Brexit: des enfants placés menacés de devenir sans-papiers au Royaume-Uni

À Londres, associations et conseillers juridiques aident les candidats de dernière minute à remplir leur demande d'adhésion au «EU settlement scheme». (Photo, AFP)
À Londres, associations et conseillers juridiques aident les candidats de dernière minute à remplir leur demande d'adhésion au «EU settlement scheme». (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 29 juin 2021

Brexit: des enfants placés menacés de devenir sans-papiers au Royaume-Uni

  • A 18 ans, ils risquent aussi l'expulsion d'un pays où ils résident souvent de longue date
  • «Ces enfants pourraient devenir la prochaine génération Windrush»

LONDRES: Ils s'appellent Adam ou Nastashia, ils sont Européens et vivent au Royaume-Uni où ils ont été placés dans des foyers ou des familles d'accueil, victimes de parcours chaotiques. Certains de ces enfants risquent désormais de devenir sans-papiers à la suite du Brexit.

"Cela signifie qu'ils n'auront pas le droit de vivre au Royaume-Uni", avertit Marianne Lagrue, une responsable de l'association Coram Children's Legal Centre qui leur vient en aide.  

"Ils ne pourront pas accéder aux soins de santé gratuits, travailler, recevoir des allocations, louer un logement, apprendre à conduire et détenir un compte en banque", explique-t-elle.

A 18 ans, ils risquent aussi l'expulsion d'un pays où ils résident souvent de longue date. 

Car depuis que le Royaume-Uni a définitivement quitté l'orbite de l'Union européenne le 1er janvier, il n'est plus possible de s'y installer librement ou de continuer à y résider sans démarches particulières, comme c'était le cas avant. 

Si les règles migratoires ont été durcies pour les nouveaux arrivants de l'UE, ceux qui étaient déjà présents sur le sol britannique au 31 décembre 2020 peuvent conserver leurs droits à condition de s'enregistrer, le 30 juin au plus tard, via le "settlement scheme". 

Ce programme est considéré comme une "réussite" par le gouvernement, avec quelque 5 millions de permis de résidence temporaires ou définitifs octroyés - bien plus que le nombre de ressortissants européens auparavant estimé à plus de 3 millions. Mais il a aussi ses laissés-pour-compte. 

"C'est simple si vous avez un emploi, que vous vous débrouillez bien avec les technologies numériques (les demandes se faisant principalement en ligne, NDLR) et que vous avez tous vos documents", constate Azmina Siddique, de l'association The Children's Society, interrogée. 

C'est beaucoup plus complexe pour les enfants placés ou les jeunes majeurs l'ayant été: certains peinent à prouver leur identité, fournir les documents de résidence requis ou obtenir le soutien nécessaire à leurs démarches, qui incombent à leur tuteur légal ou aux autorités publiques. 

«Sans protection»

L'association Coram cite l'exemple d'Adam, un petit Roumain de 4 ans né à Londres et séparé de sa mère. Il ne peut obtenir de passeport auprès de son ambassade - son père, dont le consentement est nécessaire, est inconnu - et les travailleurs sociaux peinent à prouver son lieu de résidence avant son placement.  

Il y a aussi Nastashia (prénom d'emprunt), 17 ans, en rupture avec sa famille. Née au Royaume-Uni, elle n'a pas de passeport et a rencontré de grandes difficultés pour s'enregistrer. 

"Beaucoup ne se rendent même pas compte qu'ils ne sont pas Britanniques", souligne Azmina Siddique. L'impact peut être "très traumatisant" et "les freiner dans la vie".  

Difficile de connaître leur nombre exact, les nationalités des enfants placés n'étant pas recueillies au Royaume-Uni, où la carte d'identité n'existe pas. 

Selon le ministère de l'Intérieur, 3 660 jeunes vulnérables (jusqu'à 25 ans) ont été identifiés comme éligibles au statut de résident, dont 67% avaient soumis une demande à fin avril. Un chiffre largement sous-évalué selon les associations qui évoquent jusqu'à 9 000 d'entre eux. 

Le ministère a assuré travailler "étroitement" avec celles-ci et les autorités locales avec notamment un soutien de 22 millions de livres (25,6 millions d'euros). 

Il a aussi promis d'accepter les demandes tardives s'il existe des "motifs raisonnables".  

C'est insuffisant, regrette Azmina Siddique: dès le 1er juillet, les enfants ayant raté l'échéance seront "sans protection" jusqu'à ce qu'une demande de régularisation ait été soumise puis acceptée. 

Un intervalle qui peut s'étendre sur des années, souligne-t-elle, et qui les expose à la politique d'environnement hostile envers les immigrés déployée par l'exécutif.  

"Ces enfants pourraient devenir la prochaine génération Windrush", avertit-elle, en référence au scandale du traitement réservé à des milliers d'immigrés des Caraïbes arrivés légalement au Royaume-Uni entre 1948 et 1971, mais privés de droits faute des documents nécessaires. 

The3Million, association défendant les citoyens européens au Royaume-Uni, demande avec insistance que le gouvernement fournisse une preuve physique du statut de résidence, ce que celui-ci n'estime pas nécessaire. 

Plus largement, selon le centre de réflexion UK in a Changing Europe, jusqu'à des centaines de milliers de personnes pourraient se retrouver sans statut, dont des personnes âgées, des sans-abri, des victimes de violences domestiques ou des enfants considérés à tort par leurs parents comme étant couverts par le leur.  

"Si le gouvernement n'est pas capable de régulariser les enfants dont il a la responsabilité, qu'en est-il des enfants dans des familles vulnérables (...) ou des adultes vulnérables?", s'interroge Marianne Lagrue. 


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".