«Choose France»: de grands patrons étrangers conviés à Versailles

«La France organise et accueille le premier sommet d'affaires international d'envergure depuis 18 mois: il y a de quoi être fiers, c'est le signe de la confiance des participants dans l'avenir de notre pays». (Photo, AFP)
«La France organise et accueille le premier sommet d'affaires international d'envergure depuis 18 mois: il y a de quoi être fiers, c'est le signe de la confiance des participants dans l'avenir de notre pays». (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 28 juin 2021

«Choose France»: de grands patrons étrangers conviés à Versailles

  • Les trois premières éditions annuelles de ce rendez-vous avaient donné lieu à l'annonce de 35 projets pour 6,5 milliards d'euros au total
  • Cette année, l'événement a dû être repoussé à la fin juin pour cause de crise sanitaire et réunira essentiellement des patrons européens et américains

PARIS: Au lendemain des élections régionales, Emmanuel Macron reçoit lundi à Versailles de grands patrons étrangers pour une quatrième édition de "Choose France", un forum pour attirer les investisseurs étrangers, accompagné de l'annonce de 3,5 milliards d'euros d'investissements tournés cette année en large part vers l'innovation.

"La France organise et accueille le premier sommet d'affaires international d'envergure depuis 18 mois: il y a de quoi être fiers, c'est le signe de la confiance des participants dans l'avenir de notre pays", s'est félicité Franck Riester, ministre du Commerce extérieur et de l'attractivité.

Lundi matin, le président se rendra d'abord à Douai sur le futur site de la deuxième usine de batteries pour voitures électriques de France. Il s'agit d'un investissement du groupe chinois Envision, qualifié par l'Élysée d'"absolument majeur en France". Cette implantation industrielle à près de deux milliards d'euros sur la décennie pèse à elle seule plus de la moitié du montant prévu pour 25 projets - créateurs de 7 000 emplois au total - qui devraient être annoncés à l'occasion de Choose France.

"Nous voyons cela comme une relation gagnant-gagnant entre Renault, Envision et le gouvernement français. Cela n'aurait pas été possible il y a deux ans. C'est désormais le bon moment grâce au plan de relance français", a déclaré dimanche Lei Zhang, le PDG d'Envision.

Les trois premières éditions annuelles de ce rendez-vous avaient donné lieu à l'annonce de 35 projets pour 6,5 milliards d'euros au total, dont 20 se sont "entièrement concrétisés" pour un total de 2,3 milliards d'euros, a indiqué la présidence. Elle a précisé que 14 autres projets pour 4,2 milliards d'euros étaient encore en cours, seule une implantation à 9 millions d'euros ayant été abandonnée.

En 2019 sur fond de mouvement des "gilets jaunes", puis en janvier 2020 en plein mouvement social contre la réforme des retraites, Choose France avait permis au président de montrer que l'attractivité du pays pour les investisseurs étrangers n'était pas pour autant entamée et de faire valoir les fruits de sa politique économique en termes de créations de sites industriels et d'emplois auprès des Français.

Cette année, l'événement a dû être repoussé à la fin juin pour cause de crise sanitaire et réunira essentiellement des patrons européens et américains, les asiatiques restant encore largement absents.

Davos à Paris

À Versailles, entre 110 et 120 dirigeants étrangers de multinationales seront accueillis sous les ors du château pour un déjeuner par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire.

Dans l'après-midi, celui-ci s'entretiendra avec les PDG de l'équipementier de télécoms suédois Ericsson, de l'américain General Electric et du sidérurgiste ArcelorMittal, ou encore avec le gouverneur du fonds souverain saoudien Yasir Al-Rumayyan.

En fin d'après-midi, le président de la République aura, lui, des entretiens bilatéraux avec quatre dirigeants d'entreprises des nouvelles technologies: Intel, qui cherche une implantation européenne pour une fonderie de micro-processeurs, HP (Hewlett-Packard), Qualcomm, et Snapchat. Il verra aussi celui d'ArcelorMittal.

La finance sera également à l'honneur, le président inaugurant mardi les nouveaux locaux parisiens de la banque JP Morgan, qui a fait de la place de Paris la plaque tournante de ses activités de marché en Europe après le Brexit.

Pour l'Élysée, cela illustre une "stratégie d'attractivité" qui s'adresse aux banques américaines, asiatiques ou africaines, mais aussi plus largement aux fonds, aux sociétés de gestion et aux fintechs.

Mardi également, le Comité stratégique des industries de santé (CSIS) réunira l'industrie pharmaceutique française et étrangère, avec notamment les dirigeants des groupes AstraZeneca, Moderna, Merck KGaA (l'allemand), Recipharm, Biogen, et Novo Nordisk.

L'Élysée n'a de cesse de rappeler que la France est restée en 2020 la destination la plus attractive en Europe, malgré une baisse de 18% du nombre de projets d'investissement, selon le baromètre publié début juin par le cabinet EY.

Alors que "Choose France" précédait les dernières années le Forum économique mondial (WEF) de Davos en Suisse, le WEF a été annulé cette année mais son président Klaus Schwab vient à Versailles où il animera un débat lundi sur la politique économique et commerciale post-crise, en présence notamment de la directrice générale de l'OMC Ngozi Okonjo-Iweala.

Les principales annonces d'investissements

Transition écologique

Envision AESC : le producteur japonais de batteries, filiale du groupe chinois Envision, grande entreprise mondiale des énergies vertes, va construire une usine de batteries électriques sur le site Renault à Douai (Hauts de France), représentant un investissement potentiel de 2 milliards d'euros et la création de 2 500 emplois d'ici 2030, dont 1 000 dans la première phase d'ici 2024.

Santé

Merck : le laboratoire allemand va investir 175 millions d'euros et prévoit la création de 500 emplois sur ses sites de Molsheim et Martillac. 

Biogen : le groupe américain prévoit d'investir 175 millions sur 5 ans et de recruter 100 salariés hautement qualifiés pour renforcer son "hub" de Paris.

Novo Nordisk : l'entreprise danoise, numéro un mondial de l'insuline, va investir 50 millions d'euros supplémentaires, sur la période 2021-2022 sur son site de Chartres, qui produit de l'insuline pour 8 millions de patients diabétiques. 

Industrie

Vorwerk : le fabricant allemand du robot culinaire Thermomix accélère son développement en France avec un plan d’investissement de 40 millions d'euros sur trois ans, accompagné de 850 créations de postes sur son site du Cloyes-sur-le-Loir.

Westinghouse : l'entreprise américaine va investir 62 millions d'euros pour créer un pôle de compétences spécialisé dans la soudure et recruter 60 personnes à Chaponnay (Rhône) qui interviendront sur le parc nucléaire français.

Commerce et alimentaire

Zalando: l'enseigne berlinoise de mode en ligne va implanter en France un site innovant rassemblant les fonctions logistiques, avec un entrepôt hautement automatisé. Cet investissement de 300 millions d'euros conduira à la création d’environ 2 000 emplois.

Mars: le géant américain de l'agroalimentaire a prévu un investissement de 46 millions d'euros pour sa filiale d'alimentation animale Royal Canin sur ses deux usines de Cambrai (Hauts-de-France) et d’Aimargues (Occitanie) et sur son siège et laboratoire à Aimargues. Mars investit également 18 millions d'euros sur le site d’Haguenau (Grand Est).

Services

Adecco: le groupe suisse de placement de personnel (intérim) s'engage à augmenter d'ici à 2023 de 100 à 150 le nombre de ses agences en France spécialisées dans l'insertion de personnes éloignées de l'emploi et à doubler de 7 500 à 15 000 le nombre de celles qu'il accompagne vers l'emploi, notamment à travers des "CDI apprenants" qui combinent emploi et formation.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.