En Syrie, des escrocs profitent du désespoir de familles de prisonniers

Un garçon se tient à l'entrée d'une tente dans un camp pour personnes déplacées par le conflit dans la ville de Sarmada, dans la province d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, le 13 avril 2021. (Photo, AFP)
Un garçon se tient à l'entrée d'une tente dans un camp pour personnes déplacées par le conflit dans la ville de Sarmada, dans la province d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, le 13 avril 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 30 juin 2021

En Syrie, des escrocs profitent du désespoir de familles de prisonniers

  • Dans une Syrie en guerre où des dizaines de milliers de personnes sont portées disparues, des intermédiaires ont transformé les recherches des familles en un commerce lucratif
  • «J'ai vendu les meubles de la maison et l'or de mes filles. Je n'ai plus rien. J'ai décidé de m'en remettre à Dieu»

BEYROUTH: Oum Saïd a vendu jusqu'à ses meubles pour payer des intermédiaires qui juraient pouvoir retrouver dans les geôles du régime syrien la trace de ses deux fils disparus. D'escroquerie en escroquerie, sa quête reste infructueuse dix ans plus tard.

"Ils m'ont menti", reconnaît la sexagénaire qui vit dans le centre de la Syrie. "Celui qui se noie s'accrocherait à une brindille pour se sauver", assure-t-elle, pour excuser sa crédulité.

Dans une Syrie en guerre où des dizaines de milliers de personnes sont portées disparues, où les arrestations arbitraires et les décès sous la torture sont monnaie courante, des intermédiaires ont transformé les recherches des familles en un commerce lucratif.

Avocats, commerçants, députés, militaires ou policiers, tous ont un point commun: arguant de contacts privilégiés avec les appareils sécuritaires, ils réclament des sommes astronomiques pour retrouver un fils ou un frère happé par le réseau tentaculaire des prisons, obtenir une libération, un simple droit de visite, ou alléger une condamnation.

Certains y arrivent. D'autres empochent l'argent sans contrepartie. Parfois, ces intermédiaires viennent jusqu'à vous: un coup de fil d'un inconnu, qui promet une photo, un enregistrement sonore, et fournit des détails sur la personne recherchée pour vous séduire.

«Marché noir»

L'AFP a pu interroger huit familles tombées dans les filets de ces intermédiaires, qui témoignent sous pseudonyme par peur de représailles.

"Chaque fois qu'on me parlait d'un intermédiaire, j'allais le voir. Aujourd'hui je suis sur la paille", déplore Oum Saïd, dont les deux fils ont été arrêtés en 2012, lors d'un raid des forces du régime sur leur quartier.

Un de ses interlocuteurs, un avocat, a empoché plus de 3 000 dollars, sans fournir aucune information. Un autre, à qui elle a payé un téléphone portable, lui donnait de prétendues autorisations pour des visites à la prison de Saydnaya. Une escroquerie.

"J'ai vendu les meubles de la maison et l'or de mes filles. Je n'ai plus rien. J'ai décidé de m'en remettre à Dieu", déplore la sexagénaire.

Pour Diana Semaan, chercheuse à Amnesty international, il s'agit d'un phénomène de "marché noir": "Les familles qui recherchent désespérément des informations finissent par payer des sommes énormes, parfois même les économies de toute une vie, à des intermédiaires proches du gouvernement syrien", indique Mme Semaan.

Malgré les déconvenues, la famille de Souad espère toujours retrouver son frère, interpellé en 2013.

En avril, un individu appelle, faisant miroiter sa libération pour l'équivalent de 160 dollars. La famille, vivant dans le nord syrien, a payé, pour finalement s'entendre dire qu'il venait de mourir, raconte Souad, 45 ans.

«1% d'espoir»

Depuis 2011, un demi-million de personnes ont été emprisonnées, tandis que 60.000 détenus sont morts sous la torture ou en raison des mauvaises conditions de détention, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

La pire des prisons reste celle de Saydnaya, près de Damas, qualifiée "d'abattoir" par Amnesty international.

La dernière fois qu'Oum Yehia a vu son fils, c'était à l'occasion d'une visite six mois après son interpellation, en 2012, à Idleb (nord-ouest).

"Il pesait à peine 50 kilos, contre 110 kilos naguère", se souvient la quinquagénaire.

Depuis, plus aucune nouvelle. "Qu'il soit vivant ou mort, je veux savoir", insiste la mère qui a dépensé des petites fortunes, parfois à l'insu de son mari, pour payer moult intermédiaires. La famille a vendu deux terrains et la maison à Idleb, sans succès.

Il y a deux ans, on leur a parlé d'un avocat prodige qui "libère les prisonniers" en échange de 10.000 dollars. Le père de Yehia a refusé, malgré les supplications de son épouse.

"Si 100 autres personnes me contactaient, même s'il n'y avait que 1% d'espoir, je tenterais le coup", assure-t-elle.

Dans un rapport publié en janvier, l'Association des détenus et des disparus de Saydnaya (ADMSP) accusait le régime d'utiliser les prisonniers et les disparus comme "un moyen de s'enrichir" et "d'accroître l'influence des services de sécurité, de puissants du gouvernement, de certains juges ou avocats".

L'Association a réalisé au moins 675 entretiens avec d'anciens détenus et des familles de disparus, qui ont versé des pots-de-vin pour obtenir des informations, un droit de visite ou une remise en liberté. Rien que pour ces cas, le montant total comptabilisé s'élève à plus de 2,7 millions de dollars.

Selon une estimation calculée par ADMSP, le régime et ses réseaux spécialisés pourraient ainsi avoir reçu près de 900 millions de dollars en une décennie.

Eviter la mort

Trois familles contactées par l'AFP ont reconnu avoir versé des pots-de-vin, pour accélérer un procès et obtenir une libération, voire un simple transfert de prison.

Deux années durant, la famille de Nizar n'a eu qu'une seule obsession: le transférer de Saydnaya vers une autre prison, après son arrestation en 2018 dans le sud. Il fallait aussi lui éviter la mort, raconte son frère Tamer: il allait être jugé par un tribunal militaire qui n'autorise pas les avocats à plaider et dont les verdicts -- souvent la peine capitale -- ne peuvent pas faire l'objet d'un appel.

Un des intermédiaires contacté était un député qui réclamait 40.000 dollars pour alléger la peine et changer son lieu de détention.

La famille a finalement opté pour un avocat qui promettait les mêmes résultats, mais acceptait d'être payé à posteriori.

"Tout ce que nous voulions c'était le faire transférer le plus rapidement possible, pour lui éviter de mourir sous la torture ou de la maladie", assure Tamer.

Coup de chance: après sa condamnation, Nizar a bénéficié d'une réduction de peine grâce à une amnistie présidentielle. Avant d'être, finalement, libéré.


Les États-Unis affirment bénéficier d'un soutien régional pour la résolution de paix sur Gaza

Des bâtiments détruits par l'armée israélienne  dans le quartier de Shijaiya de la ville de Gaza, lors d'une visite organisée par l'armée pour les journalistes, le 5 novembre 2025. (AP Photo)
Des bâtiments détruits par l'armée israélienne  dans le quartier de Shijaiya de la ville de Gaza, lors d'une visite organisée par l'armée pour les journalistes, le 5 novembre 2025. (AP Photo)
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  • Selon le projet de résolution, la gouvernance de Gaza serait transférée au Hamas et la démilitarisation serait imposée au groupe
  • Une copie du projet de résolution a été distribuée mercredi soir pour examen formel par le Conseil de sécurité

NEW YORK : La mission américaine auprès de l'ONU a déclaré mercredi que des partenaires régionaux clés, notamment l'Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis, ont apporté leur soutien à son projet de résolution pour Gaza.

Cette évolution est le signe d'une avancée diplomatique au sein du Conseil de sécurité de l'ONU en faveur d'un mandat transitoire de deux ans pour l'enclave déchirée par la guerre et du déploiement d'une force internationale de stabilisation.

Au cours d'une réunion convoquée par l'ambassadeur américain aux Nations unies, Mike Waltz, les dix membres élus et non permanents du Conseil (Algérie, Danemark, Grèce, Guyane, Pakistan, Panama, Corée du Sud, Sierra Leone, Slovénie et Somalie), rejoints par des États régionaux tels que l'Arabie saoudite, l'Égypte, le Qatar, la Turquie et les Émirats arabes unis, ont exprimé leur soutien à l'initiative menée par Washington, a déclaré un porte-parole de la mission américaine.

Le projet de résolution soutient la création d'un organe de gouvernance transitoire, appelé "Conseil de la paix". Le contrôle de la bande de Gaza serait ainsi transféré des mains du Hamas et la démilitarisation serait imposée au groupe.

Le projet de résolution autorise également le déploiement d'une "Force internationale de stabilisation" à Gaza, qui opérerait dans le cadre d'un mandat de deux ans de l'ONU. Elle aurait le pouvoir d'utiliser "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les civils, superviser les flux d'aide humanitaire, sécuriser les zones le long des frontières avec Israël et l'Égypte, démilitariser les acteurs non étatiques et former une nouvelle force de police palestinienne.

Une copie du projet de résolution a été distribuée mercredi soir pour examen formel par les 15 membres du Conseil de sécurité.

L'adhésion régionale au projet reflète "l'opportunité historique" de mettre fin à des décennies d'effusion de sang au Moyen-Orient et de transformer Gaza en un territoire plus sûr et plus prospère, a poursuivi le porte-parole, et souligne l'intention des États-Unis de traduire la résolution en résultats plutôt qu'en "discours sans fin".

Le soutien des principaux acteurs régionaux est important car leur participation est largement considérée comme une condition préalable à l'autorisation de toute force multinationale de stabilisation d'opérer à Gaza et d'obtenir une légitimité internationale.

Le porte-parole américain a souligné qu'aucune troupe américaine ne serait déployée à Gaza. En revanche, Washington a engagé des pourparlers avec des États tels que l'Indonésie, les Émirats arabes unis, l'Égypte, le Qatar, la Turquie et l'Azerbaïdjan en vue de fournir des troupes à une force internationale de stabilisation.

Le projet de texte stipulerait qu'une telle force opérerait sous un commandement unifié, comme convenu par le Conseil de paix, l'Égypte et Israël une fois que des accords sur le statut de la mission auront été conclus.

Il décrit également une séquence d'événements au cours desquels la force stabilisera la situation sécuritaire à Gaza, démilitarisera les groupes armés non étatiques, mettra les armes hors service et supervisera la formation et le soutien de la force de police palestinienne nouvellement approuvée.


Turquie: le chef kurde Öcalan veut agir avec «sérieux et responsabilité»

 Le chef emprisonné de la guérilla kurde Abdullah Öcalan appelle à agir avec "sérieux et sens des responsabilités" pour mener le processus de paix en cours avec la Turquie à son terme, dans un message publié mardi par des députés turcs. (AFP)
Le chef emprisonné de la guérilla kurde Abdullah Öcalan appelle à agir avec "sérieux et sens des responsabilités" pour mener le processus de paix en cours avec la Turquie à son terme, dans un message publié mardi par des députés turcs. (AFP)
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  • "Pour passer à une phase positive, il est essentiel que chacun agisse avec sensibilité, sérieux et sens des responsabilités"
  • Abdullah Öcalan, qui a appelé en février son mouvement à se dissoudre, est détenu à l'isolement depuis 1999 sur l'île prison d'Imrali, au large d'Istanbul

ISTANBUL: Le chef emprisonné de la guérilla kurde Abdullah Öcalan appelle à agir avec "sérieux et sens des responsabilités" pour mener le processus de paix en cours avec la Turquie à son terme, dans un message publié mardi par des députés turcs.

"Pour passer à une phase positive, il est essentiel que chacun agisse avec sensibilité, sérieux et sens des responsabilités", écrit le leader historique du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), auquel une délégation du parti prokurde DEM a rendu visite lundi.

Abdullah Öcalan, qui a appelé en février son mouvement à se dissoudre, est détenu à l'isolement depuis 1999 sur l'île prison d'Imrali, au large d'Istanbul.

Le PKK a annoncé le 26 octobre le retrait vers le nord de l'Irak de ses derniers combattants présents en Turquie, complétant ainsi la première phase du processus de paix initié un an auparavant par Ankara.

Lors d'une cérémonie en juillet, une trentaine de combattants en treillis avaient symboliquement brûlé leurs armes.

Le parti prokurde, troisième force au Parlement, a appelé à "passer à la deuxième phase, à savoir les étapes juridiques et politiques".

"Nous nous efforçons de développer une phase positive, et non une phase destructrice et négative", poursuit M. Öcalan. "L'intégration du phénomène kurde dans toutes ses dimensions dans le cadre légal de la République et un processus de transition solide doivent en constituer le fondement", écrit-il.

Une commission parlementaire transpartisane planche depuis août sur une traduction légale et encadrée de cette transition vers la paix.

Elle doit notamment décider du sort d'Abdullah Öcalan et de possibles garanties de sécurité pour ses combattants.

La libération du leader kurde âgé de 76 ans est au cœur des demandes du PKK. Il a été autorisé en septembre à rencontrer ses avocats pour la première fois en six ans.

Selon des analystes, le PKK est affaibli par des décennies de guérilla qui ont fait au moins 50.000 morts, selon un bilan officiel. Et la communauté kurde, qui représente selon des estimations 20% de la population turque sur 86 millions d'habitants, est épuisée par un long conflit.


Un hôpital de Gaza déclare avoir reçu les corps de 15 prisonniers palestiniens

L'hôpital Nasser, dans le sud de la bande de Gaza, a annoncé mercredi avoir reçu les corps de 15 prisonniers palestiniens dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu avec Israël. (AFP)
L'hôpital Nasser, dans le sud de la bande de Gaza, a annoncé mercredi avoir reçu les corps de 15 prisonniers palestiniens dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu avec Israël. (AFP)
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  • Sur les 28 otages décédés que le Hamas avait accepté de remettre à Israël dans le cadre de l'accord, 21 ont été restitués à ce jour. Israël exige toujours la restitution des sept dernières dépouilles
  • Le mouvement islamiste palestinien a également libéré le 13 octobre les 20 derniers otages vivants retenus dans la bande de Gaza, en échange de la libération de près de 2.000 prisonniers palestiniens

KHAN YOUNES: L'hôpital Nasser, dans le sud de la bande de Gaza, a annoncé mercredi avoir reçu les corps de 15 prisonniers palestiniens dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu avec Israël.

"La dixième série de dépouilles de martyrs palestiniens, soit 15 martyrs", est arrivée "dans le cadre de l'échange de dépouilles entre la partie palestinienne et l'occupation israélienne", a déclaré l'hôpital en précisant que 285 dépouilles ont été reçues dans la bande de Gaza depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre.

Sur les 28 otages décédés que le Hamas avait accepté de remettre à Israël dans le cadre de l'accord, 21 ont été restitués à ce jour. Israël exige toujours la restitution des sept dernières dépouilles.

Le mouvement islamiste palestinien a également libéré le 13 octobre les 20 derniers otages vivants retenus dans la bande de Gaza, en échange de la libération de près de 2.000 prisonniers palestiniens.

Mardi, la branche armée du Hamas a fait parvenir aux autorités israéliennes la dépouille d'une personne, identifiée mercredi comme Itay Chen, un soldat israélo-américain tué à l'âge de 19 ans.

Dans la bande de Gaza, des proches de personnes arrêtées par Israël et qui attendent leur retour ont dit lors de plusieurs remises de dépouilles par Israël que les corps étaient très difficiles à identifier.

Le service de presse du gouvernement du Hamas à Gaza a de nouveau accusé mercredi les autorités israéliennes de refuser de transmettre des listes de noms des personnes dont les dépouilles arrivent dans le territoire palestinien.