Des milliers de policiers rassemblés devant l'Assemblée, la justice ciblée

Des policiers agitent des drapeaux de syndicats de policiers lors d’un rassemblement à Paris le 19 mai 2021 / AFP
Des policiers agitent des drapeaux de syndicats de policiers lors d’un rassemblement à Paris le 19 mai 2021 / AFP
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Publié le Mercredi 30 août 2023

Des milliers de policiers rassemblés devant l'Assemblée, la justice ciblée

  • Selon les organisateurs, plus de 35 000 personnes ont répondu à l'appel des syndicats de policiers
  • Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, absent du rassemblement, était la cible des manifestants et des syndicats, qui réclament une réponse pénale plus forte

PARIS: "Le problème de la police, c'est la justice!": la magistrature a été la cible des syndicats, mercredi, devant l'Assemblée nationale où des milliers de policiers se sont rassemblés, deux semaines après le meurtre du brigadier Eric Masson et à l'approche d'importantes échéances électorales.

Selon les organisateurs, plus de 35 000 personnes ont répondu à l'appel des syndicats de policiers. Le bilan de la mobilisation selon les autorités n'était pas encore disponible. 

Très critiquée par l'opposition, la venue de Gérald Darmanin, qui s'est frayé difficilement un chemin dans une foule compacte, s'est déroulée sans heurts, aux sons des klaxons et des sifflets, accessoires habituels des policiers en manifestation. Certains ont pris des selfies avec lui.

"Il faut nous aider!", l'ont cependant interpellé plusieurs manifestants. "Tous les soirs, quand je me couche, je pense à vous", a répondu le ministre à un policier qui lui disait ne pas savoir, quand il part au travail, "comment" il "va rentrer".

"Je suis policier, je suis derrière tous les collègues qui tous les jours risquent leur vie. C'est pas facile, il faut qu'on ait plus d'effectifs, pour intervenir en sécurité. Et que les peines soient exécutées", a témoigné auprès de l'AFP un policier dans l'Eure, Mickael.

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, absent du rassemblement, était la cible des manifestants et des syndicats, qui réclament une réponse pénale plus forte, et notamment que des peines planchers soient infligées aux agresseurs de policiers.

A la tribune, sur laquelle était tendue une banderole noire "Payés pour servir, pas pour mourir", le secrétaire général du syndicat Alliance, Fabien Vanhemelryck, a fait siffler "ce ministre qui déclare je suis le ministre des prisonniers (et de l'administration pénitentaire, ndlr"). 

"Le problème de la police, c'est la justice!", a tonné le syndicaliste, sous les applaudissements.

"Les peines minimales pour les agresseurs, voilà le message fort et clair que nous attendons", avait auparavant déclaré Grégory Joron d'Unité SGP Police-FO. "Cette mesure n'est pas liberticide, ni anticonstitutionnelle, ni nauséabonde", a-t-il ajouté.

Plusieurs témoignages de policiers blessés ou de leurs proches ont été prononcés ou diffusés sur l'estrade.

 

Darmanin et des élus de tous bords disent leur "soutien" aux policiers

"Rien de plus normal que soutenir les policiers dans une république", a souligné mercredi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, rejoint par des élus politiques de tous bords -la droite en tête- à la manifestation des policiers devant l'Assemblée nationale. 

Le ministre a dit être "simplement venu soutenir les policiers" : "Ils vivent un moment difficile, ils sont endeuillés et il n'y a rien de plus normal que de soutenir les policiers dans une république", a-t-il déclaré, avant d'entrer à l'Assemblée nationale. 

Dans l'opposition, les parlementaires LR sont venus en force, avec le patron des sénateurs Bruno Retailleau, un pin's "Je soutiens la police" épinglé à son écharpe tricolore, celui des députés Damien Abad, la vice-présidente de l'Assemblée Annie Genevard ou encore le député Eric Ciotti, ont constaté des journalistes de l'AFP. 

"On paie des années dans lesquelles on a parlé violences policières alors que ce sont les policiers qui sont attaqués. On a besoin de retrouver de la fermeté", a estimé le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, en début de rassemblement. 

"Il y a besoin d'ordre", a déclaré le président LR de l'Association des maires de France (AMF) François Baroin, que des dirigeants de LR verraient bien prétendre à l'Elysée. "C'est un sujet de notre quotidien qui nous emmènera certainement jusqu’à la présidentielle". 

"Fermeté"

Pour l'ex-LR Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France et candidat à la présidentielle, "les forces de l'ordre, on ne s'y attaque pas (...) Si eux ne sont pas protégés, qui protègera la République?", a-t-il interrogé. 

Non loin de lui, la présidente ex-LR de l'Ile-de-France Valérie Pécresse, autre potentielle candidate en 2022, avait publié une lettre aux policiers dans Le Figaro pour leur dire qu'il était "temps de rétablir (leur) honneur". 

La présidente du Rassemblement national et candidate à l'Elysée, Marine Le Pen, a exprimé en marge d'un déplacement à Bordeaux son "soutien total et entier" aux policiers et réclamé de la "fermeté" à l'encontre de ceux qui s'attaquent à eux. 

Elle a aussi ironisé sur la présence de Gérald Darmanin venu "manifester contre (lui)-même". 

Au rassemblement à Paris, le numéro deux du parti Jordan Bardella a lancé "un message d'alerte et d'urgence aux ministres de l'Intérieur et de la Justice" à propos de forces de l'ordre "usées, fatiguées, épuisées".  

Divergences

Venus en nombre à un mois des élections régionales, dernier scrutin avant la présidentielle de 2022, ces politiques divergeaient toutefois sur les réponses à apporter contre l'insécurité. 

Si la droite et l'extrême droite soutiennent le rétablissement des peines planchers, à gauche, le premier secrétaire du PS Olivier Faure considère que "ça ne fonctionne pas" parce qu'elles ont abouti à "un quantum de peines moins élevé". Il a défendu le "dialogue" pour rétablir "la continuité de toute la chaine pénale" et "ne pas opposer police et justice". 

Il s'agit de "réconcilier les Français avec la police", a-t-il insisté aux côtés de la potentielle candidate socialiste à la présidentielle Anne Hidalgo, venue ceinte de son écharpe de maire de Paris. 

L'eurodéputé EELV Yannick Jadot, présent aussi à la manifestation tout comme le communiste Fabien Roussel, a dit ne pas vouloir "laisser la police livrée au Rassemblement national et aux manipulations du gouvernement". 

Le député Laurent Saint-Martin, tête de liste LREM aux régionales en Ile-de-France, est venu témoigner d'une "majorité qui renforce leurs moyens". 

Le député LFI Adrien Quatennens, dont le parti ne participait pas à la manifestation, a expliqué qu'il ne voulait pas "participer avec M. Darmanin et Mme Le Pen à une (...) surenchère sécuritaire" 

Du RN au PCF

Les syndicats réunis - fait assez rare- en intersyndicale avaient souhaité une mobilisation "sans récupération politique" alors que la sécurité s'est imposée comme l'un des principaux thèmes de campagne des régionales dans un mois, et de la présidentielle dans un an.

Cependant, du Rassemblement national au Parti communiste, en passant par le Parti socialiste et l'écologiste Yannick Jadot, des élus de tous bords se sont joints au rassemblement.

"Le nouvel horizon que dessinent nos ministres et élus en participant à cette manifestation et en s'associant ainsi aux revendication policières, est celui d’une société dans laquelle la police devient une puissance autonome au lieu d’être une force publique au service des citoyens", s'est insurgé dans un communiqué le syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche).

Les syndicats ont décidé d'organiser ce rassemblement deux semaines jour pour jour après le meurtre du brigadier Eric Masson, tué sur un point de deal à Avignon. 

Un drame qui a ébranlé la police, déjà marquée par l'assassinat le 23 avril de Stéphanie Monfermé, agente administrative au commissariat de Rambouillet (Yvelines), par un Tunisien qui se serait radicalisé.

Selon les responsables syndicaux, beaucoup de policiers "en colère" et "écœurés" voient dans la mort du brigadier lors de cette banale intervention un symbole des violences répétées à leur encontre, qui nécessitent une "réponse pénale" plus ferme.

Depuis Avignon, le gouvernement a déjà donné des gages aux syndicats, reçus le 10 mai à Matignon.

Le Premier ministre Jean Castex s'est notamment engagé à étendre à trente ans la période de sûreté pour les personnes condamnées à perpétuité pour un crime contre un policier ou un gendarme. 

Le gouvernement a déposé ce mercredi un amendement en ce sens dans le cadre de l'examen au Palais Bourbon du projet de loi pour la "confiance" dans la justice d'Eric Dupond-Moretti. Il devrait être voté dans la semaine.

Jean Castex s'est également dit favorable à une limitation plus stricte des possibilités de réduction des peines pour ceux qui s'attaquent aux forces de l'ordre. 

Mais les syndicats déplorent que leur "revendication la plus importante", "la mise en œuvre de peines minimales" (aussi appelées peines planchers) pour "les agresseurs des forces de l'ordre", n'ait pas été "prise en compte".  


Macron fustige les «bourgeois des centres-villes» qui financent «parfois» le narcotrafic

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  • Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international"
  • La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic

PARIS: Le président Emmanuel Macron a estimé mercredi lors du Conseil des ministres que ce sont "parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants", selon des propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon lors de son compte-rendu.

Le chef de l'État a appuyé "l'importance d'une politique de prévention et de sensibilisation puisque, je reprends ses mots, +c'est parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants+", a précisé Maud Bregeon, ajoutant: "on ne peut pas déplorer d'un côté les morts et de l'autre continuer à consommer le soir en rentrant du travail".

Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international". La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic.

 


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).

 


Assassinat de Mehdi Kessaci: «Non, je ne me tairai pas» face au narcotrafic, dit son frère dans une tribune au Monde

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  • "Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic"
  • "On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement"

PARIS: "Non, je ne me tairai pas" face au narcotrafic, a déclaré mercredi dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Amine Kessaci, le frère de Mehdi, abattu jeudi à Marseille par deux personnes à moto.

"Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", a également écrit le militant écologiste de 22 ans, engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat d'un autre de ses frères, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

"On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement", a encore déclaré Amine Kessaci, qui a enterré mardi son frère Mehdi. "Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", a-t-il ajouté.

La protection policière qui lui a été accordée ne l'a pas été à ses proches, a souligné le militant écologiste de 22 ans. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s'est-il interrogé.

"Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu'il se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée", a-t-il encore prévenu.

"Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?"

Medhi Kessaci, 20 ans, a été assassiné jeudi à Marseille près d'une salle de concert par deux hommes à moto, activement recherchées, un "crime d'intimidation" et "un assassinat d'avertissement" pour les autorités.