L'économie française est repartie début 2021, à l'inverse des voisins européens

Une photo prise à Monrouge, près de Paris, montre le logo de l'INSEE / AFP
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Publié le Vendredi 30 avril 2021

L'économie française est repartie début 2021, à l'inverse des voisins européens

  • Au T1, le PIB a légèrement rebondi, avec une croissance de 0,4% par rapport au trimestre précédent
  • Globalement, la production totale se rapproche légèrement de son niveau d'avant crise, avec un écart de -4,3%

PARIS : A contre-courant de ses voisines européennes, l'économie française a entamé son redressement début 2021, après avoir été terrassée par l'épidémie de Covid-19 l'an dernier, mais les restrictions sanitaires ont continué de peser sur l'activité et le gouvernement espère une reprise plus franche avec la vaccination et le déconfinement.

Au premier trimestre, le produit intérieur brut (PIB) a légèrement rebondi, avec une croissance de 0,4% par rapport au trimestre précédent, selon une première estimation publiée vendredi par l'Insee.

La France s'inscrit clairement à contre-courant des autres grandes économies européennes, l'Allemagne (-1,7%), l'Espagne (-0,5%) et l'Italie (-0,4%) ayant vu leur PIB se contracter au premier trimestre. Dans son ensemble la zone euro se contracte de 0,6%. 

Cela s'explique surtout par une évolution différente de la pandémie, ces pays ayant moins souffert que la France en fin d'année 2020, avant d'être contraints d'adopter des mesures plus restrictives début 2021.

Mais loin de la reprise dynamique à l'oeuvre aux Etats-Unis (+6,4%) grâce à la relance massive engagée par Joe Biden, le rebond français reste "limité", souligne l'Institut national de la statistique, le PIB se situant encore 4,4% sous son niveau de fin 2019.

"C'est un trimestre qui reste très marqué par les restrictions sanitaires, qui se sont durcies au fil des mois", a souligné  Julien Pouget, chef du département conjoncture de l'Insee.

Le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt a lui salué sur Twitter des chiffres "encourageants", signe de la "résistance" de l'économie et de "l'efficacité" des mesures de soutien et de relance prises par le gouvernement.

Après le recul de 1,4% du PIB enregistré au dernier trimestre 2020, la reprise de l'économie vient notamment du léger redressement de la consommation des ménages (+0,3%), même si elle est toujours contrainte par les restrictions sanitaires (couvre-feu, fermeture des grands centres commerciaux, des restaurants, des lieux culturels...).

Sur le trimestre, elle se situe d'ailleurs encore très en dessous (-6,4%) de son niveau d'avant-crise, souligne l'Insee. Mais cette reprise "timide, sans phénomène de désépargne à ce stade, donne une idée du potentiel de rebond" une fois les contraintes levées, selon Emmanuel Jessua, économiste à l'institut Rexecode.

La "très bonne surprise" vient de l'investissement des entreprises qui a accéléré en début d'année, selon Selin Ozyurt, économiste chez Euler Hermes. "Grâce notamment aux aides de l'Etat, les entreprises ont pu renforcer leur trésorerie et cela permettra de soutenir le rebond de l'économie dans les prochains mois", explique-t-elle.

Du côté de la production, l'activité est surtout tirée par la construction (+4,2%), tandis que la production de biens est repartie à la baisse. "Le début d'année a été très perturbé, avec des problèmes de fret maritime, les pénuries de matières premières et de semi-conducteurs dans l'automobile", explique Selin Ozyurt.

La consommation des ménages diminue de 1,1% en mars

Les dépenses de consommation des ménages en France ont "nettement" diminué, de 1,1%, en mars par rapport à février à cause des mesures de confinement et de la fermeture des magasins "non essentiels" dans 19 départements, a rapporté vendredi l'Insee.

Sur l'ensemble du premier trimestre, la consommation des ménages "rebondit modérément", de 1,2%, et reste inférieure de 1,5% à son niveau du quatrième trimestre 2019, le dernier avant la crise du Covid-19, ajoute l'Institut national de la statistique.

Dans le détail, le repli du mois de mars provient de la "forte baisse des achats de biens fabriqués" entraînée par les fermetures localisées de magasins, "et dans une moindre mesure par le contrecoup de soldes décalés de février", explique l'Insee.

La baisse est de 11% dans l'habillement-textile, après une hausse de 17% grâce à ses soldes. Sur l'ensemble du premier trimestre, ce secteur voit ses ventes progresser de 1,4% par rapport au trimestre précédent, mais elles restent inférieures de 8% à leur niveau d'avant-crise.

En mars, la consommation alimentaire rebondit de 0,8% mais celle de viande baisse légèrement.

La consommation d'énergie se redresse de 1,3%, les carburants affichant une hausse de 2,5%.

Enfin, l'Insee a revu à la hausse, à +0,3%, les dépenses de consommation des ménages au mois de février, alors que l'institut avait initialement rapporté qu'elles avaient été stables (0,0%).

Déconfinement en ligne de mire

Globalement, la production totale (services, industrie, construction) se rapproche légèrement de son niveau d'avant crise, avec un écart de -4,3%. Mais les disparités sectorielles demeurent, avec des services marchands très pénalisés par les restrictions et qui restent davantage éloignés de leur niveau d'avant crise.

Enfin, "point noir" du trimestre, selon Emmanuel Jessua, le net repli des exportations au premier trimestre, pénalisées par les perturbations dans l'industrie et par le Brexit en tout début d'année.

Même si le deuxième trimestre s'annonce encore en demi-teinte, avec un mois d'avril et une partie du mois de mai marqués par le reconfinement, le calendrier du déconfinement annoncé jeudi par Emmanuel Macron laisse entrevoir une accélération de la reprise.

D'autant que l'exécutif a assuré qu'il maintiendrait encore plusieurs mois les aides aux secteurs en difficulté, gonflant aussi le coût de la crise pour l'Etat.

"La confiance des ménages est là, il y a une épargne élevée, les entreprises sont assises sur d'importantes liquidités, donc si le gouvernement arrive à vacciner rapidement, nous pourrons voir un très fort rebond", estime Selin Ozyurt, qui juge atteignable la prévision du gouvernement d'une croissance de 5% cette année.

"On peut s'attendre à une sortie progressive de la crise au second semestre avec le succès du plan de vaccination", prévoit aussi Emmanuel Jessua.

A ce stade, l'acquis de croissance, qui correspond à la croissance que l'on aurait fin 2021 si l'activité restait au niveau actuel jusqu'à la fin de l'année, s'établit à 4,1%. La Banque de France table sur une croissance de 5,5% cette année, et l'OCDE de 5,9%. 


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".