France: dans les manifs anti-pass, l'antisémitisme se banalise

Une pancarte brandie lors de la manifestation anti-pass sanitaire le 14 août à Metz, reprennant la réthorique du "qui", devenue une référence discrète chez certains militants antisémites. AFP/Archives
Une pancarte brandie lors de la manifestation anti-pass sanitaire le 14 août à Metz, reprennant la réthorique du "qui", devenue une référence discrète chez certains militants antisémites. AFP/Archives
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Publié le Samedi 21 août 2021

France: dans les manifs anti-pass, l'antisémitisme se banalise

  • Amplifiée par la pandémie et les réseaux sociaux, la haine anti-juifs se banalise, alertent associations et spécialistes
  • Les pancartes antisémites «Qui?», employées comme un code pour attribuer la responsabilité de la crise sanitaire à la communauté juive, essaiment également dans les cortèges à travers le pays

PARIS : Impossible de l’ignorer: entre slogans provocateurs et comparaisons avec les horreurs nazies, les manifestations anti-pass sanitaire en France ont été émaillées de signes d'antisémitisme. Amplifiée par la pandémie et les réseaux sociaux, la haine anti-juifs se banalise, alertent associations et spécialistes.

Certains manifestants utilisent une symbolique largement décriée - étoiles jaunes sur la poitrine, dénonciations d’un "pass +nazitaire+”, croix gammée formée par des seringues - qui relativise la barbarie nazie. 

Les pancartes antisémites "Qui?", employées comme un code pour attribuer la responsabilité de la crise sanitaire à la communauté juive, essaiment également dans les cortèges à travers le pays. 

Une accumulation de signaux alarmants, selon les associations antiracistes, pour lesquelles un palier a été franchi lors de cette mobilisation.

"Ce qui me frappe, c’est le caractère récurrent et assumé des choses. Pendant le mouvement des +gilets jaunes+, l’antisémitisme s’exprimait plutôt à la marge des manifestations, par des dégradations", observe le président de l'organisation anti-raciste française SOS Racisme, Dominique Sopo. "Désormais, les porteurs de pancartes ne se cachent pas et il y a une absence de réaction des autres manifestants. Pourtant le slogan "Qui?" et sa signification antisémite ont été largement médiatisés".

"La parole débridée en vigueur sur les réseaux sociaux, qui est très peu sanctionnée, atterrit dans la rue. C'est un continuum", déplore Mario Stasi, le président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). Son organisation a porté plainte contre une enseignante qui a brandi début août une pancarte "Qui?" à Metz (Est), fait pour lequel elle sera jugée le 8 septembre.

Le mouvement anti-pass - qui a mobilisé samedi dernier plus de 214.000 manifestants en France, selon la police, et 388.000 selon le collectif militant Le Nombre Jaune - "ne peut pas être réduit" à cette frange antisémite, dit le dirigeant associatif. Mais pour lui, "le refus du vaccin est alimenté par des thèses complotistes qui sont une porte d’entrée évidente vers l'antisémitisme."

Haine virale

"Les choses ont commencé bien avant" l'apparition du slogan "Qui?", stratégie classique de l’extrême droite pour désigner un bouc-émissaire sans le nommer frontalement, explique à l’AFP l'historien Marc Knobel. 

"Dès le début de la pandémie, on a vu des propos orduriers sur certaines plateformes qui ciblaient Agnès Buzyn (l’ex-ministre de la Santé, ndlr), son mari l’immunologiste Yves Levy, ou le directeur général de la Santé Jérôme Salomon. Puis ces accusations se sont étendues aux juifs dans leur ensemble", rappelle ce spécialiste de la propagande raciste et antisémite sur internet.

Avec son lot d’incertitudes et de peurs, l'épidémie a aussi été "instrumentalisée à des fins antisémites”, décrypte-t-il. 

"Tout un tas de militants d’extrême droite ou d'antisémites patentés ont adapté leurs discours pour faire resurgir des clichés abjects". La communauté juive a ainsi été accusée de manipuler le pouvoir, d'engranger les bénéfices grâce aux vaccins ou de chercher à empoisonner la population.

"La séquence Covid est un accélérateur de l'antisémitisme, car on assiste à un drame en continu", renchérit le chercheur Tristan Mendès-France, spécialiste du complotisme. "Les personnes qui basculent en ligne dans des postures complotistes sont rappelées quotidiennement à leur colère et à leur frustration, puisque l'on parle de l’épidémie tous les jours. C’est comme gratter une plaie ouverte."

Les rassemblements anti-pass sanitaires, spontanés et peu structurés, deviennent ainsi un réceptacle à tous les discours, même les plus extrêmes. 

"Ce sont des manifestations valises, organisées derrière des termes vagues, qui permettent à des communautés qui n’ont rien à voir les unes avec les autres de s’agglomérer", estime M. Mendès-France. 

Au-delà de l’ex-numéro deux du parti d'extrême droite Front national Florian Philippot (Les Patriotes) qui revendique le leadership de la plus grosse des manifestations anti-pass sanitaire parisiennes, les catholiques intégristes de Civitas ou le polémiste Dieudonné - condamné de multiples fois pour ses provocations antisémites - s’invitent aussi dans les cortèges peuplés de “gilets jaunes” et de primo-manifestants.

Pour responsabiliser les auteurs de propos inacceptables, l'Organisation juive européenne (OJE) envoie des avocats et des huissiers bénévoles dans les manifestations. "On essaie de fournir un maximum d’éléments aux parquets", raconte sa présidente, Muriel Ouaknine-Melki.

Mais en cas de poursuites, "les peines sont trop légères, on va rarement au-delà de l’amende ou du sursis", déplore l’avocate. Pour elle, "les magistrats doivent prendre conscience de leur rôle. On ne prend pas bien la mesure du venin qui se diffuse dans notre société."

A la Licra, M. Stasi réclame également des "stages pour les délinquants racistes" et une "vraie régulation européenne" en matière de cyberhaine. "On ne peut plus laisser la modération aux seuls réseaux sociaux", conclut-il.


Aya Nakamura aux JO? Pas "quand on a été condamné pour violences", tacle Bardella

Un manifestant appose un autocollant "Madame Le Pen, la France n'est pas humiliée par les Noirs, elle est humiliée par les racistes" sur le siège du Rassemblement national (RN) lors d'un rassemblement organisé par l'association française SOS Racisme à Paris, le 24 mars 2024, en soutien à Aya Nakamura(AFP)
Un manifestant appose un autocollant "Madame Le Pen, la France n'est pas humiliée par les Noirs, elle est humiliée par les racistes" sur le siège du Rassemblement national (RN) lors d'un rassemblement organisé par l'association française SOS Racisme à Paris, le 24 mars 2024, en soutien à Aya Nakamura(AFP)
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  • La star de la R'n'B-pop Aya Nakamura et son ex-conjoint, Vladimir Boudnikoff, ont été respectivement condamnés le 23 février à 10.000 et 5.000 euros d'amende pour des violences sur conjoint datant d'août 2022 par le tribunal correctionnel de Bobigny
  • La star de la R'n'B-pop Aya Nakamura et son ex-conjoint, Vladimir Boudnikoff, ont été respectivement condamnés le 23 février à 10.000 et 5.000 euros d'amende pour des violences sur conjoint datant d'août 2022 par le tribunal correctionnel de Bobigny

PARIS : "Quand on a été condamné pour violences conjugales, on ne peut pas représenter la France", a estimé mercredi le patron du RN Jordan Bardella pour contester le projet de faire chanter Aya Nakamura lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris.

La star de la R'n'B-pop Aya Nakamura et son ex-conjoint, Vladimir Boudnikoff, ont été respectivement condamnés le 23 février à 10.000 et 5.000 euros d'amende pour des violences sur conjoint datant d'août 2022 par le tribunal correctionnel de Bobigny. Mme Nakamura n'a pas interjeté appel.

Le nom de la chanteuse revient avec insistance pour participer à la cérémonie d'ouverture des JO, notamment pour interpréter une chanson d'Edith Piaf, au grand dam de l'extrême droite et de l'ultra droite, qui fustigent cette idée.

"Ce n'est pas un beau symbole, honnêtement, c'est une provocation supplémentaire d'Emmanuel Macron qui doit tous les matins se lever en disant +Tiens, comment est-ce que je vais réussir à humilier le peuple français?+", avait notamment déclaré Marine Le Pen la semaine dernière sur France Inter.

Jordan Bardella, tête de liste aux européennes, a pour sa part considéré mercredi sur France 5 que, "quand on a été condamné pour violences conjugales, on ne peut pas représenter la France dans un événement sportif qui nécessite l'unité, l'apaisement et le rassemblement", en précisant qu'il s'agissait de sa "conviction personnelle".

"Je pense qu'on aurait peut-être pu, au regard de la vie des Français, choisir un artiste plus consensuel", a ajouté le président du Rassemblement national, en faisant valoir un sondage Odoxa réalisé il y a quinze jours dans lequel seules 35% des personnes interrogées considéraient que la participation de la chanteuse aux JO était une "bonne idée" (une "mauvaise idée" pour 63%), bien que 64% des sondés reconnaissaient qu'il s'agissait d'une artiste "populaire".

Chanteuse francophone la plus écoutée dans le monde, la star franco malienne née à Bamako il y a 28 ans qui avait grandi à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a connu un premier succès planétaire avec son tube "Djadja" en 2018.

Aya Nakamura qui a sorti l'an passé son quatrième disque, "DNK", joue depuis dans la cour des très grands: elle a livré fin 2022 un show interactif dans "Fortnite", blockbuster du jeu vidéo friand de ce genre de collaborations, un type de passerelles réservé aux mégastars mondiales comme le rappeur américain Travis Scott ou la vedette brésilienne du foot Neymar.


JO-2024: les restaurateurs parisiens défendent leurs terrasses estivales

Les Français ont repris le chemin des cafés et préparé les visites tant attendues dans les cinémas et les musées, alors que le pays a assoupli ses restrictions pour revenir à la semi-normalité après plus de six mois de restrictions imposées par la loi Covid-19 à Paris, le 19 mai 2021 (AFP)
Les Français ont repris le chemin des cafés et préparé les visites tant attendues dans les cinémas et les musées, alors que le pays a assoupli ses restrictions pour revenir à la semi-normalité après plus de six mois de restrictions imposées par la loi Covid-19 à Paris, le 19 mai 2021 (AFP)
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  • 86% des Parisiens interrogés se déclarent attachés aux terrasses et 92% considèrent qu'elles constituent "un atout important pour le rayonnement de Paris".
  • la semaine dernière, trois associations de riverains ont dénoncé un "mépris de la santé des riverains", claquant la porte du Conseil de la nuit, une instance de concertation qui accompagne la mairie dans sa régulation du secteur.

PARIS : Le syndicat patronal des indépendants de l'hôtellerie-restauration en Ile-de-France a défendu mercredi l'attachement des Parisiens aux terrasses, alors que des associations de riverains s'élèvent contre l'extension des horaires d'ouverture des terrasses estivales pendant les JO.

Selon un sondage de l'Ifop commandé par le GHR-Paris Ile-de-France, 86% des Parisiens interrogés se déclarent attachés aux terrasses et 92% considèrent qu'elles constituent "un atout important pour le rayonnement de Paris".

"Pour les Parisiens, la terrasse est bien un élément du patrimoine touristique", a commenté Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop, qui présentait les résultats de ce sondage mené début mars auprès d’un échantillon représentatif de 1.001 personnes majeures habitant à Paris.

"On en a eu assez de subir les foudres des associations de riverains sans avoir de données chiffrées, donc nous avons commandé ce sondage pour objectiver le débat", a expliqué Pascal Mousset, président du GHR Paris/IDF.

Les terrasses estivales de la capitale ont été réglementées en 2021 après la crise sanitaire du Covid-19, pendant laquelle les bars parisiens pouvaient étendre leur terrasse sur les trottoirs ou places de stationnement sur simple déclaration afin de compenser les pertes liées au confinement.

Elles ouvriront du 1er avril à fin octobre avec une autorisation jusqu'à 22h, étendue à minuit par la mairie de Paris à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques, pour une période courant du 1er juillet au 8 septembre.

Si les professionnels du GHR se sont montrés satisfaits de cette extension des horaires d'ouverture, la semaine dernière, trois associations de riverains ont dénoncé un "mépris de la santé des riverains", claquant la porte du Conseil de la nuit, une instance de concertation qui accompagne la mairie dans sa régulation du secteur.

"Paris doit continuer à lutter contre son image de ville-musée en même temps qu’elle fait face à quelques associations de riverains vocales mais peu nombreuses, sur les nuisances nocturnes", rétorque le GHR francilien.

"Aujourd'hui les terrasses estivales font partie du paysage, il y a eu très peu de verbalisation", assure M. Mousset, indiquant avoir identifié "quelques rues problématiques".

Si l'extension à minuit se passe bien cet été, le GHR souhaiterait qu'elle soit pérennisée, jugeant que la fermeture à 22 heures est compliquée, particulièrement pour les restaurateurs.

Sur les 15.000 débits de boisson de la capitale, seuls 3.000 bénéficient d'une autorisation pour une terrasse estivale, selon la mairie.

Les terrasses historiques, qui préexistaient au covid, peuvent rester ouvertes jusqu'à 2 heures du matin.


Le patronat satisfait des engagements sur les impôts, prudent sur l'assurance-chômage

Le président du Mouvement patronal des entreprises de France (MEDEF) Patrick Martin (Photo, AFP).
Le président du Mouvement patronal des entreprises de France (MEDEF) Patrick Martin (Photo, AFP).
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  • La CPME, deuxième organisation patronale, a également jugé positive la volonté de ne pas augmenter les impôts
  • «Lorsque la France compte plus de trois millions de demandeurs d’emploi indemnisés et que, dans le même temps, les chefs d’entreprise ont le plus grand mal à recruter, il est indispensable d’agir pour favoriser le retour à l’emploi»

PARIS: Le patronat s'est montré satisfait jeudi de l'engagement du Premier ministre Gabriel Attal de ne pas augmenter les impôts sur les entreprises, tout en soulignant que c'est aux partenaires sociaux d'élaborer les contours d'une future réforme de l'assurance-chômage.

Le président du Medef a "bien entendu" la "ligne rouge" de M. Attal, mercredi soir sur TF1, de ne pas augmenter les impôts sur les entreprises, "parmi les plus taxées au monde et qui créent les emplois", a souligné Patrick Martin dans un communiqué.

"C’est aussi notre ligne rouge et nous serons vigilants à ce qu’elle ne soit pas franchie", a-t-il insisté.

M. Martin, à la tête de la première organisation représentative du patronat, a souligné que "les partenaires sociaux s'empareront, le moment venu, d'un projet de nouvelle réforme de l'assurance-chômage", ainsi que l'a souhaité le Premier ministre.

"Cette réforme est envisageable", a-t-il concédé, sans réagir directement aux mesures que semble souhaiter M. Attal, "mais l’objectif de plein emploi que nous partageons" sera d'abord atteint "si l’activité économique retrouve un niveau satisfaisant".

La CPME, deuxième organisation patronale, a également jugé "positive" la volonté de ne pas augmenter les impôts, et espéré que serait tenu l'engagement de supprimer complètement l'impôt de production CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, NDLR) d'ici la fin du quinquennat.

3 millions de demandeurs d’emploi indemnisés

"Lorsque la France compte plus de trois millions de demandeurs d’emploi indemnisés et que, dans le même temps, les chefs d’entreprise ont le plus grand mal à recruter, il est indispensable d’agir pour favoriser le retour à l’emploi", poursuit la CPME.

Mais elle souligne également que c'est aux partenaires sociaux de "prendre les mesures qui s’imposent". Même si, a concédé sur Sud Radio son président François Asselin, "quand bien même nous arrivons à signer un accord, l'Etat reprendra la main pour mettre en place les curseurs qu'il a en tête".

La CPME est "favorable à ce que l’on revienne sur la durée minimale d’affiliation pour bénéficier de l’indemnisation" - actuellement six mois de travail au cours des deux dernières années - mais "ne souhaite pas diminuer le montant" de celle-ci.

M. Asselin s'est en revanche dit favorable à l'abaissement envisagé, de 18 à douze mois, de la durée d'indemnisation, car après une perte d'emploi, "il faut raccrocher le plus rapidement possible au marché du travail", selon lui.

M. Asselin a critiqué l'idée de M. Attal d'instaurer la semaine de travail en quatre jours. "Je veux rester le garant de l'organisation de mon entreprise", a-t-il dit.

La CPME déplore que M. Attal n'ait pas évoqué la dette publique ou "la réforme de l'action publique" et des effectifs de fonctionnaires, mercredi. "Ne se préoccuper que des seules dépenses des régimes sociaux ne suffira pas" à rétablir les finances publiques, estime-t-elle.

Marc Sanchez enfin, secrétaire général du SDI (Syndicat des indépendants et des TPE), qui représente 25.000 très petites entreprises, a estimé aussi que ces petits patrons étaient "soulagés" par la confirmation qu'il n'y aurait pas de hausse d'impôts.

"Pour autant, combler les déficits par le plein emploi relève de la méthode Coué déjà à l’œuvre depuis plusieurs mois", a-t-il relevé dans un communiqué.

Selon lui, les TPE "sont loin d’être en capacité de recruter en masse dans un contexte économique dégradé sans changement drastique du poids des charges qui pèsent sur les salaires".

Pour le SDI, il faut une "remise à plat d’un système structurellement défaillant", solution "qui nécessite du courage politique", selon lui.