Au Kurdistan d'Irak, des clubs de lecture pour "s'évader" du quotidien

Des membres d'un club de lecture se réunissent pour revoir un roman dans une librairie à Erbil, la capitale de la région kurde autonome du nord de l'Irak, le 9 avril 2021. Les huit clubs de lecture qui ont vu le jour au Kurdistan ces derniers mois s’attachent à donner aux auteurs locaux une plate-forme et de discuter régulièrement de récits abordant des problèmes sociaux. (Safin Hamed / AFP)
Des membres d'un club de lecture se réunissent pour revoir un roman dans une librairie à Erbil, la capitale de la région kurde autonome du nord de l'Irak, le 9 avril 2021. Les huit clubs de lecture qui ont vu le jour au Kurdistan ces derniers mois s’attachent à donner aux auteurs locaux une plate-forme et de discuter régulièrement de récits abordant des problèmes sociaux. (Safin Hamed / AFP)
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Publié le Dimanche 25 avril 2021

Au Kurdistan d'Irak, des clubs de lecture pour "s'évader" du quotidien

  • Les sujets de société, abordés dans les œuvres de fictions qui fleurissent, sont désormais régulièrement discutés dans les huit clubs de lecture du Kurdistan
  • Avec un passeport qui ne donne accès à quasiment aucun pays et qui suscite souvent des rejets de visas ou d'émigration, beaucoup d'Irakiens "lisent pour voyager"

ERBIL, Irak : Houda Kathem, 17 ans, attend anxieusement les commentaires concernant son premier roman, passé au grill des questions d'un club de lecture à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien où de jeunes auteurs donnent un souffle nouveau à la création littéraire locale.

"J'ai beaucoup appris en termes d'écriture et cela m'encourage à continuer", assure à l'AFP la jeune étudiante en médecine après avoir entendu les critiques de jeunes lecteurs, d'écrivains et de professeurs.

Après avoir publié une nouvelle en littérature jeunesse, le premier roman de la jeune autrice, intitulé "Barani Marg" ("Une pluie de morts" en kurde), raconte l'histoire d'un Kurde devenu militaire à 15 ans pour fuir des différends familiaux et une rupture amoureuse.

Une histoire partagée par plus d'un habitant de la région autonome du nord de l'Irak, ravagé par les conflits depuis 40 ans.

Ces sujets de société, abordés dans les œuvres de fictions qui fleurissent, sont désormais régulièrement discutés dans les huit clubs de lecture du Kurdistan qui mettent un point d'honneur à présenter des auteurs du cru local.

Dans la région où les récits se sont transmis durant des siècles de manière orale, le romancier Goran Sabah a ouvert la voie en créant son club de lecture en janvier, dans un café d'Erbil.

"Écoles d'ouverture"

Pour ce docteur en littérature de l'Université du Kansas aux Etats-Unis, "c'est le meilleur moyen d'échanger des idées et de créer un sentiment d'appartenance pour les jeunes", dans une région où la politique et une bonne part de l'économie sont tenues par deux clans familiaux peu désireux de laisser la place à une nouvelle génération.

En fait, affirme à l'AFP M. Sabah, tous ces cercles "sont des écoles d'ouverture: ils créent des générations qui gagnent en confiance et font changer la société" en butte à une pauvreté et un chômage grandissants et à des traditions conservatrices.

"Il y en a qui s'évadent en regardant le foot et d'autres qui préfèrent l'écriture ou la lecture", explique M. Sabah.

Pour son camarade de club de lecture, le professeur de kurde Bakhtyar Farouq, "les jeunes Kurdes écrivent pour exprimer leur colère et leurs souffrances, mais aussi pour s'évader". 

Car, avec un passeport qui ne donne accès à quasiment aucun pays et qui suscite souvent des rejets de visas ou d'émigration, beaucoup d'Irakiens "lisent pour voyager", assure le professeur à l'AFP. "On peut ainsi visiter Paris, par exemple, par la pensée."

La littérature kurde, aujourd'hui principalement publiée en sorani et en kurmanji, les deux dialectes du Kurdistan d'Irak, est peu traduite au-delà des frontières.

Quelques livres sont distribués en arabe, en farsi ou en turc, principalement à destination des Kurdes des pays voisins qui ne partagent pas toujours le même dialecte.

"Superhéroïne d'Erbil"

Mais "il manque une volonté politique: de nombreux pays dédient un budget à la diffusion de leur littérature à l'étranger, mais nous, pas encore", déplore M. Sabah.

Il existe toutefois la petite maison d'édition Nusyar Books, créée il y a deux ans à Copenhague, qui tente de faire rayonner la littérature kurde.

Elle récompense chaque année trois livres de jeunes auteurs et traduit actuellement en danois un recueil de poésie kurde moderne ainsi que deux romans vers le danois, l'anglais et le farsi. 

"C'est extrêmement difficile et coûteux de traduire et exporter la littérature kurde, mais c'est un rêve que je réalise", affirme à l'AFP son fondateur, Alan Pary, lui-même poète et traducteur.

L'un des deux romans qu'il entend faire connaître au monde est signé Goran Sabah et constitue une petite révolution au Kurdistan. Il s'agit en effet du premier ouvrage de science-fiction jamais écrit en kurde.

Le livre, "Les finisseurs de vie", s'attaque à la question ultra taboue en Irak du suicide, un phénomène en constante augmentation dans le pays.

L'action se situe en 2100, avec une jeune Kurde d'Erbil qui met fin à une vague de suicide après que les religions, les technologies et la science ont échoué à le faire.

L'auteur ne veut pas révéler la façon dont la jeune super-héroïne s'y prend, mais son oeuvre a visiblement séduit.

Publié fin février à 500 exemplaires, le roman est en rupture de stock et sera bientôt réimprimé.


Hoor al-Qasimi nommée directrice artistique de la Biennale de Sydney

Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
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  • Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre
  • Depuis 2017, Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique

DUBAÏ : La Biennale de Sydney a annoncé cette semaine la nomination de la commissaire d’expositions émiratie Hoor al-Qasimi au poste de directrice artistique de sa 25e édition, qui se tiendra du 7 mars au 8 juin 2026.

Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre et s’affirme en tant que première biennale établie dans la région Asie-Pacifique.

En 2009, Al-Qasimi a créé la Fondation d'art de Sharjah, dont elle est actuellement la présidente et la directrice. Tout au long de sa carrière, elle a acquis une vaste expérience dans la conception de biennales internationales, notamment en tant que commissaire de la deuxième Biennale de Lahore en 2020 et du Pavillon des Émirats arabes unis à la 56e Biennale de Venise en 2015.

Elle a également cocuraté la sixième édition de la Biennale de Sharjah en 2003 et en assure la direction depuis.

Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique depuis 2017.  Elle a précédemment siégé au conseil d'administration du MoMA PS1 à New York et à celui du Ullens Center for Contemporary Arts (UCCA), à Beijing, entre autres fonctions.

Elle est également directrice artistique de la sixième Triennale d'Aichi, qui se tiendra au Japon en 2025.

 


Cannes: le conflit israélo-palestinien en filigrane

L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
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  • Sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza
  • Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité »

CANNES, France : Un symbole palestinien ou un portrait d'otage: à l'heure où le conflit entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza embrase les campus et les réseaux sociaux, les stars présentes au 77e Festival de Cannes préfèrent afficher un soutien discret.

Ruban jaune accroché à la veste, l'acteur Philippe Torreton a gravi mardi les marches du Festival. Un symbole en soutien aux quelque 250 personnes prises en otage par le Hamas le 7 octobre.

L'actrice Leïla Bekhti, qui a récemment enregistré un message en faveur des enfants de Gaza pour l'Unicef, a arboré mercredi un pin's pastèque, l'un des symboles de la résistance palestinienne.

Des positionnements très discrets quant au conflit israélo-palestinien, au moment où sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza. Beyoncé et Kim Kardashian figurent parmi les cibles de cette mobilisation propalestinienne et ont déjà perdu des centaines de milliers d'abonnés.

En réponse, des célébrités comme Omar Sy, membre du jury à Cannes, ont mis en ligne en début de semaine un appel au cessez-le-feu sur Instagram.

Sur le tapis rouge cannois, le message le plus fort à propos de ce conflit est venu jusqu'ici d'une survivante de l'attaque du Hamas le 7 octobre, Laura Blajman-Kadar, vêtue d'une robe jaune affichant des portraits d'otages israéliens et une écharpe noire «Bring them home» («Ramenez-les à la maison»).

Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité, ont indiqué à l'AFP ses organisateurs.

Ce film, composé d'extraits des caméras et téléphones des assaillants du Hamas et d'images captées par des victimes et des secouristes, avait été diffusé le 14 novembre à l'Assemblée nationale en France. Des projections privées ont déjà eu lieu en marge de sommets comme Davos, selon les organisateurs.

- Haute surveillance -

Mais point de manifestation politique, ni côté public, ni côté montée des marches. Une discrétion à l'extrême, qui pourrait basculer avec la présentation vendredi à 18H00 de «La belle de Gaza», documentaire dans le milieu très fermé des femmes transgenres palestiniennes réfugiées à Tel-Aviv.

Même si le conflit israélo-palestinien, évoqué à travers la dureté des autorités pour les «clandestines» venues de Cisjordanie sans permis de travail, s'efface totalement dans ce film de Yolande Zauberman, supplanté par un autre type de conflit intime et universel.

Si aucun film palestinien n'est présent en sélection, «Vers un pays inconnu» du réalisateur danois d'origine palestinienne Mahdi Fleifel, suit deux jeunes cousins palestiniens se retrouvant en Grèce, après avoir fui un camp au Liban. Le film est présenté à la Quinzaine des cinéastes.

Au Marché du film, le plus grand au monde, le pavillon du «film arabe» a déroulé une grande banderole appelant à soutenir l'industrie des territoires occupés ou ses cinéastes en exil.

Le seul film israélien présenté cette année est le court-métrage d'Amit Vaknin, étudiante en cinéma à l'Université de Tel-Aviv. «It's no time for pop» s'attache à une jeune femme qui refuse de prendre part à des festivités patriotiques.

Le pavillon israélien a été maintenu, sous très haute surveillance, avec un filtrage sécuritaire drastique à l'entrée.

L'équipe de l'ambassade israélienne a déclaré à l'AFP avoir douté jusqu'au dernier moment du maintien de sa présence, moins d'une semaine après les manifestations monstre lors de l'Eurovision en Suède.

 


Pour sa nouvelle création, Angelin Preljocaj livre son «Requiem(s)»

Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
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  • Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes
  • Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal

AIX-EN-PROVENCE, France : De la tristesse, de la rage parfois mais aussi des moments de joie, le chorégraphe français Angelin Preljocaj présente ce week-end à Aix-en-Provence, en première mondiale, «Requiem(s)», un spectacle autour de toutes les facettes de la mort et du deuil.

«C'est un thème magnifique et puis l'année 2023 était une année assez dure pour moi personnellement. J'ai perdu beaucoup d'amis, mes parents aussi. Je me suis dit que c'était peut-être le moment de faire un requiem», confie M. Preljocaj à l'AFP.

Basé avec son ballet à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, au Pavillon noir, le chorégraphe d'origine albanaise est connu notamment pour ses ballets «Le Parc» et «Blanche-Neige», et ses collaborations fréquentes avec des artistes issus de la musique électro comme Air, le DJ Laurent Garnier et les Daft Punk.

Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes.

Pour ce spectacle, Angelin Preljocaj dit s'être longuement documenté, allant piocher des références entre autres chez le sociologue Émile Durkheim, qui expliquait que les hommes ont fait société quand ils ont commencé à donner une cérémonie pour leurs morts.

Les facettes de ce cérémonial ressortent tout au long du ballet, tantôt langoureux, tantôt très rythmé, parfois complètement frénétique, les danseurs jouant avec les différentes émotions liées au deuil.

«Ce n'est pas toujours triste, il y a beaucoup de joie dans le spectacle aussi, de la rage parfois, de la mélancolie», énumère le chorégraphe.

- De Mozart au métal -

Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal.

«Les musiques m'apportaient des nuances d'émotions différentes et j'avais envie de travailler avec ces choses-là, par exemple les cantates de Bach (1685-1750), Ligeti (1923-2006), Mozart (1756-1791)... et du métal. Je me suis beaucoup amusé avec ça», sourit Angelin Preljocaj.

Des décors aux costumes en passant par la lumière, les danseurs se retrouvent plongés dans une bichromie noire et blanche pudique, seulement troublée par quelques très rares touches de rouge.

Après une heure trente de danse, le public a applaudi de longues minutes.

«Un spectacle, c'est comme une photographie qu'on met dans le révélateur; le révélateur c'est le public, et ce soir c'était très très chaleureux», souffle le chorégraphe à l'issue de la générale.

Après les deux dates inaugurales au Grand Théâtre de Provence vendredi et samedi, une tournée à Paris et dans plusieurs autres villes de France, le spectacle reviendra au mois d'octobre à Aix puis sera joué le 4 décembre à Modène (Italie) puis en 2025 à Athènes, Madrid et Fribourg (Suisse).