Charles Sobhraj, le «Serpent» ne mord plus mais hante encore l'Asie

Le tueur en série français Charles Sobhraj (au centre) est guidé par des policiers népalais vers un véhicule en attente après une audience à Katmandou le 31 mai 2011. (Photo, AFP)
Le tueur en série français Charles Sobhraj (au centre) est guidé par des policiers népalais vers un véhicule en attente après une audience à Katmandou le 31 mai 2011. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 21 juin 2021

Charles Sobhraj, le «Serpent» ne mord plus mais hante encore l'Asie

  • A l'isolement depuis 2003 dans une prison à Katmandou, le «Serpent», 77 ans, est soupçonné d'être impliqué dans plus d'une douzaine d'assassinats en Thaïlande, Inde et Népal
  • Près d'un demi-siècle plus tard, la crainte reste entière pour la dame qui tient un hôtel en Thaïlande,  «L'imaginer libre me terrorise. Que pourrait-il faire maintenant qu'il sait que je savais?»

BANGKOK: Près d'un demi-siècle après les meurtres de routards en Asie, le tueur français Charles Sobhraj, personnage principal de la mini-série "Le Serpent", hante toujours les personnes qui ont croisé son chemin.

A l'isolement depuis 2003 dans une prison à Katmandou, où il a été condamné à perpétuité pour deux meurtres, le "Serpent", 77 ans, est soupçonné d'être impliqué dans plus d'une douzaine d'assassinats en Thaïlande, Inde et Népal. 

Son mode opératoire: charmer, droguer, tuer, dévaliser ses victimes, de jeunes voyageurs en quête de spiritualité sur la "route des hippies".

Trois personnes qui l'ont côtoyé à l'époque racontent cet "escroc, séducteur, détrousseur de touristes", mais aussi "meurtrier diabolique".

La voisine

Quand Nadine Gires a été invitée en 2019 à Bangkok sur le tournage de la série coproduite par la BBC et Netflix, le passé a ressurgi en une fraction de seconde. 

L'acteur français Tahar Rahim, qui interprète Sobhraj, est arrivé sur le plateau: "J'étais tétanisée. J'ai cru qu'il s'était échappé de prison, qu'il revenait faire le mal (...) Tout est remonté: la colère, la peur."

Octobre 1975: Sobhraj, d'origine indienne et vietnamienne, débarque à Bangkok avec sa compagne canadienne et un homme de main rencontré en Inde, impliqués par la suite dans les crimes.

Nadine, Française de 22 ans, habite le même immeuble non loin du célèbre quartier chaud de Patpong.

L'homme explique être négociant en pierres précieuses: "Il était cultivé, courtois. Entre voisins, on n'a pas tardé à se fréquenter."

Mais de premiers doutes surgissent. "Beaucoup de personnes qui habitaient chez eux tombaient malades. J'ai dit à Charles en plaisantant: "Tu leur jettes un sort"."

Nadine entend parfois des gémissements. "On trouvait ça bizarre, mais comment imaginer une pareille machination?"

Noël 1975, la vie de la jeune femme bascule quand un Français, hébergé par Sobhraj qui vient de partir en voyage, l'a fait entrer dans l'appartement et lui montre un coffre-fort plein de passeports trafiqués. "Il m'a dit: +il empoisonne des gens pour les voler+. Il était terrifié."

Nadine endosse alors le rôle de justicière contre cet "escroc, séducteur, détrousseur de touristes, mais aussi meurtrier diabolique".

Elle monte, avec un diplomate néerlandais Herman Knippenberg, un dossier, n'hésitant pas à fouiller l'appartement et à emporter de précieux indices.

Mars 1976, Charles Sobhraj revient à l'improviste à Bangkok. "Dans le hall d'un hôtel, quelqu'un m'a tapé sur l'épaule. C'était lui", raconte Nadine qui vit "les instants les plus terrifiants de (sa) vie".

Pour ne pas éveiller ses soupçons, elle accepte qu'il la raccompagne.

"Mon coeur battait à 100 000. Il ne s'est aperçu de rien. Je l'ai encore croisé à plusieurs reprises, puis il a disparu". 

Aujourd'hui, il ne se passe guère de jours sans que Nadine, invitée à Londres par l'équipe de la série pour aider les scénaristes, ne pense au "Serpent". 

Près d'un demi-siècle plus tard, la crainte reste entière pour la dame qui tient un hôtel en Thaïlande,  "L'imaginer libre me terrorise. Que pourrait-il faire maintenant qu'il sait que je savais?". 

Le chasseur

"Ce n'est pas un héros, juste un criminel ordinaire." Le policier thaïlandais Sompol Suthimai, 90 ans, n'a pas oublié le "Serpent", "l'affaire la plus intéressante" de sa carrière.

Au printemps 1976, cet employé d'Interpol est en vacances quand le journal Bangkok Post publie des photos de touristes assassinés.

"Je me suis dit: c'est une blague (...) Comment tant de gens ont-ils été tués sans que l'on soit au courant."

Il rentre précipitamment à Bangkok et rencontre Knippenberg, le diplomate qui a mené l'enquête avec Nadine Gires.

Ce dernier, qui a déjà alerté sans succès la police thaïlandaise, se montre méfiant. Mais il finit par transmettre à Sompol les dizaines de documents accumulés avec Nadine: des journaux intimes, des billets d'avion ayant appartenu aux victimes et retrouvés dans l'appartement.

Trop tard. Sobhraj a réussi à fuir le royaume quelques jours plus tôt.

Sompol lance un mandat d'arrêt international. Le "Serpent" est arrêté à New Delhi en juillet 1976 après avoir drogué un groupe d'étudiants.

Libéré en 1997 des geôles indiennes dans lesquelles il a passé plus de 20 ans, ses crimes présumés sont alors prescrits en Thaïlande.

Il rentre libre en France où il vit tranquillement jusqu'en 2003. Puis, repart au Népal où il sera finalement rattrapé par la justice.

La police thaïlandaise "a fait un beau gâchis", déplore aujourd'hui Sompol. 

L'écrivaine

Quand, en juillet 1977, les journalistes australiens Julie Clarke et Richard Neville rencontrent Sobhraj dans sa prison en Inde, ils n'imaginent pas devoir "s'immerger profondément dans son monde psychopathique".

Depuis sa cellule, le "Serpent" a vendu son histoire quelques milliers de dollars et les reporters ont été dépêchés à New Delhi par une maison d'édition.

Neville paye des gardes pour obtenir un accès régulier au tueur et une étrange relation se noue. 

Il leur décrit en détails les meurtres. "Il méprisait les routards, de pauvres jeunes drogués. Lui se voyait en héros criminel de cape et d'épée", se souvient Julie Clarke. 

En sortira un best-seller, "Sur les traces du Serpent", dont la série BBC-Netflix s'est beaucoup inspirée.

Depuis, Sobhraj nie les crimes.

"Les prétendues révélations du livre sont inventées de toute pièce", assure son avocate française, Isabelle Coutant-Peyre.

Des quelques mois passés dans l'ombre du tueur, Julie Clarke garde "un souvenir traumatisant". "Nous faisions des cauchemars. Depuis sa cellule, il nous écrivait des missives, dictait ses ordres".

Mais, son magnétisme était "fascinant".

"Si vous étiez un jeune voyageur sur la route des hippies, comment ne pas faire confiance à cet homme féru de bouddhisme et d'hindouisme, qui mêlait Nietzche à la conversation et donnait des tuyaux pour se loger?"

Il attirait aussi les routards en leur faisant miroiter des pierres précieuses bon marché qui, une fois revendues, leur permettraient de financer leur voyage.

L'heure du faste est bien loin pour Sobhraj qui a survécu, en prison, à deux tremblements de terre et à une opération à coeur ouvert.

"Sa résistance est incroyable", soupire Clarke. "Il a gagné le pari fait à sa mère: “mourir vieux”".


Vers l’infini et au‑delà – Goldorak, 50 ans d’inspiration

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  •  50 ans après sa création, la série animée Goldorak continue de marquer l’imaginaire arabe
  • Arab News Japan s’entretient avec son créateur Go Nagai, des fans du Moyen-Orient, et revient sur l’histoire du robot OVNI chargé de protéger notre planète

​​​​​​LONDON: Peu d’importations culturelles ont franchi les frontières de manière aussi inattendue — et aussi puissante — que Goldorak, le robot géant japonais qui, il y a un demi-siècle, est devenu un héros de l’enfance à travers le monde arabe, et plus particulièrement en Arabie saoudite.

Créé au Japon au milieu des années 1970 par le mangaka Go Nagai, Goldorak s’inscrivait dans la tradition des « mecha », ces récits de robots géants. Le genre, façonné par l’expérience japonaise de la Seconde Guerre mondiale, explorait les thèmes de l’invasion, de la résistance et de la perte à travers le prisme de la science-fiction.

Si la série a rencontré un succès modéré au Japon, c’est à des milliers de kilomètres de là, au Moyen-Orient, que son véritable héritage s’est construit.

L’anime « UFO Robot Goldorak » est arrivé à la télévision dans la région en 1979, doublé en arabe et diffusé pour la première fois au Liban, en pleine guerre civile. L’histoire du courageux Actarus, prince exilé dont la planète a été détruite par des envahisseurs extraterrestres, a profondément résonné chez les enfants grandissant dans un contexte de conflits régionaux et d’occupation par Israël.

Ses thèmes — la défense de la patrie, la résistance à l’agression et la protection des innocents — faisaient douloureusement écho aux réalités de la région, transformant la série d’un simple divertissement en un véritable refuge émotionnel.

Une grande partie de l’impact de la série tenait à la réussite de son arabisation. Le doublage arabe puissant et le jeu vocal chargé d’émotion, notamment celui de l’acteur libanais Jihad El-Atrash dans le rôle d’Actarus, ont conféré à la série une gravité morale inégalée par les autres dessins animés de l'époque.

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Au début des années 1980, Goldorak s'était répandu à travers le Moyen-Orient, inspirant des communautés de fans en Arabie saoudite, au Koweït, en Irak et au-delà. (Fourni)

Le générique de la série, interprété par Sami Clark, est devenu un hymne que le chanteur libanais a continué à interpréter lors de concerts et de festivals jusqu’à son décès en 2022.

Au début des années 1980, Goldorak s’était répandu à travers le Moyen-Orient, inspirant des communautés de fans en Arabie saoudite, au Koweït, en Irak et au-delà. Pour beaucoup, il s’agissait non seulement d’un premier contact avec les anime japonais, mais aussi d’une source d’enseignements sur des valeurs telles que la justice et l’honneur.

L’influence de Goldorak dans la région a été telle qu’il a fait l’objet de recherches universitaires, qui ont non seulement mis en lumière la manière dont le sort des personnages résonnait auprès du public du Moyen-Orient, mais ont aussi relié sa popularité aux souvenirs générationnels de l’exil, en particulier à la Nakba palestinienne.

Un demi-siècle plus tard, Goldorak demeure culturellement vivant et pertinent dans la région. En Arabie saoudite, qui avait pleinement adopté la version originale de la série, Manga Productions initie aujourd’hui une nouvelle génération de fans à une version modernisée du personnage, à travers un jeu vidéo, The Feast of The Wolves, disponible en arabe et en huit autres langues sur des plateformes telles que PlayStation, Xbox et Nintendo Switch, ainsi qu’une nouvelle série animée en langue arabe, «  Goldorak U », diffusée l’an dernier.

Cinquante ans après les débuts de la série, « Goldorak » est de retour — même si, pour toute une génération de fans de la série originale, dont les étagères regorgent encore de produits dérivés et de souvenirs, il n’est en réalité jamais vraiment parti.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
 


En ce Noël, unissons-nous pour souhaiter la paix dans toute la région

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  • Noël au Moyen-Orient incarne un message puissant d’harmonie interconfessionnelle, de résilience et de respect mutuel
  • De Bethléem à Riyad, les célébrations deviennent un acte d’espoir partagé et un appel sincère à la paix régionale

RIYAD : Fidèle à une tradition initiée en décembre 2022, Arab News souhaite un joyeux Noël à ses lecteurs chrétiens et à tous ceux qui célèbrent cette fête. Cette édition spéciale met cette année en lumière Noël à travers le Moyen-Orient, en soulignant l’harmonie interconfessionnelle, la résilience et l’intégration culturelle. Le tout est porté par un message particulier, sincère et plein d’espoir : voir la paix se diffuser dans toute la région en 2026.

En tête de cette couverture figure une tribune exclusive du grand érudit Dr Mohammad bin Abdulkarim Al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale et président de l’Organisation des savants musulmans. Son message rappelle un principe essentiel : « Il n’existe aucun texte de la charia interdisant de féliciter les non-musulmans à l’occasion de leurs fêtes religieuses, y compris Noël. » Il présente cette bienveillance non comme un affaiblissement de la foi, mais comme l’expression de sa force — une force qui affirme la dignité humaine et favorise l’harmonie sociale si nécessaire aujourd’hui.

Ce même esprit de solidarité face à la souffrance résonne depuis Bethléem, où le pasteur palestinien, le révérend Dr Munther Isaac, explique que le christianisme palestinien est indissociable de l’identité nationale. En réponse à la dévastation de Gaza, sa communauté a érigé une crèche faite de gravats, l’enfant Jésus enveloppé dans un keffieh. « C’était un message de foi », affirme-t-il. « Le Christ est solidaire de ceux qui souffrent… parce qu’il est né dans la souffrance. »

De cette profondeur naissent aussi des récits de renouveau. À Damas, les illuminations festives réapparaissent alors que des Syriens de toutes confessions s’accrochent à une paix fragile. Au Liban, les célébrations percent la morosité politique par des instants de joie. En Jordanie, les espaces publics s’illuminent de sapins et des hymnes de Noël de Fairouz, tandis qu’aux Émirats arabes unis, la diaspora multiculturelle s’anime dans une effervescence festive et unitaire.

La profondeur historique et intellectuelle de l’héritage chrétien de la région est mise en lumière par le Dr Abdellatif El-Menawy, qui rappelle le rôle indispensable de l’Égypte dans la transformation du christianisme, passé d’un message spirituel à une véritable civilisation. Cet héritage ancien trouve aujourd’hui une expression moderne et dynamique.

En Arabie saoudite, la période des fêtes est reconnue à travers une hospitalité innovante, où des chefs réinventent les menus de Noël en y intégrant des saveurs locales et une identité culinaire créative.

Cette édition spéciale offre bien plus qu’une simple atmosphère festive. Elle dépeint un Moyen-Orient où les différentes confessions approfondissent leurs propres racines en respectant celles des autres, où les célébrations sont tissées de résistance historique, et où le message de Noël — espoir, paix et humanité partagée — résonne avec confiance et optimisme.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le prince héritier parraine le lancement d’un centre de calligraphie arabe à Médine

Le ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdullah ben Farhane, prend la parole lors de l'inauguration du Centre mondial pour la calligraphie arabe Prince Mohammed ben Salmane. (Fourni)
Le ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdullah ben Farhane, prend la parole lors de l'inauguration du Centre mondial pour la calligraphie arabe Prince Mohammed ben Salmane. (Fourni)
Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, placé sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes lundi à Médine. (Fourni)
Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, placé sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes lundi à Médine. (Fourni)
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  • Le Centre mondial Prince Mohammed ben Salmane pour la calligraphie arabe a été inauguré par le prince Salman ben Sultan ben Abdulaziz

RIYAD : Un nouveau centre dédié à la calligraphie arabe, sous le patronage du prince héritier Mohammed ben Salmane, a officiellement ouvert ses portes à Médine lundi.

Le Centre mondial Prince Mohammed ben Salmane pour la calligraphie arabe a été inauguré par le prince Salman ben Sultan ben Abdulaziz, gouverneur de la région de Médine.

Il était accompagné du ministre de la Culture, le prince Badr ben Abdallah ben Farhane, qui a visité les espaces d’exposition du nouveau centre et assisté à des présentations sur la programmation culturelle et les réalisations du centre.

Ils ont également découvert des collections mettant en valeur l’importance artistique et historique de la calligraphie arabe.

Lors de l’inauguration, le prince Badr a déclaré : « Depuis cette terre d’érudition et de savoir, nous lançons fièrement une plateforme mondiale dédiée à la calligraphie arabe, un patrimoine culturel inestimable. »

Il a ajouté que le soutien « généreux et illimité » du prince héritier envers le secteur culturel avait rendu ce projet possible.

Le ministre a précisé que le centre montrait au monde l’héritage de la calligraphie arabe tout en soulignant l’engagement de l’Arabie saoudite à préserver son identité et son patrimoine culturel.

Selon le prince Badr, le centre représente une vision ambitieuse visant à élever la calligraphie arabe comme outil universel de communication et élément central de l’héritage, de l’art, de l’architecture et du design arabes.

Le centre a également pour objectif de renforcer l’identité culturelle du Royaume et sa présence internationale, en ciblant calligraphes, talents émergents, artistes visuels, chercheurs en arts islamiques, institutions éducatives et culturelles, ainsi que les passionnés d’art et de patrimoine à travers le monde.

Il proposera des programmes spécialisés, incluant services de recherche et d’archivage, enseignement de la calligraphie, bourses académiques, musée permanent, expositions itinérantes, association internationale de calligraphie et incubateur soutenant les entreprises liées à la calligraphie.

D’autres initiatives incluent des programmes de résidence d’artistes, des ateliers dirigés par des experts, l’élaboration de programmes pédagogiques standardisés, ainsi que des partenariats éducatifs internationaux visant à la conservation du patrimoine et à la promotion mondiale de cet art ancestral.

L’établissement du centre à Médine revêt une signification particulière, compte tenu du rôle historique de la ville comme berceau de la calligraphie arabe et de son association avec la transcription du Coran et la préservation du savoir islamique.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com