L’ombre grandissante des talibans risque de chasser les jeunes d’Afghanistan

Mahnoosh Amiri lors d'une visite au Simple Cafe dans les quartiers chics de Kaboul, en Afghanistan, le 10 juillet 2021. (Photo de Sayed Salahuddin)
Mahnoosh Amiri lors d'une visite au Simple Cafe dans les quartiers chics de Kaboul, en Afghanistan, le 10 juillet 2021. (Photo de Sayed Salahuddin)
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Publié le Mercredi 14 juillet 2021

L’ombre grandissante des talibans risque de chasser les jeunes d’Afghanistan

  • Beaucoup d’afghans craignent que les libertés en général ne soient «compromises» au moment où les talibans gagnent du terrain et les forces dirigées par les États-Unis quittent l'Afghanistan
  • Il n'est toujours pas facile d'être une femme quand les mariages forcés, la violence domestique et la mortalité maternelle sont monnaie courante, en particulier dans les zones rurales

KABOUL : Dans le sous-sol à peine éclairé d'un café chic de Kaboul, un groupe de jeunes hommes et femmes bien habillés éclatent de rire et fument des chichas autour d'un repas de pain et de kebab (viande grillée), tandis qu'une musique forte joue en arrière-plan.

Leur soirée s’est interrompue par une panne de courant, un problème récurrent dans la capitale afghane, avant que le propriétaire du café ne démarre le générateur et que la musique ne reprenne.

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Feraidoon Hasas, gérant d'un café à Kaboul, regarde un jeune homme jouer de la guitare au restaurant, fréquenté principalement par de jeunes Afghans instruits, le 10 juillet 2021. (Photo par Sayed Salahuddin)

Plusieurs jeunes affirment que rencontrer régulièrement leurs amis fait partie de leur routine, mais ils craignent que «les libertés dont ils jouissent actuellement soient compromises», au moment où les talibans gagnent du terrain et les forces de l'OTAN, dirigées par les États-Unis, quittent l'Afghanistan après près de 20 ans d'occupation.

«Le retour des talibans signerait la fin de notre liberté», confie à Arab News Chaïma Rezayi, une étudiante de 22 ans qui fait partie des convives au restaurant «Simple Café».

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De jeunes hommes jouent au billard à Kaboul, la capitale afghane, le 10 juillet 2021. (Photo de Sayed Salahuddin)

Rezayi révèle que de nombreux professionnels modernes réfléchissent sur le danger du progrès rapide des talibans pendant qu'elle cherchait à «s'installer ailleurs» si les talibans s’emparent du pouvoir.

«Lorsqu’ ils ne nous laisseront pas jouir de nos droits, je devrais peut-être quitter ce pays», a-t-elle clarifié.

Rezayi fait partie de la jeune génération afghane très instruite qui a grandi sous la protection de l'armée américaine. Une génération qui a parcouru le monde, obtenu des maîtrises dans des universités renommées et nourrit l’ambition «d’une vie meilleure et libre au sein de cette société conservatrice».

Presque tous les convives au café confient avoir entendu des «histoires de leurs parents et de leurs proches» sur le régime «répressif» des talibans et ses politiques dures envers les femmes, quand il a dirigé l'Afghanistan pendant cinq ans jusqu'à ce qu'il soit renversé par Washington à la fin de 2001.

Depuis, les femmes afghanes ont de nouveau le droit à l'éducation, au vote et au travail hors de chez elles. Pourtant, il n'est toujours pas facile d'être une femme quand les mariages forcés, la violence domestique et la mortalité maternelle sont monnaie courante, en particulier dans les zones rurales.

Cependant, l'accès à la vie publique s'est amélioré, notamment à Kaboul, où des milliers de femmes travaillent. Plus du quart du Parlement est aujourd’hui composé de femmes.

Mais les craintes grandissent quant à la dégradation potentielle des droits durement acquis à mesure que les talibans envahissent plusieurs régions du nord et du nord-est de l'Afghanistan, le bastion de l'alliance anti-Talibans à la fin des années 1990.

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Mina Rezayee, (à droite), propriétaire du Simple Cafe, un restaurant bien connu à Kaboul, avec un ami, le 10 juillet 2021. (Photo AN de Sayed Salahuddin)

La semaine dernière, le ministre d'État à la Gestion des catastrophes et aux Affaires humanitaires, Ghoulam Bahauddin Jailani, a signalé que «plus de 32 400 familles ont été contraintes de quitter leur domicile dans diverses régions, en raison des violences survenues au cours du dernier mois et demi».

«Nous avons fourni une aide à certaines d'entre elles, mais elles auront besoin d'aide pour longtemps», a-t-il expliqué aux journalistes.

Selon le ministère gouvernemental des Réfugiés et des Rapatriements, plus de 5 600 familles afghanes ont fui vers les régions voisines au cours des quinze derniers jours. Les talibans ont pris le contrôle de 85% du territoire et assurent à la communauté internationale que «les citoyens seront en sécurité sous leur autorité».

«L'Émirat islamique n'est contre personne et veut traiter tout le monde avec respect», a précisé à Arab News Zabihoullah Moujahid, un porte-parole des talibans.

Il a ajouté que «les jeunes de Kaboul qui craignent une prise de contrôle des talibans ont subi un lavage de cerveau de la part de la propagande», réitérant que les droits de tous les Afghans, en particulier les jeunes, «seront préservés en vertu des lois islamiques».

«La jeune génération est notre atout et nous la considérons comme notre avenir. Ces jeunes sont talentueux, ont acquis une connaissance à jour du monde, ils ne rencontreront aucun problème d'aucune sorte», insiste Moujahid.

Cependant, les résidents de Kaboul ne sont pas du tout convaincus de ces promesses.

«Si la situation change conduisant au retour des talibans, les gens instruits de ma génération vont certainement quitter le pays, a déclaré l'étudiante universitaire Mahnoush Amiri à Arab News. Elle ajoute que son père, un conseiller russe, est plus inquiet pour son avenir.

«Mon père souhaite que mes deux sœurs, mes deux frères et moi partions maintenant, avant que ça ne devienne difficile», dit-elle avant de continuer son repas au Simple Café, très prisé des jeunes Afghans.

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Amiri a déclaré qu'elle s'inquiétait pour l'avenir et cherchait à quitter l'Afghanistan si les talibans revenaient au pouvoir. (Une photo de Sayed Salahuddin)

Le restaurant Simple Café est situé dans le quartier chic de Kaboul, Karte Char, également connu sous le nom de la «petite Europe» de l'Afghanistan en raison de ses habitants aisés et de son décor.

Mina Rezayi, 32 ans, qui a fondé le café il y a quatre ans, déplore que la lenteur des activités commerciales. Ceci est en partie dû à la pandémie du coronavirus à l’origine de la Covid-19, à l'insécurité croissante à travers le pays, au départ des troupes étrangères et aux spéculations sur le retour des talibans.

Mina, diplômée en économie, a vécu en tant que réfugiée en Iran pendant quelques années et «bien qu'elle réalise à quel point il serait difficile d’immigrer et d'abandonner l'entreprise», elle n'a pas exclu la possibilité d’immigrer à nouveau.

«Si je ne peux pas étudier, travailler et être ici dans mon café, alors cet endroit serait une prison pour moi. Quitter son pays n'est pas une décision facile, et j'ai des souvenirs et des expériences amers de la migration, mais nous n'aurons pas d'autre option», a-t-elle dévoilé à Arab News.

Bien avant que le président américain Joe Biden n'annonce le départ des forces étrangères en avril, des dizaines de milliers d'Afghans avaient fui vers l'Europe, l'Australie, la Turquie et les États-Unis à la recherche d'un avenir meilleur, poussés par une montée de la violence.

Même si Washington affirme depuis des années qu'elle compte retirer ses troupes, l'annonce sans engagement préalable de Biden a surpris de nombreux Afghans, surtout parce qu'un accord de paix entre les talibans et le gouvernement de Kaboul n'avait pas encore été signé, malgré les pourparlers intra-afghans en cours à Doha, au Qatar.

Les soldats afghans se sont rendus en masse depuis le début du retrait des troupes étrangères le 1er mai, remettant armes et véhicules blindés aux talibans, tandis que les insurgés consolident leurs positions près des capitales provinciales, dont Kaboul.

Une récente évaluation du renseignement américain estime que Kaboul pourrait tomber aux mains des talibans dans les six mois après le départ des troupes du pays.

Ces avertissements ont entraîné une flambée des prix des passeports et des visas vers certains pays, alors que les Afghans les plus riches se précipitent pour quitter l’Afghanistan.

Fatema Saadat, 30 ans, qui dirige une entreprise de nettoyage privée au personnel entièrement féminin, a affirmé que le retour des talibans «signifie que l'Afghanistan deviendrait une cage où nous ne pouvons ni respirer ni travailler».

«Vivre dans de telles conditions serait insupportable; Je partirai aussi», affirme-t-elle.

La jeune mannequin Nigara Sadaat, couronnée Miss Afghanistan en 2020, a souligné qu'une hausse de la violence a déjà eu un impact sur l'industrie de la mode et du mannequinat. Elle se dit «personnellement inquiète» de l'avenir des «artistes» une fois que les talibans prendront le relais.

Les opinions de Fatema et Nigara contrastent fortement avec les sentiments exprimés par les femmes des zones les plus reculées de l'Afghanistan.

Souvent rejetées comme «un petit sous-ensemble privilégié» de la population afghane de plus de 36 millions d'habitants, une étude du 6 juillet réalisée le réseau d'analystes d’Afghanistan a révélé que les femmes rurales sont davantage préoccupées par la paix durable, la stabilité politique et la réduction de la violence en Afghanistan.

Au milieu des gains territoriaux rapides des talibans ces dernières semaines, Haroun Rahimi, professeur à l'Université américaine d'Afghanistan, indique que des centaines de personnes ont lancé le Mouvement des jeunes afghans pour la paix dans le but d’exprimer leurs craintes face à la «perte de liberté».

«Les femmes en particulier ont peur de ne pouvoir aller à l'école ou travailler. Cette peur se manifeste sous différentes formes : certaines se sentent impuissantes, elles sont désespérées, elles ne veulent rien faire, elles veulent juste quitter le pays», a déclaré Rahimi, à Arab News.

D'autres semblent plus optimistes.

Feraidoun Hasas, un gérant de Turk Cafe âgé de 23 ans, soutient que son entreprise «sera peut-être fermée sous le régime des talibans», mais il prie pour le rétablissement de la paix. Car il se souvient encore comment son père «louait la capacité des talibans à mettre en œuvre l'état de droit et à éradiquer la corruption dans une grande mesure».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Frappes ukrainiennes sur les raffineries et forte demande: en Russie, l'essence devient chère

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
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  • Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde
  • A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro)

MOSCOU: "Doucement mais sûrement": Oleg fait le plein d'essence à Moscou et vitupère contre la hausse des prix nourrie par une demande accrue et les frappes ukrainiennes contre les infrastructures pétrolières, secteur clé de l'économie russe que les Occidentaux veulent sanctionner.

"Tout le monde l'a remarqué", tonne Oleg, retraité de 62 ans: les prix des carburants vont crescendo à la pompe. Au 1er septembre, l'essence au détail coûtait 6,7% de plus que fin 2024, selon Rosstat, l'agence nationale des statistiques.

Ce renchérissement s'inscrit dans un contexte de hausse générale des prix, avec une inflation annuelle qui a été de 8,14% en août, à l'heure où la Russie intensifie l'offensive qu'elle a lancée en 2022 en Ukraine.

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg.

Et depuis le début de l'été, les réseaux sociaux sont saturés de vidéos montrant des files d'attente devant les stations-service de l'Extrême-Orient russe, en Crimée - région que la Russie a annexée au détriment de Kiev en 2014 -, et dans certaines régions du sud proches de l'Ukraine, pour cause de pénurie.

Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde.

Raffineries frappées 

A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro). Ce prix, qui reste bien inférieur à ceux affichés dans de nombreux pays européens, surprend le consommateur russe, habitué à ne pas payer cher l'essence et au revenu moyen moindre.

Artiom, un Moscovite qui ne souhaite pas donner son nom de famille, observe cette augmentation "depuis le début de l'année". "Pour des personnes ordinaires, 300 ou 400 roubles en plus par plein (3 à 4 euros, ndlr), cela commence à être sensible", dit-il.

Sur le site Gazeta.ru, Igor Iouchkov, analyste au Fonds national de sécurité énergétique, met en avant l'augmentation d'"environ 16%" du droit d'accise (impôt indirect) depuis le 1er janvier et la baisse de subsides versés aux compagnies pétrolières.

Car, comme l'explique à l'AFP Sergueï Teriochkine, expert en questions énergétiques, "plus les subventions sont faibles, plus la rentabilité est faible", ce qui pousse les pétroliers à "répercuter" ces pertes sur les prix au détail.

La demande a, elle, été dopée par les départs en vacances et les engins agricoles.

Restent - surtout - les frappes contre les raffineries et dépôts de pétrole que l'Ukraine a multipliées afin de toucher Moscou au portefeuille et d'entraver sa capacité à financer son offensive.

"Les frappes ont ciblé de grandes raffineries dans la partie européenne de la Russie", notamment dans les régions de Samara, Riazan, Volgograd et Rostov, énumère Alexandre Kots, journaliste russe spécialiste des questions militaires, sur Telegram.

"Ce n'est rien!" 

L'une de ces attaques, à la mi-août, a touché la raffinerie de Syzran, dans la région de Samara, selon l'état-major ukrainien. Le complexe se trouve à plus de 800 km de la frontière ukrainienne. Il est présenté par Kiev comme le "plus important du système Rosneft", géant russe des hydrocarbures.

Moscou n'a pas quantifié l'impact de ces frappes, mais dans le journal Kommersant, l'analyste Maxime Diatchenko parle d'une baisse de la production "de près de 10%" depuis le début de l'année.

"C'est rien!", assure Alexandre, un homme d'affaires moscovite, après avoir rempli le réservoir de sa berline allemande. "Une frappe, deux frappes, trois frappes, ça n'est rien pour le marché en général ou pour les prix".

"Le pays a besoin d'argent. L'augmentation du prix de l'essence, c'est une façon d'augmenter le revenu de l'Etat", estime de son côté Vladimir, un Moscovite de 50 ans.

Pour tenter de stabiliser la situation, Moscou a prolongé une interdiction d'"exporter de l’essence pour les automobiles" jusque fin octobre.

La Russie reste par ailleurs un exportateur majeur de pétrole brut, des exportations que les Occidentaux entendent étouffer pour tarir une des principales sources de financement de l'offensive russe en Ukraine, pays qui compte l'Union européenne comme principale alliée.