«On ne reculera pas» : à la frontière du Tigré, les milices amhara prêtes au combat

Solomon Alabachew, milicien amhara, dans le village d'Adi Arkay, à 80 km au nord-est de Gondar, le 14 juillet 2021 - AFP
Solomon Alabachew, milicien amhara, dans le village d'Adi Arkay, à 80 km au nord-est de Gondar, le 14 juillet 2021 - AFP
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Publié le Jeudi 15 juillet 2021

«On ne reculera pas» : à la frontière du Tigré, les milices amhara prêtes au combat

  • Quand la guerre a éclaté dans la région éthiopienne du Tigré, Solomon Alabachew a pris sa kalachnikov et s'est rué avec ses camarades d'une milice de la région voisine de l'Amhara pour s'emparer des terres du Tigré occidental
  • Ces terres fertiles, rattachées à la région du Tigré au début des années 1990, sont revendiquées depuis des décennies par l'ethnie amhara. L'offensive lancée lundi par les rebelles tigréens pour reconquérir ces territoires, l'a rendu furieux

ADI ARKAY : Quand la guerre a éclaté dans la région éthiopienne du Tigré, Solomon Alabachew a pris sa kalachnikov et s'est rué avec ses camarades d'une milice de la région voisine de l'Amhara pour s'emparer des terres du Tigré occidental.

A 37 ans, Salomon assure que c'est la plus grande réussite de sa vie. Ces terres fertiles, rattachées à la région du Tigré au début des années 1990, sont revendiquées depuis des décennies par l'ethnie amhara. L'offensive lancée lundi par les rebelles tigréens pour reconquérir ces territoires, face à l'armée fédérale alliée depuis huit mois aux forces amhara, l'a rendu furieux. Alors mercredi, Salomon a dépoussiéré son arme, enfilé son treillis et a pris la direction du nord, vers la frontière d'avant-guerre entre l'Amhara et le Tigré.

Dans le village amhara d'Adi Arkay, niché dans les montagnes près de cette frontière, il attend désormais l'ordre d'avancer, avec des milliers d'autres combattants réunis dans le cadre d'une mobilisation massive décrétée par de hauts responsables de l'Amhara. 

Mercredi, le porte-parole du gouvernement régional, Gizachew Muluneh, a annoncé que les forces spéciales et les milices amharas passeraient "à l'attaque" pour reprendre le terrain pris dernièrement par les rebelles tigréens. 

Cette déclaration est intervenue quelques heures à peine après que le Premier ministre Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, s'est engagé à "repousser" les attaques des ennemis de l'Éthiopie. Salomon adhère à cette rhétorique belliqueuse. Il a hâte d'en découdre. 

"Nous sommes ici pour prendre les mesures nécessaires, pour anéantir et faire des sacrifices. Tous les Amhara, du plus haut au plus bas, se sont mobilisés", a-t-il déclaré.  "Les gens ont été très patients avec l'approche du gouvernement jusqu'à présent, mais même si les ordres (d'attaquer) ne viennent pas, nous ne reculerons pas", lance-t-il.

«Nous avons la vérité»

Abiy Ahmed a envoyé l'armée fédérale au Tigré en novembre dernier pour destituer les autorités régionales, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Selon lui, cette opération répondait à des attaques contre des camps de l'armée fédérale ordonnées par le TPLF.  Cette opération marquait un sanglant paroxysme aux tensions entre le jeune leader réformiste, arrivé au pouvoir en 2018, et le parti dominait le pouvoir éthiopien depuis trois décennies.

Elle constituait également une opportunité pour les Amhara de reprendre les terres de l'ouest et du sud du Tigré que le TPLF a, selon eux, illégalement annexées au début des années 1990 quand il a procédé à un redécoupage des régions. La guerre a connu un tournant inattendu fin juin avec une offensive des forces pro-TPLF qui ont repris la capitale régionale Mekele le 28, forçant Abiy à déclarer un cessez-le-feu unilatéral et à retirer la plupart des troupes fédérales de la région. 

Avec l'offensive lancée cette semaine, les rebelles entendent "libérer chaque centimètre carré du Tigré", selon leur porte-parole, Getachew Reda. Ce dernier a également affirmé à l'AFP que les rebelles contrôlaient déjà Alamata, la plus grande ville du sud du Tigré, et prendraient bientôt la ville occidentale de Mai Tsebri, au nord d'Adi Arkay.

L'armée éthiopienne n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP. Dans un entretien à l'AFP, le responsable régional des milices amhara, le colonel Bamlaku Abay, reconnaît certaines pertes de terrain, mais juge les affirmations de Getachew exagérées. "Ils ont pris certains endroits autour de Korem (ville du sud du Tigré, ndlr) et autour de Mai Tsebri, lorsque les militaires se sont retirés", déclare-t-il depuis sa base actuelle à Adi Arkay. 

Il se dit "très sûr" que les milices amhara repousseront les rebelles une fois qu'elles seront déployées. "Le TPLF essaie de terroriser notre peuple et notre terre. Jusqu'à présent, nous n'avons pas répondu", affirme-t-il: "Nous l'emporterons. Nous avons la vérité de notre côté. Ils n'ont pas la vérité avec eux".

«Menace existentielle»

Dans la rue qui borde le bureau du colonel Bamlaku, les combattants de la milice Amhara sirotent un café, cirent leurs bottes. D'autres se promènent dans le village. Des centaines de leurs camarades, arme à l'épaule et effets personnels fourrés dans des sacs à l'effigie de Spiderman ou Bob Marley, ont quitté la ville en direction du sud, empruntant la route principale.

Le colonel Bamlaku affirme qu'il ne s'agit pas de mouvements de troupes, simplement d'une rotation. Une base militaire fédérale se trouve à l'entrée sud d'Adi Arkay. Les miliciens interrogés par l'AFP s'attendent à mener la charge à la fois vers l'ouest et le sud du Tigré.

Selon Fenta Tereffe, porte-parole de l'administration de la zone Nord-Gondar, qui comprend Adi Arkay, l'objectif est d'arrêter les rebelles à Mai Tsebri. Sinon, affirme-t-il, ces derniers pousseront vers le sud jusqu'à la capitale éthiopienne Addis Abeba, tuant les Amhara sur leur chemin.  Il refuse de dire combien de milliers de miliciens ont été mobilisés cette semaine, mais "nous en avons plus qu'assez pour notre objectif", affirme-t-il. 

"Assez de combattants, mais aussi de ressources", ajoute-t-il, en expliquant que certains fonctionnaires ont renoncé à leurs salaires ce mois-ci pour aider à financer les opérations et que des femmes préparent des sacs de pain, d'injera (grandes crêpes typiques de la cuisine éthiopienne) séchée et d'orge grillé que des jeunes acheminent ensuite au front.  "Le peuple amhara ne veut pas la guerre, il est conscient qu'il n'y a aucun profit à tirer de la guerre. Mais nous faisons face maintenant à une menace existentielle", déclare Fenta.

par Robbie Corey-Boulet


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.