Attaque de Rambouillet: la France rend hommage à la policière tuée

La maire de Rambouillet, Véronique Matillon prononce un discours à côté de la ministre de la Citoyenneté Marlene Schiappa , le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le président du Sénat Gerard Larcher lors d'un hommage à Stéphanie Monfermé le 26 avril 2021. (AFP)
La maire de Rambouillet, Véronique Matillon prononce un discours à côté de la ministre de la Citoyenneté Marlene Schiappa , le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le président du Sénat Gerard Larcher lors d'un hommage à Stéphanie Monfermé le 26 avril 2021. (AFP)
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Publié le Lundi 26 avril 2021

Attaque de Rambouillet: la France rend hommage à la policière tuée

  • Lundi, citoyens et forces de l'ordre rendent hommage à Stéphanie Monfermé, l'agente administrative assassinée vendredi
  • Trois jours après le choc, les habitants de cette commune paisible et cossue de 26 000 âmes au sud-ouest de Paris sont appelés à se réunir à 17h30 devant l'Hôtel de Ville pour un "moment de recueillement (...) sobre"

RAMBOUILLET: Un millier de personnes à Rambouillet, près de Paris, et des policiers rassemblés devant les commissariats de plusieurs villes de France: lundi, des hommages ont été rendus à Stéphanie Monfermé, l'agente administrative assassinée vendredi par un Tunisien de 36 ans radicalisé. 

Dans son discours prononcé sur les marches de l'Hôtel de Ville, la maire de Rambouillet Véronique Matillon a loué « la femme exceptionnelle » qu'était Stéphanie Monfermé qui « a consacré sa vie » aux « autres ». A ses côtés, les filles et l'époux de la victime ainsi que des reprèsentants de l'Etat.  

« Nous ne fléchirons pas devant une telle abomination », a promis la maire qui a passé sa main avec compassion sur le dos de la plus jeune des filles de la victime, en larmes. 

Trois jours après le choc, plus d'un millier de personnes ont salué la mémoire de Stéphanie Monfermé, même si « ça ne rendra pas leur mère à ses filles », soupire Claire Auber, retraitée de 72 ans. 

A l'appel notamment d'un syndicat de police, des fonctionnaires se sont également rassemblés lundi devant les commissariats dans plusieurs villes de France.  

Devant l'hôtel de police de Marseille (Sud), une cinquantaine d'agents ont marqué leur soutien, a constaté une journaliste de l'AFP.  

Comme tous les collègues de la victime, René Tardiff, agent administratif qui a côtoyé durant 26 ans Stéphanie Monfermé au sein du commissariat de Rambouillet, doit reprendre mardi le chemin du travail.  

Sans sa collègue originaire de la Manche (Nord) qu'il décrit comme « discrète, souriante, investie ». Une « passionnée » de danse country, mariée à un boulanger et mère de deux filles de 13 et 18 ans. 

« Je suis parti vendredi (23 avril) à midi », relate-t-il, « j'ai dit à Stéphanie 'Bonnes vacances et au 4 mai !' car elle partait en congés la semaine d'après ». 

Tout a basculé quelques heures après le départ de René, à 14H25. 

DES POLICIERS «INQUIETS » QUI SE SENTENT «CLAIREMENT VISÉS »

Maria, 37 ans à Paris 

« On n'a pas de mot : on est rentré chez nous pour nous faire du mal », confie cette policière qui travaille dans un service d'investigation et dont le prénom a été modifié. « On est inquiets, mais on n'a pas peur. Je suis inquiète pour ma famille, mes enfants, mon mari. On sait à quelle heure on part le matin, mais on ne sait pas si on les reverra le soir.  

Mais, ça renforce ma détermination. Je sais encore plus pourquoi je suis là. Je suis là pour aider la population. On a fait le choix de ce métier pas pour être des héros, mais parce que la société a besoin de policiers ». 

Céline, 40 ans à Nantes  

« On n'est jamais complètement en sécurité. Aujourd'hui, qu'on fasse notre métier ou un autre métier, on voit bien que tout le monde peut être touché. On a vu des professeurs, on voit des policiers, on voit des personnes lambda qui font des métiers au quotidien moins risqués que le nôtre finalement, donc oui, on se sent en danger, de plus en plus, évidemment, puisque là on est clairement visés ».  

Marc, dans les Yvelines  

« Depuis vendredi, j'ai l'impression que le commissariat est devenu une cible », explique ce membre de la compagnie départementale d'intervention des Yvelines et dont le prénom a été modifié.  

« C'est la psychose générale qui va recommencer (...) Maintenant, on fait tous attention dès qu'on descend de nos véhicules (...) Et par rapport à nos domiciles, on est beaucoup plus discrets. 

Avant Magnanville (où un couple de fonctionnaires de police a été tué à coups de couteau en juin 2016, ndlr) je sortais en panaché, je mettais un blouson et j'avais ma tenue en dessous. Aujourd'hui je rentre toujours en civil complet, même si ça me soule, qu'il est deux heures du matin, je prends plus le risque de rentrer en policier. Ma famille cache que je suis dans la police, je dis que je travaille dans le sport. »  

 Une adjointe administrative à Toulouse 

« Ça a été un choc très violent d'apprendre sa mort. Malheureusement, c'est quelque chose qu'on redoute tous, au même titre que les actifs (qui sont sur le terrain, ndlr), même si on n'est pas en uniforme, on peut tout de même être ciblé. La preuve en est, depuis vendredi... Heureusement, j'essaie de ne pas y penser chaque matin en me levant, mais c'est quelque chose qu'on a au fond de l'esprit. » 

Un policier à Lyon 

« Ce type de drame nous enterre chaque jour un peu plus. On n'attend plus rien des politiques, on ne croit plus en rien. On est nombreux à vouloir quitter la voie publique, voire carrément la police » 

« On sait que c'est un métier dangereux, mais on a quoi comme reconnaissance? Je suis policier parce que j'ai une famille à nourrir, mais j'ai envie de quitter le métier ». 

 

Radicalisation « peu contestable »  

Lorsque Stéphanie Monfermé regagne le commissariat après avoir régularisé le disque de stationnement de son véhicule, elle est agressée par un homme qui s'« engouffre derrière elle dans le sas » d'entrée, a décrit dimanche le procureur antiterroriste, Jean-François Ricard. 

Il lui a alors porté deux coups de couteau « à l'abdomen et à la gorge » et selon des témoins, a crié « Allah Akbar ». 

La fonctionnaire, qui n'était pas armée, est décédée sur place malgré l'intervention des pompiers. 

L'assaillant, abattu par un policier, a été identifié comme Jamel Gorchene, un Tunisien de 36 ans, à la radicalisation « peu contestable » et présentant « certains troubles de la personnalité », selon M. Ricard, qui a décrit l'attaque comme « la 17e action terroriste islamiste commise en France depuis 2014 contre les forces de l'ordre ». 

Vendredi et samedi, quatre personnes ont été placées en garde à vue: le père de Jamel Gorchene, qui habitait avec lui à Rambouillet, un couple habitant dans le Val-de-Marne (région parisienne) qui le domiciliait administrativement et un autre cousin. Dimanche, un autre de ses cousins a également été placé en garde à vue. 

Le couple a été relâché dimanche en fin de journée « sans poursuite à ce stade », selon une source judiciaire. 

Jamel Gorchene, chauffeur-livreur, était dépourvu de casier judiciaire et inconnu des services de renseignement et de la justice. Mais son mode opératoire correspond aux appels récurrents du groupe Etat islamique à s'attaquer aux forces de l'ordre. 

UNE NOUVELLE LOI ANTITERRORISTE PRÉSENTÉE MERCREDI DANS UN CONTEXTE SÉCURITAIRE ALOURDI

Le texte était « dans les tuyaux » avant l'attaque de Rambouillet mais tombe à point nommé pour le gouvernement: Gérald Darmanin présente mercredi en Conseil des ministres un projet de loi qui entérine et renforce des mesures déjà expérimentées en matière de renseignement et d'antiterrorisme. 

La coïncidence est « bien triste » mais « la dernière réunion d'arbitrage était concomitante à l'attentat » vendredi après-midi, confie à l'AFP un conseiller ministériel. 

Son inscription à l'ordre du jour du Conseil des ministres dès ce mercredi, une semaine après l'avis rendu par le Conseil d'Etat, était actée « depuis plusieurs jours », assure une source proche de l'exécutif, balayant la suspicion d'une accélération du calendrier après le drame survenu dans les Yvelines. 

Un an avant l'élection présidentielle, et alors que la sécurité fait partie - après la santé et la crise sanitaire - des principales préoccupations des Français selon les sondages, ce projet de loi est l'une des briques de l'exécutif dans sa riposte aux attaques de l'opposition sur ce terrain, émanant notamment de Xavier Bertrand et de Marine Le Pen, candidats déclarés à la course à l'Elysée. 

Ce meurtre au couteau d'une agente administrative par un Tunisien radicalisé, perpétré au sein-même d'un commissariat, alourdit la charge politique et symbolique d'un texte qui s'ajoute à la vingtaine de lois antiterroristes promulguées en France depuis 1986. 

« L'hydre islamiste est toujours très présente », ce qui justifie de continuer « à renforcer nos moyens pour lutter contre une menace qui évolue », a plaidé Gérald Darmanin dans le Journal du dimanche. 

Ce texte porté par le ministre de l'Intérieur n'est, pour l'essentiel, que le toilettage d'un arsenal de dispositions déjà existantes mais que l'exécutif voulait graver dans le marbre législatif. 

Fort de 19 articles, il vise principalement à conférer « un caractère permanent » aux mesures expérimentées dans le cadre de la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) votée en octobre 2017 pour sortir de l'état d'urgence en vigueur après les attentats de 2015, explique-t-on au ministère de l'Intérieur. 

Arrêter avec la « naïveté » 

Il s'agit-là des « visites domiciliaires » - les anciennes perquisitions administratives -, des mesures individuelles de contrôles (Micas) - ex-assignations à résidence -, de l'instauration de périmètres de sécurité et de la fermeture de lieux de culte. 

Le projet de loi apporte aussi de nouveaux outils et durcit certaines dispositions.  

Ainsi, les personnes condamnées à au moins cinq ans ferme (ou trois ans en récidive) pour terrorisme pourront faire l'objet de contraintes administratives « jusqu'à deux ans » après leur sortie de prison, contre un an aujourd'hui.  

Cette mesure peut être vue comme la réponse à la censure l'été dernier par le Conseil constitutionnel de l'essentiel d'une proposition de loi LREM prévoyant des « mesures de sûreté » pour les détenus terroristes sortant de prison. 

Le gouvernement souhaitait que les « visites domiciliaires », que Gérald Darmanin avait intensifiées après la décapitation de Samuel Paty en octobre 2020, puissent être menées en cas de simple « menace grave » et non plus en cas de menace d'une « particulière gravité », mais a choisi d'y renoncer après l'avis du Conseil d'Etat. 

Sur le volet renseignement, une révision de la loi de juillet 2015 est nécessaire face à « l'évolution des technologies et des modes de communication, qui se caractérisent, en particulier, par l'utilisation croissante d'outils de communication chiffrés », souligne-t-on au ministère.  

Ainsi, la durée autorisée pour recueillir des données informatiques sera portée à deux mois et les interceptions de correspondances échangées par voie satellitaires seront facilitées. 

Enfin et surtout, le texte propose que la technique controversée de l'algorithme, introduite dans la loi de 2015 et qui permet le traitement automatisé des données de connexion pour détecter les menaces, soit pérennisée, dans le respect du droit européen. 

Interrogé dans le JDD sur le risque d'atteinte aux libertés individuelles, Gérald Darmanin a demandé d'arrêter avec la « naïveté ». « Toutes les grandes entreprises utilisent des algorithmes. Et il n'y aurait que l’Etat qui ne pourrait pas les utiliser ? » 

Le projet de loi, dont la promulgation doit aboutir avant la fin juillet, promet de vifs débats au Parlement comme dans la rue, où il risque de provoquer une nouvelle levée de boucliers des défenseurs des libertés publiques. 

ANTITERRORISME: NUÑEZ PRÔNE UN «MEILLEUR PARTAGE D'INFORMATIONS» AVEC LA PSYCHIATRIE

Le coordonnateur national du renseignement, Laurent Nuñez, a souhaité lundi un « meilleur partage d'informations » entre les services de renseignement et de la psychiatrie dans la lutte antiterroriste, après l'attaque de Rambouillet par un assaillant présentant des « troubles de la personnalité ». 

« Nous travaillons avec le monde de la psychiatrie, il y a des réflexions qui sont en cours. L'idée qui est la nôtre, c'est qu'on pourrait avoir un meilleur partage d'informations », a expliqué M. Nuñez sur France Inter. 

Quand un individu « manifestement est sous l'emprise de la radicalisation religieuse, (...) consulte un psychiatre et fait état par ailleurs de troubles psychiatriques, on a la faiblesse de penser (...) qu'il serait utile peut-être que des services de renseignement puissent bénéficier » de ces informations, a ajouté l'ancien directeur général de la sécurité intérieure (DGSI). 

« Certains individus, qui peuvent être fragiles, avoir des troubles psychologiques à un moment de leur vie, sont sans doute plus influençables et plus perméables à ce genre de thèse et nous serions bien irresponsables de ne pas nous attaquer à ce problème », a-t-il ajouté. 

Jamel Gorchene, le Tunisien qui a tué au couteau vendredi Stéphanie M., agente administrative au commissariat de Rambouillet (Yvelines), avait bénéficié à sa demande de deux consultations psychiatriques le 19 et le 23 février, sans qu'elles débouchent sur une hospitalisation ou un traitement.  

Son père, actuellement en garde à vue avec deux cousins de l'assaillant, avait constaté « des troubles de comportement chez son fils en début d'année », selon le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard, et des membres de sa famille en Tunisie ont évoqué une « dépression ». 

Le projet de loi antiterroriste présenté mercredi par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin propose que les préfets, responsables du suivi des personnes radicalisées dans leur département, soient désormais également destinataires des informations relatives à leur prise en charge psychiatrique. 


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.


Des socialistes au RN, Lecornu reçoit ses opposants avant une grande journée d'action

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025.  (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu entame une série de réunions avec les oppositions avant une grande journée de mobilisation, dans un climat tendu marqué par les revendications sociales et les divergences sur le plan de redressement budgétaire

PARIS: Sébastien Lecornu reçoit mercredi ses opposants politiques, à la veille d'une journée importante de mobilisation sociale, sans grande marge de manœuvre pour discuter, au vu des lignes rouges qu'ils posent et des menaces de censure.

Tous les dirigeants de gauche - à l'exception de La France insoumise qui a refusé l'invitation -  ainsi que ceux du Rassemblement national vont défiler dans le bureau du nouveau Premier ministre, à commencer par les socialistes à 09H30.

Sébastien Lecornu a déjà échangé la semaine dernière avec les responsables du "socle commun" de la droite et du centre, ainsi que les syndicats et le patronat.

"Le premier qui doit bouger, c'est le gouvernement", a estimé pour sa part le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous, reçu mardi, ajoutant que "le sujet des retraites ne peut pas être renvoyé uniquement à 2027".

François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un "conclave" sur la réforme des retraites, qui s'est soldé par un échec. Puis il a présenté à la mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait hurler toutes les oppositions.

Mercredi, "ça va être un round d'observation. La veille des grosses manifs, on sera dur, exigeant. Ce qui se joue ce n'est pas au premier chef un sujet budgétaire", mais un "sujet démocratique" car ce sont les "battus qui gouvernent", anticipe un responsable socialiste.

- Gestes -

Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors qu'une mobilisation massive est attendue jeudi, de l'ordre de celles contre la réforme des retraites en 2023. Les syndicats contestent notamment les mesures budgétaires "brutales" de François Bayrou.

Avant d'entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l'opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, et promesse de ne pas rouvrir le conclave sur les retraites.

Il a aussi consacré son premier déplacement samedi à l'accès aux soins, avant d'annoncer la suppression très symbolique, dès l'an prochain, des avantages restants octroyés aux ex-Premiers ministres.

Les socialistes ont eux posé leurs conditions dès dimanche face aux offres appuyées de dialogue du Premier ministre.

Ils considèrent que le plan Bayrou "ne doit pas servir de base de discussion", alors que Sébastien Lecornu a l'intention d'en faire un point de départ, puis de mettre les parlementaires devant leur responsabilité pour l'amender.

- "Rupture" -

Mercredi, les socialistes viendront avec en main un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros - la fameuse taxe Zucman, qui enflamme ce débat budgétaire - à laquelle 86% des sondés sont favorables, dont 92% des sympathisants Renaissance et 89% des sympathisants LR.

Le Premier ministre a cependant déjà fermé la porte à cette taxe, tout en reconnaissant que se posaient "des questions de justice fiscale".

La taxe Zucman, "c'est une connerie, mais ils vont la faire quand même parce que ça permet d'obtenir un accord de non-censure" avec la gauche, a de son côté prédit mardi Marine Le Pen, sans pour autant fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés.

"Si la rupture consiste à un retour aux sources socialistes du macronisme, c'est contraire à l'aspiration majoritaire du pays", a également mis en garde la cheffe des députés RN, attendue à 16H00 à Matignon avec Jordan Bardella.

Un avertissement auquel le patron des députés LR Laurent Wauquiez a fait écho mardi en dénonçant "la pression du PS", craignant qu'il "n'y ait plus rien sur l'immigration, la sécurité ou l'assistanat" dans le budget.

Autre point au cœur des discussions, le niveau de freinage des dépenses. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a appelé dimanche à chercher un accord autour "de 35 à 36 milliards" d'euros d'économies, soit moins que les 44 milliards initialement prévus par François Bayrou, mais plus que les 21,7 milliards du PS.

"Les socialistes donnent l'air d'être déterminés et de poser des conditions mais c'est un moyen de rentrer dans les négociations", estime Manuel Bompard, coordinateur de LFI, grinçant sur la politique des "petits pas" du PS, au détriment des "grands soirs".