L’industrie automobile mondiale sous la menace du «Chipaggedon»

Les semi-conducteurs sont des matériaux (l'un des plus connus est le silicium) et par extension, les composants électroniques fabriqués avec eux. Ces composants minuscules (les plus avancés font entre 5 et 7 nanomètres) sont indispensables à des pans entiers de l'industrie mondiale et intégrés à de nombreux objets du quotidien. (Photo, AFP)
Les semi-conducteurs sont des matériaux (l'un des plus connus est le silicium) et par extension, les composants électroniques fabriqués avec eux. Ces composants minuscules (les plus avancés font entre 5 et 7 nanomètres) sont indispensables à des pans entiers de l'industrie mondiale et intégrés à de nombreux objets du quotidien. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 31 juillet 2021

L’industrie automobile mondiale sous la menace du «Chipaggedon»

  • Les constructeurs souffrent d’une pénurie de semi-conducteurs (microchips en anglais) qui les obligent à réduire ou même suspendre la production
  • Indispensables pour assembler les voitures, de plus en plus informatisées, ces puces électroniques sont difficiles à trouver depuis la fin 2020

PARIS : L'industrie automobile subit la pénurie de semi-conducteurs de plein fouet cet été, avec une production ralentie et des usines en pause, mais voit le marché s'éclaircir fin 2021.

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Un employé de la firme allemande Bosch dans une salle "propre", complètement dépourvue de poussière, où sont fabriquées les fameuses "puces", essentiellement à partir du silicium. Les tailles des puces peuvent atteindre quelques nanomètres, bien plus petites qu'un grain de poussière. (Photo, AFP)

Les constructeurs et équipementiers du secteur ont présenté jusqu'ici des résultats semestriels meilleurs qu'attendu, mais freinés par la pénurie de puces électroniques.

Indispensables pour assembler les voitures, de plus en plus informatisées, ces puces sont difficiles à trouver depuis la fin 2020.

Alors que les acheteurs reviennent en concessions, Mercedes et BMW ont dû suspendre temporairement l'activité de plusieurs usines. Jaguar-Land Rover a prévenu de son côté que la pénurie pourrait entraîner une réduction de moitié de ses ventes au troisième trimestre.

Jeudi, Volkswagen a souligné que les risques de blocage et de perturbation dans l'approvisionnement en semi-conducteurs s'étaient "intensifiés dans le secteur".

"Nous avons réussi à limiter les conséquences de ces goulets d'étranglement jusqu'à maintenant", a souligné le directeur financier du groupe allemand, Arno Antlitz. "Mais nous anticipons des effets plus prononcés au troisième trimestre."

Volkswagen a abaissé son pronostic de ventes en conséquence.

«Chipaggedon»

Ford a aussi fermé temporairement certaines usines. Mais l'entreprise a parallèlement profité de la forte demande pour ses voitures, pick-up et camions pour "optimiser les revenus et les profits" en offrant moins de promotions et en se concentrant sur les véhicules les plus rentables. Leur prix moyen en Amérique du Nord a augmenté de 14% sur un an.

Nissan a repoussé la sortie de son nouveau crossover 100% électrique Ariya, faute de puces, mais n'a pas modifié son objectif annuel de ventes.

Tesla, qui se voit freiné par la pénurie au niveau des airbags et des ceintures notamment, a conçu des programmes pour utiliser des nouveaux composants, a souligné lundi son patron Elon Musk.

Cette pénurie de "chips" ("chiptastrophe" ou "chipaggedon" dans la presse anglophone) va-t-elle prendre fin dans quelques mois, ou pourrait-elle se prolonger?

"On a atteint le pic de la crise", décrypte pour l'AFP le directeur du Center Automotive Research, Ferdinand Dudenhöffer. "La situation va s'améliorer dès que les nouvelles capacités de production seront disponibles, mais le problème ne sera pas résolu à la fin 2021 et pourrait se prolonger jusqu'en 2023. Un risque pèsera en permanence sur la chaîne d'approvisionnement."

L'expert prévoit un total de 5,2 millions de véhicules "perdus" en 2021, et une forte baisse des immatriculations au second semestre, avec des délais d'attente plus longs et des prix plus hauts pour les acheteurs: les concessionnaires ont vendu leurs stocks et vont devoir les reconstituer petit à petit.

Cette pénurie a également des conséquences sur le marché des voitures d'occasions, dont les prix augmentent avec la demande.

L'équipementier Valeo, qui utilise 50 milliards de composants électroniques par an pour ses systèmes d'aide à la conduite ou d'éclairage notamment, a réussi pour le moment à ne pas interrompre sa production, en transférant par exemple des composants depuis ses usines les mieux équipées.

"Chaque fois que des composants électroniques se présentent, on a décidé de les acheter et de les stocker", a souligné le directeur financier de l'équipementier, Robert Charvier, devant des journalistes. Valeo voit aussi la crise s'atténuer mais se poursuivre jusqu'en 2022.

Dans cette industrie où la logistique est calculée à la minute près, "les équipementiers et les constructeurs sont en train de réévaluer leur chaîne d'approvisionnement pour mieux la contrôler, en diversifiant les sources si possible", analyse Nils Poel, du syndicat européen des équipementiers. "Certains constructeurs se coordonnent mieux avec leurs fournisseurs, d'autres leur mettent la pression", souligne-t-il.

Le secteur automobile pourrait "mieux s’en sortir" que d'autres et "ne pas être celui qui souffre le plus longtemps", prévient Mathilde Aubry, professeure d'économie à l'école de commerce EM Normandie.

Le gouvernement américain prévoit d'investir 52 milliards de dollars pour moins dépendre de l'Asie.

L'Europe essaie désormais de rapatrier les puces les plus miniaturisées, essentielles dans "des secteurs ultra-stratégiques en lien avec la santé et la sécurité", explique Mathilde Aubry.

L'automobile devra se méfier de son côté d'une autre pénurie, prévient M. Dudenhöffer: avec l'explosion imprévue des ventes de voitures électriques depuis 2020, les cellules de batteries pourraient commencer à manquer à partir de 2023.

Smartphones, consoles de jeux, appareils électroménagers, automobile...

Smartphones, consoles de jeux, appareils électroménagers, automobile... De nombreux secteurs rencontrent des difficultés depuis plusieurs mois pour s'approvisionner en semi-conducteurs. Le point sur cette pénurie qui déstabilise une part majeure de l'industrie mondiale.

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Qu'est-ce qu'un semi-conducteur?

Les semi-conducteurs sont des matériaux (l'un des plus connus est le silicium) et par extension, les composants électroniques fabriqués avec eux: par exemple les puces permettant à des appareils de capter, traiter ou stocker des données.

Ces composants minuscules (les plus avancés font entre 5 et 7 nanomètres) sont indispensables à des pans entiers de l'industrie mondiale et intégrés à de nombreux objets du quotidien.

On en trouve dans les appareils électroniques ou connectés comme les smartphones, les ordinateurs ou les consoles de jeux vidéo, les automobiles (notamment les tableaux de bord), les avions, les réseaux informatiques ou téléphoniques...

Qui les fabrique?

Les principaux fabricants se situent à Taïwan (TSMC) et en Corée du Sud (Samsung et SK Hynix). Les Etats-Unis disposent d'autres acteurs majeurs comme Intel et Qualcomm.

En revanche, l'Europe a davantage misé sur la recherche et dispose de peu de capacités de production malgré quelques entreprises spécialisées.

Pour assurer sa souveraineté technologique face à la Chine et aux Etats-Unis sur ce marché estimé à 440 milliards d'euros, l'Union européenne ambitionne de produire 20% des semi-conducteurs dans le monde d'ici à 2030, le double de sa part actuelle.

Comment s'explique la pénurie?

Les fabricants de puces ont fait face à une hausse soudaine de la demande pour équiper des produits électroniques. Ordinateurs, tablettes ou consoles de jeux sont en effet très prisés dans le contexte de la pandémie de Covid-19, qui a accéléré l'essor du télétravail et des loisirs à la maison.

"La deuxième chose est que les semi-conducteurs font de plus en plus partie de notre vie, et de plus en plus d'appareils contiennent beaucoup de semi-conducteurs", explique à l'AFP Ondrej Burkacky, associé et expert du secteur au sein du cabinet McKinsey.

Or ce marché était déjà sous pression du fait de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Certains acteurs, comme le géant Huawei, ont fait des stocks importants l'an dernier pour limiter les effets des sanctions.

La demande actuelle de produits du fabricant franco-italien STMicroelectronics "est à peu près 30% supérieure aux capacités de production prévues pour cette année, et est déjà au-dessus des capacités de production prévues pour l'année prochaine", a par exemple expliqué jeudi son patron Jean-Marc Chéry.

Le géant américain Intel a estimé de son côté que la pénurie pourrait se prolonger jusqu'en 2023.

Quels secteurs sont affectés?

Outre l'automobile, l'un des secteurs les plus gourmands en semi-conducteurs, les équipements informatiques (ordinateurs, smartphones, consoles de jeux) sont les plus touchés, notamment en raison de l'envol de l'intelligence artificielle, ou encore de l'arrivée de la 5G.

Les ventes globales de smartphones dans le monde ont ainsi été pénalisées au deuxième trimestre par ces pénuries, selon une étude publiée jeudi par le cabinet d'études spécialisé Canalys. Avec des ventes en repli de 9% par rapport au trimestre précédent, les fabricants ont "peiné à sécuriser des composants clés pour répondre à la demande", souligne Ben Stanton, analyste de Canalys.

Même le géant américain Apple a dit s'attendre cette semaine à ce que les "contraintes d'approvisionnement soient plus importantes" sur le trimestre en cours.

La pénurie de semi-conducteurs pourrait néanmoins frapper plus durement les petits fabricants comme les chinois Lenovo et TCL, ou encore le finlandais HMD Global, qui produit les nouveaux smartphones Nokia, selon les analystes. "Nous pourrions voir un certain déséquilibre sur le marché", a déclaré à CNBC Florian Seiche, PDG de HMD, alors que la demande de modèles bas de gamme est assez élevée.

Les fabricants de consoles de jeux comme Microsoft et Sony sont aussi confrontés au problème similaire.

Le groupe japonais a ainsi dépassé les dix millions PlayStation 5 vendues depuis sa sortie en novembre dernier, mais la demande "continue de dépasser l'offre" selon l'un de ses dirigeants. Conséquence: des milliers de "gamers" attendent plusieurs semaines avant pouvoir mettre la main sur la console de nouvelle génération.

Des acteurs de l'électroménager, déjà victimes du manque de matières premières disponibles, ont également fait part de difficultés d'approvisionnement en puces. Le groupe français SEB a notamment prévenu que les prix de certains produits allaient augmenter cette année en raison des pénuries.


Kering vend sa beauté à L'Oréal pour se relancer

Le groupe français de luxe Kering, malmené depuis plusieurs années, vend sa division beauté à son compatriote L'Oréal pour 4 milliards d'euros, ce qui devrait lui permettre de réduire son endettement et continuer son redressement. (AFP)
Le groupe français de luxe Kering, malmené depuis plusieurs années, vend sa division beauté à son compatriote L'Oréal pour 4 milliards d'euros, ce qui devrait lui permettre de réduire son endettement et continuer son redressement. (AFP)
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  • L'information avait été dévoilée samedi par le Wall Street Journal: Kering cède au numéro un mondial des cosmétiques L'Oréal sa division beauté, créée en 2023 avec notamment l'achat de la marque de parfums de luxe Creed pour 3,5 milliards de dollars
  • La cession, annoncée dans la nuit de dimanche à lundi, est saluée par les marchés à l'ouverture de la Bourse de Paris lundi, où l'action Kering gagnait plus de 5% dans les premiers échanges

PARIS: Le groupe français de luxe Kering, malmené depuis plusieurs années, vend sa division beauté à son compatriote L'Oréal pour 4 milliards d'euros, ce qui devrait lui permettre de réduire son endettement et continuer son redressement.

L'information avait été dévoilée samedi par le Wall Street Journal: Kering cède au numéro un mondial des cosmétiques L'Oréal sa division beauté, créée en 2023 avec notamment l'achat de la marque de parfums de luxe Creed pour 3,5 milliards de dollars.

La réalisation de l'opération est prévue au premier semestre 2026.

La cession, annoncée dans la nuit de dimanche à lundi, est saluée par les marchés à l'ouverture de la Bourse de Paris lundi, où l'action Kering gagnait plus de 5% dans les premiers échanges.

L'accord comprend également "l'établissement des licences de 50 ans pour les marques iconiques de Kering" (Gucci, Bottega Veneta et Balenciaga), L'Oréal possédant déjà depuis 2008 la licence Yves Saint Laurent.

Le partenariat inclut "les droits de conclure un accord de licence exclusif d'une durée de cinquante ans pour la création, le développement et la distribution des produits parfum et beauté de Gucci, démarrant après l'expiration de la licence actuelle avec Coty, dans le respect des obligations du groupe Kering au titre de l'accord de licence existant".

Selon une note des analystes de HSBC, la licence arrive à expiration chez l'américain Coty en 2028.

Il est également inclus un "partenariat exclusif, prévu sous la forme d'une co-entreprise à 50/50, qui permettra de créer des expériences et des services combinant les capacités d'innovation de L'Oréal et la connaissance approfondie des clients du luxe de Kering".

"L'ajout de ces marques extraordinaires complète parfaitement notre portefeuille existant et élargit considérablement notre présence dans de nouveaux segments dynamiques de la beauté de luxe (...) Gucci, Bottega Veneta et Balenciaga sont toutes des marques de couture exceptionnelles qui présentent un énorme potentiel de croissance", déclare le directeur général de L'Oréal, Nicolas Hieronimus, cité dans le communiqué.

"Etape décisive pour Kering"

"Cette alliance stratégique marque une étape décisive pour Kering", déclare son directeur général, Luca de Meo, cité dans le communiqué, "ce partenariat nous permet de nous concentrer sur ce qui nous définit le mieux : notre puissance créative et l'attractivité de nos Maisons".

Cette annonce survient un mois seulement après l'entrée en fonction de Luca de Meo, chargé de redresser le groupe malmené depuis plusieurs années par les difficultés de sa marque phare Gucci, qui assure à elle seule 44% du chiffre d'affaires et les deux tiers de la rentabilité opérationnelle mais n'en finit pas de traverser une mauvaise passe.

"Nous devrons continuer à nous désendetter et, là où cela s'impose, rationaliser, réorganiser et repositionner certaines de nos marques", avait déclaré Luca de Meo le jour de sa nomination le 9 septembre. .

"Le nouveau directeur général de Kering semble déjà vouloir marquer les esprits. Luca de Meo a déclaré que le redressement du bilan constituait une priorité, et qu'une vente de la division beauté permettrait de réduire significativement l'endettement" du groupe, retient lundi Adam Cochrane, analyste de Deutsche Bank.

Kering a annoncé en juillet une chute de 46% de son bénéfice net au premier semestre, à 474 millions d'euros, un plongeon de 16% de son chiffre d'affaires, à 7,6 milliards d'euros, et un endettement de 9,5 milliards d'euros.

Cette vente à L'Oréal devrait permettre au groupe de diminuer sa dette. Les 4 milliards d'euros seront "payables en numéraire à la réalisation de l'opération prévue pour le premier semestre 2026", précise le communiqué.

L'Oréal versera également des redevances à Kering pour l'utilisation des marques sous licence.

L'Oréal a de son côté publié en juillet un chiffre d'affaires semestriel en hausse de 1,6% à 22,47 milliards. Les ventes semestrielles de sa division luxe ont progressé de 1% à plus de 7,65 milliards d'euros.

Le groupe de cosmétiques a également été cité en septembre dans le testament de Giorgio Armani, qui a demandé à ses héritiers de céder à moyen terme son empire à un géant comme LVMH, L'Oréal ou EssilorLuxottica.

L'Oréal possède la licence Armani pour les parfums et cosmétiques depuis 1988.


L’intelligence artificielle, levier d’émancipation pour les femmes selon la directrice de la DCO

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
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  • Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures
  • Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré

PARIS: Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures numériques, de renforcer la coopération internationale et d’intégrer cette technologie au cœur des stratégies nationales de développement.

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. »

« On voit de plus en plus de femmes s’intéresser à l’IA et aux algorithmes dans différents domaines ; il faut s’en saisir comme d’une opportunité », souligne El Haddaoui, dont l’organisation, fondée à Riyad en 2020, regroupe 16 États membres et compte plus de 40 partenaires issus des secteurs technologique et financier.

Œuvrant essentiellement autour de deux axes stratégiques — la résilience technologique et la prospérité numérique —, la DCO s’est vu accorder un siège d’observateur à l’Assemblée générale des Nations unies en 2022.

L’accès à l’intelligence artificielle n’est cependant pas uniforme à l’échelle mondiale, plaide El Haddaoui, dont l’organisation œuvre pour l’inclusivité numérique et technologique.
« Non, il n’y a pas d’égalité entre les pays, affirme-t-elle sans détour. Certains ont énormément investi dans l’IA et disposent des ressources nécessaires, tandis que d’autres en sont encore loin. »

Elle insiste sur l’importance de la coopération régionale pour réduire ces écarts : « Il faut échanger les bonnes pratiques et, surtout, soutenir les pays en retard par de grands investissements », souligne-t-elle, rappelant que « certains pays n’ont même pas la 5G, ce qui rend toute avancée en IA très difficile ».

Pour elle, la réduction de cette fracture nécessite des partenariats solides entre États, des échanges d’expériences et un appui financier ciblé, afin « de permettre à davantage de pays d’intégrer l’intelligence artificielle dans leurs priorités nationales ».

Cependant, les disparités ne sont pas seulement internationales, souligne El Haddaoui : elles sont également internes, car « dans certains pays, les zones rurales n’ont même pas accès à Internet, alors que d’autres régions abritent des hubs d’innovation très avancés », observe-t-elle.

Cette fracture numérique interne constitue, selon elle, un défi majeur. La solution passe par une stratégie globale d’éducation et d’inclusion : « Il faut prendre en compte l’éducation dès le plus jeune âge, développer des applications accessibles dans les langues locales et former les talents nationaux pour diffuser les connaissances liées à l’IA au sein même du pays. »

Ce n’est qu’une fois ces bases posées que la réduction de la fracture pourra s’étendre aux niveaux régional et mondial.

Interrogée sur le risque de voir le financement de l’IA se faire au détriment d’autres secteurs essentiels, El Haddaoui se veut rassurante : « Si l’intelligence artificielle est intégrée dans la stratégie numérique nationale et appliquée à tous les secteurs — santé, finance, économie ou éducation —, elle ne concurrence pas les autres investissements, elle les renforce », explique-t-elle.

Elle met toutefois en garde contre une approche sectorielle trop étroite : « Dans les pays où l’investissement est concentré uniquement sur l’IA sans vision transversale, le risque existe. Il ne faut pas répéter les erreurs commises lors de la transformation digitale dans certaines régions. L’IA doit être pensée comme une stratégie cross-industry, présente dans tous les secteurs et non en silo. »

Pour cette raison, ajoute-t-elle, la DCO travaille avec de nombreux États membres, dont le Maroc : « Nous sommes présents sur le terrain dans plusieurs pays membres afin d’accompagner le développement numérique local », précise-t-elle.


La ministre de la transition numérique marocaine: l’IA une opportunité pour l’émancipation des femmes

L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
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  • Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies
  • En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés

PARIS: L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail.
C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni, qui voit dans cette technologie une opportunité majeure pour réduire les fractures sociales et économiques, à condition de s’y préparer dès maintenant.

Nommée ministre en 2024, Seghrouchni est une pionnière de l’intelligence artificielle. Elle est même décrite par certains comme « l’Elon Musk du Maroc », mais elle se distingue de ce dernier par son engagement éthique et son attachement à l’inclusion et à la justice sociale liées à l’avènement des nouvelles technologies.
Dans le cadre de ses fonctions et responsabilités, elle poursuit sa quête d’une utilisation raisonnée de l’intelligence artificielle, au profit de tous.

Présente à Paris à l’occasion de la 16ᵉ édition des Rencontres économiques, organisées par l’Institut du monde arabe, la ministre a insisté, en réponse à Arab News en français, sur la nécessité d’intégrer les femmes dans cette révolution technologique.
« Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est utilisée dans tous les secteurs de la vie professionnelle : la santé, l’agriculture, l’art, la culture, le droit ou encore la fintech », indique-t-elle. « Et si les femmes maîtrisent l’intelligence artificielle, elles peuvent accéder à un marché de l’emploi beaucoup plus vaste. »

Selon la ministre, l’IA permet aux femmes d’améliorer leur productivité et d’accéder à des ressources jusqu’ici moins accessibles, comme la traduction automatique, les calculs complexes ou la recherche d’informations ciblées : « autant d’usages concrets qui peuvent faciliter leur insertion professionnelle ».
Elle met également en avant le potentiel des outils d’IA pour les femmes entrepreneures, dirigeant des petites ou moyennes entreprises, qui peuvent ainsi s’appuyer sur le commerce électronique pour dépasser les limites des marchés locaux.
« Il existe aujourd’hui des plateformes qui permettent aux femmes d’accéder à un marché global grâce à l’intelligence artificielle », explique-t-elle.

La formation à l’IA représente un investissement, concède la ministre, mais celui-ci reste accessible et rentable. De nombreux programmes, soutenus par des organisations internationales ou des initiatives nationales, visent à réduire cette barrière financière.
« Nous avons lancé un programme qui s’appelle Elevate pour le commerce électronique : il aide gratuitement des femmes à accéder à ces plateformes », précise-t-elle. Et même si certaines formations sont payantes, les coûts restent modérés « au regard du retour sur investissement potentiel ».

La ministre reconnaît cependant l’existence de plusieurs niveaux de fracture : alphabétisation, numérique, et désormais intelligence artificielle.
Mais elle estime que « la question n’est pas de savoir s’il va y avoir une fracture, mais si nous allons pouvoir maîtriser ces technologies pour ne pas rester sur le bord du chemin », car il ne s’agit pas de subir ces transformations, mais « de les utiliser comme leviers de réduction des inégalités ».

Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies. En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés.
Le pays a lancé des plateformes de formation, un programme de soutien aux start-up, ainsi qu’un vaste réseau d’instituts de recherche et de développement baptisé Jazari.

« Rien n’arrive tout seul », rappelle la ministre. « Le coût est là, mais aussi la volonté d’apporter les moyens humains, financiers et techniques nécessaires. C’est un grand chantier que nous voulons mener à bien, avec la détermination des femmes à monter dans ce que j’appelle le train de l’IA. »

La métaphore est claire : l’intelligence artificielle avance rapidement, et il faut savoir monter à bord au bon moment. En misant sur la formation, l’accès aux outils et l’accompagnement des femmes, la ministre entend faire de l’IA non pas une nouvelle ligne de fracture, mais une voie d’émancipation et d’ouverture.