Première réunion américano-russe sous tension pour confirmer un sommet Biden-Poutine

L'«activité militaire» de la Russie dans l'Arctique est «parfaitement légale et légitime» a plaidé le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov (Photo, AFP)
L'«activité militaire» de la Russie dans l'Arctique est «parfaitement légale et légitime» a plaidé le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 19 mai 2021

Première réunion américano-russe sous tension pour confirmer un sommet Biden-Poutine

  • Blinken a appelé à «éviter une militarisation» de l'Arctique mais aussi ce genre de «déclarations», qui «affaiblissent» l'objectif «d'un avenir pacifique»
  • Des sanctions sont prévues contre des entités mineures, mais le gouvernement Biden veut éviter de se fâcher avec Berlin, selon le site internet Axios et la chaîne de télévision CNN

REYKJAVIK: Les ministres américain et russe des Affaires étrangères se rencontrent mercredi soir en Islande pour jauger la profondeur du fossé qui sépare leurs deux pays rivaux et confirmer la tenue d'un sommet très attendu entre Joe Biden et Vladimir Poutine. 

Les déclarations qui ont précédé le face-à-face ne laissent pas présager la "désescalade" que Washington et Moscou disent appeler de leurs voeux au moment où leurs relations sont au plus bas depuis la fin de la Guerre froide. 

Alors que le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a semblé vouloir faire de l'Arctique, un nouvel enjeu géopolitique au coeur de la réunion régionale qui les rassemble mercredi et jeudi à Reykjavik -la capitale islandaise-, un laboratoire d'une certaine coopération ciblée sur des défis communs comme la lutte contre le réchauffement climatique, son homologue russe Sergueï Lavrov a fait monter la tension avec des propos tonitruants. 

"Il est clair pour tout le monde depuis longtemps que ce sont nos terres, notre territoire", a-t-il en effet lancé lundi au sujet du Grand Nord, défendant une sorte de pré carré russe et dénonçant notamment les velléités "offensives" des Occidentaux via l'Otan et la Norvège.  

L'"activité militaire" de la Russie dans l'Arctique est "parfaitement légale et légitime", a-t-il plaidé. 

La mise en garde russe a inévitablement suscité une réponse d'Antony Blinken, qui a appelé mardi "éviter" ce genre de "déclarations", mais aussi "une militarisation" de l'Arctique, un vaste territoire aux conditions extrêmes, riche en ressources naturelles, autour du Pôle Nord. 

Apaisement sur Nord Stream 2 ?

Mercredi, au cours d'une rencontre avec son homologue canadien Marc Garneau, il a réaffirmé vouloir "préserver cette région en tant qu'endroit de coopération pacifique" en matière de climat ou d'avancées scientifiques. 

Le décor du tête-à-tête en Islande est donc planté. 

Il est prévu pour commencer à 21H15 (hzure locale et GMT) après un dîner d'ouverture du Conseil de l'Arctique - qui réunit les huit pays riverains de la région (Etats-Unis, Russie, Islande, Canada, Danemark, Finlande, Suède, Norvège). 

Depuis son arrivée à la Maison Blanche en janvier, le président Biden affiche une grande fermeté à l'égard de la Russie de Vladimir Poutine, qu'il est allé jusqu'à qualifier de "tueur" - pour mieux marquer la rupture avec son prédécesseur Donald Trump, accusé de complaisance à l'égard du maître du Kremlin. 

Moscou et Washington ont échangé vives accusations et sanctions dès le début du mandat du démocrate. 

Mais depuis, les deux capitales assurent vouloir une forme d'apaisement. 

Faut-il y voir un signe ? Juste avant la rencontre de Reykjavik, une information a filtré dans des médias américains selon laquelle la Maison Blanche a finalement décidé de ne pas sanctionner la principale société impliquée dans le projet controversé de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne, Nord Stream AG, et son directeur général. 

Des sanctions sont prévues contre des entités mineures, mais le gouvernement Biden veut éviter de se fâcher avec Berlin, selon le site internet Axios et la chaîne de télévision CNN. 

Concrètement, cette décision, si elle est confirmée, revient à laisser le champ libre à ce gazoduc dont les Etats-Unis ne veulent pourtant pas. Mardi encore, dans un appel à son homologue allemand Heiko Maas, Antony Blinken, qui menace de sanctions depuis des semaines, avait ainsi "mis l'accent sur l'opposition américaine au gazoduc", assurant vouloir travailler avec les pays alliés "pour contrer les efforts russes visant à saper" leur "sécurité collective", selon le département d'Etat. 

Plusieurs ténors républicains ont fustigé à Washington le recul démocrate sur le dossier Nord Stream 2. 

"Nous avons dit très clairement que si la Russie choisissait de prendre des mesures irresponsables ou agressives contre nos intérêts ou nos partenaires et alliés, nous riposterions", a prévenu Antony Blinken en Islande. 

Il a toutefois jugé "important de pouvoir parler de cela en tête-à-tête pour voir s'il est possible d'avoir une relation avec la Russie plus stable et prévisible", ainsi que des terrains d'entente en matière climatique ou de désarmement. 

Pour y parvenir, Joe Biden et Vladimir Poutine semblent d'accord pour avoir leur premier sommet en juin dans un pays européen, peut-être dans la foulée, côté occidental, des réunions des dirigeants du G7 et de l'Otan qui feront la part belle à l'affichage d'un front commun anti-Moscou. 

"Nous pensons que cela aura lieu dans les prochaines semaines", a confirmé mardi le chef de la diplomatie américaine. 

"Pour l'instant, il n'y a pas d'accord sur l'heure ou l'endroit. Avant de s'entendre sur ces points, il nous faut analyser la position des Etats-Unis concernant l'ordre du jour" d'une telle rencontre, a nuancé mercredi le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov. 

Dans l'Arctique, la Russie affiche sa base militaire modèle face à l'Otan

Sur cette base ultra-moderne, au fin fond de l'Arctique russe, les forces de Moscou se préparent à faire face à l'Otan.

Dans cette région stratégique, riche en hydrocarbures et amenée à jouer un rôle croissant dans le commerce mondial à la faveur du changement climatique et de la fonte des glaces, les intérêts du Kremlin s'opposent à ceux de plusieurs autres pays, dont les Etats-Unis.

Ici, à 600 kilomètres à peine du pôle Nord, les soldats de Moscou sont installées pour rester et entendent le faire savoir: sur un territoire de plus de 14 000 mètres carrés, ils ont construit, sur les ruines de vieux sites soviétiques, un complexe capable de fonctionner en autarcie pendant près d'un an et demi.

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La base est équipée d'une station d'épuration et de chauffage de l'eau, d'une centrale électrique, mais aussi d'une clinique, d'une salle de sport, d'un cinéma, d'un sauna et d'une église. Le tout est relié par des tunnels chauffés permettant aux quelque 150 militaires de ne pas avoir à sortir dans le froid polaire, sauf nécessité.

Balayée par les vents et soumise à des températures pouvant descendre jusqu'à -42°C, la base comprend aussi un aérodrome géant, d'où ont décollé en mars deux chasseurs MiG-31, parvenant à franchir le pôle Nord avant de revenir sur l'archipel.

La Russie a très largement renforcé sa présence militaire dans la région ces dernières années, la base du "Trèfle Arctique" n'étant que le dernier maillon en date. Moscou déploie notamment des systèmes de défense anti-aérienne dernier cri, les S-400.

C'est que le Kremlin espère y devenir la première puissance militaire et économique, profitant des retombées financières du passage du Nord-Est, route maritime entre l'Europe à l'Asie qui se développe avec le recul des glaces.

Pour Mikaa Mered, professeur à Sciences Po et spécialiste français de l'Arctique, les Russes "font toujours ce petit coup de menton en amont du sommet ministériel, mais ça n'empêche pas le travail du Conseil de se poursuivre sur ses sujets consensuels traditionnels".

Mais la mise en garde russe a inévitablement suscité une réponse d'Antony Blinken, qui a appelé mardi à "éviter une militarisation" de l'Arctique mais aussi ce genre de "déclarations", qui "affaiblissent" l'objectif "d'un avenir pacifique" pour ce vaste territoire aux conditions extrêmes, riche en ressources naturelles, autour du Pôle Nord. 

'Risques d'accidents'

Avant d'enfoncer le clou: "Nous avons des inquiétudes au sujet de l'augmentation de certaines activités militaires dans l'Arctique qui renforcent les risques d'accidents".

A quelques heures  de la rencontre, Antony Blinken a également "condamné les abus de la Russie en Crimée" sur Twitter, proclamant que la péninsule annexée en 2014 par Moscou "est (en) Ukraine". 

Le décor du tête-à-tête, prévu dans la soirée après un dîner d'ouverture du Conseil de l'Arctique - qui réunit les huit pays riverains de la région - est donc planté.

La rencontre "permettra de tester" si "nous pouvons mettre en place une relation avec Moscou qui soit plus stable et prévisible", a déclaré un porte-parole du Département d'Etat mardi soir à Reykjavik.

Dans le nord suédois, des soldats s'entraînent au combat arctique

Dans une forêt tapissée de neige tout au nord de la Suède, des centaines de soldats en tenue de camouflage blanc creusent des abris, patrouillent à ski et dressent des embuscades pour tester leurs aptitudes au combat dans l'environnement impitoyable de l'Arctique.

Savoir se battre dans le Grand Nord est devenu une capacité recherchée tant en Suède qu'ailleurs à mesure que les tensions montent dans une région abritant des ressources naturelles que le retrait de la banquise rend plus accessibles.

L'exercice annuel "Winter Sun", qui se tient à 80 kilomètres sous le cercle polaire met aux prises 900 soldats avec chars et canons. Souvent, Français, Britanniques et Américains viennent aussi s'y faire la main.

Sous ces latitudes où il arrive que le mercure tombe à -30°C, des détails comme changer régulièrement de chaussettes peuvent faire la différence entre la vie et la mort.

Les soldats appartiennent à un bataillon de Rangers spécialistes du combat par grand froid, rompus aux missions de reconnaissance et aux embuscades derrière les lignes ennemies, à ski ou en motoneige.

Dans leurs épaisses bottes d'hiver, des appelés mettent la dernière main aux abris dans lesquels ils disparaissent après avoir dissimulé leurs traces avec une pelle.

Davantage d'unités de ce type vont voir le jour dans le cadre d'une remilitarisation plus globale du nord du pays. La Suède a annoncé fin 2020 une augmentation de 40% de son budget de la Défense sur cinq ans.

Depuis son arrivée à la Maison Blanche en janvier, le président Biden affiche une grande fermeté à l'égard de la Russie de Vladimir Poutine, qu'il est allé jusqu'à qualifier de "tueur" -- pour mieux marquer la rupture avec son prédécesseur Donald Trump, accusé de complaisance à l'égard du maître du Kremlin.

Moscou et Washington ont échangé dures accusations et sanctions dès le début du mandat du démocrate.

Mais depuis, les deux pays assurent vouloir une forme d'apaisement.

"Nous avons dit très clairement que si la Russie choisit de prendre des mesures irresponsables ou agressives contre nos intérêts ou nos partenaires et alliés, nous riposterons", a prévenu Antony Blinken en Islande. "Pas pour chercher le conflit ou l'escalade, mais parce qu'on ne peut pas être ainsi défiés impunément."

Il a toutefois jugé "important de pouvoir parler de cela en tête à tête pour voir s'il est possible d'avoir une relation avec la Russie plus stable et prévisible", ainsi que des terrains d'entente en matière climatique ou de désarmement.

Pour y parvenir, Joe Biden et Vladimir Poutine semblent d'accord pour tenir leur premier sommet en juin dans un pays européen, probablement dans la foulée, côté occidental, des réunions des dirigeants du G7 et de l'Otan qui feront la part belle à l'affichage d'un front commun anti-Moscou.

"Nous pensons que cela aura lieu dans les prochaines semaines", a confirmé lundi le chef de la diplomatie américaine. La date et le lieu pourraient être annoncés dans les jours qui suivent la réunion de Reykjavik.


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
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  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Après la panne géante, les énergies renouvelables sur le banc des accusés en Espagne

Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
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  • Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne.
  • Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez.

MADRID : L'essor des énergies renouvelables a-t-il fragilisé le réseau électrique espagnol ? Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne, malgré les messages rassurants des autorités.

« Le manque de centrales nucléaires et la multiplication par dix des énergies renouvelables ont mis à terre le réseau électrique », assure en une le quotidien conservateur ABC mercredi matin. « Les alertes sur les renouvelables depuis cinq ans » ont été « ignorées », regrette de son côté El Mundo, également classé à droite.

Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui a fait de l'Espagne l'un des champions européens de la transition verte.

Selon le gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, le solaire et l'éolien ont représenté en 2024 près de 40 % du mix électrique espagnol. C'est près de deux fois plus qu'en 2014, et près du double également de la part du nucléaire, tombée l'an dernier à 20 %. 

Cette évolution est défendue par l'exécutif, qui s'est engagé à fermer toutes les centrales nucléaires d'ici dix ans, mais elle est source de tensions dans le pays, plusieurs rapports ayant pointé ces derniers mois de possibles risques en l'absence de mesures fortes pour adapter le réseau.

- Une énergie « sûre » ?

Dans son document financier annuel publié fin février, Redeia, la maison-mère de REE, avait ainsi mis en garde contre « la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations ».

Cela pourrait « provoquer des coupures de production », qui « pourraient devenir sévères, allant jusqu'à entraîner un déséquilibre entre la production et la demande, ce qui affecterait significativement l'approvisionnement en électricité » de l'Espagne, avait-elle écrit. 

Un message relayé par l'organisme espagnol de la concurrence (CNMC) dans un rapport de janvier. « À certains moments, les tensions du réseau de transport d'électricité ont atteint des valeurs maximales proches des seuils autorisés, dépassant même ces seuils à certains moments », avait écrit l'organisme.

Après la coupure de lundi, certains experts du secteur se sont interrogés sur un éventuel déséquilibre entre production et demande (difficile à corriger dans un réseau où l'éolien et le solaire ont une place prépondérante) qui aurait pu contribuer à l'effondrement du système électrique espagnol.

Dans un entretien accordé mercredi matin à la radio Cadena Ser, Beatriz Corredor, la présidente de Redeia et REE (l'ex-députée socialiste) a cependant assuré que la production d'énergies renouvelables était « sûre ».

« Relier l'incident si grave de lundi à une pénétration des énergies renouvelables n'est pas vrai, ce n'est pas correct », a-t-elle insisté, en assurant que le rapport de février ne faisait que dresser la liste de risques potentiels, comme l'y oblige la législation. 

- « Ignorance » -

Mardi déjà, Pedro Sánchez avait lui aussi défendu le modèle énergétique mis en œuvre par son gouvernement, rappelant que la cause précise de la panne qui a provoqué le chaos au Portugal et en Espagne durant de longues heures lundi n'était toujours pas connue à ce stade.

« Ceux qui lient cet incident au manque de nucléaire mentent franchement ou démontrent leur ignorance », a assuré le dirigeant socialiste.

« Les centrales nucléaires, loin d'être une solution, ont été un problème » durant la panne, car « il a été nécessaire de rediriger vers elles de grandes quantités d'énergie pour maintenir leurs réacteurs stables », a insisté le chef du gouvernement. 

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la panne depuis deux jours, dont celle d'une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un « sabotage informatique » susceptible d'être qualifié de « délit terroriste ».

REE estime cependant que cette hypothèse est peu crédible. « Au vu des analyses que nous avons pu réaliser avec l'aide notamment du Centre national du renseignement espagnol (CNI), nous pouvons écarter un incident de cybersécurité », a ainsi assuré le gestionnaire.

D'après REE, l'équivalent de 60 % de la consommation électrique de l'Espagne, soit 15 gigawatts, a disparu en l'espace de cinq secondes seulement lors de la panne survenue lundi à 12 h 33 (11 h 33 GMT), un phénomène qualifié d'« inédit » et « totalement extraordinaire ».


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.