La manifestation pro palestinienne de samedi entre interdiction, recours et débat politique

Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin / AFP
Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin / AFP
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Publié le Vendredi 14 mai 2021

La manifestation pro palestinienne de samedi entre interdiction, recours et débat politique

  • Les avocats de l'Association des Palestiniens en Ile-de-France ont déposé un recours en référé-liberté auprès du tribunal administratif
  • Gérald Darmanin avait demandé au préfet d'interdire cette marche prévue du métro Barbès à la place de la Bastille

PARIS : Les organisateurs de la manifestation en soutien au peuple palestinien prévue samedi à Paris espèrent vendredi obtenir de la justice l'annulation de son interdiction, requise par le gouvernement et qui suscite un vif débat politique.

Pour contester l'arrêté d'interdiction "injuste et abusif" pris jeudi soir par le préfet de police de Paris, les avocats de l'Association des Palestiniens en Ile-de-France ont déposé un recours en référé-liberté auprès du tribunal administratif, ont-ils indiqué.

Celui-ci devrait l'examiner dans l'après-midi, ont précisé Me Sefen Guez Guez, Me Dominique Cochain et Me Ouadie Elhamamouchi, qui espèrent une décision dans la journée.

"La France est la seule démocratie à interdire une telle manifestation!", souligne Me Guez Guez, en dénonçant une atteinte à la liberté d'expression" totalement "disproportionnée". Il déplore également le caractère "politique" de cette décision "prise à la demande du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin".

Pour motiver son arrêté d'interdiction, le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a pointé "un risque sérieux" de "troubles graves à l'ordre public", ainsi que d'"exactions contre des synagogues et intérêts israéliens". Et mis en avant, comme M. Darmanin, le précédent de 2014, lorsqu'une manifestation pro palestinienne à Paris avait dégénéré en heurts.

"Depuis 2014, il y a eu plein de manifestations de défense de la cause palestinienne qui se sont déroulées sans aucun problème", répond Me Guez Guez. 

L'Allemagne ne « tolèrera pas les manifestations antisémites »

L'Allemagne "ne tolèrera pas les manifestations antisémites" sur son sol, a prévenu vendredi le porte-parole du gouvernement d'Angela Merkel, après des débordements lors de rassemblements liés au conflit israélo-palestinien.

"Quiconque attaque une synagogue, quiconque endommage des symboles juifs montre qu'il ne s'agit pas de la critique d'un Etat, de la politique d'un gouvernement, mais d'une agression et de haine contre une religion et ceux qui y appartiennent", a déclaré lors d'une conférence de presse Steffen Seibert.

L'Association des Palestiniens en Ile-de-France avait "condamné cette interdiction" jeudi soir par la voix de l'un de ses responsables, Walid Atallah, qui a dénoncé la "complicité de la France avec l'Etat d'Israël".

"La France garantit les libertés d'expression et de manifester, et la Palestine ne doit pas être une exception", a-t-il souligné. "Un peuple reçoit des bombes sur la tête, des dizaines de civils sont tués, et on n'aurait pas le droit de dire qu'on n'est pas d'accord?"

« Provocation »

La manifestation était au départ prévue pour commémorer la Nakba, l'exode de centaines de milliers de Palestiniens à la création d'Israël en 1948. Avant que la flambée de violence en Israël et dans la bande de Gaza de ces derniers jours ne vienne dessiner la perspective d'un rassemblement important.

Les organisateurs comptaient notamment y dénoncer la position de la France, jugée trop favorable à Israël, et lui demander de "condamner plus fermement les bombardements qui tuent des civils à Gaza", selon M. Atallah.

Gérald Darmanin a demandé jeudi aux préfets de suivre de près les rassemblements prévus dans d'autres villes de France, de ne pas hésiter à les interdire si nécessaire, et d'assurer la protection des lieux fréquentés par la communauté juive.

L'affaire suscite un vif débat dans la classe politique entre soutiens de la demande du gouvernement - dans la majorité, à droite et à l'extrême droite - et ceux qui dénoncent une interdiction "inacceptable", menés par La France insoumise (LFI).

L'ancien Premier ministre, Manuel Valls, qui a apporté cette semaine son soutien à Israël, a approuvé une "décision grave mais justifiée", estimant qu'"une partie de la gauche ou l'extrême gauche prend prétexte de ce conflit pour justifier l'antisémitisme".

Le député LREM de Paris Sylvain Maillard a estimé l'interdiction "dure", "grave", "mais nécessaire pour préserver l'ordre public".

Manifestation pro-palestinienne interdite: « décision sage » pour Hidalgo

La maire PS de Paris, Anne Hidalgo, a estimé vendredi que l'interdiction par le gouvernement de la manifestation pro-palestinienne de samedi était une "décision sage".

"Nous avons connu en 2014 une manifestions extrêmement violente, très difficile. La situation est de très très grande tension. Et je pense que cette décision est une décision sage", a affirmé Mme Hidalgo sur radio J.

La manifestation en soutien au peuple palestinien prévue samedi à Paris a été interdite jeudi à la demande du gouvernement en raison de "risques de troubles à l'ordre public". Il n'y aura "pas de manifestation antisémite", a affirmé Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur.

Il faisait référence à une manifestation en 2014, où des "mort aux juifs" avaient été proférés.

LFI a considéré que cette interdiction était une "provocation" et une "atteinte à la démocratie".

De leur côté, les organisateurs de la manifestation espéraient vendredi obtenir de la justice l'annulation de son interdiction.

Les affrontements entre le Hamas et Israël avaient fait vendredi matin plus de 100 morts à Gaza, et neuf côté israélien, où se sont abattues environ 2.000 roquettes depuis le début du conflit.

L'interdiction a également été approuvée du côté des Républicains et du Rassemblement national. "Il est hors de question d'importer sur notre sol" le conflit israélo-palestinien, a abondé vendredi sur BFMTV le numéro deux de LR, Guillaume Peltier. "Il vaut mieux qu'il n'y ait pas de manifestations", notamment pour éviter des "provocations antisémites", a abondé sur CNews le porte-parole du RN, Sébastien Chenu.

"Monsieur Darmanin suscite des risques de violences, c'est une provocation de sa part", a estimé de son côté sur France 2 le député LFI de Seine-Saint-Denis, Eric Coquerel, ajoutant: "C'est un conflit géopolitique, le problème, c'est un peuple colonisé qui a sa capitale occupée contre toutes les résolutions de l'ONU".

Les affrontements entre le Hamas et Israël avaient fait vendredi matin plus de 100 morts à Gaza, enclave palestinienne sous blocus israélien contrôlée par le Hamas, et huit côté israélien, et ne montrait aucun signe d'apaisement.

L'Autriche hisse le drapeau israélien par « solidarité »

L'Autriche a hissé vendredi sur des bâtiments officiels le drapeau israélien en signe de "solidarité" face aux "attaques" dirigées "depuis la bande de Gaza" par "le Hamas et d'autres groupes terroristes".


"Je condamne avec la plus grande fermeté les attaques contre Israël depuis la bande de Gaza", écrit le chancelier conservateur Sebastian Kurz dans une déclaration transmise à l'AFP. 


"Israël a le droit de se défendre contre ces attaques. Pour témoigner de notre entière solidarité (...), nous avons hissé le drapeau israélien" sur les locaux de la chancellerie et du ministère des Affaires étrangères, a-t-il ajouté. 


"Rien ne justifie les plus de mille roquettes tirées jusqu'à présent sur Israël depuis Gaza par le Hamas et d'autres groupes terroristes et nous soutenons fermement la sécurité d'Israël", a précisé le ministre des Affaires étrangères, Alexander Schallenberg.


Le parquet autrichien a par ailleurs ouvert une enquête après la tenue de propos antisémites, lors d'une manifestation de soutien aux Palestiniens mercredi à Vienne. 


En 2000, Israël avait rappelé son ambassadeur en Autriche pour protester contre l'entrée au gouvernement du FPÖ. Ce parti d'extrême droite, fondé par d'anciens nazis, est régulièrement éclaboussé par des scandales liés à l'antisémitisme.


Les relations diplomatiques entre les deux pays n'avaient été normalisées que trois ans plus tard. 


Lors de son arrivée à la tête d'un nouveau gouvernement de coalition avec le FPÖ en décembre 2017, Sebastian Kurz avait fait de l'approfondissement des liens avec Israël l'une des priorités de sa politique étrangère. 


Mais Israël avait refusé tout contact avec les ministres nommés par l'extrême droite et retournés depuis dans l'opposition, en mai 2019. 


L'Autriche, un pays neutre membre de l'Union européenne, est désormais dirigée par une alliance entre les conservateurs et les Verts. En mars dernier, le président israélien Reuven Rivlin avait effectué une visite officielle à Vienne.


La capitale autrichienne abrite l'un des sièges des Nations Unies et accueille actuellement les négociations internationales pour ressusciter l'accord sur le nucléaire iranien. 


Budget de l'Etat: au Sénat, la droite tentée par le compromis, mais pas à n'importe quel prix

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
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  • Le gouvernement met la pression sur la droite sénatoriale, devenue incontournable pour l’adoption du budget de l’État 2026
  • Malgré des tentatives de rapprochement en commission mixte paritaire, le risque d’échec demeure élevé ouvrant la voie soit à l’usage du 49.3

PARIS: Appelée par le gouvernement à se montrer constructive, la droite sénatoriale n'entend pas tourner le dos à un compromis sur le budget de l'Etat, mais sa fermeté vis-à-vis des socialistes risque de compliquer l'aboutissement de la discussion budgétaire avant 2026.

"La balle est aujourd'hui dans le camp du Parlement et significativement de la droite sénatoriale", a lancé mercredi la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Une manière de mettre la pression sur la chambre haute et son alliance majoritaire droite-centristes. Elle détient à elle seule une grande partie des clés d'une équation jusqu'ici insoluble sur le projet de loi de finances pour 2026 (PLF).

En effet, si le compromis a été possible sans le Sénat sur le budget de la Sécurité sociale, les délais sur le budget de l'Etat sont tellement contraints que seul un accord entre les deux chambres du Parlement pourrait permettre l'adoption d'un budget avant le 31 décembre.

Le Sénat doit voter lundi sur l'ensemble du projet de budget, largement remanié par rapport à la version gouvernementale. Ensuite, une commission mixte paritaire (CMP), réunion de sept députés et sept sénateurs, sera chargée de trouver un terrain d'entente.

- CMP décisive -

Cette CMP est pour le moment fixée au vendredi 19 décembre, ce qui laisse encore quelques jours aux parlementaires pour négocier le périmètre d'un accord.

Si le gouvernement y croit, l'intransigeance de Bruno Retailleau, patron des Républicains et ténor de la droite sénatoriale, reste totale à ce stade.

"Il ne pourra pas y avoir d'accord sur un budget qui augmenterait considérablement les impôts et ne réduirait pas significativement la dette", a-t-il fermement affirmé au Figaro.

Autre signe d'une droite sénatoriale inflexible: elle a rejeté d'emblée, vendredi, le budget de la Sécurité sociale dans sa version de compromis trouvée à l'Assemblée nationale, laissant le dernier mot aux députés.

Une issue différente sur le budget de l'Etat ? Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, martèle depuis plusieurs semaines sa conviction qu'une "voie de passage existe".

"Nous serons dans l'écoute et dans l'ouverture, mais pas à n'importe quel prix. Personne ne peut se permettre de viser une victoire politique sur ce budget", assure auprès de l'AFP celui qui pilote les débats budgétaires au Sénat.

Ce dernier a commencé, ces derniers jours, à rapprocher les points de vue avec son homologue de l'Assemblée nationale, Philippe Juvin (LR lui aussi). Une autre réunion est prévue dimanche entre ces deux responsables.

"Mon objectif, c'est bien de trouver un atterrissage", confirme Philippe Juvin à l'AFP. "Il me semble que c'est accessible".

Le président du Sénat Gérard Larcher, connu pour ses qualités de conciliateur, est lui aussi dans cette optique.

Mais le patron de la chambre haute, qui a échangé avec Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu jeudi, reste très agacé par le choix du Premier ministre de se tourner vers le Parti socialiste et lui reproche d'avoir "méprisé" le Sénat.

- "Pas prêt à se renier" -

"On est prêt à faire des efforts mais on n'est pas prêt à se renier", glisse un proche du président Larcher, pour qui "trop de concessions ont été faites à la gauche".

"Ce n'est pas à la droite sénatoriale d'aller parler au PS, c'est à Sébastien Lecornu d'aller voir les socialistes pour leur dire que maintenant ça suffit, qu'ils ont tout obtenu dans le budget de la Sécu", explicite Christine Lavarde, sénatrice LR qui devrait siéger en CMP.

Une commission mixte paritaire conclusive ne suffirait pas, néanmoins, car il faudrait ensuite que le texte de compromis soit adopté par l'Assemblée nationale, avec au minimum une abstention de la gauche qui paraît impensable à ce stade.

Et certains cadres du bloc central en appellent au retour du 49.3 pour valider cet hypothétique accord.

"Le 49.3 n'est pas une baguette magique, si le gouvernement l'utilise sans compromis préalable, il s'expose à une censure immédiate", a menacé le premier secrétaire du PS Olivier Faure dans Libération.

Lui, comme beaucoup, anticipe déjà l'alternative: l'adoption d'une loi spéciale avant le 31 décembre, afin de permettre la poursuite des activités de l'Etat, et la reprise des débats début 2026. Avec un nouveau casse-tête budgétaire en perspective...


Paris incite le Liban à adopter des mesures pour éviter l’explosion

Un convoi transportant une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies lors d'une visite de la frontière avec Israël près de la région de Naqura, dans le sud du Liban, le 6 décembre 2025. (AFP)
Un convoi transportant une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies lors d'une visite de la frontière avec Israël près de la région de Naqura, dans le sud du Liban, le 6 décembre 2025. (AFP)
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  • La France intensifie ses efforts diplomatiques pour prévenir une escalade israélienne au Liban en renforçant un mécanisme vérifiable de désarmement au Sud-Litani, avec l’appui de la FINUL et l’implication des partenaires internationaux
  • Paris presse également les autorités libanaises de lever le blocage politique afin de débloquer l’aide internationale, soutenir les Forces armées libanaises et relancer la reconstruction du Sud

PARIS: À peine deux semaines après la visite au Liban d’Anne-Claire Legendre, conseillère Afrique–Moyen-Orient à l’Élysée, l’envoyé spécial du président français, Jean-Yves Le Drian, s’est à son tour rendu à Beyrouth pour mener une série d’entretiens avec les responsables libanais.

La proximité de ces deux déplacements ne relève pas du hasard, mais traduit une inquiétude française croissante face au risque d’une nouvelle escalade israélienne sur le territoire libanais.

Paris observe attentivement la dynamique régionale actuelle et, selon son analyse, si Israël se heurte en Syrie à une vigilance américaine accrue, qui a conduit Washington à intervenir verbalement lorsque certaines frappes menaçaient la stabilité du pays, il n’en va pas de même pour le Liban.

C’est précisément là que réside, aux yeux de la France, le principal danger, dans un contexte régional marqué par le cessez-le-feu à Gaza et les tensions préélectorales en Israël.

Les déclarations israéliennes se sont récemment durcies, tout comme les frappes dans le Sud-Liban, et cette montée de la tension est, selon Paris, directement liée au cessez-le-feu du 9 octobre à Gaza.

Elle s’inscrit aussi dans un contexte politique intérieur israélien où le Premier ministre Benjamin Netanyahou aurait davantage à gagner, en termes de popularité, en poursuivant les hostilités régionales qu’en y mettant un terme.

L’absence de contraintes américaines fortes au Liban ouvre ainsi à Israël une marge de manœuvre plus large et alimente le risque d’un dérapage.

Face à ce risque, la diplomatie française tente d’agir sur un levier central, celui de la mise en œuvre et de la vérification du plan de désarmement élaboré par les Forces armées libanaises (FAL), connu sous le nom de Nation Shield.

Cette initiative prévoit, dans une première phase, un désarmement effectif au sud du Litani avant le 31 décembre, une échéance qui coïncide avec la montée de la pression israélienne.

Jusqu’à présent, le mécanisme franco-américain reposait essentiellement sur des déclarations des FAL, dont aucune n’était rendue publique ni documentée de manière indépendante, mais pour Paris, il devient indispensable de passer d’un système déclaratif à un système vérifiable.

Ce système est capable de convaincre autant Israël que les partenaires internationaux, en particulier les États-Unis et l’Arabie saoudite, acteurs clés du dossier libanais, du bien-fondé des agissements du Liban.

La FINUL dispose, selon Paris, de la capacité d’accompagner systématiquement les opérations des Forces armées libanaises (FAL) sur le terrain. Pour cela, les propositions françaises visent à établir un tableau de bord précis, zone par zone, démontrant que le travail est effectivement accompli au Sud.

Un tel dispositif doit permettre, du point de vue français, d’opposer des faits aux narratifs israéliens affirmant l’absence de progrès.

Le Drian a ainsi finalisé à Beyrouth le cadre d’un mécanisme renforcé. Désormais, les opérations des FAL devront être accompagnées, vérifiées et cartographiées afin de produire une évaluation destinée aux partenaires internationaux.

L’une des priorités de Paris est de convaincre l’Arabie saoudite, qui suit de très près le dossier du désarmement du Hezbollah et souhaite pouvoir constater sur pièces les avancées réelles sur le terrain avant de s’engager davantage, notamment dans la conférence de soutien aux FAL.

Paris estime que cette prudence est légitime et entend démontrer que les progrès réalisés méritent un soutien financier accru. 

Dans ce contexte, les contacts s’intensifient et des échanges étroits ont lieu avec l’émissaire américaine Morgan Ortagus et avec le conseiller du ministre saoudien des Affaires étrangères Yazid Ben Farhane.

Le chef des Forces armées libanaises, Rodolphe Haykal, est attendu à Paris dans les prochains jours. 

Même si aucune réunion trilatérale France–Arabie saoudite–États-Unis n’est officiellement confirmée pour le 18 décembre à Paris, des consultations régulières témoignent d’une coordination active.

Au-delà des questions sécuritaires, la France s’inquiète également du blocage politique interne au Liban, qui paralyse la reconstruction du Sud et la mise en œuvre de plusieurs programmes internationaux.

Le Parlement étant suspendu dans le cadre de la bataille politique autour des échéances électorales, les lois déjà votées ne sont pas adoptées, ce qui empêche l’exécution du programme de la Banque mondiale, essentiel à la reconstruction des zones affectées.

Il en va de même pour le document « GALPO », crucial pour relancer la coopération avec le FMI et convoquer une conférence internationale de reconstruction.

Ce document est en voie de finalisation du côté du gouvernement, mais son adoption dépend du Parlement.

Le Drian a insisté auprès du président et des responsables politiques libanais sur l’urgence de lever ce blocage, estimant qu’il s’agit d’un impératif vital pour l’ensemble des Libanais, et surtout pour ceux du Sud, les premiers touchés par les tensions actuelles.

Reste la question la plus délicate, celle du Hezbollah, d’autant plus que Paris constate que le mouvement chiite n’a pas renoncé à sa posture militaire et continue certains transferts d’armes.

Le Sud-Litani constitue un point de friction, mais le Nord-Litani pourrait, à terme, devenir un enjeu encore plus complexe, et la France considère néanmoins que le premier objectif doit être de prouver les progrès au Sud, base indispensable pour toute discussion ultérieure.

Le renforcement du mécanisme de vérification vise précisément, pour Paris, à établir un tiers de confiance permettant de distinguer déclarations politiques et réalité opérationnelle.

La France se trouve donc engagée dans une course diplomatique et technique pour éviter une explosion au Liban, mais elle estime qu’en renforçant la transparence des actions des forces libanaises, en mobilisant les partenaires régionaux et internationaux, et en poussant Beyrouth à débloquer ses institutions, il est possible de créer les conditions d’un apaisement durable sur la Ligne bleue.


Deuxième journée du sommet France- Pays Arabes, centrée sur l’eau, l’environnement et la reconstruction

Des experts français, des responsables arabes et des acteurs du secteur privé ont approfondi trois grandes thématiques : l’eau au cœur des besoins, les investissements et infrastructures, et enfin un focus stratégique sur le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), présenté comme l’un des projets géoéconomiques les plus ambitieux de la décennie. (Photo Arlette Khouri)
Des experts français, des responsables arabes et des acteurs du secteur privé ont approfondi trois grandes thématiques : l’eau au cœur des besoins, les investissements et infrastructures, et enfin un focus stratégique sur le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), présenté comme l’un des projets géoéconomiques les plus ambitieux de la décennie. (Photo Arlette Khouri)
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  • Dans son intervention durant le sommet, Jean-Baptiste Fauvet, chef du service économique régional pour la péninsule Arabique, a rappelé un chiffre choc en affirmant que, dans plusieurs pays arabes, la pénurie d’eau pèse déjà 1,8 % du PIB
  • Un coût qui pourrait, selon lui, atteindre 14 % d’ici à 2050 si rien n’est fait, soulignant que l’eau n’est plus un sujet sectoriel, mais un défi économique, sécuritaire et social de premier plan

PARIS: Pour la deuxième journée consécutive, le sixième Sommet économique France–pays arabes, organisé à Paris par la Chambre de commerce franco-arabe, a tenu ses promesses.
Après une première journée consacrée aux échanges économiques et aux perspectives d’investissement, ce second temps fort s’est concentré sur un enjeu devenu stratégique pour l’ensemble du monde arabe : l’eau et l’environnement, entre crises, besoins structurels et nouvelles opportunités technologiques.

Des experts français, des responsables arabes et des acteurs du secteur privé ont approfondi trois grandes thématiques : l’eau au cœur des besoins, les investissements et infrastructures, et enfin un focus stratégique sur le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), présenté comme l’un des projets géoéconomiques les plus ambitieux de la décennie.

Dans son intervention durant le sommet, Jean-Baptiste Fauvet, chef du service économique régional pour la péninsule Arabique, a rappelé un chiffre choc en affirmant que, dans plusieurs pays arabes, la pénurie d’eau pèse déjà 1,8 % du PIB.
Un coût qui pourrait, selon lui, atteindre 14 % d’ici à 2050 si rien n’est fait, soulignant que l’eau n’est plus un sujet sectoriel, mais un défi économique, sécuritaire et social de premier plan.

L’eau, un défi stratégique au cœur du Sommet France–pays arabes

Il a ensuite dressé une cartographie précise des acteurs internationaux aujourd’hui mobilisés, comme la Banque mondiale, premier bailleur, dont plus de 2,5 milliards de dollars sont engagés dans la région.
Il a également cité les grandes institutions multilatérales comme la Banque africaine de développement ou le Fonds arabe pour le développement économique et social, ainsi que les fonds climatiques mondiaux, comme le GEF, qui soutiennent des projets structurants en Jordanie et ailleurs, et la Banque européenne d’investissement et la BERD, très présentes sur les projets de dessalement et de transport d’eau.

Au-delà des financements, ces acteurs agissent de plus en plus en coalition, permettant de mutualiser les risques et d’augmenter l’impact. Dans ce paysage, la France occupe une place singulière grâce à la stratégie internationale pour l’eau lancée en 2020 et portée activement dans les enceintes multilatérales.
Fauvet a surtout souligné le rôle central de l’Agence française de développement, qui joue un rôle pivot, notamment en Irak où l’eau constitue la première destination de ses financements, indiquant que deux nouveaux prêts de 110 et 100 millions d’euros viennent d’y être signés.

Il a également évoqué le rôle, souvent mal compris, des fonds souverains du Golfe — puissants (plus de 5 000 milliards d’actifs cumulés) — qui sont des acteurs stratégiques capables d’impulser le secteur privé en garantissant certains revenus ou en soutenant des projets d’infrastructure.

Après l’analyse macroéconomique est venu le témoignage saisissant d’Ali Hamie, ancien ministre et conseiller du président libanais pour la reconstruction, qui a dressé un constat alarmant des destructions provoquées par l’agression israélienne de 2024, laquelle se poursuit encore aujourd’hui.
Au 27 novembre 2024, date du cessez-le-feu, 15 000 bâtiments avaient déjà été totalement détruits. Un an plus tard, en novembre 2025, ce chiffre avait presque doublé, sans compter les zones non encore recensées, notamment dans la banlieue sud de Beyrouth.
Les chiffres qu’il a présentés donnent la mesure de la catastrophe : certains villages du Sud ont été détruits à 88 %, au point de disparaître, et plus de 35 000 bâtiments sont aujourd’hui détruits ou lourdement touchés.

Partenariats régionaux et reconstructions : enjeux du Golfe au Liban

Mohamed Ben Laden, président du Conseil d’affaires franco-saoudien, est intervenu longuement sur l’état du partenariat franco-saoudien, notamment à l’issue du dernier forum économique de Riyad, marqué par l’effervescence d’un pays projeté à la fois vers l’Expo 2030 et la Coupe du monde 2034.
Président depuis quelques années du Conseil d’affaires franco-saoudien, Ben Laden assure que cela illustre combien « nos deux nations partagent non seulement une vision stratégique, politique et économique, mais aussi une longue histoire commune, faite de crises traversées et de transformations profondes dans un monde en perpétuel changement ».

Réagissant aux propos de l’envoyé spécial du président de la République française, Gérard Mestrallet, qui a évoqué le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe, l’IMEC, au centre d’un premier accord énergétique signé en 2020, Ben Laden a déclaré que la France et l’Arabie saoudite ont souhaité aller plus loin.
C’est ainsi que leur partenariat s’est élevé à un niveau réellement stratégique, avec l’accord majeur signé par le président Macron et le prince héritier d’Arabie saoudite lors de la visite de décembre 2024, « qui fut un très grand succès pour nos relations bilatérales ».

Depuis le lancement de Vision 2030, en 2016, a-t-il ajouté, l’Arabie saoudite a mis en œuvre d’immenses réformes économiques dont les résultats sont aujourd’hui visibles.
« Nous avons franchi la moitié du chemin vers 2030, et tous les indicateurs sont au vert ; pour la première fois, 56 % du PIB provient désormais de secteurs non pétroliers, ce qui constitue un tournant historique pour notre pays.
Nous avons éradiqué la corruption, instauré une gouvernance claire et crédible, et cela a immédiatement attiré les investisseurs », a-t-il poursuivi, invitant le Liban, « que nous aimons, à suivre le même chemin pour regagner la confiance internationale ».

Il a ensuite décrit la dynamique d’intégration régionale en cours au sein du Golfe : « Le 3 décembre, nous avons créé une autorité commune de l’aviation civile, et la semaine dernière, nous avons annoncé une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Doha et Riyad, connectant la région orientale du Royaume.
Le Golfe bouge, s’unit, crée une dynamique logistique jamais vue », a assuré Ben Laden, « et nous avons tout intérêt à ce qu’elle s’étende à la Syrie et au Liban ».

S’attardant sur les perceptions européennes des mégaprojets saoudiens, il indique : « Certes, l’Arabie saoudite est aujourd’hui le plus grand chantier à ciel ouvert au monde, mais nous accordons autant d’importance à l’édification de l’homme, à la formation de notre jeunesse.
Nous réformons entièrement notre système éducatif, et les écoles françaises sont les bienvenues pour développer des partenariats, de même que les grandes écoles, qui arrivent encore timidement, doivent comprendre que le français demeure aussi une langue des affaires. »

Abordant le rôle des petites et moyennes entreprises françaises (PME), il a soutenu qu’elles ont leur place en Arabie, tout comme les grands groupes français, puisque le cadre législatif favorise désormais les entreprises implantées dans le pays.
« La législation évolue. Vous pouvez désormais être propriétaire de votre résidence en Arabie saoudite, et le régime de Premium Residency vous permet d’investir seul, sans partenaire local, d’acquérir un bien et de vivre dans le Royaume. »