«Des hommes» de Lucas Belvaux ou la mémoire d'un appelé de la guerre d'Algérie

Le réalisateur français Lucas Belvaux pose pour une photo alors qu'il arrive sur le tapis rouge pour présenter le film "Des Hommes" dans le cadre du 46ème festival du film américain de Deauville, nord-ouest de la France, le 10 septembre 2020. (Photo / AFP)
Le réalisateur français Lucas Belvaux pose pour une photo alors qu'il arrive sur le tapis rouge pour présenter le film "Des Hommes" dans le cadre du 46ème festival du film américain de Deauville, nord-ouest de la France, le 10 septembre 2020. (Photo / AFP)
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Publié le Vendredi 28 mai 2021

«Des hommes» de Lucas Belvaux ou la mémoire d'un appelé de la guerre d'Algérie

  • «C'est un film qui, comme le livre éponyme de Laurent Mauvignier dont il est tiré, se veut un peu réparateur»
  • «Des Hommes» évoque le conflit comme un secret de famille, une violence sourde et enfouie mais n'aborde pas la torture

PARIS : Dans "Des hommes", le réalisateur Lucas Belvaux invite à comprendre ce qui s'est passé durant la guerre d'Algérie dans la tête d'un appelé français, devenu un sexagénaire raciste interprété par Gérard Depardieu.

"C'est un film qui, comme le livre éponyme de Laurent Mauvignier dont il est tiré, se veut un peu réparateur" en "reconnaissant toutes les souffrances", a expliqué le cinéaste franco-belge à l'AFP, lors de la présentation du film à Deauville en septembre. 

"Il y a eu évidemment les souffrances du peuple algérien qui ont été très longues mais celle des appelés a été extrêmement profonde aussi, la souffrance des harkis, la souffrance des pieds-noirs, avec énormément d'injustice dans tous les sens et de non-reconnaissance. On en subit les séquelles encore aujourd'hui". 

Deux semaines après la ressortie d'"ADN" de Maïwenn, "Des Hommes", qui sort mercredi en salles en France, explore à son tour les plaies mal cicatrisées de l'histoire franco-algérienne. Dans un style plus sobre, et avec Jean-Pierre Darroussin et Catherine Frot aux côtés de Depardieu.

Ce dernier interprète Feu-de-bois, un imposant sexagénaire, explosif, raciste, qui un soir s'introduit ivre chez Saïd, comme s'il était chez lui, plaque sa femme au mur, traite la famille de "bougnoules". Dans son village, il est peu aimé, même de Rabut (Jean-Pierre Darroussin) qui, comme lui, a fait la guerre d'Algérie mais dont la retenue n'a d'égal que la truculence de son ennemi de toujours.

La tendresse que Feu-de-bois exprime pour sa sœur (Catherine Frot), qui condamne ses dérives, convainc toutefois le spectateur de tenter de comprendre cet ogre antipathique.

Alors que les gendarmes s'apprêtent à arrêter son frère, Solange se replonge dans les lettres qu'il lui envoyait d'Algérie.

Quarante ans plus tôt, celui qu'on appelait encore Bernard est un jeune homme qui découvre la beauté d'un pays. "Cela doit être formidable de vivre ici", écrit-il. Mais il y a aussi ce que le jeune homme de vingt ans ne raconte pas parce qu'"il n'y a pas de mots pour ça".

«Cassés à vie»

Rentré chez lui, le sexagénaire se souvient du massacre de civils algériens auquel il a assisté impuissant. "Si j'avais été d'ici, j'aurais été fellaga", pense alors le jeune homme avant que son camp ne soit à son tour victime d'une boucherie.

Les souvenirs de Bernard et Rabut sont ponctués de silences marqués.

"On dit souvent que les anciens d’Algérie n’ont pas raconté, je crois surtout que personne ne voulait les entendre. On les a condamnés à ce silence, qui est la marque de la guerre d’Algérie", commente le cinéaste de 59 ans qui s'est appuyé sur les recherches de l'historien français Benjamin Stora, spécialiste reconnu de l'histoire contemporaine de l'Algérie.

"Des Hommes" évoque le conflit comme un secret de famille, une violence sourde et enfouie mais n'aborde pas la torture. 

"On ne peut pas tout raconter. J'allais pas faire un catalogue des horreurs", explique Lucas Belvaux pour qui le film vient "naturellement" après "Chez Nous", qui scrutait le Front National (extrême droite, devenu Rassemblement National) en 2017. "Le FN s’est, en grande partie, construit sur les cendres de cette guerre-là", ajoute le cinéaste.

Dans le film certains appelés en revanche osent faire le parallèle avec les horreurs du nazisme et en particulier le massacre d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), perpétré par les SS, 18 ans avant la fin de la guerre d'Algérie.

"À l'époque pour les appelés, c'est extrêmement présent, comme la Résistance, comme l'Occupation. Quand les enfants les regardent, ils se voient eux en train de regarder les soldats allemands, ils voient la peur et donc ça les trouble beaucoup", poursuit Lucas Belvaux.


L'actrice libanaise Razane Jammal est l'autrice d'un livre pour enfants

L'actrice libano-britannique Razane Jammal s'apprête à publier un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu". (Getty Images via AN)
L'actrice libano-britannique Razane Jammal s'apprête à publier un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu". (Getty Images via AN)
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DUBAI : L'actrice libanaise Razane Jammal s'apprête à sortir un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu".

L'actrice, célèbre pour ses rôles dans les séries Netflix "The Sandman" et "Paranormal", a pris les médias sociaux dimanche pour partager la nouvelle, écrivant : "Ce qui a commencé comme une petite histoire que j'ai écrite il y a sept ans s'est transformé en un livre pour vos petits. J'y ai mis tout mon cœur et je suis ravie de vous inviter à notre premier lancement à Beyrouth". 

Le lancement est prévu le 25 juin dans l'espace communautaire Minus 1 de la capitale libanaise. L'actrice fera une lecture du conte pour enfants, qui raconte l'histoire d'une "lionne végétarienne, d'un poisson amical et de leur amitié des plus inhabituelles", selon l'auteur.

Publiée par Turning Point Books, l'histoire a été illustrée par Sasha Haddad, une illustratrice libanaise diplômée de la Cambridge School of Arts en 2014.

Dans le rôle qui l'a sans doute propulsée vers la célébrité, Jammal a incarné Lyta Hall dans "The Sandman" (2022), basé sur les légendaires romans graphiques.

Son personnage rêve chaque nuit de son mari décédé, réalisant peu à peu qu'il n'est pas le fruit de son imagination, mais qu'il se cache dans le monde des rêves.

C'est un rôle que Jammal a réussi à jouer avec vérité et subtilité - une subtilité pour laquelle elle a remercié sa mère lors d'une précédente interview avec Arab News.

"J'ai toujours été extra, et ma mère était bien plus subtile que moi. J'ai dû m'ajuster pour vibrer sur sa fréquence, une fréquence à la fois très douce et très crue, vulnérable et nourricière. C'est ce qu'elle m'a transmis.

"J'ai grandi en menant une vie simple, basée sur la communauté, dans un endroit où il y a 500 mères, où tout le monde vous nourrit et où vous vous sentez en sécurité - même si ce n'est pas du tout le cas. En même temps, nous avons vécu tant de traumatismes, des guerres civiles aux assassinats, en passant par la perte de tout notre argent lors d'une nouvelle crise financière. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


La fête de la musique sous le signe du dialogue culturel franco-saoudien

Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
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  • Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays.
  • L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines.

RIYAD : Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. À l’initiative de l’ambassade de France, en collaboration avec l’Alliance française, Saudi Music Hub, Unstable, Hayy Jameel et MDL Beast, une série d’événements musicaux viendra marquer ce rendez-vous culturel international devenu emblématique.

Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays. Fidèle à son principe fondateur, elle vise à rendre la musique accessible à tous gratuitement. Elle reste, cette année encore, un puissant vecteur de dialogue culturel. En Arabie saoudite, cette célébration musicale prend une dimension particulière, s’inscrivant dans un contexte de renouveau artistique et d’ouverture culturelle, en pleine résonance avec les objectifs de Vision 2030.

L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines. Des artistes français seront présents, comme Karimouche, figure singulière du spoken word et de la chanson engagée, ou DJ SÔNGE, productrice électro aux univers immersifs et afro-futuristes.

Ces artistes partageront la scène avec des talents saoudiens tels que Kosh, beatmaker fusionnant rythmes traditionnels et basses électroniques, ou Seera, jeune espoir de la scène folk locale. Plusieurs artistes émergents, sélectionnés avec soin en collaboration avec les partenaires saoudiens, viendront compléter cette mosaïque sonore.

Chacune des villes participantes offrira une atmosphère unique. Riyad ouvrira le bal le 20 juin avec une nuit musicale au Unstable, lieu hybride emblématique de la scène urbaine saoudienne. Le 21 juin, Khobar prendra le relais au Saudi Music Hub, un espace dédié à la formation musicale, pour une soirée plus intimiste. Enfin, Djeddah clôturera cette semaine de célébration les 25 et 26 juin, au cœur du centre culturel Hayy Jameel, avec deux concerts présentés par des artistes féminines marquantes.

Au-delà des concerts, ces rencontres musicales seront l'occasion de moments de partage, de découvertes et d'échanges, favorisant la création de liens entre artistes et publics des deux pays. En soutenant la circulation des talents et la coopération artistique, la France réaffirme son engagement en faveur de la diversité culturelle et du dialogue entre les sociétés.

La Fête de la Musique 2025 est ainsi bien plus qu’un simple rendez-vous festif : elle est le symbole vivant d’une amitié en construction, portée par des sons, des voix et des émotions partagées.


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com