% se considèrent religieux, 67% disent prier "au moins une fois par jour", 83% font le ramadan)

François Kraus écrit dans sa conclusion sur le site de l'Ifop que "cette enquête dessine très nettement le portrait d'une population musulmane traversée par un processus de réislamisation, structurée autour de normes religieuses rigoristes et tentée de plus en plus par un projet politique islamiste".

Le sondage a provoqué de vives réactions, l'extrême droite y voyant un signe d'"islamisation", tandis que des représentants de la communauté musulmane ont regretté "une stigmatisation".

"A mal poser les questions, on finit toujours par fabriquer les peurs qu’on prétend mesurer", affirmait dans son billet hebdomadaire le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz.

Le politiste Haouès Seniguer qualifie pour sa part de raccourci "grossier et réducteur" l'idée, sous-jacente selon lui au sondage, qu'une observance stricte de l'islam soit la porte d'entrée mécanique vers l'islamisme.


Macron invité de RTL mardi matin

 Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué. (AFP)
Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué. (AFP)
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  • Après sa participation au G20 ce week-end à Johannesburg et une visite au Gabon, le chef de l'Etat Français a décollé lundi pour l'Angola, où il doit participer au sommet Union européenne-Union africaine
  • Emmanuel Macron se rendra notamment jeudi à Varces (Isère), sur un site de l'armée de terre, où il pourrait annoncer l'instauration d'un service militaire volontaire

PARIS: Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué.

Le président de la République sera notamment interrogé sur la situation internationale, alors qu'une nouvelle réunion de la "coalition des volontaires" au soutien de l'Ukraine est prévue mardi en visioconférence.

Après sa participation au G20 ce week-end à Johannesburg et une visite au Gabon, le chef de l'Etat a décollé lundi pour l'Angola, où il doit participer au sommet Union européenne-Union africaine.

M. Macron sera aussi interrogé sur "les menaces qui pèsent sur la France", selon le communiqué de RTL.

Emmanuel Macron se rendra notamment jeudi à Varces (Isère), sur un site de l'armée de terre, où il pourrait annoncer l'instauration d'un service militaire volontaire.