Affaire Bongo: BNP Paribas admet des "carences" mais pas d'"infraction"

Cette photo prise et publiée par le bureau de la présidence gabonaise à Libreville le 25 juin 2021 montre le président gabonais Ali Bongo Ondimba, fils de l’ancien président Omar Bongo, s'adressant aux députés pour la première fois en 5 ans. (Weyl Laurent / Présidence gabonaise/AFP
Cette photo prise et publiée par le bureau de la présidence gabonaise à Libreville le 25 juin 2021 montre le président gabonais Ali Bongo Ondimba, fils de l’ancien président Omar Bongo, s'adressant aux députés pour la première fois en 5 ans. (Weyl Laurent / Présidence gabonaise/AFP
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Publié le Dimanche 01 août 2021

Affaire Bongo: BNP Paribas admet des "carences" mais pas d'"infraction"

  • La BNP conteste avoir su que les chèques de banque qu'elle établissait en France pour Atelier 74 pouvaient servir "à la famille Bongo (pour) acquérir des biens immobiliers"
  • Dans le volet gabonais de cette retentissante affaire, les enquêteurs ont recensé douze bien immobiliers acquis à Paris et à Nice par le clan Bongo "à hauteur d'au moins 35 millions d'euros" à partir des années 1990

PARIS : La banque BNP Paribas, mise en examen le 11 mai pour le blanchiment d'"au moins 35 millions d'euros" avec lesquels la famille du défunt président gabonais Omar Bongo s'est acquis villas et hôtels particuliers en France, a reconnu des "carences" mais contesté tout "dessein frauduleux", selon son interrogatoire devant le juge consulté par l'AFP.

Face au magistrat du pôle financier du tribunal de Paris, le représentant de la banque a soutenu que l'établissement n'avait pas connaissance que la famille Bongo "tirait les ficelles" du circuit financier et ignorait que l'argent provenait de potentiels détournements de fonds publics gabonais, dénonçant une "construction intellectuelle" de l'accusation.

Cette mise en cause de la première banque française et européenne, révélée par l'AFP mi-mai, a fait franchir un cap décisif à cette longue instruction dite des "biens mal acquis" qui porte notamment, depuis 2010, sur le luxueux patrimoine immobilier acquis par la famille d'Omar Bongo, président du Gabon de 1967 à sa mort en 2009 et auquel a succédé son fils Ali.

Si aucun membre de la famille, qui conteste tout détournement de fonds, n'est à ce jour mis en examen, la BNP Paribas est désormais poursuivie pour des faits de "blanchiment de corruption et de détournement de fonds publics" en lien avec le clan Bongo.

Dans le détail, le juge d'instruction Dominique Blanc soupçonne la banque d'avoir permis à la famille Bongo et à ses proches, via une société dénommée Atelier 74, de "convertir des fonds d'origine délictuelle dans des opérations immobilières, à hauteur d'au moins 35 millions d'euros" qui leur auraient bénéficié "directement ou via des structures". Le tout entre 1996 et 2008.

Mais devant le magistrat, le directeur juridique du groupe Georges Dirani a dit son "incompréhension".

Pour lui, la BNP a "activement et de manière transparente aidé la justice à clarifier un certain nombre de faits", notamment via une enquête interne de 2017.

Celle-ci "a conclu que le compte d'Atelier 74 avait eu, il y a plus de 10 ans, un fonctionnement atypique, soulignant certaines carences". Cela "ne constitue pas pour autant des infractions pénales", a insisté M. Dirani.

Douze biens immobiliers

Atelier 74, une entreprise de décoration intérieure, était chargée de dénicher les biens pour la famille du président gabonais et de les rénover pour plusieurs millions d'euros.

La justice française soupçonne la société d'avoir reçu, sur ses comptes à la BNP, de l'argent en provenance de sa filiale Afrique, via un compte à la BGFI, une banque gabonaise. Ce compte recevait "des dépôts d'espèces en très grand nombre effectués par Omar Bongo et ses proches".

Pour le juge, la BNP Paribas aurait dû "classifier" comme "sensible" le "lien d'affaires connu" entre Atelier 74 et Omar Bongo, repérer que "le volume des espèces était sans rapport aucun avec les émoluments" du président et "provenaient de détournement de fonds publics et d'actes de corruption".

Mais le directeur juridique de la banque a fortement minimisé le degré de connaissance que la BNP avait de l'origine et de la destination des fonds déposés à la BGFI, banque longtemps liée à Paribas, jusqu'en 1998.

Selon M. Dirani, "rien n'établit" que la BNP "aurait été informée durant la période (...) que la famille Bongo tirait les ficelles derrière Atelier 74".

Enfin, la BNP conteste avoir su que les chèques de banque qu'elle établissait en France pour Atelier 74 pouvaient servir "à la famille Bongo (pour) acquérir des biens immobiliers", bien au-delà pourtant de simples prestations de décoration intérieure.

Dans le volet gabonais de cette retentissante affaire, qui s'intéresse aussi au patrimoine de la famille de Denis Sassou Nguesso, président du Congo-Brazzaville, les enquêteurs ont recensé douze bien immobiliers acquis à Paris et à Nice par le clan Bongo "à hauteur d'au moins 35 millions d'euros" à partir des années 1990.

Parmi ce patrimoine: deux hôtels particuliers dans des arrondissements huppés de Paris ainsi qu'une villa à Nice.

"Il est difficile de croire que la banque à cette période n'a pas demandé des justificatifs de virement: origine des fonds, l'existence de contrat ou de convention passés entre ces deux entités", estimait l'Office central de répression de la grande délinquance financière dans une note de septembre.

L'enquête interne de la BNP qui a fini par pointer les manquements date de 2017, soit six ans après les premières réquisitions judiciaires, s'étonnait l'OCRGDF.


Gérald Darmanin a rendu visite à Nicolas Sarkozy mercredi soir à la prison de la Santé

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier. (AFP)
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier. (AFP)
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  • L'entrevue, qui s'est déroulée en présence du directeur de l'établissement, a eu lieu entre 19H00 et 19H45
  • L'ancien président de la République bénéficie de la protection de deux officiers de sécurité, une mesure exceptionnelle prise "eu égard à son statut et aux menaces qui pèsent sur lui"

PARIS: Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier.

L'entrevue, qui s'est déroulée en présence du directeur de l'établissement, a eu lieu entre 19H00 et 19H45, a poursuivi cette même source, avant un échange entre le garde des Sceaux et les agents pénitentiaires sur la sécurité de l'ex-chef de l'Etat.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, Nicolas Sarkozy a été incarcéré le 21 octobre à la Santé. Cette détention d'un ancien président est une première dans l'histoire de la République.

Il a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines.

L'ancien président de la République bénéficie de la protection de deux officiers de sécurité, une mesure exceptionnelle prise "eu égard à son statut et aux menaces qui pèsent sur lui", avait expliqué le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez.

Gérald Darmanin avait dit avant l'incarcération de l'ex-président son intention d'aller le visiter, afin de "s'assurer que les conditions de sécurité sont bonnes pour ce détenu au statut hors du commun", avait expliqué son entourage.


Nouveau coup de filet dans l'enquête sur le cambriolage du Louvre

Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure. (AFP)
Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure. (AFP)
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  • Ces nouvelles interpellations s'ajoutent à celles de deux hommes, arrêtés samedi et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place
  • Ils ont été inculpés et placés en détention provisoire mercredi soir. Les cinq nouveaux interpellés sont en garde à vue

PARIS: La procureure de Paris Laure Beccuau a annoncé jeudi cinq nouvelles interpellations liées au casse du musée du Louvre, dont un principal suspect, mais les joyaux de la couronne de France, estimés à 88 millions d'euros, restent introuvables.

Ces nouvelles interpellations s'ajoutent à celles de deux hommes, arrêtés samedi et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place. Ils ont été inculpés et placés en détention provisoire mercredi soir. Les cinq nouveaux interpellés sont en garde à vue.

Parmi eux se trouve un des cambrioleurs présumés, qui "était effectivement un des objectifs des enquêteurs, on l'avait dans le viseur", a précisé la procureure de Paris sur la radio RTL.

"Des traces ADN" lient ce principal suspect "au vol qui a été commis", a ajouté Laure Beccuau, suggérant qu'il faisait partie du commando des quatre hommes qui ont commis le vol du 19 octobre en moins de huit minutes, une affaire qui a fait le tour de la planète.

"Quant aux autres personnes qui sont placées en garde à vue, ce sont des personnes qui peuvent éventuellement nous renseigner sur le déroulement de ces faits", a expliqué la procureure de Paris, sans vouloir en dire plus sur leur profil, "il est trop tôt".

Ces cinq nouvelles interpellations ont eu lieu à Paris et dans son agglomération, notamment en Seine-Saint-Denis (dans le nord de la région parisienne), a-t-elle indiqué.

"Déterminée" 

Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure.

"Je dirais que comme toute enquête, cette enquête, c'est comme un fil d'Ariane", a comparé Laure Beccuau, insistant: "mon rôle n'est pas d'être inquiète (sur le sort des bijoux) mais d'être déterminée".

Et de lancer un message: "ce que je souhaite très clairement dire à ceux qui détiendraient les bijoux aujourd'hui, c'est que évidemment la justice saura tenir compte de l'absence de préjudice de ce cambriolage". "La coopération dans l'enquête, on en tient compte pour la peine évidemment", a-t-elle formulé plus explicitement.

Ces nouvelles interpellations "n'ont pas été du tout liées aux déclarations" des deux mis en examen, mais "à d'autres éléments dont nous disposons au dossier", les traces ADN, la vidéosurveillance ou encore l'examen de la téléphonie.

Les deux inculpés - un arrêté à l'aéroport de Roissy alors qu'il tentait de rejoindre l'Algérie, l'autre à Aubervilliers (région parisienne au nord) -  "n'ont pas souhaité s'exprimer" devant le magistrat instructeur mercredi soir, a-t-elle confié.

Auparavant, les deux trentenaires "se sont livrés à des déclarations, que côté enquêteurs et côté magistrats du parquet, nous estimons minimalistes par rapport à ce qui nous paraît être démontré par le dossier", a mis en avant Laure Beccuau.

"Marchés parallèles" 

"Si on analyse leur casier, on ne peut pas effectivement considérer qu'ils font partie du haut du spectre de la criminalité organisée", a-t-elle décrypté à leur sujet.

La procureure insiste sur l'idée de sortir "d'une image d'une criminalité organisée, type mafieux, avec le patron et tout un tas d'équipes qui gravitent autour de lui parce que ce sont des connaissances".

La criminalité organisée peut aussi se nourrir selon elle de "personnes recrutées sur les réseaux sociaux, n'ayant aucun casier judiciaire" et susceptibles de commettre des méfaits graves pour "des sommes qui nous sidèrent", sous-entendu modiques.

La procureure de Paris s'est en outre attardée sur le rôle de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), qui explore "un certain nombre de marchés parallèles" car ce n'est sans doute pas sur le marché légal des oeuvres d'art que surgiront les bijoux.

Parmi les hypothèses des enquêteurs, il y a celle "que ces bijoux pourraient être une marchandise de blanchiment, voire de négociation dans le milieu", a enfin pointé la procureure.

 

 


Budget: Lecornu fragilisé par une alliance gauche-RN sur la fiscalité des multinationales

Les députés votent en levant la main lors du débat et de l'examen du budget de l'État 2026 à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 29 octobre 2025. (AFP)
Les députés votent en levant la main lors du débat et de l'examen du budget de l'État 2026 à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 29 octobre 2025. (AFP)
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  • Alliance gauche–RN : Les députés ont adopté plusieurs taxes sur les grandes entreprises, défiant le gouvernement
  • Crise budgétaire : Le budget 2026 est fragilisé, avec un risque de passage en force par ordonnances

PARIS: Les députés ont voté mercredi de nouvelles taxes visant les grandes entreprises, dans une alliance de circonstance entre la gauche et l'extrême droite, rendant plus difficile l'adoption du budget par le camp gouvernemental qui dénonce une "folie fiscale".

Sébastien Lecornu se retrouve face à une équation politique de plus en plus impossible, alors même que les mesures les plus sensibles – notamment sur la taxation des hauts patrimoines, condition posée par les socialistes à leur non-censure – n'ont pas encore été examinées.

Jeudi, les députés feront une pause dans les débats budgétaires, avec une journée réservée à l'examen de textes proposés par le Rassemblement national.

Mais ils reprendront vendredi, avec l'examen prioritaire dès 09H00 de l'article 3 du projet de loi de Finances instaurant une taxe sur les holdings, suivi des amendements de la gauche pour créer une taxe Zucman.

Dans ce contexte déjà tendu, le gouvernement avait haussé le ton dès mercredi matin. "La justice fiscale a laissé place à la surenchère fiscale", a mis en garde mercredi le ministre de l'Economie Roland Lescure. Le Premier ministre s'est lui inquiété devant les sénateurs d'une déconnexion entre le débat fiscal et "la question économique générale et globale".

Dans leur ligne de mire, le vote mardi par une alliance de la gauche et du RN d'un "impôt universel" sur les multinationales, pour lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscale.

Une mesure censée rapporter 26 milliards d'euros, selon ses défenseurs, mais jugée inopérante, contraire à la législation et néfaste pour l'économie française, par le gouvernement.

- "Pas honteux" -

Marine Le Pen, pointée du doigt par la droite pour son soutien, a défendu la mesure. "Il s'agit juste de faire respecter la loi", selon elle.

"Pour l'instant, ce qui a été voté" à l'Assemblée dans le cadre de l'examen du budget de l'Etat n'est "pas honteux, contrairement aux hurlements du gouvernement", a enfoncé la cheffe des députés RN.

Mais les mises en garde du camp gouvernemental n'ont pas freiné les députés dans leur lancée, au contraire.

Dans l'après-midi, ils ont continué d'adopter des mesures visant les grands groupes.

Là encore, ce sont les votes réunis de la gauche et du RN qui ont permis l'adoption d'une mesure portée par LFI visant à élargir le champ d'application de l'impôt minimum de 15% sur les bénéfices des multinationales.

C'est "une autoroute vers le contentieux", qui fragiliserait les efforts coordonnés avec l'OCDE pour lutter contre l'évasion fiscale, a fustigé dans l'hémicycle le ministre de la Fonction publique, David Amiel.

"On assume à 100%" ce vote, a martelé le député RN Jean-Philippe Tanguy.

Dans la foulée, le gouvernement a essuyé deux nouveaux revers: le RN a réussi à faire adopter de justesse un amendement pour alourdir la taxation sur les rachats d'actions, afin de lutter contre la spéculation. Les députés de gauche se sont pour la plupart abstenus. Puis c'est la France Insoumise qui a réussi à faire adopter, lors d'un vote très serré, un amendement instaurant une taxe exceptionnelle sur les superdividendes.

Ces derniers votes ne devraient pas faciliter la tâche de Sébastien Lecornu.

Mercredi matin, le président de LR Bruno Retailleau avait dénoncé une "folie fiscale", et "le coût de la stabilité politique exorbitant". Le chef des députés MoDem Marc Fesneau estime aussi que le texte "devient totalement invotable".

- Amendement de compromis ? -

A l'issue du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, avait relativisé les votes de la veille, rappelant qu'on n'est "qu'au tout début du processus parlementaire".

M. Retailleau pense d'ailleurs que la première partie du budget sur les recettes "sera refusée par l'Assemblée" et donc que ce sera le Sénat "qui devra reprendre la copie".

Sous couvert d'anonymat, plusieurs cadres de la coalition gouvernementale disent s'attendre à ce qu'il n'y ait "pas de budget" et que le gouvernement doive se contenter d'une "loi spéciale", qui lui permet de reconduire en 2026 les impôts et dépenses de 2025.

Autre option: l'adoption d'un budget par ordonnances, comme l'autorise la Constitution si les délais d'examen du texte sont dépassés, et comme s'en inquiète le RN.

Les groupes politiques ont accepté de retirer une partie de leurs amendements afin d'accélérer les débats.

La fiscalité va continuer d'alimenter les tensions dès la reprise vendredi matin.

Du fait de l'opposition résolue du bloc central, de la droite et du RN, la taxe Zucman n'a guère de chance d'être votée, que ce soit dans sa forme initiale (un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros) ou modifiée (3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales).

Un amendement de compromis pourrait donc être encore présenté par le gouvernement au moment des débats. "Il y a encore du travail", a reconnu Mme Bregeon.