Génocide des Tutsi: l'inextricable cas d'Agathe Habyarimana, enlisé devant la justice française

Dans cette photo d'archive prise le 30 avril 2014, Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais dont le meurtre a déclenché le génocide de 1994, s'adresse à la presse au palais de justice de Paris. (Photo, AFP/Archives)
Dans cette photo d'archive prise le 30 avril 2014, Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais dont le meurtre a déclenché le génocide de 1994, s'adresse à la presse au palais de justice de Paris. (Photo, AFP/Archives)
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Publié le Lundi 07 juin 2021

Génocide des Tutsi: l'inextricable cas d'Agathe Habyarimana, enlisé devant la justice française

  • La situation ubuesque de la veuve du président hutu rwandais Juvénal Habyarimana, sans-papier la plus célèbre de France, est l'un des derniers points de friction entre Kigali et Paris
  • Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a fait « des enquêtes » sur elle et « ne l'a jamais poursuivie ».

PARIS: Enlisé depuis 14 ans devant la justice française, le cas diplomatico-judiciaire d'Agathe Habyarimana, la plus célèbre des Rwandais visés par des accusations de génocide vivant en France, scandalise autant sa défense que ses accusateurs qui la désignent comme l'une des têtes pensantes du génocide des Tutsis, ce qu'elle conteste fermement.

La situation ubuesque de la veuve du président hutu rwandais Juvénal Habyarimana, sans-papier la plus célèbre de France, est l'un des derniers points de friction entre Kigali et Paris, qui ont opéré une réconciliation sans précédent ces dernières semaines.

A Paris mi-mai, le président rwandais Paul Kagame a réaffirmé que Mme Habyarimana, 78 ans, figurait "en tête de liste" des suspects qu'il voulait voir juger. Et lors de son voyage au Rwanda peu après, le président français Emmanuel Macron s'est engagé à ce qu'aucun "ne puisse échapper à la justice" en France, où nombre de suspects rwandais ont trouvé refuge.

Mais l'enquête n'ayant pas réuni à ce jour suffisamment d'éléments pour qu'elle soit mise en examen, Agathe Habyarimana, née Kanziga, a demandé à bénéficier d'un non-lieu. Le refus opposé en novembre par les juges d'instruction a été débattu lundi à huis clos devant la cour d'appel de Paris, qui doit rendre sa décision le 30 août.

"Est-ce qu'on attend que notre mère quitte ce monde pour qu'on dise qu'on a rien trouvé contre elle ?", a lancé samedi dans un entretien exclusif à l'AFP Jean-Luc Habyarimana, 45 ans, avant-dernier de ses enfants, dénonçant un "acharnement" judiciaire.

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a fait "des enquêtes" sur elle et "ne l'a jamais poursuivie". "Si réellement elle avait du sang sur les mains, le TPIR aurait été le premier à s'y intéresser et à faire en sorte qu'elle soit jugée", assène-t-il.

Impatience

"Agathe Kanziga, c'est une sorte de symbole de l'inaction de la justice" et de ses lenteurs, s'insurge de son côté Alain Gauthier, 72 ans, cofondateur du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), à l'origine de la plainte en 2007 pour "complicité de génocide et de crimes contre l'humanité" visant Mme Kanziga.

"Elle s'impatiente... et nous aussi on s'impatiente, mais pas pour les mêmes raisons ! Ce dossier traîne, elle risque de ne jamais être jugée, cela nous inquiète", s'exclame-t-il, joint au Rwanda où il se trouve actuellement pour ses enquêtes. "Le problème, c'est que la justice française ne prend pas de décision...".

Le génocide contre la minorité tutsi, orchestré par le régime extrémiste hutu au pouvoir, a fait entre avril et juillet 1994 plus de 800.000 morts. Les massacres ont été déclenchés dès le lendemain de l'attentat le 6 avril contre l'avion du président Habyarimana. Pour la famille du chef d'Etat, c'est l'ex-rébellion tutsi de Paul Kagame qui a tiré le missile, tandis que pour Kigali ce sont des extrémistes hutus.

La justice française, après avoir exploré les deux pistes sans élucider l'affaire, a abandonné les poursuites contre l'entourage de M. Kagame, mais la question n'a pas encore été tranchée en cassation.

Quant à Agathe Habyarimana, elle est présentée - ce qu'elle réfute - comme l'une des dirigeantes de l'"Akazu", le premier cercle du pouvoir hutu qui, selon ses accusateurs, a orchestré le génocide.

L'"Akazu" - petite maison, en kinyarwanda - "était un cercle spécial au sein du réseau plus large de relations personnelles qui oeuvrait en faveur du président Habyarimana (...) Son épouse et les proches de celle-ci jouaient un rôle important dans ce réseau", décrit Alison Des Forges, spécialiste du Rwanda et des Grands Lacs, dans son livre "Aucun témoin ne doit survivre" paru en 1999.

Le 9 avril 1994, alors que le Rwanda sombre, Agathe Habyarimana est exfiltrée en Europe avec sa famille à la demande du président François Mitterrand, proche de son mari.

Depuis, la France a refusé d'extrader Mme Habyarimana au Rwanda sans toutefois lui accorder l'asile, en raison des soupçons pesant sur elle. Installée en France depuis 1998, elle y vit sans statut légal.

Dans l'enquête judiciaire, Mme Habyarimana a été placé sous le statut de témoin assisté en 2016 et n'a plus été interrogée depuis par les magistrats. 

Les enquêteurs se sont rendus six fois au Rwanda - la dernière fois en septembre 2020. Mais à l'issue des cinq premiers déplacements, ils ont estimé que les témoignages recueillis ne fournissaient "pas d'éléments de nature à orienter l'enquête", selon leurs compte-rendus consultés par l'AFP. 

Dans le rapport d'une commission d'historiens qui a fait date, Mme Habyarimana est décrite comme une "personnalité extrémiste". Vincent Duclert, président de cette commission, a déclaré le 29 mars sur la radio France Culture qu'elle "tenait le clan du Nord, le Réseau Zéro, qui met en place le génocide".

Dans sa plainte, le CPCR accuse notamment Mme Habyarimana d'avoir donné "des fonds importants" à la Radio Mille Collines qui diffusait la haine anti-Tutsi et d'avoir pris part à l'élaboration en février 1994 "d'une liste" de personnalités tutsi influentes et de Hutu modérés "à exécuter".

L'association l'accuse d'avoir, après l'assassinat de son mari, "donné son assentiment aux actions de terreur engagées en particulier par la Garde présidentielle, notamment à l'assassinat du Premier ministre" et "ordonné le massacre de sept employées" d'un orphelinat qu'elle avait fondé.

« Personnage encombrant »

Des accusations sur lesquelles les juges français ne se prononcent toujours pas et que la famille Habyarimana juge téléguidées par Kigali "qui a des crimes à cacher".

Pour M. Gauthier, il est "étonnant" que les "juges n'aient pas trouvé de témoignages car il y a encore des membres de la classe politique de la période Habyarimana, ici au Rwanda" qui peuvent s'exprimer.

"Mme Habyarimana prétend qu'elle était seulement une mère de famille qui s'occupait des tâches ménagères mais on a des témoignages qui montrent que en sous-main c'est elle et sa famille qui tenaient les rênes; on a recueilli des témoignages de gens qui l'ont vue fonctionner au moment de l'attentat, comment elle téléphonait pour inciter les gens à exterminer", affirme-t-il. "C'est vrai qu'aujourd'hui tous les rescapés s'interrogent et s'indignent".

Jean-Luc Habyarimana s'interroge, lui, sur les "conditions" dans lesquelles "les témoignages sont recueillis au Rwanda", un "Etat policier", accuse-t-il, où "on est traité de négationniste dès qu'on critique".

"Si on trouve opportunément des éléments en 2021 contre ma mère, permettez-moi de douter de leur véracité", lance-t-il.

Il souligne que le frère de sa mère, Protais Zigiranyirazo, figure du régime hutu accusé d'être l'un des principaux responsables du génocide, a été acquitté par le TPIR en 2009 faute de preuves. Un jugement qui selon lui "a balayé la thèse de l'Akazu".

"Si la procédure n'est pas clôturée, c'est parce que Mme Habyarimana est un personnage encombrant pour les relations diplomatiques", selon son avocat Philippe Meilhac, dénonçant le "vide du dossier, aux antipodes de la gravité des accusations".

Fustigeant une atteinte "inacceptable aux principes de la présomption d'innocence et des délais raisonnables", il se dit prêt à saisir la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

 


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.