Entre mes mains:« J’ai été séduite par le lien que les Émiratis ont avec le parfum»

«C’est un flacon d’huile de parfum que l’on appelle ici un tola. Le tola est un mot d’origine indienne, il désigne une unité de mesure qui équivaut à 12 grammes» (Photo fournie)
«C’est un flacon d’huile de parfum que l’on appelle ici un tola. Le tola est un mot d’origine indienne, il désigne une unité de mesure qui équivaut à 12 grammes» (Photo fournie)
Short Url
Publié le Samedi 26 juin 2021

Entre mes mains:« J’ai été séduite par le lien que les Émiratis ont avec le parfum»

  • Les Émiratis composent souvent eux-mêmes leurs parfums
  • Je me suis complètement acclimatée aux habitudes locales! J’étais typiquement Européenne en arrivant ici, puis j’ai commencé à tester des senteurs plus originales, et je me suis prise au jeu

DUBAI: Avec ses cheveux d’un blond doré, ses bracelets de perles, et sa grande robe vaporeuse en voile de coton, Julie Contat Desfontaines sent bon le soleil et les vacances. C’est d’ailleurs de senteurs dont elle nous parle, mais aussi de cultures et de découvertes. Mais avant cela, je lui avais demandé d’apporter un objet qui représente son lien à Dubaï…

Que tenez-vous entre les mains?

C’est un flacon d’huile de parfum que l’on appelle ici un tola. Le tola est un mot d’origine indienne, il désigne une unité de mesure qui équivaut à 12 grammes. Dans les souks, quand un achète un concentré pur de parfum, on l’achète par tola. Cet objet est pour moi un outil professionnel. Je travaille pour une des plus grandes entreprises de création de parfums et d’arômes, Firmenich, qui est une entreprise familiale et indépendante. J’évolue au sein de l’équipe appelée «parfumerie fine»; ma responsabilité est d’accompagner tant les marques locales, internationales, que les célébrités dans leurs projets de création de parfums. Outre la sensibilité olfactive, je dois faire preuve d’attention et de psychologie: j’écoute les envies du client, je les transmets aux parfumeurs, et ensuite, avec mon équipe, nous évaluons les créations, pour ne sélectionner que celles qui nous paraissent les plus cohérentes. Il y a une dimension très subjective dans le parfum: il faut prendre en considération les souhaits du client, tout en gardant à l’esprit que sa demande n’est pas personnelle, mais qu’elle devra être appréciée par des acheteurs finaux.

Y a-t-il des spécificités à exercer un tel métier ici, au Moyen-Orient, dans la mesure où le parfum détient une forte connotation culturelle? 

Tout à fait. L’histoire de la parfumerie dans cette région est à la fois ancienne et riche. Le parfum est utilisé pour exprimer sa personnalité, se différencier. Mais il ne faut pas imaginer, comme en Occident, que cela se réduit au fait de choisir un parfum agréable. Il y a tout un rituel autour de la parfumerie, rituel exécuté chaque matin, et qui peut durer entre dix et vingt minutes. Les Émiratis composent souvent eux-mêmes leurs parfums par un processus complexe de superposition des senteurs: cela commence par le savon utilisé, puis la lotion pour le corps, un spray parfumé, une eau de toilette, des touches d’huiles essentielles, et enfin le bakhoor (des copeaux de bois à brûler, préalablement macérés dans des huiles parfumées), dont les volutes de fumée imprègnent vêtements et cheveux. Les femmes comme les hommes deviennent les créateurs de leur parfum. Et cette composition change en fonction du moment de la journée, ou du lieu où ils se rendent. De la même façon que nous choisissons notre tenue en fonction de la situation, ils composent et adaptent leur parfum. Cette habitude de composition est un héritage familial: depuis qu’ils sont tous petits, de nombreux Émiratis baignent dans les effluves d’huiles concoctées par leurs grands-mères. C’est très commun qu’une marque de parfum naisse d’une recette de grand-mère.

Ces pratiques culturellement marquées semblent difficilement transposables dans un contexte occidental, où acheter un parfum est un geste de consommation par lequel l’individu tente de se distinguer socialement. Retrouve-t-on aussi ce comportement dans la région?

Il est certain que les Occidentaux sont beaucoup plus réservés lorsqu’il s’agit de parfum. Mélanger un parfum d’une grande marque avec un autre, ou y superposer une huile de parfum va apparaître comme une hérésie! Il y a moins d’audace, on a l’impression que mettre trop de parfum a un côté invasif, alors qu’ici, il y a la volonté de laisser un sillage olfactif. Les chiffres de ventes de parfums indiquent cette importance: le budget annuel moyen pour les parfums est de 385 dollars (un dollar = 0,84 euros) pour un Émirati contre 78 dollars pour un Européen. Le pouvoir d’achat est évidemment un critère qui peut expliquer ce décalage, mais il y a aussi l’intérêt porté au domaine. Il est aussi intéressant de constater que les parfums ne sont pas genrés: les hommes peuvent privilégier des senteurs florales, et les femmes des arômes boisés. À partir de ces senteurs initiales, ils composeront tous, par la technique de superposition, leurs propres senteurs. C’est ce qui explique aussi que l’on offre très facilement des parfums ici, car ce parfum sera recomposé, réarrangé. Il y a donc une éducation olfactive très présente dans la région, mais cela n’empêche pas la dimension sociologique que vous mentionnez. On la voit surtout dans l’utilisation de l’oud, qui est un ingrédient extrêmement cher: 2ml d’huile d’oud coûtent environ 3000 dollars. L’oud est un bois qui provient d’un arbre appelé Aquilaria, et qui pousse en Asie, la variété la plus prisée se trouvant en Inde. Cet arbre, lorsqu’il est infecté par un champignon, dégage une odeur spécifique, forte et boisée. On injecte manuellement un micro-organisme à l’arbre, l’opération est délicate et longue, il faut attendre au moins une dizaine d’années pour pouvoir récolter le bois, ce qui explique le prix. Se parfumer à l’oud est, de fait, un marqueur de distinction sociale.

Vous comparez les habitudes occidentales et arabes: vous qui êtes Française, mais qui vivez depuis 2011 à Dubaï, comment qualifieriez-vous aujourd’hui votre comportement face au parfum, réservé ou plus audacieux?

Je me suis complètement acclimatée aux habitudes locales! J’étais typiquement Européenne en arrivant ici, puis j’ai commencé à tester des senteurs plus originales, et je me suis prise au jeu. Le lieu et la région permettent aussi facilement ces expérimentations sensorielles: nous ne sommes pas loin de la route de la soie, dans une région où les épices détiennent une place primordiale, tous ces éléments composent notre rapport aux odeurs. C’est aussi ce qu’apporte la vie à l’étranger: une curiosité, une stimulation, une envie de découvrir. Je constate cela chez mes filles qui posent constamment des questions sur les habitudes alimentaires ou religieuses de leurs amis; c’est une richesse incroyable.

J’ai été séduite par le lien que les Émiratis ont avec le parfum, lien qui est en relation étroite avec leur sens de l’hospitalité: lorsque vous vous rendez chez eux, il y a souvent une salle d’eau où vous pouvez vous parfumer. Ils portent une attention très rigoureuse à la qualité et à la provenance des ingrédients utilisés. Lors des rendez-vous professionnels, nous abordons des détails très pointus qui indiquent que nous avons souvent affaire à des connaisseurs. Et s’il fallait encore vous convaincre de l’importance du parfum pour les Arabes de la région du Golfe, 82% d’entre eux sont de ce que nous appelons des grands consommateurs, qui se parfument plus de quatre fois par jour!

Quelles sont les senteurs les plus appréciées par les natifs de la région?

L’oud, l’ambre, le musc, la rose. Ces senteurs vont être mariées avec d’autres arômes, mais on les retrouve un peu partout, dès l’arrivée à l’aéroport de Dubaï, où les notes boisées fusent immédiatement. Chaque lieu a une odeur, et pour moi les Émirats, c’est l’oud, et la puissance qu’il dégage. Shanghai, où j’ai vécu pendant deux ans et demi, sentait la vapeur, l’humidité, les dumplings. La France, c’est l’odeur de la baguette et des croissants chauds! Je travaille en ce moment sur un projet pour le pavillon suisse dans le cadre de l’expo universelle: nous devons faire voyager le visiteur dans une région spécifique de Suisse uniquement à travers des odeurs. Il s’agit d’un voyage olfactif au sens littéral du terme! Et c’est justement cette magie du voyage et du dépaysement que permet le parfum.

 


A Paris, le Centre Pompidou s'offre une dernière fête avant cinq ans de fermeture

un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
Short Url
  • Le Centre Pompidou organise un dernier week-end festif baptisé « Because Beaubourg » avant cinq ans de travaux, transformant ses huit étages en un immense terrain de jeu mêlant concerts, performances et expériences immersives
  • L’événement, réunissant 80 artistes et plusieurs grandes marques partenaires, célèbre la culture et l’esprit d’ouverture du lieu avant sa fermeture pour rénovation complète

PARIS: Dans un tourbillon de musique, d'images et de patins à roulettes, le Centre Pompidou à Paris s'offre un dernier week-end festif avant cinq ans de travaux, avec "Because Beaubourg", événement qui transforme l'intégralité du bâtiment en un immense terrain de jeu.

"Je suis venu parce que j'ai entendu dire que c'était la fermeture. Et j'avais envie de participer à ça une dernière fois, pour en profiter un petit peu", explique à l'AFP Eliot Ibert, 23 ans, en coloriant une fresque participative.

Fermé au public depuis le 22 septembre, le bâtiment aux emblématiques tuyaux colorés rouvre ses portes ce week-end avec un parcours inédit. De vendredi à dimanche, quelque 80 artistes se produisent à travers concerts, DJ sets, performances, masterclasses, projections et expériences immersives sur les huit étages.

"C'est le plus grand événement que le Centre Pompidou ait fait depuis son ouverture", assure Paul Mourey, codirecteur artistique de l'événement, imaginé avec le label Because Music.

- "Spleen" -

Chaque étage propose une expérience différente. Au niveau -1, des pianistes amateurs se succèdent devant une fresque des étudiants des Beaux-Arts, tandis que le Forum, au rez-de-chaussée, devient le théâtre de performances en journée et un club illuminé la nuit.

Le Village des enfants prend place au 3e étage, tandis que plusieurs artistes et sociétés ont investi le 4e niveau. Shygirl, Shay ou Pedro Winter, fondateur du label Ed Banger, ainsi que les entreprises Spotify, Samsung et Snapchat, qui proposent de tester ses lunettes de réalité augmentée, participent à des installations et expériences interactives.

Autant de partenaires qui contribuent à financer l'événement.

Le premier et le sixième étage accueillent, de jour comme de nuit, des artistes tels que Catherine Ringer, Christine and the Queens, Selah Sue, Keziah Jones ou Sébastien Tellier.

Le musicien français, qui profite de l'événement pour promouvoir son nouvel album prévu en janvier, souligne l'importance de participer à cette célébration : "La culture, aujourd'hui, elle est rare. Quand il y a des petits îlots de culture, c'est important d'y être. Je n'avais pas envie de manquer ça."

Brigitte Baleo, 78 ans, retraitée ayant travaillé dix ans à la bibliothèque du Centre Pompidou, confie que la fermeture lui laisse "un peu de spleen".

"Ça tend l'estomac, il y a trop de souvenirs", ajoute-t-elle, émue. "Mais il faut que la fermeture ait lieu, pour réhabiliter ce monument".

Conçu en 1977 comme un lieu "ouvert à tous" par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, le bâtiment souffre aujourd'hui de vétusté.

Désamiantage, accessibilité du lieu, sécurité et complet réaménagement intérieur sont au menu de ses importants travaux de rénovation.

- Rollers et vue panoramique -

Cette fermeture, "c'est quelque chose qui me touche", abonde Florence, qui n'a pas souhaité donner son nom.

Férue d'électro, la Bordelaise de 57 ans vient d'assister au deuxième étage à "Space Opera", un film musical du duo français Justice projeté comme une expérience de clubbing, à quelques pas de l'installation inédite Camera/Man de Thomas Bangalter, un des deux membres de Daft Punk.

Pour encore plus de mouvements, elle compte bien expérimenter le Roller Disco qui fait vibrer l'ancienne galerie 1, au dernier étage.

Entre DJ sets, patins à roulettes et vues panoramiques sur Paris, l'ambiance mêle nostalgie et effervescence festive.

Gulliver Hubard, un étudiant britannique de 20 ans, savoure lui sa première visite. "C'est une chance de le voir avant sa fermeture", assure-t-il.

En journée, le programme est entièrement gratuit, et les organisateurs espèrent accueillir entre 10.000 et 15.000 visiteurs par jour.

Le programme nocturne, payant, a lui été pris d'assaut : les 12.000 billets se sont arrachés en à peine une journée.


AlUla ou comment le désert devient atelier d’art

Short Url
  • AlUla se transforme en laboratoire artistique où design, architecture et patrimoine dialoguent avec le désert
  • Entre traditions locales et innovation contemporaine, le désert devient un espace d’expérimentation, d’apprentissage et de création, où culture et paysage s’influencent mutuellement

PARIS: De la résidence de design à la construction du futur musée d’art contemporain confié à Lina Ghotmeh, AlUla se façonne dans le respect de sa mémoire et de son paysage.

À Paris, une table ronde organisée par la RCU et AFALULA a révélé les coulisses de cette transformation, celle d’un territoire millénaire devenu laboratoire d’expérimentation et vitrine du dialogue culturel franco-saoudien.

Dans le parc de l’hôtel des maisons (un hôtel particulier parisien construit au XVIII), la conversation s’est ouverte sur une question presque philosophique : comment bâtir dans le désert sans le dominer ? Comment concevoir à AlUla, ce paysage d’infini, une architecture qui parle à l’échelle humaine ?

La table ronde, intitulée “From the Land Up: Designing AlUla from Desert to Human Scale”, a réuni les acteurs clés du projet et plusieurs anciens résidents du programme AlUla Design Residency, créé il y a deux ans.

Ils ont tous en commun d’avoir approché cette terre d’exception, non comme un territoire vierge, mais comme un organisme vivant, porteur d’histoires et de voix anciennes.

L’événement, organisé par la Commission royale pour AlUla (RCU) et l’agence Française pour le développement d’Alula (AFALULA), a célébré l’ADN rare de cette région, qui est un mélange entre fouilles historiques, architecture, design et diplomatie culturelle notamment avec la villa Hegra. 

AlUla, déjà célèbre pour son patrimoine nabatéen et ses falaises sculptées par le vent, devient aujourd’hui un territoire d’expérimentation artistique mondiale, où le passé inspire le futur, et lui donne forme.

Au centre du projet, la vision de Lina Ghotmeh, architecte franco-libanaise à la tête du futur musée d’art contemporain d’AlUla, « Le musée ne doit pas être une icône posée dans le désert » explique-t-elle, « mais un générateur de liens, un espace de rencontre et d’hospitalité ».

Implanté près d’une ancienne oasis agricole, le musée s’enracinera dans le paysage tout en redonnant vie à des savoir-faire ancestraux, « nous travaillons avec la terre locale, avec des techniques de construction traditionnelles : torchis, terre comprimée, architecture bioclimatique, l’objectif est de renouer avec les ressources naturelles et la mémoire des lieux », souligne l’architecte.

Ghotmeh évoque aussi le dialogue qu’elle a tissé avec la communauté locale, « j’ai passé du temps à rencontrer les habitants, à partager un thé sous un oranger, à écouter les femmes qui ravivent l’artisanat, à visiter les écoles ».

Un jour, une fillette m’a dit, « le musée, c’est le lieu de l’extraordinaire, cette phrase m’accompagne toujours, car au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, créer un lieu qui relie la connaissance, l’émotion et la beauté ».

Dans son approche sensible, le musée devient un prolongement du paysage, un lieu où les visiteurs respireront la même lumière que les habitants, où la culture se fera conversation et échange.

« Il ne s’agit pas d’importer la culture, mais de la créer à partir du territoire », souligne Arnaud Morand, responsable des arts et industries créatives à AFALULA, c’est cette conviction qui guide toute la programmation culturelle d’AlUla.

L’une des premières grandes expositions préfigurant le musée verra le jour en janvier prochain, consiste en une collaboration entre AlUla et le Centre Pompidou, présentée d’abord dans une architecture temporaire conçue sur place avant de voyager dans le monde.

« C’est une coopération basée sur l’échange de savoirs et la lenteur, dit-il. À AlUla, on apprend à prendre le temps, l'art naît du sol, pas de la vitesse ».

Cette philosophie irrigue aussi les résidences de design et d’artistes qu’AFALULA co-dirige sur place, des programmes où jeunes talents et créateurs confirmés expérimentent à ciel ouvert, dans une relation directe avec le territoire, « Là-bas, chaque projet s’élabore dans l’écoute et l’humilité » affirme Morand.

« Lorsque nous arrivons à AlUla, nous devons laisser nos certitudes à la porte du désert » observe Ali Al Gazzaoui responsable du programme de résidences d’artistes, « il faut apprendre à écouter les habitants, à comprendre leur rapport au paysage, à la lumière, à la convivialité ».

C’est cette humilité partagée qui transforme le désert en école, les fondateurs du Studio Raw Material, Dushyant Bansal et Priyanka Sharma, anciens résidents du programme, racontent leur découverte émerveillée d’un lieu où « le matériau est partout de la roche, au sable, à la chaleur, et la lumière, tout devient matière à création ».

Leur expérience les a conduits à réfléchir à une forme de design « hors des centres urbains » à la faveur d’une pratique ancrée dans la vie quotidienne et les gestes ordinaires, « à AlUla, on apprend à se salir les mains, à construire, à inventer avec ce que la nature nous offre ».

Cette approche artisanale et poétique rejoint la vision d’Ali Alghazzawi, pour lui, « notre mission est de créer un écosystème où les créatifs peuvent dialoguer librement avec le paysage et expérimenter, car la durabilité ne se décrète pas, elle se vit ».

Tout ceci confère à AlUla qui est un site touristique d’exception, une autre dimension qui est celle de pépinière d’idées, de territoire d’apprentissage et de création contemporaine.


Le Gray fait son grand retour à Beyrouth : symbole d’espoir et de renouveau

Le chef étoilé Alan Geaam au Le Gray à Beyrouth, le 14 octobre 2025. De retour dans son pays natal après son succès à Paris, il dirige les cuisines de l’hôtel. (AFP)
Le chef étoilé Alan Geaam au Le Gray à Beyrouth, le 14 octobre 2025. De retour dans son pays natal après son succès à Paris, il dirige les cuisines de l’hôtel. (AFP)
Short Url
  • Cinq ans après l’explosion du port, Le Gray rouvre ses portes en novembre 2025, devenant un symbole fort de relance pour le centre-ville de Beyrouth et l’hospitalité libanaise
  • Sous la direction de Charles Akl et du chef étoilé Alan Geaam, l’hôtel incarne l’alliance du luxe, de la mémoire et du renouveau culturel, gastronomique et économique de la capitale

BEYROUTH: Cinq ans après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth et la fermeture qui s’en est suivie, l’hôtel Le Gray s’apprête à rouvrir ses portes en novembre 2025, marquant un tournant symbolique pour la capitale libanaise. Situé sur la place des Martyrs, au cœur du centre-ville, cet établissement iconique, membre du réseau Leading Hotels of the World (LHW) retrouve son éclat d’antan et incarne l’espoir d’un renouveau pour l’hospitalité et la culture libanaises.

Un nouveau souffle pour Beyrouth

La réouverture de Le Gray intervient dans un contexte d’effort de relance économique. Depuis l’arrivée d’un nouveau gouvernement en janvier 2025, le Liban semble s’engager dans une phase de stabilisation et de redressement. L’ouverture des Beirut Souks plus tôt en octobre a déjà insufflé un vent d’optimisme dans une ville meurtrie, encore marquée par les séquelles de la guerre de 2024.

« C’est un retour à la vie et une réaffirmation de notre engagement envers Beyrouth, » déclare Charles Akl, directeur général de Le Gray.

« Le Gray a toujours été plus qu’un hôtel : c’est un symbole, un lieu de rencontre, une part de l’âme de la ville. Aujourd’hui, il revient pour redonner espoir et dynamisme au centre-ville. »

La gastronomie au cœur du renouveau

Symbole fort de ce retour : la cuisine. Le chef franco-libanais Alan Geaam, seul chef libanais étoilé au Guide Michelin, prend les commandes des restaurants de l'hôtel. Après vingt-sept ans en France, il signe ici un retour aux sources empreint d’émotion et d’ambition.

« Mon objectif est de porter encore plus haut le nom du Liban sur la scène gastronomique internationale, » confie le chef. « C’est un honneur de revenir à Beyrouth, de former de jeunes talents et de faire rayonner notre cuisine. »

Alan Geaam introduit à cette occasion Qasti Beyrouth, déclinaison locale de son restaurant emblématique présent à Paris et dans d’autres grandes villes, ainsi que Padam, une adresse signature au sein de l’hôtel.

--
Qasti Beyrouth : la cuisine d’Alan Geaam au cœur de Le Gray. (Photo: ANFR)

Une redécouverte d’un joyau urbain

À l’occasion du pre-opening de l’hôtel, un groupe de journalistes a été invité à redécouvrir les lieux. L’expérience a été décrite comme un moment d’émotion et de redécouverte, dans un cadre où se mêlent raffinement, art et mémoire.

Avec plus de 100 chambres et suites repensées sous la direction artistique de l’architecte Galal Mahmoud, l’hôtel allie élégance contemporaine et références subtiles à l’histoire et à la culture libanaises. Plus de 600 œuvres d’art ornent les espaces communs et les chambres, transformant l’hôtel en véritable galerie.

Le Gray propose également des espaces événementiels et de conférence modulables, capables d’accueillir aussi bien des événements professionnels que des célébrations privées.

Un lieu au carrefour du passé et de l’avenir

À quelques pas des Beirut Souks, du front de mer et de Zaitouna Bay, Le Gray se trouve à la croisée de l’histoire, de la culture et du renouveau économique. Il se veut désormais moteur du redéploiement touristique du centre-ville.

Pour Charles Akl, cette réouverture dépasse le simple acte économique : « C’est une responsabilité collective : celle de redonner de l’élan à la ville, de raviver les talents, et de réaffirmer la place de Beyrouth sur la carte mondiale de l’hospitalité et de la culture. »

Avec cette réouverture très attendue, Le Gray ne se contente pas de retrouver sa place dans le paysage hôtelier. Il incarne la résilience d’un peuple et la volonté d’un pays de se reconstruire, avec élégance et conviction.