Tchad/France/Sahel: Les conséquences de la disparition d’Idriss Déby

Le président tchadien Idriss Deby, le 30 juin 2004 (Photo, AFP/ Archives)
Le président tchadien Idriss Deby, le 30 juin 2004 (Photo, AFP/ Archives)
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Publié le Vendredi 23 avril 2021

Tchad/France/Sahel: Les conséquences de la disparition d’Idriss Déby

  • Le Tchad est d’une importance stratégique dans le pré carré français en Afrique, et le risque d’instabilité d’une zone conflictuelle par excellence s’accroît
  • Les pays occidentaux, et à leur tête les États-Unis, craignent un vide après la disparition de Déby, précieux allié dans la lutte contre les groupes extrémistes

PARIS: L’annonce de la mort du président tchadien Idriss Déby, le 20 avril, plonge le pays dans l’incertitude. À N’Djamena, comme dans d’autres capitales africaines et à Paris, la période post-Déby est appréhendée par tous les protagonistes. Au Tchad, au Sahel, et en Afrique centrale, l’inquiétude prévaut, à la suite de la disparition de celui qui a été l’homme fort du Tchad pendant trois décennies.  

Pour Paris, ce pays est d’une importance stratégique dans le pré carré français en Afrique, et le risque d’instabilité d’une zone conflictuelle par excellence s’accroît. Un tel événement pourrait influencer les évolutions au Darfour et en Libye, ainsi qu’au Mali et au Niger. Il est utile de rappeler que le disparu a été un allié solide de la France et des puissances occidentales dans la lutte contre le terrorisme, et face aux rébellions à l'ouest et au centre du continent. Déby, autocrate, mais aussi garant de la sécurité et de la stabilité, avait obtenu un fort soutien de la France, l’ancienne puissance coloniale.  

En 1991, c’est la France qui l’a aidé à s’installer au pouvoir après l’incursion de ses forces venant du Darfour au Soudan. En 2008, 2013 et 2019, Paris avait utilisé à plusieurs reprises la force militaire pour aider son allié tchadien à vaincre les rebelles qui tentaient de le renverser. À la suite de la mort de Déby, le président Macron, qui se rendra à ses obsèques, lui a rendu hommage en saluant «un homme de courage, un homme passionné de son pays». Tout en soulignant que la France «perd un ami courageux». 

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Le fils du président tchadien Idriss Déby, Mahamat Idriss Déby (Photo, AFP)

Les effets internes  

Soulignons que lors du dernier scrutin, Il n’y avait pas de suspense: après trente et un ans au pouvoir, Déby s’est octroyé un mandat supplémentaire. Son pouvoir absolu s’est fondé sur la répression, les revenus du pétrole et le soutien de la France. Mais il ne pouvait pas éviter la colère populaire et les plans échafaudés par les rebelles.  

Après la disparition de Déby, l’armée semble rester fidèle au maréchal du Tchad (bien que ce titre ne lui ait porté chance). Un conseil militaire de transition de 14 officiers a été créé, il est présidé par le général Mohammed Déby, le fils du défunt. Face à cette situation, Paris insiste pour une «transition pacifique» chez son allié dans le Sahel.  

En 2018, le Tchad a amendé sa Constitution, élargi les pouvoirs du président et étendu la durée du mandat présidentiel de cinq à six ans. Déby était donc censé se maintenir au pouvoir jusqu'en 2033… Mais son élection controversée pour un sixième mandat lui a été fatale. Le disparu tenait les rênes du pouvoir dans un pays qui est un grand producteur de pétrole (le pays produit 1,5 milliard de barils par an), et possède les plus grandes réserves d’or noir d'Afrique. 

Bien que le nom de Déby ait été associé à la stabilité, la justice sociale et la croissance économique n’ont pas été au rendez-vous. En effet, la population du Tchad, qui compte 17 millions d'habitants, est considérée comme l'une des plus pauvres du monde, selon les données de la Banque mondiale. Face à cette réalité, l'opposition a accusé le président tchadien d'utiliser les revenus pétroliers pour construire des réseaux clientélistes, et réprimer ses adversaires.  

Si plusieurs tentatives de coups d’État ou de rebellions ont été repoussées, cette fois, le président tchadien est tombé sur le champ de bataille. Il a été touché par les tirs de groupes armés (les circonstances de la mort du président demeurent floues et on n’exclut pas une traîtrise), alors que des manifestations de soutien à Déby et des manifestations demandant qu’il quitte le pouvoir – pour mettre fin aux problèmes sociaux et économiques du pays – avaient lieu.    

Dans les faits, des colonnes du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact), conduit par Mahamat Mahdi Ali, sont entrées en territoire tchadien le 11 avril, depuis leur base arrière libyenne. Mais l’opposition tchadienne est plus large, et englobe d’autres composantes et des associations de la société civile. Ces dernières réclament une alternance au pouvoir via un processus électoral. Elles s’inquiètent – comme dans d’autres parties de l’Afrique – du refus des dirigeants ou de l’armée de céder le pouvoir ou d’assurer une alternance. 

Le Tchad n’échappe pas à cette régression de la démocratie. À l’heure actuelle, Il semble que trois scénarios se présentent au Tchad après le meurtre de Déby: la succession avec le fils de Déby, et le maintien du conseil militaire de transition; la percée de l’opposition; la montée de nouvelles figures militaires. 

Outre ce scénario, si le sentiment anti-Déby gagne du terrain, l’opposition, les jeunes, et certains membres du clan Zaghawa auquel appartiennent les Déby pourraient se mobiliser contre le successeur Mohammed (un général de 30 ans). Le risque de la confrontation n’est pas écarté, et les suites des événements pourraient dans ce cas dépendre de la loyauté des forces de l’ordre, essentiellement composées de membres du clan Zaghawa. Et surtout des inclinations politiques de la France. 

Dimensions régionales et internationales  

Déby, dernier président tchadien du G5 Sahel et influent chef africain, a considérablement contribué à la stabilité de la région, et tout indique (hormis le soutien turc supposé à une partie de la rébellion) que seule l’opposition tchadienne cherchait son élimination. Outre l’hommage français appuyé, plusieurs leaders africains et autres dirigeants mondiaux ont tenu à exprimer leur solidarité avec le Tchad. 

En Libye voisine, l’inquiétude gagne du terrain chez les pro-Haftar, dont Déby était un allié fort. De son côté, le Soudan a exprimé sa crainte de répercussions directes sur la situation critique au Darfour. De même, l’Arabie saoudite a tenu à appeler les Tchadiens à un règlement pacifique.  

Dans les pays voisins, le président camerounais, Paul Biya, a déclaré que «la disparition du maréchal du Tchad est une immense perte pour l’Afrique centrale et notre continent. Il aura servi sans relâche, et durant de longues années». Enfin, Déby renouait les relations de son pays avec Israël. 
Au niveau international, les pays occidentaux, et à leur tête les États-Unis, craignent un vide après la disparition de Déby, précieux allié dans la lutte contre les groupes extrémistes, y compris Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, et les groupes liés à Al-Qaïda et à l'État islamique dans la région du Sahel. 


L'Inde cherche à porter la voix du « Sud global » entre le G7 et le Brics

Cette photographie prise et publiée par le Bureau d'information de la presse indienne (PIB) le 6 juin 2025 montre le Premier ministre indien Narendra Modi tenant le drapeau national lors de l'inauguration du pont ferroviaire de Chenab, qui fait partie de la liaison ferroviaire du Cachemire, à Reasi, dans l'État de Jammu-et-Cachemire. (PIB) / AFP)
Cette photographie prise et publiée par le Bureau d'information de la presse indienne (PIB) le 6 juin 2025 montre le Premier ministre indien Narendra Modi tenant le drapeau national lors de l'inauguration du pont ferroviaire de Chenab, qui fait partie de la liaison ferroviaire du Cachemire, à Reasi, dans l'État de Jammu-et-Cachemire. (PIB) / AFP)
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  • L'Inde n'est pas membre du Groupe des Sept (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada), mais elle est devenue une habituée de ses sommets, auxquels elle est régulièrement conviée depuis 2019.
  • « Nous contribuons activement à la diplomatie internationale et si cela peut servir de passerelle, c'est un atout pour la diplomatie internationale dans une période de relations difficiles et de tensions accrues », fait valoir M. Jaishankar.

PARIS : Invitée du G7 qui débute dimanche, mais aussi membre fondateur des Brics, l'Inde souhaite porter la voix du « Sud global », se posant en « passerelle » entre les différents acteurs de la scène internationale, affirme son ministre des Affaires étrangères dans un entretien à l'AFP.

L'Inde n'est pas membre du Groupe des Sept (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada), mais elle est devenue une habituée de ses sommets, auxquels elle est régulièrement conviée depuis 2019.

« Nous avons été un pays invité depuis plusieurs années et je pense que ça a été bénéfique pour le G7 », déclare à l'AFP Subrahmanyam Jaishankar depuis Paris, où il a clos samedi une visite en France, se félicitant d'avoir « la capacité de travailler avec différents pays sans qu'aucune relation ne soit exclusive ». 

Avec une population en passe de devenir la quatrième économie mondiale, l'Inde est l'un des pays les plus peuplés du globe. Elle siège à la table de nombreuses organisations, avec les Occidentaux au G7 ou au sein du « Quad » (Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, avec les États-Unis, le Japon, l'Australie), mais aussi avec la Chine, la Russie et l'Iran au sein des Brics et du Groupe de Coopération de Shangaï.

« Nous contribuons activement à la diplomatie internationale et si cela peut servir de passerelle, c'est un atout pour la diplomatie internationale dans une période de relations difficiles et de tensions accrues », fait valoir M. Jaishankar.

Ancienne colonie britannique, indépendante depuis 1947, l'Inde se pose, avec le Brésil, en héraut du « Sud global », qui réunit « des pays qui ont été victimes de l'ordre mondial ces dernières années, ces derniers siècles ». 

« Dans les pays du Sud, il existe un fort ressentiment face aux inégalités de l'ordre international, une volonté de le changer, et nous en faisons pleinement partie », explique le ministre en poste depuis 2019.

« Aujourd'hui, pour des pays comme les nôtres, il est important de nous exprimer, de mener, de faire sentir notre présence. »

Cette voix passe aussi par les BRICS, devenue « l'une des principales plateformes de rassemblement pour les pays non occidentaux », dont les chefs d'État se réuniront en juillet.

Partisan de « négociations directes » pour résoudre la guerre entre l'Ukraine et la Russie, qui a frappé durement les pays du Sud, M. Jaishankar affiche son scepticisme face aux politiques de sanctions occidentales : « Ça n'a pas vraiment marché jusqu'à présent, non ? » 

Partenaire commercial et allié politique de la Russie, l'Inde pourrait se retrouver exposée en cas de sanctions contre Moscou.

« L'économie mondiale est sous tension. Plus on ajoute des facteurs de tensions, plus les difficultés seront grandes. »

Dans l'ordre mondial actuel, l'Inde doit composer avec la « discontinuité » posée par Donald Trump.

Des négociations en cours sur le sujet ont « bien avancé ».L'Inde doit également chercher « un équilibre » avec la Chine. 

Pékin soutient Islamabad, que New Delhi accuse de soutenir les activités de « terroristes » islamistes sur son sol.

Le 22 avril, une attaque au Cachemire indien a déclenché une confrontation militaire de quatre jours entre les deux pays, la plus grave depuis 1999. Narendra Modi a promis une « riposte ferme » à toute nouvelle attaque « terroriste », renforçant le spectre d'une escalade entre les deux puissances nucléaires.

« En 2008, la ville de Mumbai a été attaquée (plusieurs attentats jihadistes ont fait 166 morts) et nous avons commis l'erreur de ne pas réagir avec fermeté. Nous sommes déterminés à ne pas répéter ces erreurs. Si des terroristes pénètrent en Inde depuis et grâce au soutien d'un pays voisin, nous les poursuivrons et nous les châtierons ».

Mais l'Inde n'a jamais envisagé de recourir à l'arme nucléaire, assure-t-il : « Ces inquiétudes émanaient de personnes mal informées ».

 


Israël appelle les Iraniens à évacuer les zones proches de sites militaires

Des soldats et des membres d'une équipe de recherche et de sauvetage se rassemblent près de voitures endommagées dans la ville de Tamra, dans le nord d'Israël, à la suite d'une attaque à la roquette lancée par l'Iran dans la nuit du 15 juin 2025. (Photo par AHMAD GHARABLI / AFP)
Des soldats et des membres d'une équipe de recherche et de sauvetage se rassemblent près de voitures endommagées dans la ville de Tamra, dans le nord d'Israël, à la suite d'une attaque à la roquette lancée par l'Iran dans la nuit du 15 juin 2025. (Photo par AHMAD GHARABLI / AFP)
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  • L'armée a « demandé à toutes les personnes se trouvant actuellement dans des installations militaires en Iran, ou à proximité, d'évacuer immédiatement les lieux, précisant que leur vie était en danger ».
  • Le communiqué ne précise pas de coordonnées géographiques et n'est accompagné d'aucune carte permettant de localiser ces zones.

JERUSALEM : Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré dimanche dans un communiqué de son bureau avoir ordonné à l'armée israélienne d'émettre des avis d'évacuation à l'intention des habitants de Téhéran vivant à proximité de sites militaires.

Après cet ordre, l'armée israélienne a appelé les Iraniens à évacuer les zones « à proximité d'installations militaires » dans un communiqué publié sur le réseau social X en persan et en arabe.

L'armée a « demandé à toutes les personnes se trouvant actuellement dans des installations militaires en Iran, ou à proximité, d'évacuer immédiatement les lieux, précisant que leur vie était en danger ».

Le communiqué ne précise pas de coordonnées géographiques et n'est accompagné d'aucune carte permettant de localiser ces zones, contrairement aux communiqués de l'armée israélienne adressés aux Palestiniens de la bande de Gaza, où elle est en guerre contre le mouvement islamiste Hamas.

Cette décision fait partie d'un plan « visant à faire pression sur le régime » en créant des déplacements de population, a déclaré à l'AFP une source sécuritaire israélienne.


La Russie s'apprête à construire la première centrale nucléaire du Kazakhstan

Une vue aérienne montre le village d'Ulken (au premier plan) et le site proposé pour la centrale nucléaire près du village d'Ulken, situé sur les rives du lac Balkhash, à environ 400 kilomètres au nord d'Almaty, le 22 septembre 2024. (Photo de Ruslan PRYANIKOV / AFP)
Une vue aérienne montre le village d'Ulken (au premier plan) et le site proposé pour la centrale nucléaire près du village d'Ulken, situé sur les rives du lac Balkhash, à environ 400 kilomètres au nord d'Almaty, le 22 septembre 2024. (Photo de Ruslan PRYANIKOV / AFP)
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  • « Rosatom a été désigné chef de file du consortium international pour la construction de la première centrale nucléaire au Kazakhstan », a indiqué l'agence kazakhe pour l'énergie atomique.
  • Le Kazakhstan, immense ex-république soviétique et allié de Moscou, est le premier producteur mondial d'uranium (43 %) et le troisième fournisseur d'uranium naturel de l'Union européenne.

ALMATY, KAZAKHSTAN : Le géant russe du nucléaire Rosatom sera le principal constructeur de la première centrale nucléaire du Kazakhstan, ont annoncé samedi les autorités de ce pays d'Asie centrale, premier producteur mondial d'uranium, un chantier que convoitaient la France, la Chine et la Corée du Sud.

« Rosatom a été désigné chef de file du consortium international pour la construction de la première centrale nucléaire au Kazakhstan », a indiqué l'agence kazakhe pour l'énergie atomique.

Le Kazakhstan, immense ex-république soviétique et allié de Moscou, est le premier producteur mondial d'uranium (43 %) et le troisième fournisseur d'uranium naturel de l'Union européenne, mais souffre d'un manque cruel d'électricité pour sa consommation intérieure.

L'agence kazakhe dit désormais « étudier la question de l'obtention de financements publics à l'exportation aux dépens de la Fédération de Russie, conformément aux propositions de Rosatom ». 

Rosatom a salué la décision kazakhe dans un communiqué et promis « la construction d'une centrale nucléaire selon le projet le plus avancé et le plus efficace au monde, basé sur des technologies russes ».

« Les réacteurs VVER-1200 de troisième génération combinent des solutions techniques éprouvées avec les systèmes de protection active et passive les plus récents. Ces derniers ont été développés en stricte conformité avec les normes internationales de sécurité », a ajouté la société.

Rosatom (Russie), China National Nuclear Corporation (Chine), EDF (France) et Korea Hydro & Nuclear Power (Corée du Sud) faisaient partie des quatre entreprises pressenties.

L'agence ajoute qu'elle « continuera à travailler avec des partenaires étrangers pour former un consortium international efficace », sans donner plus de précisions. 

Ce projet de consortium international, qui n'a jamais été spécifié, s'inscrit dans la volonté du dirigeant kazakh Kassym-Jomart Tokaïev de maintenir de bonnes relations avec les grandes puissances.

Moscou, puissance historique en Asie centrale, a ainsi remporté cet appel d'offres aux dépens de la Chine, désormais incontournable dans la région. Cette annonce intervient quelques jours avant la venue du président chinois Xi Jinping au Kazakhstan pour un sommet « Asie centrale-Chine ».

La centrale, dont la construction a été validée lors d'un référendum sans surprise à l'automne, doit être bâtie près du village abandonné d'Ulken, dans le sud du pays, sur les bords du lac Balkhach, le deuxième plus grand d'Asie centrale.

En Ouzbékistan voisin, le géant russe Rosatom va construire une petite centrale nucléaire et a proposé au Kirghizistan un projet similaire.