France: Macron au chevet de la ville de Marseille avant la présidentielle

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours au Palais du Pharo, le 2 septembre 2021, dans le cadre d'une visite de trois jours à Marseille, dans le sud de la France. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours au Palais du Pharo, le 2 septembre 2021, dans le cadre d'une visite de trois jours à Marseille, dans le sud de la France. (AFP)
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Publié le Jeudi 02 septembre 2021

France: Macron au chevet de la ville de Marseille avant la présidentielle

  • «Je pense qu'aider aujourd'hui Marseille à réussir, ça n'est d'abord pas lui faire l'aumône (...) mais c'est bon pour le pays tout entier», a insisté le président
  • «Marseille est touchée en son coeur par les trafics d'armes, les assassinats, les quartiers abandonnés», avait énuméré juste avant le maire de gauche de Marseille, Benoît Payan

MARSEILLE: Emmanuel Macron a présenté jeudi un vaste plan de soutien à la grande ville méditerranéenne de Marseille, accablée de plusieurs maux, des annonces et un déplacement qui s'inscrivent dans la perspective de la prochaine présidentielle française, à laquelle le président devrait se présenter.

Insécurité, écoles délabrées, finances municipales exsangues, pauvreté... Deuxième ville de France, Marseille souffre de multiples handicaps justifiant le "plan" dévoilé par le président et prévoyant que l'État mette la main à la poche pour soulager ce grand port méditerranéen.

"Le devoir de la Nation est d'être aux côtés des Marseillais", a déclaré M. Macron, se lançant dans un long inventaire des faiblesses mais aussi des forces d'une "ville-monde" "à la confluence de tous les défis".

Des défis "climatiques, migratoires", avec une pauvreté "concentrée toujours aux mêmes endroits", a dit le président après deux jours de visite dans les quartiers du nord de la ville, les plus déshérités.

Mais ce déplacement de trois jours - le plus long consacré à une seule ville par le président français - s'inscrit aussi dans le cadre de l'élection présidentielle du printemps prochain, à laquelle le chef de l'État sera certainement candidat, même s'il se défend d'être entré en campagne. "Pas du tout", a-t-il répondu à Marseille. "Ce n'est pas le sujet".

"À Marseille, Macron rode sa campagne", titre pourtant le journal Le Figaro (droite), quand Le Parisien estime que "la bataille de l'Élysée s'est bel et bien délocalisée à Marseille", où le chef de l’État est venu en force, accompagné de nombreux ministres.

"On pourrait même trouver habile et opportun le déplacement d'un président dont il fait peu de doutes qu'il sera candidat à sa succession", analyse le journal régional La Provence.

"Du très grand classique: un président dont on sait qu'il va se représenter fait campagne sans le dire", commente Frédéric Dabi, directeur général de l'institut de sondage Ifop.

Au deuxième jour de sa visite dans la cité phocéenne, le chef de l'État est retourné dans les quartiers nord, les plus populaires de la ville, qu'il a déjà sillonnés mercredi pour parler de l'insécurité liée notamment aux trafics de drogue.

En ce jour de rentrée scolaire en France, il a visité une école dont certains équipements sont très dégradés, à l'instar de nombreuses autres de la ville.

L'État apportera 1,5 milliard d'euros pour transports, culture, sécurité

L'État apportera au total à Marseille environ 1,5 milliard d'euros de financements nouveaux, principalement pour les transports mais aussi pour la culture et la sécurité, a détaillé l'Élysée jeudi soir après un discours présidentiel sans détails chiffrés.

Sur les transports, le chef de l'État a affiché l'objectif: "Désenclaver les quartiers Nord et permettre de lier le Nord et le Sud" d'une ville où les inégalités et les fractures géographiques sont très importantes.

Pour y parvenir, il est "prêt à ce qu'on puisse avoir ce financement d'un milliard d'euros, dont 250 millions en subventions qui seront engagés par l'État" citant notamment trois projets très concrets: l'automatisation du métro, la création de quatre lignes de tramways et de cinq lignes de bus à haut niveau de service.

Il a étrillé au passage la métropole Aix-Marseille-Provence, dirigée par la LR Martine Vassal, maître d’œuvre sur le sujet, estimant que la collectivité passait "beaucoup trop de temps à redistribuer" et avait "du mal à porter les projets", l'invitant à "faire évoluer sa gouvernance".

Autre grand projet présidentiel : le cinéma alors que le nombre de tournages a triplé en dix ans à Marseille, selon la municipalité, devenant ainsi la deuxième terre d'accueil d'équipes de films derrière Paris.

Le chef de l'État veut la création de "grands studios de la Méditerranée qui permettront d'avoir l'infrastructure pour les tournages de grands films, de grandes séries" sans préciser s'ils s'adosseront à Provence Studios qui existent déjà à quelques kilomètres, à Martigues.

Il a aussi promis de "créer le premier bassin de tournage en mer", une antenne de la cinémathèque française ou l'implantation de l'école de la CinéFabrique à Marseille sur le modèle lyonnais.

Sur la sécurité, Emmanuel Macron a annoncé une accélération de l'arrivée à Marseille des 300 policiers de plus déjà promis par le ministère de l'Intérieur, qui seront tous là en 2022 et non plus 2023, et le financement de 500 caméras de vidéosurveillance.

S'y ajoutera une contribution à la rénovation de 174 écoles, encore à chiffrer, a ajouté un conseiller d'Emmanuel Macron, qui a promis de revenir en octobre et en février pour un premier bilan.

Préfabriqués parfois installés depuis des années ou, dans certains établissements, rats dans les salles de classe, toit qui s'effondre ou punaises de lit dans les dortoirs : "Les écoles sont indignes de la République", résume le maire de gauche de la ville, Benoît Payan.

L'éducation est l'un des trois priorités de ce vaste plan, présenté comme "historique", pour permettre à la deuxième cité de France - près de 900 000 habitants pour la ville et de 1,6 million pour l'agglomération - de tenter de rattraper son retard. 

Les deux autres sont les transports collectifs, dans une ville qui ne compte que deux lignes de métro, et la réhabilitation des logements insalubres près de trois ans après l'effondrement d'immeubles en plein centre qui avait fait plusieurs morts et cruellement illustré son délabrement.

Politiquement, Marseille "est une ville qui symbolise ce sur quoi Emmanuel Macron a prospéré: l'échec de la gauche et de la droite" depuis 40 ans, analyse M. Dabi.

"Beaucoup de choses qu'on va lancer n'auront pas de résultats tout de suite, je suis lucide", avait prévenu mercredi le président Macron.

Habitants et des élus locaux montrent un certain scepticisme, rappelant que de nombreux plans ont été annoncés depuis des décennies pour Marseille, sans que la situation ne s'améliore nettement.

"On va vous voir aujourd’hui et après on va plus vous revoir, c’est pour cela qu’on vous demande de faire quelque chose pour les cités de Marseille", a lancé Bilal, un éboueur de 32 ans d'une cité populaire.

Ses opposants ont fustigé ce déplacement. "Voilà deux jours que ce cirque dure", s'est exclamé jeudi le candidat de La France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon, député de la zone et déjà candidat déclaré à la prochaine présidentielle.

"Une mise en scène assez grotesque", a dénoncé Jordan Bardella du partin d'extrême-droite Rassemblement national (RN).

Après un dîner jeudi avec le chef du gouvernement italien Mario Draghi, Emmanuel Macron consacrera la journée de vendredi à l'environnement, avec l'ouverture du Congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui se tient à Marseille jusqu'au 11 septembre.


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).

 


Assassinat de Mehdi Kessaci: «Non, je ne me tairai pas» face au narcotrafic, dit son frère dans une tribune au Monde

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  • "Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic"
  • "On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement"

PARIS: "Non, je ne me tairai pas" face au narcotrafic, a déclaré mercredi dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Amine Kessaci, le frère de Mehdi, abattu jeudi à Marseille par deux personnes à moto.

"Je dirai et répéterai que mon frère Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", a également écrit le militant écologiste de 22 ans, engagé dans la lutte contre le narcobanditisme. En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat d'un autre de ses frères, Brahim, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

"On me parle de crime d’avertissement. Mais un crime n'est jamais un avertissement", a encore déclaré Amine Kessaci, qui a enterré mardi son frère Mehdi. "Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", a-t-il ajouté.

La protection policière qui lui a été accordée ne l'a pas été à ses proches, a souligné le militant écologiste de 22 ans. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s'est-il interrogé.

"Face à un tel ennemi, l’Etat doit prendre la mesure de ce qu'il se passe et comprendre qu'une lutte à mort est engagée", a-t-il encore prévenu.

"Il est temps d’agir, par exemple de faire revenir les services publics dans les quartiers, de lutter contre l’échec scolaire qui fournit aux trafiquants une main-d’œuvre soumise, de doter les enquêteurs et les forces de police des moyens dont ils ont besoin, de renforcer, de soutenir réellement les familles de victimes du narcotrafic. Nous comptons nos morts, mais que fait l’Etat ?"

Medhi Kessaci, 20 ans, a été assassiné jeudi à Marseille près d'une salle de concert par deux hommes à moto, activement recherchées, un "crime d'intimidation" et "un assassinat d'avertissement" pour les autorités.


Accord UE-Mercosur: semaines décisives à Bruxelles, la France risque l'isolement

Des agriculteurs et des membres de la Fédération nationale bovine manifestent près de l'ambassade du Brésil à Paris le 9 juillet 2025 pour montrer leur opposition à un éventuel accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR). (AFP)
Des agriculteurs et des membres de la Fédération nationale bovine manifestent près de l'ambassade du Brésil à Paris le 9 juillet 2025 pour montrer leur opposition à un éventuel accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR). (AFP)
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  • La Commission européenne vise à obtenir le feu vert des États membres pour l’accord commercial UE-Mercosur d’ici le 20 décembre, malgré l’opposition française et des agriculteurs inquiets
  • La ratification finale dépendra du Parlement européen, où le vote pourrait être serré, avec une opposition notable de l’extrême gauche, de l’extrême droite et de nombreux députés français et polonais

BRUXELLES: La Commission européenne veut agir vite. Elle se donne jusqu'au 20 décembre pour obtenir le feu vert des États européens sur l'accord commercial avec les pays latino-américains du Mercosur, que la France aura du mal à bloquer.

Le vote des Vingt-Sept, à la majorité qualifiée, pourrait même intervenir début décembre, selon une source au sein de la Commission.

Les agriculteurs européens sont toujours vent debout contre cet accord qu'ils jugent "inacceptable" et voient comme une menace directe pour des filières comme la viande et le sucre.

Mais Bruxelles estime avoir fait ce qu'il fallait pour les rassurer et... amadouer Paris.

La Commission a annoncé en septembre des mesures de sauvegarde renforcées pour les produits agricoles les plus sensibles, promettant une intervention en cas de déstabilisation du marché.

Les diplomates des pays européens devraient d'ailleurs approuver cette clause de sauvegarde ce mercredi.

Elle "sera efficace pour résoudre les problèmes", martèle le commissaire européen à l'Agriculture Christophe Hansen.

Ce Luxembourgeois insiste au passage sur les "opportunités" que représente ce traité de libre-échange avec l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay pour les exportations européennes de vins et de produits laitiers. "Nous avons besoin d'exporter", a-t-il souligné après une réunion avec les ministres de l'Agriculture lundi.

Ce rendez-vous à Bruxelles a permis à chacun de réaffirmer ses positions.

Dans le camp des thuriféraires de l'accord, l'Allemagne et l'Espagne appellent à soutenir les exportateurs européens, notamment industriels, au moment où l'UE souffre sur le plan économique.

Ils jugent indispensables de diversifier les partenariats commerciaux depuis l'imposition de taxes douanières dans les États-Unis de Donald Trump.

"Je pense que l'accord avec le Mercosur progresse et qu'il sera ratifié. Nous espérons qu'il pourra entrer en vigueur au début de l'année prochaine", a déclaré le ministre espagnol Luis Planas.

La valse-hésitation des Français commence d'ailleurs à irriter à Bruxelles.

"Plutôt positif" lors d'un déplacement au Brésil, le président Emmanuel Macron avait semblé faire un pas en avant en faveur de l'accord, avant de rétropédaler après le tollé provoqué par ses propos parmi les agriculteurs français comme dans la classe politique.

Depuis, Paris assure que ce traité n'est toujours pas acceptable en l'état et fixe ses conditions.

- Un Parlement européen divisé -

La France voudrait des "mesures miroirs" pour que tous les pesticides interdits dans l'Union européenne "soient véritablement interdits dans les productions issues des pays du Mercosur", a dit la ministre Annie Genevard.

Paris réclame aussi des contrôles plus efficaces pour garantir que les produits importés respectent les normes européennes.

Dans un exercice d'équilibriste, le Premier ministre Sébastien Lecornu a répété l'opposition de la France à l'accord, mais "il ne faut pas qu’on se mente entre nous. Il y a bien des filières françaises qui vont bénéficier du Mercosur. On ne les entend pas beaucoup pour être honnête", a-t-il relevé lundi.

La France semble avoir compris qu'elle aurait du mal à bâtir une coalition suffisamment large pour s'opposer à l'accord, l'Italie penchant plutôt en faveur du traité désormais.

En attendant, Paris multiplie les échanges avec Bruxelles afin d'obtenir des concessions.

Les Français espèrent un geste sur les "limites maximales de résidus" (LMR) de pesticides autorisés, via un texte sur la sécurité alimentaire que doit présenter la Commission mi-décembre.

Sur l'accord en tant que tel, Bruxelles n'a pas l'intention de modifier sa copie en dépit des critiques. Tout juste est-il évoqué d'éventuelles communications ou échanges de lettres pour rassurer une dernière fois les récalcitrants comme la Pologne et la Hongrie.

L'Union européenne vise un feu vert des pays européens avant le sommet du Mercosur du 20 décembre au Brésil.

Mais la ratification devra ensuite passer par un vote du Parlement européen, où la partie pourrait s'avérer serrée.

"Ca ne va pas être facile. L'extrême gauche et l'extrême droite voteront" contre l'accord et dans les autres camps, "tous les Français et la plupart des Polonais" seront contre également, indique une source parlementaire, qui compte 300 opposants potentiels sur un total de 720 élus.

Environ 150 eurodéputés ont déjà appelé le Parlement à se tourner vers la Cour de justice de l'Union européenne pour contester ce traité. Un vote sur ce point pourrait avoir lieu en plénière dans les semaines qui viennent.