Ces divines qui nous intéressent ont, bien sûr, vu le jour sur la terre qui a enfanté tous les dieux et a aussi engendré le monothéisme. L’éternelle Égypte. Est-ce que cette terre bénie les a bien imprégnées ? Pour Oum Koulthoum, pauvre petite paysanne du delta du Nil, fille d’imam, elle a assuré que sa voix, « un don de dieu », son instruction du Coran, l’art de la psalmodie et de répéter à l’infini le même mot jamais sur le même ton, ont été essentiels. Sans jamais oublier sa soif venue de la misère. Evidemment, le reste, son acharnement au travail et à l’apprentissage, son intelligence et sa chance, rajouteront à la magie de sa carrière. « Si je n’étais pas née pauvre, paysanne à Tmaël el Zahayira, je ne serais rien ».
Loin du disco et des paillettes qu’elle a profondément marquées, l’icône Dalida revit sur la place Tahrir en 2010 lorsque ses compatriotes reprennent en cœur Helwa ya baladi
Jacqueline Jondot
L’Égypte du début du XXe siècle porte tous les espoirs de la Nahda, une Renaissance, aussi bien politique que culturelle, qui puise dans ce creuset ainsi que dans les techniques naissantes – radio, cinéma, disques – les ingrédients pour se poser comme « la mère du monde ». Celle qui a reçu tous ces dons exhorte ses sœurs à en faire de même : « Vous êtes la moitié de l’humanité, prenez votre destin en main ». Ibrahim Maalouf la chante, Chant Avedissian la peint en multicolore, les graffeurs la reproduisent sur les murs. Le féminisme arabe est à son apogée. Elle était la voix qui portait partout et continue d’influencer tous les arts. Plus d’un siècle après, le modèle Oum Koulthoum marque encore tous les arts et les esprits. Eternelle, disions-nous ?
Son héritière arrive plus de 30 ans plus tard alors que le monde a radicalement changé. Petite fille d’émigrés italiens dans un monde arabe en mouvance, fille de musicien, Iolanda Gigliotti rêve d’Hollywood à Choubra, son quartier chrétien du Caire. Son physique exceptionnel la couronne en miss Égypte et lui donne ses premiers rôles dans le cinéma égyptien. Ses pygmalions lui vendent la Ville-Lumière pour s’envoler plus haut. Elle se retrouve à Paris dans les années 50 où son aura exotique plaît beaucoup. Iolanda devient Dalida à Paris mais son Égypte, son adaptabilité, sa connaissance de plusieurs langues, l’aident à percer. Elle peut chanter dans toutes les langues qu’elle maîtrise et qu’elle a dans le cœur. Quand les blessures deviennent une force … Elle reviendra sur sa terre à l’occasion du « Sixième jour » le film de Youssef Chahine où elle campe une inoubliable bédouine. Une longue histoire d’amour entre l’Egypte et elle qui ne s’éteint pas. Slama ya Salama devient un hymne de paix pour la rencontre Anouar al Sadate et Menahem Begin en 1979. Loin du disco et des paillettes qu’elle a profondément marquées, l’icône Dalida revit sur la place Tahir en 2010 lorsque ses compatriotes reprennent en cœur Helwa ya baladi. Qu’il est beau mon pays !
Jacqueline Jondot est docteur ès lettres en littérature anglaise, spécialiste de littérature arabe d’expression anglaise. Elle est auteur de nombreux articles sur la littérature féministe anglaise – en particulier sur Orlando de Virginia Woolf –, la littérature arabe anglophone ainsi que sur les graffitis de la « Révolution » de janvier 2011 en Égypte. Elle est la traductrice de Nabil Saleh. Elle a publié Dalida en Égypte aux éditions Orients en 2020.
Ysabel Saïah-Baudis, journaliste née à Alger, a publié de nombreux ouvrages. Elle dirige les Éditions Orients qui donnent « un nouvel éclairage dans tous les domaines de ces terres si tourmentées, si riches aussi ».
Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.









