Haïti sans son président tué: ce que l'on sait

Un membre des forces de sécurité échange des coups de feu avec des hommes armés à côté du poste de police de Pétionville à Port-au-Prince le 8 juillet 2021. (AFP)
Un membre des forces de sécurité échange des coups de feu avec des hommes armés à côté du poste de police de Pétionville à Port-au-Prince le 8 juillet 2021. (AFP)
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Publié le Vendredi 09 juillet 2021

Haïti sans son président tué: ce que l'on sait

  • Dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, on entend plus d'une trentaine de coups de feu
  • Les assaillants semblent toutefois avoir agi avec une facilité étonnante, sans annonce de blessés parmi les policiers censés garder le président

PORT-AU-PRINCE: Qui est derrière l'assassinat du président Jovenel Moïse? A qui revient légitimement d'assurer la transition au pouvoir? Voici ce que l'on sait de la situation en Haïti. 

L'assassinat vers 01H00 locale dans la nuit de mardi à mercredi, un commando armé attaque la résidence de Jovenel Moïse, dans la capitale Port-au-Prince. Ils se font passer pour des agents de la DEA, l'agence américaine antidrogue, selon des sources gouvernementales haïtiennes.

Dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, on entend plus d'une trentaine de coups de feu. Les assaillants semblent toutefois avoir agi avec une facilité étonnante, sans annonce de blessés parmi les policiers censés garder le président, honni par une bonne partie de la population.

Assassinat du président haïtien: 11 suspects arrêtés à l'ambassade de Taïwan

Taïwan a annoncé vendredi que 11 suspects recherchés dans l'enquête sur l'assassinat du président haïtien Jovenel Moïse étaient entrés par effraction dans le périmètre de son ambassade à Port-au-Prince, avant d'y être interpellés par la police haïtienne.
La porte-parole du ministère taïwanais des Affaires étrangères, Joanne Ou, a expliqué que l'ambassade avait été fermée mercredi "pour des raisons de sécurité" à la suite du meurtre.
"A l'aube du 8 (juillet), la sécurité de l'ambassade a découvert qu'un groupe d'hommes armés étaient entrés par effraction dans la cour de l'ambassade", a-t-elle dit. "Le personnel de sécurité en a immédiatement informé le personnel de l'ambassade et la police haïtienne."

"A la demande du gouvernement haïtien, et afin d'aider à l'interpellation des suspects, l'ambassade a donné à la police haïtienne l'autorisation d'entrer dans le périmètre de l'ambassade."

Dans un communiqué posté sur son site internet, l'ambassade de Taïwan à Port-au-Prince décrit les hommes comme des "mercenaires" et des suspects dans l'assassinat.

"La police a lancé une opération vers 16H00 (20H00 GMT jeudi) et est parvenue à arrêter 11 suspects", explique l'ambassade dans son communiqué.

"L'opération a été rondement menée", poursuit l'ambassade en qualifiant aussi l'assassinat de "cruel et barbare".

L'ambassade de Taïwan à Haïti se trouve non loin de la résidence où M. Moïse a été assassiné.

Haïti est un des 15 pays au monde qui continue de reconnaître diplomatiquement Taïwan, plutôt que la Chine populaire.

Celle-ci considère toujours Taïwan comme une partie de son territoire qui a vocation à revenir dans son giron, et ce même si l'île suit son propre destin depuis 1949. 

Les relations se sont dégradées avec l'arrivée au pouvoir à Taïwan en 2016 de la présidente Tsai Ing-wen, issue d'un parti traditionnellement hostile à Pékin.

Le gouvernement chinois ne cesse d'oeuvrer à l'isolement international de Taïwan, en tentant sans relâche d'attirer à lui les derniers alliés diplomatiques de l'île.

Son corps est criblé de douze balles, selon le juge chargé de l'affaire, cité par la presse locale. Blessée, la Première dame Martine Moïse a d'abord été soignée dans un hôpital local avant d'être évacuée par avion vers Miami. Son état est "stable", a affirmé mercredi soir le Premier ministre par intérim Claude Joseph.

Les tueurs

Selon l'ambassadeur haïtien aux Etats-Unis, Bocchit Edmond, le président a été tué dans une "attaque bien orchestrée" perpétrée par des tueurs "professionnels". "Nous pensons qu'il s'agit de mercenaires", a-t-il ajouté.

Selon Claude Joseph, les assaillants étaient "des étrangers qui parlaient l'anglais et l'espagnol".

La police haïtienne a annoncé mercredi soir avoir tué quatre membres présumés du commando. "Quatre mercenaires ont été tués, deux ont été interceptés sous notre contrôle", a déclaré Léon Charles, directeur général de la police nationale d'Haïti. "Trois policiers qui avaient été pris en otage ont été récupérés", a-t-il ajouté.

Le lendemain soir, il annonce en conférence de presse que le commando était composé de 28 assaillants (26 Colombiens et deux Américains d'origine haïtienne). Il précise que quinze Colombiens et les deux Américains ont été arrêtés, que trois Colombiens ont été tués --revoyant le bilan à la baisse-- et que huit sont en fuite.

Plusieurs suspects sont alignés contre un mur pour les montrer aux médias, des passeports colombiens et des armes étant disposés sur une table.

"Nous avons déjà en main les auteurs physiques et nous sommes à la recherche des auteurs intellectuels", c'est-à-dire le ou les commanditaires, a relevé M. Charles.

Le ministre colombien de la Défense Diego Molano précise qu'au moins six des suspects colombiens seraient "d'anciens membres de l'armée" et que la police et l'armée de son pays ont reçu instruction de coopérer à l'enquête haïtienne.

Onze suspects ont été interpellés par la police haïtienne dans le périmètre de l'ambassade de Taïwan à Port-au-Prince, où ils s'étaient cachés, a indiqué de son côté la représentation diplomatique, qui avait donné son feu vert à l'opération policière haïtienne.

Le département d'Etat américain, sans confirmer l'arrestation de ressortissants américains, indique avoir accepté d'aider l'enquête haïtienne.

Qui pour gouverner?

Après l'assassinat, le Premier ministre par intérim Claude Joseph est apparu comme le responsable assurant de facto le pouvoir. Il a déclaré "l'état de siège", octroyant des pouvoirs renforcés à l'exécutif pour quinze jours. 

Problème: Jovenel Moïse avait nommé lundi Ariel Henry, un médecin, à la fonction de Premier ministre. Selon celui-ci, Claude Joseph "n'est plus Premier ministre" et a repris ses anciennes fonctions de ministre des Affaires étrangères. M. Henry appelle toutefois au dialogue et au consensus, tout en affirmant être le seul Premier ministre nommé.

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a téléphoné à M. Joseph mercredi, précisant bien avoir parlé au "Premier ministre par intérim" d'Haïti.

Washington a par ailleurs appelé Haïti à maintenir les élections législatives et présidentielle prévues d'ici fin 2021.

En cas d'empêchement du président, la Constitution haïtienne prévoit que la transition au pouvoir soit assurée sous le contrôle du Parlement. Mais cette institution est inopérante depuis plus d'un an. Quant au président de la Cour de cassation, au sommet du pouvoir judiciaire, il est récemment décédé du Covid-19.

Dans le sillage de l'assassinat du chef de l'Etat haïtien, la plupart des responsables des partis politiques de l'opposition ont accusé Claude Joseph de s'être accaparé le pouvoir de façon illégitime.

La situation sécuritaire

Toutes les activités étaient jeudi au point mort dans Port-au-Prince et les villes de province. Les magasins, les banques, les stations-service et les petits commerces ont notamment gardé portes closes.

L'aéroport de Port-au-Prince a été fermé. La République dominicaine a bouclé mercredi sa frontière de 380 kilomètres avec Haïti -les deux pays se partageant la même île- et a renforcé la sécurité dans la zone.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.