Pegasus: coup de grâce pour la presse en Hongrie

A 35 ans, Szabolcs Panyi travaille pour le site Direkt36.hu sur les multiples affaires de corruption qui secouent ce pays d'Europe centrale de 9,8 millions d'habitants depuis des années. (Photo, AFP)
A 35 ans, Szabolcs Panyi travaille pour le site Direkt36.hu sur les multiples affaires de corruption qui secouent ce pays d'Europe centrale de 9,8 millions d'habitants depuis des années. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 21 juillet 2021

Pegasus: coup de grâce pour la presse en Hongrie

  • «Cet outil n'est censé être utilisé que contre les gros méchants, alors découvrir qu'on est considéré comme tel en tant que reporter, c'est vraiment rabaissant»
  • 300 smartphones de journalistes, d'avocats, d'élus ou d'hommes d'affaires ont été ciblés selon le réseau Forbbidden Stories

BUDAPEST: Maintenant c'est lui qui répond aux questions: le journaliste hongrois Szabolcs Panyi ne sait plus où donner de la tête, depuis que son nom est apparu sur la liste des personnalités espionnées par le logiciel Pegasus.


"Cet outil n'est censé être utilisé que contre les gros méchants, alors découvrir qu'on est considéré comme tel en tant que reporter, c'est vraiment rabaissant", réagit cet enquêteur. 


A 35 ans, il travaille pour le site Direkt36.hu sur les multiples affaires de corruption qui secouent ce pays d'Europe centrale de 9,8 millions d'habitants depuis des années.


Après six mois de recherches, un consortium de 17 médias internationaux a accusé la Hongrie d'utiliser la technologie d'espionnage israélienne du groupe NSO contre la société civile. 


300 smartphones de journalistes, d'avocats, d'élus ou d'hommes d'affaires ont été ciblés selon le réseau Forbbidden Stories. Un cas unique au sein de l'Union européenne (UE).

Paris: Castex juge «irresponsable» de commenter les révélations de presse

Le Premier ministre Jean Castex a jugé mercredi "irresponsable" de commenter la révélation du journal Le Monde et de Radio France qui assurent que Emmanuel Macron figurait sur la liste des personnes potentiellement espionnées via le logiciel espion Pegasus.


"Je crois qu'il serait un peu irresponsable de notre part de dire des choses tant que nous ne savons pas exactement ce qu'il en est", a déclaré Jean Castex au journal de 13H00 de TF1.


"Nous allons regarder ça de très près, compte-tenu de la gravité potentielle", a-t-il affirmé, indiquant que le président de la République avait déjà "ordonné toute une série d'investigations".


"Si les faits sont avérés, ils sont graves", a-t-il simplement dit.


Mardi, Le Monde et Radio France, qui font partie du consortium de 17 médias à l'origine des révélations sur un système d'espionnage de masse lié au logiciel Pegasus, ont révélé qu'un numéro du chef de l'Etat figurait "dans la liste des numéros sélectionnés par un service de sécurité de l'Etat marocain, utilisateur du logiciel espion Pegasus, pour un potentiel piratage". 


L'Elysée s'est défendu de toute négligence mercredi matin, affirmant que "les téléphones du président sont régulièrement changés, mis à jour et sécurisés", selon une source proche de l'exécutif auprès de l'AFP.


"Les paramètres de sécurité sont les plus restrictifs possibles et les installations d’applications et téléchargements sont bloquées", avait abondé une source sécuritaire.

«Prédateur de la liberté de la presse«»
De quoi dégrader encore l'image d'un pays qui se présente comme une démocratie, mais qui dégringole dans le classement annuel de Reporters sans frontières (RSF). Il y occupe désormais la 92e place. 


RSF estime que le parti Fidesz au pouvoir "contrôle désormais 80% du paysage médiatique" et "inspire ses alliés polonais et slovène", plaçant Viktor Orban dans la catégorie des "prédateurs de la liberté de la presse".


"Il est inacceptable que l'exécutif ne respecte pas le secret des sources", estime Gabor Polyak, de l'association Mertek Media Monitor. 


De son côté, l'exécutif a dénoncé par la voix de son porte-parole Zoltan Kovacs "un groupe de médias de gauche" proférant "des affirmations non fondées", "gobées par le reste de la presse", qui "suivrait le troupeau". 


Il jure qu'il n'y a pas de "surveillance illégale" en Hongrie, tandis que les médias dépendants de lui dénoncent un complot de George Soros pour empêcher Viktor Orban de décrocher un quatrième mandat en 2022. 


Ce milliardaire américain né en Hongrie, survivant de la Shoah et qui prône les valeurs libérales, est régulièrement attaqué par le Fidesz.

Violation de la vie privée 
Et c'est vrai selon le juriste Mate Szabo que "ce type de surveillance est tout à fait légal" dans ce pays. Codirecteur de l'ONG TASZ, il rappelle que depuis 2011, un simple feu vert du Garde des Sceaux aux services secrets suffit. 


"C'est problématique", tranche auprès de l'AFP Aron Demeter, d'Amnesty International. "Si une agence gouvernementale demande au gouvernement d'espionner quelqu'un, il ne va pas lui dire non". 


Les spécialistes pointent l'absence d'un contrôle indépendant et une violation de la vie privée, dénoncées d'ailleurs par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) en 2016.


Depuis le retour au pouvoir du souverainiste Viktor Orban en 2010, la CEDH et la Cour de justice européenne ont régulièrement condamné la Hongrie pour des réformes visant la justice, les médias, les réfugiés, les ONG, les universités ou les minorités.

«Tête-à-tête»
Budapest était à nouveau pointée du doigt mardi pour ces problèmes "systémiques" dans le rapport annuel de l'UE sur l'Etat de droit, appelé à devenir un outil clé afin d'évaluer le bon usage des fonds européens.


La vice-présidente de la Commission européenne Vera Jourova a prévenu dans le quotidien français "Le Monde" qu'une procédure d'infraction contre la Hongrie pourrait être lancée concernant Pegasus, car "la protection des données ne semble pas respectée". 


En attendant, le journaliste Szabolcs Panyi, qui craint l'autocensure de ses sources, envisage désormais de communiquer sans passer par Internet ni par le téléphone pour les rassurer. 


"Je vais éviter de conserver des enregistrements et des brouillons sur des ordinateurs connectés. Les rencontres en tête-à-tête, il n'y a rien de plus sûr", dit-il.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.