L’UMA sauvée par le coronavirus ? 

Une information sur une visite du président algérien Abdelmadjid Tebboune le 15 août passé au Maroc avait circulé, mais elle s’est avérée être une rumeur (Photo, AFP).
Une information sur une visite du président algérien Abdelmadjid Tebboune le 15 août passé au Maroc avait circulé, mais elle s’est avérée être une rumeur (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 05 septembre 2020

L’UMA sauvée par le coronavirus ? 

  • La pandémie de Covid-19 peut offrir une « fenêtre », pour la relance de l’intégration régionale maghrébine
  • Des politiques maghrébines communes feraient le plus grand bien aux pays de la région

TUNIS : Un rapport de la Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur (BMICE) prône la relance de l’Union du Maghreb arabe (UMA) en mettant à profit la crise de la Covid-19. L’idée fait débat parmi les opérateurs économiques de la région.

Le 15 août 2020 aurait pu être une journée historique dans la longue histoire du Maghreb. Ce jour-là, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, aurait dû se rendre en visite officielle au Maroc. C’est du moins ce qu’a fait croire le site Internet de la radio française France Maghreb 2 qui a diffusé cette information le 9 juillet dernier. 

L’événement aurait pu, le cas échéant, aider à sortir l’Union du Maghreb arabe (Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye) du coma dans lequel elle se trouve depuis 1994, date de la dernière réunion du sommet des chefs d’État.

Hélas, cette information s’est avérée être une « fake news » . Pourtant, la relance du processus d’intégration maghrébine, certains y croient encore aujourd’hui. La BMICE est du nombre, et vient de publier un rapport intitulé « Impacts économiques, financiers et sectoriels de la crise de la pandémie de Covid-19 sur les pays du Maghreb – Quelles stratégies de sortie de crise, quels scénarii de résilience à moyen terme et quels nouveaux enjeux pour l’intégration maghrébine ? », rédigé par Patricia Augier.

Cette professeure à l’université Aix-Marseille y développe la thèse selon laquelle la sortie de la pandémie de Covid-19 peut offrir une « fenêtre », pour la relance de l’intégration régionale maghrébine et « la création d’opportunités et de nouvelles niches d’opérations commerciales et d’investissement intra-maghrébines ».

Pour engager un aussi vaste chantier, le rapport recommande de « tirer les leçons du passé » et de « repenser la stratégie d’intégration économique » afin d’élaborer « un modèle renouvelé » d’intégration « qui peut transformer la crise en opportunités ».

Cette nouvelle stratégie d’intégration peut, selon le rapport, prendre appui sur une multitude de secteurs d’activité. Tout d’abord ceux dans lesquels les pays de la région ont démontré qu’ils avaient un avantage concurrentiel : agroalimentaire, industrie pharmaceutique, fabrication d’instruments médicaux, technologies de l’information, économie verte, services logistiques, tourisme et industrie des composants mécaniques et électriques.

La bonne « vieille » agriculture ne doit pas non plus être négligée. Une politique agricole commune, cohérente à la fois « avec le renforcement de la sécurité alimentaire et un développement durable et inclusif, d’une part, et opportune pour le développement des filières liées à l’industrie agroalimentaire, d’autre part », serait la bienvenue.

Le Maghreb peut aussi tirer profit des « complémentarités économiques existantes dans les produits énergétiques et chimiques (gaz naturel, pétrole brut, carburant ainsi que les produits minéraux), les phosphates de calcium naturels, les engrais phosphatés et les acides inorganiques, le fer et ses dérivés, et la pêche ».

De nouveaux secteurs d’activité peuvent aussi constituer un levier de l’intégration maghrébine. Comme le digital pour développer la technologie financière (fintech) et la monnaie digitale de banque centrale (MDBC). Cela nécessite, outre « la levée des contraintes liées à l’infrastructure des systèmes de paiement dans les pays du Maghreb et notamment au niveau de l’interopérabilité des services de paiement mobile » et la mise en place d’un cadre réglementaire et technique favorisant le développement des paiements numériques, « l’harmonisation par les banques centrales des pays du Maghreb des réglementations régissant la supervision bancaire et financière et la convergence des […] systèmes de paiements et des plates-formes techniques ».

Mais pour que les stratégies de sortie de crise puissent s’insérer « dans une nouvelle dynamique d’intégration régionale », le rapport souligne l’urgence d’un « desserrement des contraintes économiques majeures » et la « levée des obstacles à l’accès aux marchés dans les pays du Maghreb ». Obstacles tarifaires, non tarifaires, procéduraux, réglementaires (bancaire, contrôles de change, régimes de commerce et d’investissement, etc.) « ainsi que ceux inhérents aux pratiques et climats des affaires, en général, et aux coûts de transaction logistiques en matière de commerce et d’investissement, en particulier ».

Ces améliorations permettront « d’accroître les recettes d’exportations de 5 à 10 % sur une période de cinq à dix ans par pays de la région, et généreraient un gain de croissance annuelle moyenne sur la période 2018-2023 de 1 point dans chaque pays à la suite de l’ouverture commerciale, de 0,7 point si la participation à des chaînes de valeurs était renforcée, et de 0,6 point avec une meilleure diversification des exportations », appuie l’auteure en citant un rapport du Fonds monétaire international de 2019.

Bref, la crise de la Covid-19 peut changer la donne pour les pays du Maghreb « qui pourraient ainsi bénéficier de la relocalisation d’activités européennes installées jusqu’ici en Chine en particulier et en Asie d’une façon générale, comme l’industrie pharmaceutique ».

Ce scénario est-il plausible ? La Covid-19 peut-elle réellement constituer une opportunité pour réveiller l’Union du Maghreb arabe ? Quatre organisations patronales des trois pays du Maghreb « central » (Tunisie, Algérie et Maroc), sollicitées, n’ont pas livré leurs avis. Quant aux avis des opérateurs ils sont, eux, divergents.

Cofondateur et directeur général d’AfricInvest, un fonds de private equity, qui gère plus de 160 investissements totalisant plus de 1,5 milliard de dollars, dans les cinq pays maghrébins et dans une vingtaine d’autres en Afrique sub-saharienne, Aziz Mebarek dévoile avoir déjà discuté avec les dirigeants de la BMICE de « l’opportunité que présente la Covid pour relancer l’intégration maghrébine » et affirme « partager l’analyse présentée ». Toutefois, il est convaincu de la nécessité d’« un catalyseur externe pour pousser nos politiques dans la bonne direction », d’« un leadership du niveau des présidents Adenauer et de Gaulle » et d’« un support important de la communauté internationale qui s’inspire de la politique américaine en Europe et du célèbre plan Marshall qui a permis la construction européenne sur des bases solides ».

Fondateur et président de Comete Engineering, un bureau d’études présent lui aussi dans les cinq pays de l’UMA, Radhi Meddeb, ne rejette pas l’idée d’une relance de cet ensemble grâce à la Covid-19, mais doute de sa faisabilité. « Tant que les deux pays les plus importants de la région [l’Algérie et le Maroc] se regardent en chiens de faïence, rien ne pourra être fait. Si la volonté politique existait, des politiques maghrébines communes feraient le plus grand bien aux pays de la région », affirme ce patron d’un des trois plus grands bureaux d’études tunisiens. Comme unifier le prix des hydrocarbures car « outre le mal qu’ils causent aux budgets des États, les écarts de prix alimentent la contrebande et, partant, le terrorisme ».
 


La mythique verrerie française Duralex au tribunal de commerce

Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
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  • Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française
  • Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitant

ORLEANS: Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française dont la vaisselle réputée incassable est vendue dans le monde entier.

Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française, déjà en difficulté il y a trois ans.

A l'extérieur, plusieurs militants de la CGT et du PCF seront réunis pour apporter leur soutien aux salariés de l'entreprise.

"Le problème, c'est qu'on commence à s'habituer", se désole le délégué Force ouvrière (FO) de l'entreprise, Gualter Teixeira, 50 ans dont la moitié passée dans l'usine Duralex située à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), près d'Orléans.

Pour cet élu, la situation relève d'"un problème de gestion de la société", dont "les coûts fixes de 2,5 millions d'euros mensuels" sont trop importants.

Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitante de la célèbre marque la semaine dernière.

L'entreprise espère ainsi trouver un repreneur et sauver l'usine, qui emploie 230 salariés.

Si le tribunal accède à la demande de Duralex, alors un administrateur et un mandataire seront nommés pour une période d'observation, dont la durée est variable.

« La tour Eiffel de la vaisselle »

En attendant, si "les fours continuent de fonctionner, les camions des fournisseurs sont à l'arrêt et les agences d'intérim ont déjà rappelé les 30-40 intérimaires présents chez Duralex", s'inquiète auprès de l'AFP François Dufranne, salarié de Duralex depuis 1992 et élu CGT.

"Ici, avant, il y avait 1.500 salariés Duralex, 1.500 ouvriers chez Michelin un peu plus loin", se souvient avec amertume M. Dufranne, aux côtés d'anciens collègues, désormais retraités, venus les soutenir.

Las. La seconde a fermé et il ne reste plus que quelque centaines de salariés dans la première entreprise, qui a pourtant fait la fierté de la production industrielle française avec ses verres et ses assiettes, colorés et réputés incassables, qui sont un peu comme "la tour Eiffel de la vaisselle", selon Duralex.

Dans un communiqué transmis la semaine dernière, la CGT du département dénonce une "décision politique" qui vise "à rationaliser et optimiser l'investissement des actionnaires aux dépens des 230 salarié.e.s concerné.e.s et de l'ensemble du bassin d’emploi de l'Orléanais".

"Les belles promesses auront tout de même permis aux actionnaires d'empocher des millions d'euros d'aide financière de l'Etat et des collectivités territoriales, dont les 15 millions versés dernièrement" par les autorités, épingle encore la centrale syndicale.

Duralex, confrontée à la flambée des prix de l'énergie après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, a été sauvée temporairement par un prêt de 15 millions d'euros de l'Etat. De quoi permettre à l'usine de rouvrir son four verrier et de relancer sa production après cinq mois de fermeture.

En vain, puisqu'en 2023, l'inflation, une consommation "en fort retrait" et une "concurrence exacerbée" ont aggravé de nouveau la situation.

En parallèle, NDI dit avoir été condamné récemment à payer les droits à polluer de l'ancien propriétaire de Duralex.

Incompréhensible selon les élus syndicaux: "On nous a fait une présentation commerciale des objectifs de développement jusqu'en 2030, de belles présentations, un grand 'speech' et 3 semaines après, on apprend la demande de redressement judiciaire", s'agace François Dufranne.

Gualter Teixeira n'en démord pas: à l'audience, "il va falloir nous expliquer ce qui s'est passé".


Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de dette morale aux pays pauvres, affirme Esther Duflo

L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
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  • Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial
  • Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût

PARIS: Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de "dette morale" aux pays pauvres, évalue la prix Nobel d'économie Esther Duflo, qui propose de faire assumer aux pays développés la responsabilité du réchauffement climatique à travers deux taxes.

"C'est ce que j'appelle une dette morale. Ce n'est pas ce que cela coûterait de s'adapter; ce n'est pas ce que cela coûterait d'atténuer. C'est ce que nous devons", a détaillé l'économiste dans un entretien au Financial Times lundi, se basant surtout sur l'effet du réchauffement climatique sur la mortalité dans les pays pauvres.

"Il y aura des dégâts énormes", poursuit Mme Duflo qui se base une étude menée par le Global Impact Lab en 2020 ayant montré que le nombre de décès liés à la chaleur risquait de bondir dans les pays pauvres d'ici à la fin du siècle.

"Ces dégâts seront concentrés dans les pays pauvres en dehors de l'OCDE", ajoute-t-elle, pointant la responsabilité des pays riches sur le changement climatique.

Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial, selon l'AIE.

Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût d'une tonne de carbone. Multiplié par la quantité d'émissions annuelles attribuables à l'Europe et aux Etats-Unis, 14 milliards de tonnes de CO2 équivalent, le prix de la "dette morale" monte alors à 518 milliards, soutient Mme Duflo.

Pour la financer, elle propose d'augmenter le taux minimal d'imposition des multinationales et de taxer les grandes fortunes, deux mécanismes qui permettraient selon elle de couvrir l'enveloppe annuelle.

L'aide financière climatique due par les pays riches aux pays en développement est fixée actuellement à 100 milliards de dollars par an. La COP29, en novembre à Bakou, doit établir le nouveau montant au-delà de 2025.

Le futur objectif, crucial pour renouer la confiance entre le Nord et le Sud, restera quoi qu'il arrive très en-deçà des besoins: les pays en développement (hors Chine) ont besoin de 2.400 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour financer leur transition et s'adapter au changement climatique, selon un calcul d'experts de l'ONU.

En parallèle, de multiples pistes sont au coeur des négociations internationales pour trouver comment combler l'écart, parmi lesquelles l'allègement de la dette des pays pauvres ou des innovations financières via de nouvelles taxes internationales.

 

 


L'Asie paye le prix fort aux aléas climatiques

Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
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  • L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère
  • L'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990

GENEVE: L'Asie a été "la région du monde la plus touchée par les catastrophes" liées à la météo en 2023, inondations et tempêtes ayant fait le plus de victimes et de pertes économiques, indique l'ONU mardi.

"Le changement climatique a exacerbé la fréquence et la gravité de tels événements, impactant profondément les sociétés, les économies et, plus important encore, les vies humaines et l'environnement dans lequel nous vivons", a déclaré Celeste Saulo, directrice de l'Organisation mondiale de la météorologie (OMM) dans un communiqué.

L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère, souligne l'OMM, ajoutant que la fonte des glaciers -notamment dans la chaîne de l'Himalaya- menace la sécurité hydrique de la région.

En outre, l'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990.

"Les conclusions du rapport donnent à réfléchir", a déclaré la cheffe de l'OMM.

"De nombreux pays de la région ont connu en 2023 leur année la plus chaude jamais enregistrée, accompagnée d'une série de conditions extrêmes, allant des sécheresses et des vagues de chaleur aux inondations et aux tempêtes", souligne le rapport.

Le rapport sur l'état du climat en Asie 2023 souligne l'accélération du rythme des principaux indicateurs du changement climatique tels que la température de surface, le retrait des glaciers et l'élévation du niveau de la mer, affirmant qu'ils auraient de graves répercussions sur les sociétés, les économies et les écosystèmes de la région.