Au Liban en crise, la serviette hygiénique remplacée par chiffons et couches

Dans la boutique "Tenue de fête" à Beyrouth, qui offre gratuitement des vêtements usagés et des aides alimentaires aux plus démunis, Izdihar avoue ne plus pouvoir payer des serviettes hygiéniques pour elle ou ses trois adolescentes, dont l'aînée a 14 ans. (AFP).
Dans la boutique "Tenue de fête" à Beyrouth, qui offre gratuitement des vêtements usagés et des aides alimentaires aux plus démunis, Izdihar avoue ne plus pouvoir payer des serviettes hygiéniques pour elle ou ses trois adolescentes, dont l'aînée a 14 ans. (AFP).
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Publié le Mercredi 07 juillet 2021

Au Liban en crise, la serviette hygiénique remplacée par chiffons et couches

  • Avec la dépréciation de la livre libanaise que rien ne semble enrayer, les nouveaux prix en rayon qui s'adaptent au taux de change sur le marché noir et des salaires qui ne suivent pas, même les marques d'ordinaire bon marché sont inaccessibles
  • L'effondrement économique a plongé le Liban dans une paupérisation à grande échelle: 55% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté selon l'ONU et le quotidien est marqué par de graves pénuries, notamment de médicaments

BEYROUTH : Entre l'effondrement économique et l'inflation au Liban, Chérine n'a plus les moyens d'acheter des serviettes hygiéniques. Alors chaque mois, quand elle a ses règles, la jeune maman a recours à de vieux chiffons, voire aux couches de son bébé.

"Au début, je devais vérifier que mon pantalon n'était pas tâché", reconnaît-elle, évoquant les difficultés à s'adapter à cette nouvelle précarité économique qui bouleverse jusqu'à son intimité.

"Avec les prix élevés et la colère que je ressens, j'en suis au point où je préfèrerais ne plus avoir mes règles", déplore la mère de 28 ans.

Quand les prix des serviettes hygiéniques qu'elle achetait avant la crise ont augmenté, Chérine a essayé de trouver une autre marque, plus abordable. Les nouvelles serviettes lui ont donné des allergies.

Avec la dépréciation de la livre libanaise que rien ne semble enrayer, les nouveaux prix en rayon qui s'adaptent au taux de change sur le marché noir et des salaires qui ne suivent pas, même les marques d'ordinaire bon marché sont inaccessibles.

Les prix des serviettes hygiéniques ont souvent quintuplé. En fonction des marques, les paquets qui coûtaient naguère moins de 3000 livres, soit deux dollars, se vendent aujourd'hui entre 13000 et 34000 livres.

Chérine s'est fait une raison, se résolvant à assurer d'abord les besoins de sa fillette de quelques mois: "Je préfère lui acheter du lait, moi je peux supporter."

Jamais elle n'aurait pensé qu'un jour, elle utiliserait pour elle-même les couches de sa petite, qu'elle obtient à travers des donations. "Je coupe la couche en deux, comme ça, ça me fait deux utilisations, surtout quand je sors", raconte-t-elle.

"J'utilise des serviettes, des bouts de tissus", ajoute-t-elle.

Privée de sorties

Chérine a aussi renoncé aux analgésiques qui soulageaient la douleur des premiers jours de règles. Des économies, "au cas où ma fille a besoin de quelque chose".

L'effondrement économique a plongé le Liban dans une paupérisation à grande échelle: 55% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté selon l'ONU et le quotidien est marqué par de graves pénuries, notamment de médicaments.

L'hyperinflation risque encore de s'aggraver: pour pallier la fonte des réserves en devises étrangères, les autorités cherchent à couper dans les subventions, qui de fait ne suffisent déjà plus à juguler la hausse vertigineuse des prix de certains produits, comme la farine ou les carburants.

De toute façon, les dirigeants n'ont jamais cru bon d'inclure les serviettes hygiéniques dans les listes de produits subventionnés.

Dans la boutique "Tenue de fête" à Beyrouth, qui offre gratuitement des vêtements usagés et des aides alimentaires aux plus démunis, Izdihar avoue ne plus pouvoir payer des serviettes hygiéniques pour elle ou ses trois adolescentes, dont l'aînée a 14 ans.

"Parfois je prends des couches pour bébé ici au magasin", raconte cette employée de la boutique, précisant que sa benjamine vient d'avoir ses premières règles.

La petite de 12 ans répète constamment ne pas savoir comment utiliser les couches ou les bouts de tissus. "Cela l'affecte psychologiquement, quand elle a ses règles, elle ne sort plus de la maison", ajoute l'employée.

«Même scénario»

Pour soutenir les femmes, plusieurs initiatives ont été lancées.

"Dawrati" ("Mon cycle") veut lutter contre la "pauvreté menstruelle" et distribue des paniers féminins contenant des serviettes hygiéniques aux plus démunies, explique la cofondatrice de ce projet, Line Tabet Masri.

Les familles ou les étudiantes qui offraient naguère des serviettes hygiéniques n'en ont désormais plus les moyens elles-mêmes, explique-t-elle.

L'équipe est sollicitée par "des femmes de la classe moyenne", ajoute-t-elle. "Nous ne sommes pas en mesure de répondre à toutes les demandes car les dons ont considérablement diminué".

Dans le camp de Chatila à Beyrouth, des réfugiées palestiniennes déplacées de Syrie apprennent à confectionner des serviettes hygiéniques en tissus, réutilisables.

Ce projet est le fruit de la collaboration entre l'ONG "Days for Girls" et l'association locale WingWoman Lebanon, qui vont distribuer ces serviettes dans des régions défavorisées comme le Akkar (nord) ou dans des camps de réfugiés.

Rima Ali fait partie des couturières en herbe. Elle et ses trois filles utilisent aussi ces nouvelles serviettes, après avoir acheté des années durant les produits les moins chers.

La crise libanaise a réveillé chez la quadragénaire les souvenirs du conflit sanglant en Syrie, qu'elle a fui il y a neuf ans.

"Nous vivions dans des conditions difficiles. Nous découpions de vieux vêtements et les utilisions" en guise de serviettes hygiéniques. Je ne m'attendais pas à revivre ce même scénario aujourd'hui", conclut-elle.


Négociations de paix au Soudan: le chef de l'armée prêt à «collaborer» avec Trump

Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
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  • Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)"
  • Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise

PORT-SOUDAN: Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt.

Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)", a déclaré le ministère des Affaires étrangères pro-armée dans un communiqué publié à l'issue d'un déplacement officiel à Ryad, à l'invitation du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise.

Les négociations de paix menées par les Etats-Unis avec le groupe de médiateurs du Quad (réunissant Egypte, Arabe Saoudite et Emirats) sont à l'arrêt depuis que le général al-Burhane a affirmé que la dernière proposition de trêve transmise par M. Boulos était "inacceptable", sans préciser pourquoi.

Le militaire avait alors fustigé une médiation "partiale" et reproché à l'émissaire américain de reprendre les éléments de langage des Emirats, accusés d'armer les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Abou Dhabi nie régulièrement fournir des armes, des hommes et du carburant aux FSR, malgré des preuves fournies par des rapports internationaux et enquêtes indépendantes.

De leur côté, les FSR ont annoncé qu'ils acceptaient la proposition de trêve mais les attaques sur le terrain n'ont pas pour autant cessé au Kordofan, région au coeur de combats intenses.

Pour l'instant, aucune nouvelle date de négociations n'a été fixée, que ce soit au niveau des médiateurs du Quad ou de l'ONU qui essaie parallèlement d'organiser des discussions entre les deux camps.

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée, qui contrôle le nord et l'est du pays - aux FSR, dominantes dans l'ouest et certaines zones du sud.

Depuis la prise du dernier bastion de l'armée dans la vaste région voisine du Darfour, les combats se sont intensifiés dans le sud du pays, au Kordofan, région fertile, riche en pétrole et en or, charnière pour le ravitaillement et les mouvements de troupes.

Le conflit, entré dans sa troisième année, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné des millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Le prince héritier saoudien rencontre le chef du conseil de transition soudanais pour discuter de la sécurité et de la stabilité

Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
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  • La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation
  • Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays

RIYADH : Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a rencontré Abdel Fattah Al-Burhan à Riyad lundi pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à restaurer la sécurité et la stabilité dans le pays, a rapporté l'Agence de presse saoudienne.

La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation.

Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays, a ajouté SPA.

Le ministre saoudien de la défense, le prince Khalid ben Salmane, le ministre des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, le ministre d'État et conseiller à la sécurité nationale, Musaed bin Mohammed Al-Aiban, le ministre des finances, Mohammed Al-Jadaan, et l'ambassadeur saoudien au Soudan, Ali Hassan Jaafar, ont également assisté à la réunion.


Cisjordanie: 25 immeubles d'habitation menacés de destruction dans un camp de réfugiés

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  • "Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre"
  • "Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie

TULKAREM: L'armée israélienne va démolir 25 immeubles d'habitation du camp de réfugiés de Nour Chams, dans le nord de la Cisjordanie, ont indiqué lundi à l'AFP des responsables locaux.

Abdallah Kamil, le gouverneur de Tulkarem où se situe le camp, a déclaré à l'AFP avoir été informé par le Cogat --l'organisme du ministère de la Défense israélien supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens-- que les démolitions interviendraient d'ici la fin de la semaine.

"Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre", a indiqué à l'AFP Faisal Salama, responsable du comité populaire du camp de Tulkarem, proche de celui de Nour Chams, précisant qu'une centaine de familles seraient affectées.

Le Cogat n'a pas répondu dans l'immédiat aux sollicitations de l'AFP, l'armée israélienne indiquant se renseigner.

"Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie.

Il estime qu'elles s'inscrivent "dans une stratégie plus large visant à modifier la géographie sur le terrain", qualifiant la situation de "tout simplement inacceptable".

"Crise" 

La Cisjordanie est occupée par Israël depuis 1967.

Début 2025, l'armée israélienne y a lancé une vaste opération militaire visant selon elle à éradiquer des groupes armés palestiniens, en particulier dans les camps de réfugiés du nord, comme ceux de Jénine, Tulkarem et Nour Chams.

Au cours de cette opération, l'armée a détruit des centaines de maisons dans les camps, officiellement pour faciliter le passage des troupes.

Selon M. Friedrich, environ 1.600 habitations ont été totalement ou partiellement détruites dans les camps de la région de Tulkarem, entraînant "la crise de déplacement la plus grave que la Cisjordanie ait connue depuis 1967".

Lundi, une vingtaine de résidents de Nour Chams, tous déplacés, ont manifesté devant des véhicules militaires blindés bloquant l'accès au camp, dénonçant les ordres de démolition et réclamant le droit de rentrer chez eux.

"Toutes les maisons de mes frères doivent être détruites, toutes! Et mes frères sont déjà à la rue", a témoigné Siham Hamayed, une habitante.

"Personne n'est venu nous voir ni ne s'est inquiété de notre sort", a déclaré à l'AFP Aïcha Dama, une autre résidente dont la maison familiale de quatre étages, abritant environ 30 personnes, figure parmi les bâtiments menacés.

Disparaître 

Fin novembre, l'ONG Human Rights Watch a indiqué qu'au moins 32.000 personnes étaient toujours déplacées de chez elles dans le cadre de cette opération.

Comme des dizaines d'autres, le camp de Nour Chams a été établi au début des années 1950, peu après la création d'Israël en 1948, lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont fui ou été expulsés de leurs foyers.

Avec le temps, ces camps se sont transformés en quartiers densément peuplés, où le statut de réfugié se transmet de génération en génération.

De nombreux habitants ont affirmé à l'AFP ces derniers mois qu'Israël cherchait à faire disparaître les camps, en les transformant en quartiers des villes qu'ils jouxtent, afin d'éliminer la question des réfugiés.

Nour Chams a longtemps été un lieu relativement paisible où vivaient dans des maisons parfois coquettes des familles soudées entre elles.

Mais depuis quelques années, des mouvements armés s'y sont implantés sur fond de flambées de violence entre Palestiniens et Israéliens et de précarité économique.