Le rapport rwandais sur le génocide conclut à «une lourde responsabilité» française

Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta, déclare que le rapport commandé par Kigali sur le génocide de 1994 a conclu que la France «a permis un génocide qui était prévisible» et porte donc «des responsabilités évidentes.» (Photo, AFP)
Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta, déclare que le rapport commandé par Kigali sur le génocide de 1994 a conclu que la France «a permis un génocide qui était prévisible» et porte donc «des responsabilités évidentes.» (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 20 avril 2021

Le rapport rwandais sur le génocide conclut à «une lourde responsabilité» française

  • Durant le mandat de Mitterrand, Paris savait qu'un génocide se préparait mais a continué à apporter «un soutien indéfectible» au régime hutu
  • Le génocide a débuté le 7 avril 1994: En quelques heures, des milices hutu ont commencé à tuer des Tutsi, à grande échelle et avec une brutalité extrêmes

KIGALI: Paris et Kigali ont de concert envisagé lundi un «nouveau chapitre» de leurs relations compliquées, après la publication d'un rapport commandé par les autorités rwandaises qui conclut à «une lourde responsabilité» française dans le génocide des Tutsi en 1994, sans toutefois accuser la France de complicité.

Cette enquête de près de 600 pages, commandée en 2017 par le Rwanda au cabinet d'avocats américain Levy Firestone Muse, qualifie la France de «collaborateur indispensable» du régime hutu qui a orchestré le massacre en trois mois de plus de 800 000 personnes, essentiellement au sein de la minorité tutsi, selon les chiffres de l'ONU.

Le rapport rejette aussi l'idée que Paris était «aveugle» face au génocide «prévisible» qui se préparait, comme l'a récemment estimé une commission d'historiens français dirigée par Vincent Duclert, laquelle a toutefois dénoncé des responsabilités «lourdes et accablantes» de la France dans la tragédie.

Selon les auteurs du rapport, qui ont étudié plusieurs millions de pages de documents et interviewé plus de 250 témoins, la France alors présidée par François Mitterrand savait qu'un génocide se préparait mais a continué à apporter «un soutien indéfectible» au régime hutu du président Juvénal Habyarimana, même lorsque ses intentions génocidaires «étaient devenues patentes».

Le génocide a débuté le 7 avril 1994, au lendemain de l'attentat contre l'avion du président Habyarimana, abattu au dessus de Kigali. En quelques heures, des milices hutu ont commencé à tuer des Tutsi et des Hutu modérés, à grande échelle et avec une brutalité extrêmes. 

Le rôle de la France dans le génocide au Rwanda reste un sujet explosif depuis plus de 25 ans et empoisonne les relations entre Paris et Kigali, où Paul Kagame, ancien chef de la rébellion majoritairement tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), est au pouvoir depuis que celle-ci a mis fin au génocide en renversant le régime hutu.

Or si l'enquête publiée lundi conclut que «l'Etat français porte une lourde responsabilité pour avoir rendu possible un génocide prévisible», elle n'a pu établir de preuves de complicité française dans les tueries qui se sont déroulées entre avril et juillet 1994.

Perspective de «réconciliation»

«Je pense que la France n'a pas participé à la planification du génocide et que les Français n'ont pas participé aux tueries et aux exactions», a réagi le ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta, dans un entretien au quotidien français Le Monde, en assurant que «le gouvernement rwandais ne portera pas cette question devant une cour».

Kigali a dans le passé à plusieurs reprises accusé la France de complicité dans le génocide des Tutsi. En 2014, le président Kagame avait dénonce le «rôle direct» de la France «dans la préparation politique du génocide» et sa «participation (...) à son exécution même».

Pour le chef de la diplomatie rwandaise, la publication de ce rapport va «contribuer à la réconciliation entre la France et le Rwanda».

Tout en relevant la «qualité exceptionnelle» du rappport Muse, le gouvernement rwandais a aussi salué dans un communiqué «les initiatives positives entreprises par le gouvernement français sous la direction du président Emmanuel Macron» et «la perspective d'un nouveau chapitre dans les relations» entre les deux pays.

La présidence française a de son côté salué «la volonté exprimée par autorités rwandaises d'écrire une histoire partagée et de se projeter dans un avenir commun» et annoncé la venue à Paris le 18 mai du président Kagamé dans le cadre d'un sommet sur le financement des économies africaines. Emmanuel Macron a quant à lui l'intention de «se rendre au Rwanda cette année».

Les rapports Duclert et Muse «donnent lieu à des conclusions qui ne sont pas les mêmes mais ont le point commun de bouger les lignes et d'ouvrir un espace politique nouveau», s'est félicitée la présidence française, en notant que «le rapport Duclert écarte la notion de complicité de génocide et les autorités rwandaises ne la retiennent pas non plus».

Alors que le rapport Muse accuse la France d'avoir mené ces 25 dernières années «une opération de camouflage afin d'enterrer son passé au Rwanda», Paris a annoncé le 7 avril dernier l'ouverture au grand public d'importantes archives, notamment celles de M. Mitterrand, 27 ans jour pour jour après le début du génocide. 


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.