Le port de la capitale, fondé il y a 4 200 ans, pourrait à lui seul conter l’histoire du pays. Zakhia Kosseifi est un homme passionné. Son regard s’anime au souvenir d’une époque révolue, et en dit autant que ses mots. Mais à l’évocation du 4 août, sa voix emprunte un registre plus grave. Le lendemain de la double explosion qui a ravagé la capitale, il n’a pas eu le cœur de descendre au port de Beyrouth, aujourd’hui largement détruit. Descendre voir l’engagement d’une vie réduit en poussière, c’était trop.
Zakhia Kosseifi est l’une des mémoires vivantes du port. De 1975 à 2014, il a été l’un des quelque 2 300 fonctionnaires à en gérer l’activité, malgré l’anarchie de la guerre civile et la violence des bombardements. Il a échappé plusieurs fois à des voitures piégées. Il a connu de près les déceptions de l’après-guerre, la dégradation des relations entre les employés et la corruption endémique. Il a beaucoup vu et il a beaucoup entendu. Quarante ans de service n’auront pourtant pas suffi à le préparer aux images du 4 août 2020.
Son port est celui que nous connaissons. Celui qui a volé en éclats il y a un peu plus de trois semaines. Un port industriel étalé sur quatre bassins et 16 quais, qui fonctionne en vase clos, sous la gérance d’une compagnie privée, et surtout loin du regard public.
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