Attaque de Rambouillet: la France rend hommage à la policière tuée

La maire de Rambouillet, Véronique Matillon prononce un discours à côté de la ministre de la Citoyenneté Marlene Schiappa , le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le président du Sénat Gerard Larcher lors d'un hommage à Stéphanie Monfermé le 26 avril 2021. (AFP)
La maire de Rambouillet, Véronique Matillon prononce un discours à côté de la ministre de la Citoyenneté Marlene Schiappa , le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le président du Sénat Gerard Larcher lors d'un hommage à Stéphanie Monfermé le 26 avril 2021. (AFP)
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Publié le Lundi 26 avril 2021

Attaque de Rambouillet: la France rend hommage à la policière tuée

  • Lundi, citoyens et forces de l'ordre rendent hommage à Stéphanie Monfermé, l'agente administrative assassinée vendredi
  • Trois jours après le choc, les habitants de cette commune paisible et cossue de 26 000 âmes au sud-ouest de Paris sont appelés à se réunir à 17h30 devant l'Hôtel de Ville pour un "moment de recueillement (...) sobre"

RAMBOUILLET: Un millier de personnes à Rambouillet, près de Paris, et des policiers rassemblés devant les commissariats de plusieurs villes de France: lundi, des hommages ont été rendus à Stéphanie Monfermé, l'agente administrative assassinée vendredi par un Tunisien de 36 ans radicalisé. 

Dans son discours prononcé sur les marches de l'Hôtel de Ville, la maire de Rambouillet Véronique Matillon a loué « la femme exceptionnelle » qu'était Stéphanie Monfermé qui « a consacré sa vie » aux « autres ». A ses côtés, les filles et l'époux de la victime ainsi que des reprèsentants de l'Etat.  

« Nous ne fléchirons pas devant une telle abomination », a promis la maire qui a passé sa main avec compassion sur le dos de la plus jeune des filles de la victime, en larmes. 

Trois jours après le choc, plus d'un millier de personnes ont salué la mémoire de Stéphanie Monfermé, même si « ça ne rendra pas leur mère à ses filles », soupire Claire Auber, retraitée de 72 ans. 

A l'appel notamment d'un syndicat de police, des fonctionnaires se sont également rassemblés lundi devant les commissariats dans plusieurs villes de France.  

Devant l'hôtel de police de Marseille (Sud), une cinquantaine d'agents ont marqué leur soutien, a constaté une journaliste de l'AFP.  

Comme tous les collègues de la victime, René Tardiff, agent administratif qui a côtoyé durant 26 ans Stéphanie Monfermé au sein du commissariat de Rambouillet, doit reprendre mardi le chemin du travail.  

Sans sa collègue originaire de la Manche (Nord) qu'il décrit comme « discrète, souriante, investie ». Une « passionnée » de danse country, mariée à un boulanger et mère de deux filles de 13 et 18 ans. 

« Je suis parti vendredi (23 avril) à midi », relate-t-il, « j'ai dit à Stéphanie 'Bonnes vacances et au 4 mai !' car elle partait en congés la semaine d'après ». 

Tout a basculé quelques heures après le départ de René, à 14H25. 

DES POLICIERS «INQUIETS » QUI SE SENTENT «CLAIREMENT VISÉS »

Maria, 37 ans à Paris 

« On n'a pas de mot : on est rentré chez nous pour nous faire du mal », confie cette policière qui travaille dans un service d'investigation et dont le prénom a été modifié. « On est inquiets, mais on n'a pas peur. Je suis inquiète pour ma famille, mes enfants, mon mari. On sait à quelle heure on part le matin, mais on ne sait pas si on les reverra le soir.  

Mais, ça renforce ma détermination. Je sais encore plus pourquoi je suis là. Je suis là pour aider la population. On a fait le choix de ce métier pas pour être des héros, mais parce que la société a besoin de policiers ». 

Céline, 40 ans à Nantes  

« On n'est jamais complètement en sécurité. Aujourd'hui, qu'on fasse notre métier ou un autre métier, on voit bien que tout le monde peut être touché. On a vu des professeurs, on voit des policiers, on voit des personnes lambda qui font des métiers au quotidien moins risqués que le nôtre finalement, donc oui, on se sent en danger, de plus en plus, évidemment, puisque là on est clairement visés ».  

Marc, dans les Yvelines  

« Depuis vendredi, j'ai l'impression que le commissariat est devenu une cible », explique ce membre de la compagnie départementale d'intervention des Yvelines et dont le prénom a été modifié.  

« C'est la psychose générale qui va recommencer (...) Maintenant, on fait tous attention dès qu'on descend de nos véhicules (...) Et par rapport à nos domiciles, on est beaucoup plus discrets. 

Avant Magnanville (où un couple de fonctionnaires de police a été tué à coups de couteau en juin 2016, ndlr) je sortais en panaché, je mettais un blouson et j'avais ma tenue en dessous. Aujourd'hui je rentre toujours en civil complet, même si ça me soule, qu'il est deux heures du matin, je prends plus le risque de rentrer en policier. Ma famille cache que je suis dans la police, je dis que je travaille dans le sport. »  

 Une adjointe administrative à Toulouse 

« Ça a été un choc très violent d'apprendre sa mort. Malheureusement, c'est quelque chose qu'on redoute tous, au même titre que les actifs (qui sont sur le terrain, ndlr), même si on n'est pas en uniforme, on peut tout de même être ciblé. La preuve en est, depuis vendredi... Heureusement, j'essaie de ne pas y penser chaque matin en me levant, mais c'est quelque chose qu'on a au fond de l'esprit. » 

Un policier à Lyon 

« Ce type de drame nous enterre chaque jour un peu plus. On n'attend plus rien des politiques, on ne croit plus en rien. On est nombreux à vouloir quitter la voie publique, voire carrément la police » 

« On sait que c'est un métier dangereux, mais on a quoi comme reconnaissance? Je suis policier parce que j'ai une famille à nourrir, mais j'ai envie de quitter le métier ». 

 

Radicalisation « peu contestable »  

Lorsque Stéphanie Monfermé regagne le commissariat après avoir régularisé le disque de stationnement de son véhicule, elle est agressée par un homme qui s'« engouffre derrière elle dans le sas » d'entrée, a décrit dimanche le procureur antiterroriste, Jean-François Ricard. 

Il lui a alors porté deux coups de couteau « à l'abdomen et à la gorge » et selon des témoins, a crié « Allah Akbar ». 

La fonctionnaire, qui n'était pas armée, est décédée sur place malgré l'intervention des pompiers. 

L'assaillant, abattu par un policier, a été identifié comme Jamel Gorchene, un Tunisien de 36 ans, à la radicalisation « peu contestable » et présentant « certains troubles de la personnalité », selon M. Ricard, qui a décrit l'attaque comme « la 17e action terroriste islamiste commise en France depuis 2014 contre les forces de l'ordre ». 

Vendredi et samedi, quatre personnes ont été placées en garde à vue: le père de Jamel Gorchene, qui habitait avec lui à Rambouillet, un couple habitant dans le Val-de-Marne (région parisienne) qui le domiciliait administrativement et un autre cousin. Dimanche, un autre de ses cousins a également été placé en garde à vue. 

Le couple a été relâché dimanche en fin de journée « sans poursuite à ce stade », selon une source judiciaire. 

Jamel Gorchene, chauffeur-livreur, était dépourvu de casier judiciaire et inconnu des services de renseignement et de la justice. Mais son mode opératoire correspond aux appels récurrents du groupe Etat islamique à s'attaquer aux forces de l'ordre. 

UNE NOUVELLE LOI ANTITERRORISTE PRÉSENTÉE MERCREDI DANS UN CONTEXTE SÉCURITAIRE ALOURDI

Le texte était « dans les tuyaux » avant l'attaque de Rambouillet mais tombe à point nommé pour le gouvernement: Gérald Darmanin présente mercredi en Conseil des ministres un projet de loi qui entérine et renforce des mesures déjà expérimentées en matière de renseignement et d'antiterrorisme. 

La coïncidence est « bien triste » mais « la dernière réunion d'arbitrage était concomitante à l'attentat » vendredi après-midi, confie à l'AFP un conseiller ministériel. 

Son inscription à l'ordre du jour du Conseil des ministres dès ce mercredi, une semaine après l'avis rendu par le Conseil d'Etat, était actée « depuis plusieurs jours », assure une source proche de l'exécutif, balayant la suspicion d'une accélération du calendrier après le drame survenu dans les Yvelines. 

Un an avant l'élection présidentielle, et alors que la sécurité fait partie - après la santé et la crise sanitaire - des principales préoccupations des Français selon les sondages, ce projet de loi est l'une des briques de l'exécutif dans sa riposte aux attaques de l'opposition sur ce terrain, émanant notamment de Xavier Bertrand et de Marine Le Pen, candidats déclarés à la course à l'Elysée. 

Ce meurtre au couteau d'une agente administrative par un Tunisien radicalisé, perpétré au sein-même d'un commissariat, alourdit la charge politique et symbolique d'un texte qui s'ajoute à la vingtaine de lois antiterroristes promulguées en France depuis 1986. 

« L'hydre islamiste est toujours très présente », ce qui justifie de continuer « à renforcer nos moyens pour lutter contre une menace qui évolue », a plaidé Gérald Darmanin dans le Journal du dimanche. 

Ce texte porté par le ministre de l'Intérieur n'est, pour l'essentiel, que le toilettage d'un arsenal de dispositions déjà existantes mais que l'exécutif voulait graver dans le marbre législatif. 

Fort de 19 articles, il vise principalement à conférer « un caractère permanent » aux mesures expérimentées dans le cadre de la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) votée en octobre 2017 pour sortir de l'état d'urgence en vigueur après les attentats de 2015, explique-t-on au ministère de l'Intérieur. 

Arrêter avec la « naïveté » 

Il s'agit-là des « visites domiciliaires » - les anciennes perquisitions administratives -, des mesures individuelles de contrôles (Micas) - ex-assignations à résidence -, de l'instauration de périmètres de sécurité et de la fermeture de lieux de culte. 

Le projet de loi apporte aussi de nouveaux outils et durcit certaines dispositions.  

Ainsi, les personnes condamnées à au moins cinq ans ferme (ou trois ans en récidive) pour terrorisme pourront faire l'objet de contraintes administratives « jusqu'à deux ans » après leur sortie de prison, contre un an aujourd'hui.  

Cette mesure peut être vue comme la réponse à la censure l'été dernier par le Conseil constitutionnel de l'essentiel d'une proposition de loi LREM prévoyant des « mesures de sûreté » pour les détenus terroristes sortant de prison. 

Le gouvernement souhaitait que les « visites domiciliaires », que Gérald Darmanin avait intensifiées après la décapitation de Samuel Paty en octobre 2020, puissent être menées en cas de simple « menace grave » et non plus en cas de menace d'une « particulière gravité », mais a choisi d'y renoncer après l'avis du Conseil d'Etat. 

Sur le volet renseignement, une révision de la loi de juillet 2015 est nécessaire face à « l'évolution des technologies et des modes de communication, qui se caractérisent, en particulier, par l'utilisation croissante d'outils de communication chiffrés », souligne-t-on au ministère.  

Ainsi, la durée autorisée pour recueillir des données informatiques sera portée à deux mois et les interceptions de correspondances échangées par voie satellitaires seront facilitées. 

Enfin et surtout, le texte propose que la technique controversée de l'algorithme, introduite dans la loi de 2015 et qui permet le traitement automatisé des données de connexion pour détecter les menaces, soit pérennisée, dans le respect du droit européen. 

Interrogé dans le JDD sur le risque d'atteinte aux libertés individuelles, Gérald Darmanin a demandé d'arrêter avec la « naïveté ». « Toutes les grandes entreprises utilisent des algorithmes. Et il n'y aurait que l’Etat qui ne pourrait pas les utiliser ? » 

Le projet de loi, dont la promulgation doit aboutir avant la fin juillet, promet de vifs débats au Parlement comme dans la rue, où il risque de provoquer une nouvelle levée de boucliers des défenseurs des libertés publiques. 

ANTITERRORISME: NUÑEZ PRÔNE UN «MEILLEUR PARTAGE D'INFORMATIONS» AVEC LA PSYCHIATRIE

Le coordonnateur national du renseignement, Laurent Nuñez, a souhaité lundi un « meilleur partage d'informations » entre les services de renseignement et de la psychiatrie dans la lutte antiterroriste, après l'attaque de Rambouillet par un assaillant présentant des « troubles de la personnalité ». 

« Nous travaillons avec le monde de la psychiatrie, il y a des réflexions qui sont en cours. L'idée qui est la nôtre, c'est qu'on pourrait avoir un meilleur partage d'informations », a expliqué M. Nuñez sur France Inter. 

Quand un individu « manifestement est sous l'emprise de la radicalisation religieuse, (...) consulte un psychiatre et fait état par ailleurs de troubles psychiatriques, on a la faiblesse de penser (...) qu'il serait utile peut-être que des services de renseignement puissent bénéficier » de ces informations, a ajouté l'ancien directeur général de la sécurité intérieure (DGSI). 

« Certains individus, qui peuvent être fragiles, avoir des troubles psychologiques à un moment de leur vie, sont sans doute plus influençables et plus perméables à ce genre de thèse et nous serions bien irresponsables de ne pas nous attaquer à ce problème », a-t-il ajouté. 

Jamel Gorchene, le Tunisien qui a tué au couteau vendredi Stéphanie M., agente administrative au commissariat de Rambouillet (Yvelines), avait bénéficié à sa demande de deux consultations psychiatriques le 19 et le 23 février, sans qu'elles débouchent sur une hospitalisation ou un traitement.  

Son père, actuellement en garde à vue avec deux cousins de l'assaillant, avait constaté « des troubles de comportement chez son fils en début d'année », selon le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard, et des membres de sa famille en Tunisie ont évoqué une « dépression ». 

Le projet de loi antiterroriste présenté mercredi par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin propose que les préfets, responsables du suivi des personnes radicalisées dans leur département, soient désormais également destinataires des informations relatives à leur prise en charge psychiatrique. 


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.