Tunisie: la fin du monde de Ghannouchi

Le chef du parti Ennahdha Rached Ghannouchi (Photo, AFP).
Le chef du parti Ennahdha Rached Ghannouchi (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 03 août 2021

Tunisie: la fin du monde de Ghannouchi

  • L’alliance que le président du mouvement Ennahdha a si laborieusement bâtie s’est lézardée vingt-quatre heures seulement après le coup de force du président Saïed
  • Rached Ghannouchi, qui a eu 80 ans au mois de juin dernier, a voulu riposter lui-même au coup de force du président Saïed

TUNIS: L’alliance que le président du mouvement Ennahdha a si laborieusement bâtie au lendemain de l’élection présidentielle de 2019 – et qui lui a notamment permis d’accéder à la présidence du Parlement – s’est lézardée vingt-quatre heures seulement après le coup de force du président Saïed.

Le 26 juillet 2021 a-t-il été le jour le plus long de la vie politique de Rached Ghannouchi? Probablement. Le président du mouvement Ennahdha et de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), qui a passé une dizaine d’heures devant le siège du Parlement, a en effet vécu ce jour-là un moment très éprouvant, physiquement et mentalement.

Le leader islamiste, qui a eu 80 ans au mois de juin dernier, a voulu riposter lui-même au coup de force du président Saïed qui, dimanche 25 juillet, a décidé de geler les travaux du Parlement, de lever l’immunité des députés et de démettre le chef du gouvernement, Hichem Mechichi – en guise de prélude à l’exclusion des islamistes et de leurs alliés du pouvoir.

Les militaires lui ayant refusé l’accès au siège du Parlement, M. Ghannouchi change son fusil d’épaule. Il décide d’utiliser une arme qui lui a jusque-là plutôt réussi à chaque fois qu’il y a eu recours: la mobilisation des militants à l’occasion de grandes manifestations ou de sit-in.

C’est pour cette raison que le président d’Ennahdha s’est rendu, dès les premières heures de la journée de lundi, à l’ARP. Il tenait à faire de ce lieu la base de sa contre-attaque.

En arrivant, vers deux heures et demie du matin, en compagnie d’un tout petit groupe de militants, il découvre que l’armée l’a devancé, interdisant l’accès au Palais du Bardo, le siège du Parlement.

Mais c’est mentalement, surtout, que le 26 juillet 2021 demeurera sans nul doute la pire journée de la vie de Rached Ghannouchi. Ce jour-là, il a vu s’effondrer l’édifice politique qu’il avait patiemment construit depuis son retour, au lendemain de la chute du régime de Ben Ali, le 14 janvier 2011, après un exil de vingt ans.

Malheureusement pour lui, les nahdhaouis, qui avaient été nombreux – 200 000 selon la direction du parti, quelques dizaines de milliers selon d’autres sources – à participer à la dernière manifestation en date, dans les rues de Tunis, au mois de février dernier, ne sont cette fois que quelques centaines à répondre à son appel.

Les militaires lui ayant refusé l’accès au siège du Parlement, M. Ghannouchi change son fusil d’épaule. Il décide d’utiliser une arme qui lui a jusque-là plutôt réussi à chaque fois qu’il y a eu recours: la mobilisation des militants à l’occasion de grandes manifestations ou de sit-in. Rached Ghannouchi appelle donc à un sit-in de protestation contre ce qu’il qualifie déjà de «coup d’État».

Malheureusement pour lui, les nahdhaouis, qui avaient été nombreux – 200 000 selon la direction du parti, quelques dizaines de milliers selon d’autres sources – à participer à la dernière manifestation en date, dans les rues de Tunis, au mois de février dernier, ne sont cette fois que quelques centaines à répondre à son appel.

«Il y avait la crainte d’un affrontement avec l’armée; j’ai donc demandé aux dizaines de milliers de sympathisants d’Ennahdha qui affluaient vers la capitale de rebrousser chemin», expliquera-t-il trois jours plus tard dans un entretien accordé à l’Agence France-Presse.

Cette explication est invraisemblable. Ce jour-là, en effet, les militants d’Ennahdha ne sont pas les seuls à avoir fait faux bond à leur chef: les poids lourds du parti ont également brillé par leur absence.

Quant aux autres alliés d’Ennahdha, notamment les groupes parlementaires d’Al-Islah et du Bloc national, ils se comportent tout simplement, depuis une semaine, comme si rien ne s’était produit le 25 juillet 2021: silence radio.

Mais un autre pan du monde de Rached Ghannouchi s’est effondré lundi 26 juillet: la coalition qu’il avait si difficilement construite après l’élection de 2019 afin d’être en mesure de se maintenir au pouvoir en dépit de son faible score aux législatives.

En effet, de tous ses alliés, seule la coalition Al-Karama a pris fait et cause pour le président du Parlement. Son porte-parole, Seifeddine Makhlouf, était ainsi aux côtés de M. Ghannouchi durant la dizaine d’heures passées devant le siège de l’ARP.

L’autre grand allié d’Ennahdha, Qalb Tounes («Au cœur de la Tunisie»), parti dirigé par l’homme d’affaires Nabil Karoui, a lui aussi, dans un premier temps, joint sa voix à celles des deux autres composantes de la coalition gouvernementale pour qualifier les décisions du président Saïed de «grave violation de la Constitution et des fondements de l’état civil», marquant «le retour de la république tunisienne au pouvoir personnel».

Pourtant, quelques heures plus tard, Oussama Khelifi, chef du groupe parlementaire de Qalb Tounes, fait marche arrière. Dans une déclaration à la chaîne de télévision Attessia, il déclare «apporter son soutien aux revendications du peuple tunisien» et «à la décision du président Kaïs Saïed consistant à geler les travaux de l’ARP».

Quant aux autres alliés d’Ennahdha, notamment les groupes parlementaires d’Al-Islah et du Bloc national, ils se comportent tout simplement, depuis une semaine, comme si rien ne s’était produit le 25 juillet 2021: silence radio.


Israël: des élus favorables à une loi instaurant la peine de mort pour les «terroristes»

 La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
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  • Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative
  • La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture

JERUSALEM: La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir.

La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture.

Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative.

Dans une note explicative de la commission, il est indiqué que "son objectif est de couper le terrorisme à sa racine et de créer une forte dissuasion".

Le texte propose qu'un "terroriste reconnu coupable de meurtre motivé par le racisme ou la haine (...) soit condamné à la peine de mort - de manière obligatoire", ajoutant que cette peine serait "non optionnelle".

La proposition de loi a été présentée par une élue du parti Otzma Yehudit (Force Juive) d'Itamar Ben Gvir.

Ce dernier a menacé de cesser de voter avec la coalition de droite de Benjamin Netanyahu si ce projet de loi n'était pas soumis à un vote parlementaire d'ici le 9 novembre.

"Tout terroriste qui se prépare à commettre un meurtre doit savoir qu'il n'y a qu'une seule punition: la peine de mort", a dit le ministre lundi dans un communiqué.

M. Ben Gvir avait publié vendredi une vidéo de lui-même debout devant une rangée de prisonniers palestiniens allongés face contre terre, les mains attachées dans le dos, dans laquelle il a appelé à la peine de mort.

Dans un communiqué, le Hamas a réagi lundi soir en affirmant que l'initiative de la commission "incarne le visage fasciste hideux de l'occupation sioniste illégitime et constitue une violation flagrante du droit international".

"Nous appelons les Nations unies, la communauté internationale et les organisations pertinentes des droits de l'Homme et humanitaires à prendre des mesures immédiates pour arrêter ce crime brutal", a ajouté le mouvement islamiste palestinien.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères et des expatriés, basé à Ramallah, a également dénoncé cette décision, la qualifiant de "nouvelle forme d'extrémisme israélien croissant et de criminalité contre le peuple palestinien".

"C'est une étape dangereuse visant à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique sous le couvert de la légitimité", a ajouté le ministère.


Frappes israéliennes sur le sud du Liban: deux morts 

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
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  • Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé
  • Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani

BEYROUTH: Des frappes israéliennes sur le sud du Liban ont tué lundi deux personnes et blessé sept autres, a indiqué le ministère libanais de la Santé, au lendemain de la menace d'Israël d'intensifier ses attaques contre le Hezbollah pro-iranien.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024, Israël continue de mener des attaques régulières contre les bastions du Hezbollah. Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé dimanche le Hezbollah de tenter de se "réarmer".

Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé.

Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani.

Sur place, un photographe de l'AFP a vu des pompiers tenter d'éteindre l'incendie de la voiture visée qui s'est propagé à d'autres véhicules à proximité. Des ouvriers ramassaient les bris de verre des devantures de commerces endommagées, a-t-il également constaté.

Une autre frappe sur un village de la région de Bint Jbeil a fait un mort, selon le ministère de la Santé.

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah.

Des centaines de personnes ont participé à leurs funérailles dimanche dans la ville de Nabatiyé, scandant "Mort à Israël".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth, mais il demeure financièrement résilient et armé.

Les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, ce que le Hezbollah refuse.

"Nous attendons du gouvernement libanais qu'il fasse ce qu'il s'est engagé à faire, c'est-à-dire désarmer le Hezbollah, mais il est clair que nous exercerons notre droit à l'autodéfense comme convenu dans les termes du cessez-le-feu", avait averti le Premier ministre israélien dimanche.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.