Afghanistan: les talibans disent avoir changé, les Occidentaux jugeront «les actes»

Des ressortissants afghans franchissent la frontière pakistanaise au poste frontière Pakistan-Afghanistan à Chaman le 18 août 2021. (AFP)
Des ressortissants afghans franchissent la frontière pakistanaise au poste frontière Pakistan-Afghanistan à Chaman le 18 août 2021. (AFP)
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Publié le Mercredi 18 août 2021

Afghanistan: les talibans disent avoir changé, les Occidentaux jugeront «les actes»

  • La Chine s'est dite prête à entretenir des «relations amicales» avec les talibans. La Russie a estimé que leurs assurances en matière de liberté d'opinion constituaient un «signal positif»
  • Très critiqué, le président américain, Joe Biden, a défendu lundi la décision de retirer les troupes américaines, disant ne pas la regretter

KABOUL: Les talibans ont promis d’œuvrer à la réconciliation en Afghanistan, disant avoir pardonné leurs adversaires et vouloir protéger les droits des femmes en accord avec la loi islamique, mais plusieurs pays occidentaux attendent de juger "sur les actes, pas les paroles", pour définir leur attitude à leur égard.

La vie a commencé à reprendre à Kaboul, même si la peur continue à prédominer. La capitale afghane était très calme mercredi, la plupart des administrations et des commerces étant fermés à cause de l'Achoura, célébration religieuse au coeur du schisme entre sunnites (comme les talibans) et chiites (comme la minorité hazara).

Des foules importantes continuaient de se rassembler devant les ambassades étrangères, au gré des rumeurs de possibilités de visa et d'asile. Devant l'ambassade de France, les talibans ont séparé la foule en deux groupes, hommes et femmes, a constaté un journaliste de l'AFP.

Deux jours après leur prise du pouvoir, les nouveaux maîtres de l'Afghanistan ont tenu mardi à Kaboul leur première conférence de presse. Leur cofondateur, le mollah Abdul Ghani Baradar, appelé à de hautes fonctions sous le nouveau régime, est revenu dans le pays.

Ils se sont efforcés de rassurer le monde, alarmé par leur passif en matière de droits humains quand ils étaient au pouvoir (1996-2001) et par les images déchirantes de milliers d'Afghans tentant de fuir à l'aéroport de Kaboul ces derniers jours.

"Tous ceux qui sont dans le camp opposé sont pardonnés de A à Z. Nous ne chercherons pas à nous venger", a assuré un porte-parole taliban, Zabihullah Mujahid.

Il a affirmé que les islamistes avaient appris de leur premier passage au pouvoir et qu'il y aurait de "nombreuses différences" dans leur manière de gouverner, même si en termes d'idéologie "il n'y a pas de différence".

Un message qui ne rassurait pas les principaux intéressés: "Je cherche désespérément à partir (...) Les talibans détestent ceux qui ont travaillé pour d'autres organisations que leur mouvement", confiait un humanitaire afghan de 30 ans ayant travaillé pour une ONG allemande. "Hier, je suis allé à l'aéroport avec mes enfants et ma famille, les talibans et les Américains tiraient sur les gens mais malgré ça, ils continuaient d'avancer parce qu'ils savaient qu'une situation pire que la mort les attendait dehors".

Sous le précédent régime taliban, les jeux, la musique, la photographie et la télévision étaient interdits. Les voleurs avaient les mains coupées, les meurtriers étaient exécutés en public et les homosexuels tués.

Les femmes avaient interdiction de sortir sans un chaperon masculin et de travailler, les filles d'aller à l'école. Les femmes accusées de crimes comme l'adultère étaient fouettées et lapidées à mort.

"Nous nous engageons à laisser les femmes travailler dans le respect des principes de l'islam", a ajouté M. Mujahid. 

Un autre porte-parole taliban, basé à Doha, Suhail Shaheen, a également affirmé à Sky News que le port de la burqa, un voile qui recouvre tout le corps et le visage, avec une grille en tissu au niveau des yeux, ne serait plus cette fois obligatoire pour les femmes.

Les talibans ont reçu un accueil international moins hostile qu'il y a deux décennies quand seuls trois pays (Pakistan, Émirats arabes unis, Arabie saoudite) avaient reconnu leur régime - même si personne n'est encore allé jusque-là pour l'instant.

«Modérer le régime»

La Chine s'est dite prête à entretenir des "relations amicales" avec eux. Pour la Russie, leurs assurances en matière de liberté d'opinion constituent un "signal positif". La Turquie a aussi salué des "messages positifs" et l'Iran fait des gestes d'ouverture.

La réponse occidentale est plus dispersée. Les États-Unis pourraient reconnaître un gouvernement taliban s'il "préserve les droits fondamentaux de son peuple", en particulier des femmes.

Londres ne travaillera "normalement" pas avec le mouvement islamiste radical, qui sera jugé "sur les actes, pas sur les paroles", a averti le Premier ministre britannique Boris Johnson mercredi.

L'Union européenne "devra parler" aux talibans "aussi vite que nécessaire", car ces derniers "ont gagné la guerre" en Afghanistan, a déclaré Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne.

Mais pour le procureur de la Cour pénale internationale, des crimes et des exécutions en guise de représailles ont été commis dans le pays, qui pourraient relever de violations du droit international humanitaire.

Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a aussi annoncé une session spéciale le 24 août à Genève (Suisse) pour examiner "les inquiétudes sérieuses" sur les droits humains en Afghanistan.

Autre signal négatif, la statue d'un homme politique de la minorité chiite hazara, Abdul Ali Mazari, tué alors qu'il était prisonnier des talibans dans les années 1990, a été partiellement démolie à l'explosif mercredi à Bamiyan (centre), a indiqué un habitant sous couvert d'anonymat, sans pouvoir dire avec certitude qui avait commis cet acte.

Le mollah Baradar acclamé

Très critiqué, le président américain Joe Biden a défendu lundi la décision de retirer ses troupes, malgré les scènes d'anarchie à l'aéroport de Kaboul qui pourraient longtemps hanter sa présidence.

Les Américains, qui ont envoyé 6.000 militaires pour sécuriser l'aéroport de Kaboul et faire partir quelque 30.000 Américains et civils afghans craignant pour leur vie, et les Occidentaux poursuivaient leurs évacuations mercredi.

Dans la nuit, un vol français est arrivé à Abou Dhabi depuis Kaboul, avec à son bord 216 personnes dont 184 Afghans "de la société civile en besoin de protection", quatre Néerlandais, un Irlandais, deux Kényans et 25 Français, selon le ministère français des Affaires étrangères.

Quant au Royaume-Uni, il a évacué pour l'instant 306 Britanniques et 2.052 Afghans, selon Boris Johnson. Le gouvernement britannique avait annoncé mardi soir un dispositif destiné à accueillir "à long terme" 20.000 réfugiés afghans.

Le mollah Baradar, numéro deux des talibans, qui dirigeait depuis le Qatar leur bureau politique et négociait avec les États-Unis et le gouvernement afghan, est rentré au pays.

Il a atterri mardi à l'aéroport de Kandahar (sud), capitale des talibans sous leur précédent régime, acclamé par une large foule, selon des images de médias pro-talibans. 

C'est la première fois qu'un très haut dirigeant taliban en activité rentre publiquement en Afghanistan depuis qu'ils avaient été chassés du pouvoir par une coalition menée par les États-Unis, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.