Le président chypriote inquiet de l’agressivité turque

Le président chypriote Nikos Anastasiades (d) en réunion avec le chef de la diplomatie grecque Nikos Dendias le 18 aout dernier dans un contexte où l’Union européenne a intimé deux jours plus tôt à la Turquie d’arrêter ses prospections de gaz au large de Chypre. (Christos Avraamides/ HO/PIO/AFP)
Le président chypriote Nikos Anastasiades (d) en réunion avec le chef de la diplomatie grecque Nikos Dendias le 18 aout dernier dans un contexte où l’Union européenne a intimé deux jours plus tôt à la Turquie d’arrêter ses prospections de gaz au large de Chypre. (Christos Avraamides/ HO/PIO/AFP)
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Publié le Vendredi 04 septembre 2020

Le président chypriote inquiet de l’agressivité turque

  • "Il y a une agressivité (de la Turquie), avec l'intention de prendre le contrôle de l'ensemble de la zone. La situation est très volatile et inquiétante", a déclaré M. Anastasiades
  • Lors de cet entretien au palais présidentiel de Nicosie, le chef de l'État chypriote a appelé "l'ONU et la communauté internationale à recourir à tous les moyens pour accentuer la pression sur la Turquie, afin qu'elle cesse ses activités illégales"

NICOSIE : Le président de Chypre, Nicos Anastasiades, s'est dit inquiet vendredi du contexte "très volatil" en Méditerranée orientale autour de la délimitation des frontières maritimes et des prospections gazières, dû selon lui à "l'agressivité" d'Ankara, et a exhorté au "dialogue", dans un entretien à l'AFP.

"Il y a une agressivité (de la Turquie), avec en réalité l'intention de prendre le contrôle de l'ensemble de la zone, et nous assistons en conséquence à une tension croissante. La situation est très volatile et inquiétante", a déclaré M. Anastasiades.

Cette "situation très sérieuse" est le résultat des "provocations", des "violations de la loi internationale", "de la loi maritime internationale" et "de notre propre zone économique exclusive" (ZEE) par Ankara, a affirmé Nicos Anastasiades, lors de cet entretien réalisé au palais présidentiel de Nicosie.

Le chef de l'État chypriote a en conséquence appelé "l'ONU et la communauté internationale (...) à recourir à tous les moyens pour accentuer la pression sur la Turquie", afin qu'elle "cesse ses activités illégales".

"Alors je suis persuadé que nous serions en mesure d'éviter toute nouvelle escalade", a-t-il ajouté.

"Sanctions" ou "dialogue" ?

Les tensions sont fortes en Méditerranée orientale autour des prospections gazières et de la délimitation des frontières maritimes, impliquant tous les pays de la zone, parmi lesquels la Grèce, Chypre et la Turquie.

Depuis le 10 août, Ankara a déployé un bateau sismique et une escorte de navires de guerre pour procéder à des explorations au large de l'île grecque de Kastellorizo, à 2 kilomètres de ses côtes.

La Turquie effectue également des prospections dans la ZEE de la République de Chypre, pays de l'UE qu'elle ne reconnaît pas en raison de la partition de l'île.

Fin août, ces tensions se sont encore exacerbées entre Ankara et Athènes, qui ont effectué des manœuvres militaires rivales, la première avec les États-Unis puis la Russie, la seconde avec la France, Chypre et l'Italie.

L'UE a de son côté menacé la Turquie de nouvelles sanctions, tout en incitant au dialogue : vendredi, son chef de la diplomatie, Charles Michel, a émis l'idée d'une "conférence multilatérale sur la Méditerranée orientale".

Le président chypriote a noté qu'il aborderait le sujet lors du sommet EuroMed, rassemblant sept pays européens et qui est prévu jeudi prochain en Corse (France).

"Les sanctions ne sont pas notre objectif", a assuré à l'AFP Nicos Anastasiades. "Notre but est, par le dialogue, de parvenir à un règlement en tout point conforme à (...) la loi internationale."

Paris, "force motrice"

Interrogé sur l'attitude de l'UE face à cette crise, il a en particulier salué la "solidarité" de la France, "force motrice de ce que l'Europe devrait faire pour protéger les Etats membres de l'agressivité" turque, selon lui.

Dans le même temps, "je comprends ce que la chancelière (allemande Angela) Merkel fait" en tentant de promouvoir une médiation, a signalé M. Anastasiades. Mais, "bien sûr, nous aimerions voir l'Allemagne et la France faire front commun", a-t-il dit.

Paris, avec laquelle Nicosie a accru les liens y compris militaires, a "un rôle à jouer dans l'ensemble de la région", dans le cadre des efforts visant à "consolider la paix" et la "stabilité", a insisté M. Anastasiades.

Il a également salué la relation avec les Etats-Unis, qualifiés de "partenaire proche et de confiance", trois jours après l'annonce par Washington d'une levée partielle d'un embargo sur les armes vieux de trente ans visant Chypre.

Ankara a aussitôt fustigé la décision, qui concerne les ventes d'équipement militaire "non létal". Le lendemain, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a par ailleurs exhorté la Grèce et la Turquie à "réduire les tensions".

Mais les deux pays ont poursuivi leurs joutes verbales vendredi.

Après avoir démenti jeudi soir des discussions avec Ankara au sein de l'Otan, Athènes, par la voix de son Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, a demandé à Ankara de cesser ses "menaces". Et à Ankara, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a accusé Athènes de se dérober à la négociation en niant ce dialogue à l'Otan, organisation dont les deux pays voisins sont membres.


Un médecin syrien condamné à perpétuité en Allemagne pour crimes contre l'humanité sous Assad

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
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  • Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups
  • "Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad"

FRANCFORT: Un médecin syrien, accusé de tortures d'opposants au régime de Bachar al-Assad, a été condamné à la prison à vie lundi par la justice allemande, après un procès fleuve de plus de trois ans à Francfort.

Arrivé en Allemagne en 2015, où il a exercé comme chirurgien orthopédique jusqu'à son arrestation en 2020 après avoir été reconnu par d'autres réfugiés syriens, Alaa Moussa était jugé pour de multiples crimes sur des détenus dans des hôpitaux militaires de Damas et de Homs durant la guerre civile en Syrie.

Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups.

"Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad" aux manifestations des opposants.

Dénonçant "une violation massive des droits de l'Homme" par l'accusé, le juge a souligné que le verdict était aussi une façon de montrer "que la souffrance des victimes n'est pas oubliée".

"Outre les difficultés inhérentes à un délai de 12 ans, le régime syrien a tenté jusqu'à sa chute (en décembre 2024, ndlr) d'exercer une influence sur la procédure" allemande, a-t-il poursuivi, évoquant des menaces sur des proches des témoins.

Etant donné la gravité des faits, la condamnation à la perpétuité d'Alaa Moussa a été assortie d'une peine de sûreté pour une durée non encore définie (qui sera décidée au bout de quinze ans d'incarcération).

Lors de son procès commencé le 19 janvier 2022, entouré de hautes mesures de sécurité, Alaa Moussa avait été confronté à plus d'une cinquantaine de témoins et d'anciennes victimes.

Certains avaient témoigné masqués et beaucoup avaient fait état de menaces et d'intimidation à l'encontre de leur famille restée au pays alors que l'ombre des services secrets syriens planait sur les audiences.

Une situation qui s'est détendue après la chute, durant le procès, du dictateur Bachar al-Assad, renversé en décembre 2024 et désormais réfugié en Russie.

Parmi les témoins, un ancien lieutenant d'Alep, âgé aujourd'hui d'une quarantaine d'années, emprisonné après avoir refusé de tirer sur des manifestants en novembre 2011.

"Puni pour ses actes" 

Il avait affirmé avoir vu Alaa Moussa infliger des injections à des malades allongés sur le sol, qui sont décédés peu après, dans l'hôpital militaire où il sévissait.

"Aucun tortionnaire, quel que soit le lieu où il a commis son crime, ne peut être certain d'échapper à la justice. Il devra toujours s'attendre à être puni pour ses actes", a asséné le juge Christoph Koller lors de son verdict.

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle.

Il y a deux semaines, la justice allemande avait ainsi condamné à la prison à vie un ancien chef d'une milice syrienne soutenant l'ex-président Bachar al-Assad, reconnu coupable notamment de meurtre, d'actes de torture et de séquestration entre 2012 et 2014.

Lors du premier procès au monde sur des exactions du régime de Bachar al-Assad tenu en Allemagne, Anwar Raslan, un ex-gradé des services de renseignement syriens, avait été condamné en janvier 2022 à la prison à vie pour le meurtre de 27 prisonniers et des faits de torture sur au moins 4.000 autres, en 2011 et 2012, dans la prison Al-Khatib.

Des procès sur les crimes commis en Syrie ont également eu lieu ailleurs en Europe, notamment en France et en Suède.

Le conflit en Syrie, déclenché par des protestations pacifiques violemment réprimées en 2011, a fait plus d'un demi-million de morts, déplacé des millions de personnes et ravagé l'économie et les infrastructures du pays.


Ukraine: l'aide européenne compense le désengagement américain, selon le Kiel Institute

Gabriel Felbermayr, économiste autrichien et président de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, participe à une conférence de presse le 11 mars 2020 à Berlin afin de commenter l'impact économique et politique de l'épidémie du nouveau coronavirus. (Photo de Tobias SCHWARZ / AFP)
Gabriel Felbermayr, économiste autrichien et président de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, participe à une conférence de presse le 11 mars 2020 à Berlin afin de commenter l'impact économique et politique de l'épidémie du nouveau coronavirus. (Photo de Tobias SCHWARZ / AFP)
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  • « L'Europe comble largement le retrait de l'aide américaine », écrit l'institut dans un communiqué, qui recense l'aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l'Ukraine depuis l'invasion russe du 24 février 2022.
  • Début 2025, les données du Kiel Institute montrent que « la récente augmentation de l'aide européenne a été tirée par un petit groupe de pays », au premier rang desquels se trouvent « les pays nordiques et le Royaume-Uni ».

PARIS : Selon l'institut de recherche allemand Kiel Institute, une hausse de l'aide des pays européens à l'Ukraine a permis début 2025 de combler le vide laissé par le désengagement de la nouvelle administration américaine de Donald Trump.

« L'Europe comble largement le retrait de l'aide américaine », écrit l'institut dans un communiqué, qui recense l'aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l'Ukraine depuis l'invasion russe du 24 février 2022.

Alors que « les États-Unis, qui étaient auparavant le plus gros donateur à l'Ukraine, n'ont pas annoncé de nouvelle enveloppe depuis début janvier », l'Ukraine a tout de même reçu plus d'aide de janvier à avril 2025 qu'en moyenne les années précédentes sur la même période. 

« Reste à savoir s'il s'agit d'une hausse temporaire ou du début d'une évolution plus durable du rôle de l'Europe en tant que principal soutien de l'Ukraine », a déclaré Christoph Trebesch, qui dirige l'équipe du Kiel Institute chargée de suivre les engagements en faveur de l'Ukraine, cité dans le communiqué.

Début 2025, les données du Kiel Institute montrent que « la récente augmentation de l'aide européenne a été tirée par un petit groupe de pays », au premier rang desquels se trouvent « les pays nordiques et le Royaume-Uni ».

En revanche, « il est frappant de constater le peu d'aide allemande allouée ces derniers mois », a-t-il commenté. « Au lieu d'augmenter son soutien après l'arrivée de Trump au pouvoir, nous observons une forte baisse de l'aide allemande par rapport aux années précédentes. »

« La tendance est la même pour l'Italie et l'Espagne », a-t-il précisé. 

Au 30 avril 2025, 294 milliards d'euros au total ont été alloués à des dépenses précises en faveur de l'Ukraine (sur 405 milliards promis), selon les derniers chiffres du Kiel Institute. Les 111 milliards restants ont été promis à long terme, mais pas encore alloués.

Sur la somme déjà donnée, 140 milliards d'euros correspondent à de l'aide militaire, 133 milliards à de l'aide financière et 21 milliards à de l'aide humanitaire.

Les principaux donateurs sont l'Union européenne et ses membres (131 milliards d'euros donnés ou alloués), les États-Unis (115 milliards) et le Royaume-Uni (19 milliards).

En matière d'aide militaire, l'Europe, le Royaume-Uni compris, « dépasse pour la première fois depuis juin 2022 les États-Unis », selon le Kiel Institute. Les Européens ont déjà donné ou alloué 72 milliards d'euros d'aide militaire à l'Ukraine depuis le début de la guerre, contre 65 milliards pour les États-Unis. 


Les dirigeants du G7, dont Trump, se rejoignent au Canada tandis qu'un conflit oppose l'Iran et Israël

Le logo du G7 2025 est visible sur la pelouse devant le centre des médias de Banff, à l'approche du sommet du Groupe des Sept (G7) qui se tiendra à Kananaskis, dans la province canadienne de l'Alberta, le 16 juin 2025. (Photo : Ben Sheppard / AFP)
Le logo du G7 2025 est visible sur la pelouse devant le centre des médias de Banff, à l'approche du sommet du Groupe des Sept (G7) qui se tiendra à Kananaskis, dans la province canadienne de l'Alberta, le 16 juin 2025. (Photo : Ben Sheppard / AFP)
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  • Les pays du G7 ont entamé dimanche des négociations dans l'espoir de trouver un langage commun concernant le conflit entre l'Iran et Israël.
  • La priorité absolue pour tous sera d'éviter les drames, malgré les nombreux sujets de frictions, des droits de douane imposés par Donald Trump à la guerre en Ukraine, ou encore à celle du Moyen-Orient.

KANANASKIS, CANADA : Les pays du G7 ont entamé dimanche des négociations dans l'espoir de trouver un langage commun concernant le conflit entre l'Iran et Israël, alors que leurs dirigeants, dont le président américain, se retrouvent pour un sommet sous tension dans les Rocheuses canadiennes.

Il s'agit du premier grand sommet depuis que Donald Trump est revenu au pouvoir en janvier, ce qui a fragilisé l'unité du club des grandes démocraties industrialisées (Allemagne, Royaume-Uni, Canada, États-Unis, France, Italie et Japon).

Le président américain, qui n'a cessé de menacer le Canada ces derniers mois, est arrivé en fin de journée dans ce pays, avec sur la tête une casquette blanche portant son slogan « Make America Great Again » (« Rendre sa grandeur à l'Amérique »).

Pour cette réunion qui se déroule à Kananaskis, dans le parc national de Banff, dans l'ouest du Canada, il retrouvera ses alliés du G7 ainsi que les dirigeants de nombreux autres pays invités : l'Inde, l'Ukraine, le Mexique, l'Afrique du Sud et l'Australie seront notamment présents.

La priorité absolue pour tous sera d'éviter les drames, malgré les nombreux sujets de frictions, des droits de douane imposés par Donald Trump à la guerre en Ukraine, ou encore à celle du Moyen-Orient.

Mais parviendront-ils à parler d'une voix commune, notamment sur cette région du monde ?

Israël a stupéfié le monde vendredi en ouvrant un nouveau front avec une campagne militaire surprise et massive contre l'Iran.

Selon une source gouvernementale citée par l'AFP, les dirigeants du G7 travaillent à une déclaration commune. Reste à décider s'il s'agit d'appeler à la désescalade ou simplement de soutenir Israël en affirmant que le pays a le droit de se défendre. 

Mais cette guerre n'est pas le seule enjeu des discussions à Kananaskis. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est parmi les invités et doit s'entretenir avec Donald Trump

Le président américain, qui s'est rapproché de façon spectaculaire de Moscou, a de nouveau eu un entretien téléphonique samedi avec le président russe Vladimir Poutine. Ce dernier lui a dit être prêt à un nouveau round de négociations.

De leur côté, les Européens tentent de convaincre Donald Trump de promulguer de nouvelles sanctions contre Moscou, ciblant plus précisément les ventes de pétrole russe. 

Tous les pays souhaitent par ailleurs aborder l'aspect commercial avec le président Trump. En imposant des taxes douanières d'au moins 10 % sur la plupart des produits entrant aux États-Unis, ce dernier a dévié le cours de la mondialisation et menacé l'économie mondiale d'un ralentissement général. 

Ce sommet du G7 est la première visite du président américain sur le sol canadien depuis qu'il a menacé son voisin du nord, estimant qu'il serait préférable qu'il devienne le 51^e État américain.

Le Premier ministre canadien, Mark Carney, et Donald Trump se rencontreront lundi matin lors d'un tête-à-tête. Outre MM. Carney et Zelensky, le dirigeant américain doit aussi rencontrer la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum.