Bélarus: indignation occidentale après l'interview « sous la contrainte » d'un dissident

La cheffe de l'opposition biélorusse en exil Svetlana Tikhanovskaya (en costume bleu) assiste à une cérémonie de dévoilement d'un monument du syndicat "Solidarité" le 4 juin 2021 à Varsovie, en Pologne. Tikhanovskaya a rejeté l’interview diffusée à la télévision d'État en Biélorussie avec un journaliste qui a été arrêté après que son avion a été contraint d'atterrir à Minsk. "Toutes ces vidéos sont tournées sous pression. Nous n'avons même pas à prêter attention à ces paroles car elles sont faites après la torture... La tâche des prisonniers politiques est de survivre", a-t-elle déclaré aux journalistes. (Photo, AFP)
La cheffe de l'opposition biélorusse en exil Svetlana Tikhanovskaya (en costume bleu) assiste à une cérémonie de dévoilement d'un monument du syndicat "Solidarité" le 4 juin 2021 à Varsovie, en Pologne. Tikhanovskaya a rejeté l’interview diffusée à la télévision d'État en Biélorussie avec un journaliste qui a été arrêté après que son avion a été contraint d'atterrir à Minsk. "Toutes ces vidéos sont tournées sous pression. Nous n'avons même pas à prêter attention à ces paroles car elles sont faites après la torture... La tâche des prisonniers politiques est de survivre", a-t-elle déclaré aux journalistes. (Photo, AFP)
Amnesty International affirme que le dissident avait des « blessures visibles » aux poignets et que l'interview montrait qu'il était « soumis à une pression psychologique intolérable ». (Photo, AFP)
Amnesty International affirme que le dissident avait des « blessures visibles » aux poignets et que l'interview montrait qu'il était « soumis à une pression psychologique intolérable ». (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 05 juin 2021

Bélarus: indignation occidentale après l'interview « sous la contrainte » d'un dissident

  • L’opposant, arrêté après l'interception de son avion, parait dans un entretien télévisé dans lequel il « avoue » avoir appelé à des manifestations et fait l'éloge du président Loukachenko
  • Amnesty International affirme que le dissident avait des « blessures visibles » aux poignets et que l'interview montrait qu'il était « soumis à une pression psychologique intolérable »

VARSOVIE : Les gouvernements allemand et britannique ont protesté vendredi contre l'interview d'un journaliste d'opposition bélarusse arrêté après l'interception de son avion par le régime de Minsk, dénonçant une mise en scène "honteuse" et "sous la contrainte".

Dans cet entretien diffusé jeudi soir par la chaîne publique bélarusse ONT, Roman Protassevitch, 26 ans, le visage tendu, dit avoir appelé à des manifestations l'année dernière et fait l'éloge du président Alexandre Loukachenko.

À la fin de cette vidéo d'une heure et demie, il se met à pleurer et se couvre le visage avec les mains. Des traces rouges sont visibles sur ses poignets, laissant penser à des blessures infligées par des menottes.

La directrice du programme Europe de l'Est et Asie centrale d'Amnesty International, Marie Struthers, a déclaré dans un communiqué que Roman Protassevitch avait des "blessures visibles" aux poignets et que l'interview montrait qu'il était "soumis à une pression psychologique intolérable".

"Il s'agissait d'une coercition télévisée", a-t-elle estimé.

Le 23 mai, Roman Protassevitch avait été arrêté avec sa compagne russe Sofia Sapega quand leur vol Ryanair reliant Athènes à Vilnius avait été intercepté par un avion de chasse bélarusse, suscitant un tollé international.

Le militant est l'ex-rédacteur en chef de la chaîne d'opposition Nexta, qui a joué un rôle clé dans le mouvement de protestation historique contre la réélection en août 2020 de M. Loukachenko.

Le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert, a qualifié de "honte" la diffusion de cet entretien. Selon lui, il traduit "le mépris total pour la démocratie" des dirigeants bélarusses, mais aussi "pour les êtres humains".

La chef de la diplomatie britannique, Dominic Raab, a lui pourfendu une interview "clairement réalisée sous la contrainte" et a demandé que toutes les personnes impliquées dans le tournage soient tenues responsables.

Dans la matinée, la cheffe de l'opposition bélarusse en exil, Svetlana Tikhanovskaïa, a appelé à ne pas tenir compte des mots de Roman Protassevtich : "La tâche des prisonniers politiques est de survivre", a-t-elle déclaré à la presse à Varsovie.

"A l'aide de la violence, vous pouvez faire dire à une personne ce que vous voulez", a encore souligné celle qui s'était présentée aux élections de 2020 contre Alexandre Loukachenko.

Le père du dissident emprisonné, Dmitry Protassevitch, a lui déclaré jeudi à l'AFP que la vidéo était le résultat "d'abus, de tortures et de menaces".

"Ils l'ont brisé et l'ont forcé à dire ce qu'ils voulaient", a-t-il insisté.

Les autorités bélarusses accusent Roman Protassevitch d'avoir contribué à l'organisation d'émeutes de masse, un crime passible de 15 ans de prison.

Le président russe Vladimir Poutine, soutien clé de M. Loukachenko depuis la mobilisation qui a fait vaciller son pouvoir après sa réélection contestée en août dernier, a démenti toute implication de la Russie dans cette arrestation. "Je ne veux même pas me pencher sur cette question, cela n'a rien à voir avec nous", a-t-il déclaré vendredi lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg.

Il a également déclaré ne pas savoir qui était Roman Protassevitch. "Je ne le connais pas et je ne veux pas le connaître, qu'il fasse ce qu'il veut", a-t-il dit.

En réaction à l'arrestation de Roman Protassevich et Sofia Sapega, l'Agence européenne de sécurité aérienne (EASA) a décidé mercredi d'interdire aux appareils volant sous pavillon européen d'entrer dans l'espace aérien bélarusse.

Cette mesure a toutefois été dénoncée vendredi par l'Association du transport aérien international (IATA) qui rassemble 290 compagnies représentant 82% du trafic mondial.

Dans un communiqué, l'IATA a regretté une prohibition revenant à "politiser la sécurité aérienne" et un "développement rétrograde et décevant".

L'Union européenne a également décidé vendredi d'interdire l'accès de son espace aérien aux compagnies du Bélarus, en particulier la compagnie nationale Belavia, et finalise de nouvelles sanctions économiques contre Minsk, ont indiqué à l'AFP plusieurs sources diplomatiques.

Immédiatement après leur arrestation, Roman Protassevich et Sofia Sapega étaient déjà apparus dans des vidéos de "confession" qui, selon leurs partisans, ont également été réalisées sous la contrainte, une pratique utilisée de longue date par le régime d'Alexandre Loukachenko.

Dès le début des manifestations en 2020, les autorités bélarusses ont lancé une répression brutale qui a fait au moins quatre morts, détenant et emprisonnant des milliers de manifestants et poussant les dirigeants de l'opposition à l'exil.

 


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.