La stratégie saoudienne face aux Houthis «judicieuse» selon le diplomate Gerald Feierstein

Gerald Feierstein, l'ambassadeur américain au Yémen, lors d’une conférence de presse dans la capitale Sanaa, le 11 octobre 2010. (Gamal Noman/AFP)
Gerald Feierstein, l'ambassadeur américain au Yémen, lors d’une conférence de presse dans la capitale Sanaa, le 11 octobre 2010. (Gamal Noman/AFP)
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Publié le Vendredi 13 août 2021

La stratégie saoudienne face aux Houthis «judicieuse» selon le diplomate Gerald Feierstein

  • Contenir les efforts saoudiens dans leur combat contre les Houthis a permis au mouvement houthi soutenu par l'Iran d'étendre sa campagne militaire
  • L'approche de Joe Biden a rapidement changé lorsque les Houthis ont commencé à lancer de plus en plus de drones et à tirer davantage de missiles contre des cibles civiles en Arabie saoudite

Contenir les efforts saoudiens dans leur combat contre les Houthis a permis au mouvement houthi soutenu par l'Iran d'étendre sa campagne militaire

L'approche de Joe Biden a rapidement changé lorsque les Houthis ont commencé à lancer de plus en plus de drones et à tirer davantage de missiles contre des cibles civiles en Arabie saoudite

La violence des Houthis et le soutien de l'Iran ont montré au président américain, Joe Biden, que la stratégie saoudienne initiale visant à contraindre les Houthis à mettre fin à leurs assauts militaires est le seul moyen d’enrayer la crise au Yémen, a déclaré mercredi l'ancien ambassadeur américain dans ce pays du Golfe.

Joe Biden avait appelé les Saoudiens à restreindre leur réponse militaire face aux violences des Houthis, lors de sa campagne électorale de 2020 et après son entrée en fonction en janvier 2021, estimant que cela ouvrirait la porte aux négociations avec les Houthis.

Cependant, lors d'une apparition sur le Ray Hanania Radio Show, l'ancien ambassadeur des États-Unis au Yémen, Gerald Feierstein, déclare que contenir les efforts saoudiens dans leur combat contre les Houthis a permis au mouvement houthi soutenu par l'Iran d'étendre sa campagne militaire et de cibler Marib et l'important port d'Al-Hodeïda.

Selon M. Feierstein, pour mettre fin au conflit, la coalition américano-saoudienne doit bloquer l'avancée des Houthis sur Marib et Al-Hodeïda et leur montrer qu'ils n'ont «aucune option militaire».

«La réponse des Houthis à l'initiative américaine indique clairement que les Houthis ne sont pas prêts à s'arrêter. L'Arabie saoudite, en outre, a mis sur la table, avec l'Organisation des nations unies (ONU), des initiatives de cessez-le-feu. Ils ont proposé un cessez-le-feu global aux Houthis qui a été rejeté », déclare Gerald Feierstein, notant que la stratégie saoudienne initiale est plus efficace.

«L'ONU a essayé de négocier pendant de nombreux mois ce qu'ils ont appelé la “Déclaration conjointe”, qui comprenait un certain nombre de points exigés par les Houthis, notamment la réouverture de l'aéroport de Sanaa, la levée du blocus du port de Hodeïda et d'autres mesures. Mais les Houthis ont toujours refusé d'accepter d'arrêter les opérations militaires et de reprendre le dialogue. Je pense qu’au vu de ces échecs successifs, du fait des Houthis, à accepter une approche politique, il est devenu clair pour l'administration Biden qu'elle devait adopter une ligne plus dure.»

«La préoccupation majeure est certainement de savoir si les Houthis réussiront à prendre le contrôle du gouvernorat de Marib, qui, comme vous le savez, est la source d'une grande partie des approvisionnements en pétrole et en gaz du Yémen. Il abrite également plus d'un million de personnes déplacées à l'intérieur du pays, des personnes qui ont en grande partie fui les zones contrôlées par les Houthis afin de se réfugier dans une zone toujours sous le contrôle du gouvernement», déclare Gerald Feierstein. «Si les Houthis parviennent à prendre le contrôle de Hodeïda, cela modifierait fondamentalement l'équilibre à l'intérieur du Yémen et rendrait la réalisation de tout type d'accord politique beaucoup plus difficile.»

Malgré les réseaux sociaux et une campagne pro-iranienne condamnant l'Arabie saoudite pour violence continue, M. Feierstein déclare que les Houthis cherchent à envahir Al-Hodeïda en dépit des efforts de Joe Biden pour restreindre les réponses saoudiennes aux agressions des Houthis.

Gerald Feierstein soutient que «la priorité à ce stade est de s'assurer que les Houthis ne fassent pas main basse sur Marib. Comme nous en avons discuté, ce que nous devons faire est de renforcer les éléments au sein du mouvement houthi qui veulent négocier, qui veulent coopérer avec l'ONU et parvenir à une solution négociée. Nous devons les appuyer et affaiblir les éléments qui pensent pouvoir encore remporter une victoire militaire. La première exigence est d'empêcher les Houthis d'atteindre leurs objectifs à Marib et de convaincre à nouveau leurs dirigeants qu'il n’existe pas de solution militaire.»

Au cours de la période initiale, alors que Joe Biden cherchait à négocier un accord de paix via l'ONU, les Houthis ont intensifié leurs attaques de drones et de missiles visant les civils saoudiens, ainsi que leur propagande pour imputer la responsabilité du conflit aux Saoudiens.

«On pensait ici à Washington et, je pense, plus largement en Occident, que le problème était en réalité l'intervention militaire saoudienne et les opérations de la coalition au Yémen. Si l'on retirait cela de l'équation, les parties au conflit, principalement les Houthis et le gouvernement légitime d'Abdrabbo Mansour Hadi, seraient en mesure de parvenir à une sorte d'accord dans le cadre des négociations de l'ONU, afin d'aller de l'avant», indique M. Feierstein.

«Le président Biden a été très clair en disant que la stratégie américaine s'éloignerait de celle de Trump, qui soutenait l'intervention saoudienne, et mettrait l'accent sur les négociations de l'ONU et ferait également pression sur les Saoudiens pour qu'ils arrêtent leurs opérations militaires à l'intérieur du Yémen. Il a également nommé Tim Lenderking, un diplomate américain, afin d’être notre Envoyé spécial et pour soutenir l'ONU.»

Mais Gerald Feierstein souligne que l'approche de Joe Biden a rapidement changé lorsque les Houthis ont commencé à lancer de plus en plus de drones et à tirer davantage de missiles contre des cibles civiles en Arabie saoudite.

«Au cours des cinq ou six derniers mois, plutôt que de retourner à la table des négociations et de coopérer avec l'ONU, les Houthis ont en effet étendu leurs opérations militaires. Ils ont lancé de nouvelles attaques à l'intérieur du Yémen, en particulier dans le gouvernorat de Marib, et ont également accru le nombre d'agressions transfrontalières en Arabie saoudite à l'aide de drones, de missiles Scud et d'autres types d'armes afin de tenter de menacer les infrastructures civiles saoudiennes», souligne M. Feierstein.

«Nous avons donc constaté au cours des six ou huit dernières semaines que l'administration Biden est désormais disposée à adopter une ligne plus dure avec les Houthis et à les désigner comme responsables de l'échec des négociations et, bien sûr, du conflit militaire à l'intérieur du Yémen.»

L’ancien ambassadeur précise que les Iraniens pourraient utiliser le conflit yéménite pour tirer parti de leurs efforts de négociation avec les États-Unis sur l'accord nucléaire du Plan d'action global conjoint (PAGC), que l'ancien président Trump a abandonné et que le président Biden a cherché à relancer.

Les discussions avec l'Iran à Vienne sont dans l'impasse et le porte-parole du département d'État, Ned Price, a accusé l'Iran le 17 juillet d'une «tentative scandaleuse de détourner la responsabilité de l'impasse actuelle».

M. Feierstein ajoute que bien que les objectifs de l'Iran au Yémen ne soient pas clairs, les mollahs ont une grande influence sur le rôle des Houthis dans le conflit.

«Les Houthis dépendent fortement de l'Iran pour leurs armes et pour de nombreux autres types de soutien; ils ne peuvent donc pas se permettre d'ignorer les opinions et les positions iraniennes», explique-t-il.

«Il est certainement légitime de penser que les Iraniens lient ce qui se passe au Yémen à l'état des négociations sur l'accord nucléaire à Vienne avec les États-Unis et que les Iraniens considèrent le Yémen comme un moyen de pression sur les États-Unis pour les amener à être plus souples, lever les sanctions et régler d'autres questions liées au problème nucléaire.»

Gerald Feierstein a été ambassadeur des États-Unis au Yémen sous le président, Barack Obama, de septembre 2010 à octobre 2013, et vice-président adjoint du Middle East Institute jusqu'en 2016.

L'émission de radio Ray Hanania est diffusée en direct sur le réseau de radio arabe américain sur la radio WNZK AM 690 à Detroit et la radio WDMV AM 700 à Washington D.C. Sponsorisée par Arab News, l'émission de radio est diffusée en direct en vidéo sur Facebook.com/ArabNews.


Tunisie: hausse des interceptions de migrants tentant de traverser la Méditerranée

Les garde-côtes tunisiens tentent d'arrêter les migrants en mer alors qu'ils tentent de traverser vers l'Italie, au large de Sfax, en Tunisie, le 27 avril 2023 (Photo, Reuters).
Les garde-côtes tunisiens tentent d'arrêter les migrants en mer alors qu'ils tentent de traverser vers l'Italie, au large de Sfax, en Tunisie, le 27 avril 2023 (Photo, Reuters).
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  • La Tunisie est, avec la Libye, l'un des principaux points de départ des migrants vers l'île italienne de Lampedusa
  • Sous l'impulsion de l'Italie, l'Union européenne a conclu l'été dernier avec Tunis un accord, très critiqué en Europe

TUNIS: Les interceptions de migrants tentant de traverser la Méditerranée vers l'Italie à partir des côtes tunisiennes ont augmenté de 22,5% de janvier à avril par rapport à la même période une année auparavant, pour dépasser les 21.000 personnes "empêchées de partir ou secourues" en mer, a annoncé la Garde nationale tunisienne dimanche.

Au total, la Garde nationale qui chapeaute aussi les gardes-côtes a "intercepté ou secouru" 21.545 personnes sur les quatre premiers mois de cette année, contre 17.576 sur la même période de 2023, pour un nombre d'opérations équivalent (751 contre 756), selon un communiqué officiel.

En revanche, elle a récupéré seulement 291 corps de personnes victimes de naufrage, en majorité des "étrangers" (catégorie désignant essentiellement des ressortissants d'Afrique subsaharienne), depuis le début de l'année, contre 572 sur la même période de 2023 en triplant presque son nombre d'opérations (1.967 contre 686).

La Garde nationale a également "empêché" 21.462 personnes d'entrer sur le territoire tunisien, par ses frontières avec l'Algérie à l'ouest et la Libye à l'est, soit quatre fois plus que les 5.256 répertoriés l'année précédente.

La région de Sfax, deuxième ville du pays située au centre-est de la Tunisie, est restée l'épicentre des départs clandestins avec 19.457 migrants "empêchés" de traverser contre 15.468 l'année précédente, selon la Garde nationale.

La Tunisie est, avec la Libye, l'un des principaux points de départ des migrants vers l'île italienne de Lampedusa, située à moins de 150 km des plages de la région de Sfax.

Accord critiqué

L'an passé, des dizaines de milliers de ressortissants subsahariens, fuyant la pauvreté et des conflits notamment au Soudan, ainsi que des milliers de Tunisiens, poussés par la crise économique et des tensions politiques, ont tenté la périlleuse traversée de la Méditerranée.

Sous l'impulsion de l'Italie, l'Union européenne a conclu l'été dernier avec Tunis un accord, très critiqué en Europe, prévoyant des aides financières --au total 255 millions d'euros-- en contrepartie d'efforts accrus pour réduire ces départs.

L'approche de l'Etat tunisien "n'est pas une approche de sauvetage mais d'interception" tout comme les moyens et les formations octroyées aux forces de sécurité tunisiennes, a dénoncé récemment auprès de l'AFP Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES.

Selon un récent rapport de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), sur la dernière décennie, plus de 27.000 migrants ont péri en Méditerranée, dont plus de 3.000 l'an passé.


Gaza: le Hamas estime que les déclarations de Biden sur les otages sont «  un revers » pour les négociations

Selon l'ONU, quelque 1,4 million de Palestiniens pour la plupart déplacés par les bombardements israéliens et les combats s'entassent à Rafah. (AFP).
Selon l'ONU, quelque 1,4 million de Palestiniens pour la plupart déplacés par les bombardements israéliens et les combats s'entassent à Rafah. (AFP).
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  • M. Biden a estimé samedi qu'un cessez-le-feu était possible "demain" si les otages retenus dans la bande de Gaza depuis l'attaque du mouvement islamiste palestinien en Israël le 7 octobre étaient relâchés
  • Plus de 250 personnes ont été enlevées ce jour-là et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l'armée

DOHA: Le Hamas a estimé dimanche que les déclarations la veille du président américain Joe Biden sur les otages constituaient "un revers" pour les négociations en vue d'une trêve dans la bande de Gaza.

M. Biden a estimé samedi qu'un cessez-le-feu était possible "demain" si les otages retenus dans la bande de Gaza depuis l'attaque du mouvement islamiste palestinien en Israël le 7 octobre étaient relâchés.

Plus de 250 personnes ont été enlevées ce jour-là et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l'armée.

"Nous condamnons cette position du président américain, nous la considérons comme un revers par rapport aux résultats du dernier cycle de négociations", a déclaré le mouvement dans un communiqué.

Vendredi, le Hamas a déclaré qu'Israël avait "rejeté la proposition soumise par les médiateurs" égyptien, qatari et américain, tandis que le mouvement islamiste palestinien l'avait "acceptée", après des pourparlers au Caire pour arracher une trêve à Gaza associée à la libération d'otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Dimanche, le Hamas a également affirmé que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'était "empressé de faire capoter" les pourparlers en attaquant Rafah, ville du sud de la bande de Gaza qu'il considère comme le dernier bastion du Hamas.


Une offensive à Rafah n'éliminerait pas le Hamas, juge Blinken

 Une offensive majeure d'Israël à Rafah provoquerait "le chaos" et "l'anarchie", sans pour autant éliminer le Hamas, a alerté le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. (AFP).
Une offensive majeure d'Israël à Rafah provoquerait "le chaos" et "l'anarchie", sans pour autant éliminer le Hamas, a alerté le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. (AFP).
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  • Le plan actuellement envisagé par Israël à Rafah "risque de provoquer d'énormes dégâts auprès de la population civile sans pour autant résoudre le problème", a estimé le chef de la diplomatie américaine, M. Blinken, sur NBC
  • Selon lui, une intervention israélienne à Rafah risquerait de créer "le chaos", "l'anarchie", et à terme, un retour du Hamas

WASHINGTON: Une offensive majeure d'Israël à Rafah provoquerait "le chaos" et "l'anarchie", sans pour autant éliminer le Hamas, a alerté le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken dimanche, maintenant la pression sur Israël.

Le plan actuellement envisagé par Israël à Rafah "risque de provoquer d'énormes dégâts auprès de la population civile sans pour autant résoudre le problème", a estimé le chef de la diplomatie américaine, M. Blinken, sur NBC.

Selon lui, une intervention israélienne à Rafah risquerait de créer "le chaos", "l'anarchie", et à terme, un retour du Hamas.

"Nous avons vu le Hamas revenir dans les zones qu'Israël a libérées dans le nord, même à Khan Younès", ville en ruines proche de Rafah, a assuré le secrétaire d'Etat.

Les Etats-Unis ont publiquement menacé de suspendre la livraison de certaines catégories d'armes à leur allié Israël, notamment des obus d'artillerie, si Israël lançait une offensive majeure dans la ville surpeuplée de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, à laquelle le président Joe Biden s'oppose.

Des inquiétudes réitérées par le conseiller à la sécurité nationale américain, Jake Sullivan, lors d'un entretien dimanche avec son homologue israélien Tzahi Hanegbi, selon un communiqué de la Maison Blanche.

D'après l'exécutif américain, M. Hanegbi a confirmé qu'Israël "prenait bien en compte les préoccupations des Etats-Unis".

A la question de savoir si les Etats-Unis considéraient que davantage de civils avaient été tués à Gaza que de membres du Hamas, Antony Blinken a répondu "oui", dimanche à la chaîne CBS.

M. Blinken s'est par ailleurs entretenu dimanche avec le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant et a insisté de nouveau sur l'opposition américaine à une opération terrestre majeure à Rafah, a rapporté le département d'Etat.

Le secrétaire d'Etat "a souligné le besoin urgent de protéger les civils et les travailleurs humanitaires à Gaza et exhorté le ministre (Gallant) à garantir que de l'aide puisse entrer dans Gaza", a indiqué dans un communiqué le porte-parole du département d'Etat Matthew Miller.

Le ministère de la Santé du Hamas a annoncé un nouveau bilan de 35.034 morts dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien.

Le conflit actuel a éclaté le 7 octobre quand des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza ont mené une attaque sans précédent contre Israël, faisant plus de 1.170 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.