MARSEILLE: A l’occasion du Congrès mondial de la nature de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) qui a démarré le 3 septembre, l’organisme a donné cet après-midi une conférence de presse.
L'UICN publie aujourd’hui sa très attendue "Liste rouge des espèces menacées", baromètre de la destruction de notre environnement, qui sera pour la première fois accompagnée d'une "Liste verte", recensant les succès en matière de conservation.
Depuis 1964, les experts de l'Union Internationale de Conservation de la Nature publient ce recensement, classant espèce par espèce sur une échelle de neuf catégories (de celles qui ne suscitent pas d'inquiétude à un définitif "éteinte") des dizaines de milliers d'animaux, plantes et organismes vivants.
Les experts de l'organisation ont, au fil des ans, évalué et réévalué près de 135.000 espèces, dont près de 28% sont aujourd'hui considérées comme menacées.
"Les tendances montrent que nous sommes de 100 à 1.000 fois au-dessus des taux normaux d'extinction. (...) Si l’augmentation se poursuivait à ce rythme, nous serons bientôt confrontés à une crise majeure", explique à l'AFP Craig Hilton-Taylor, patron du département qui gère la Liste rouge à l'UICN.
La dévastation de la nature par l'Homme, qui réduit drastiquement les habitats de la faune sauvage, ainsi que la surexploitation de certaines espèces, la chasse, la pêche et les trafics ont mis à mal le vivant. Mais scientifiques et experts de la faune et de la flore s’inquiètent de plus en plus des effets du réchauffement climatique.
Des changements de catégorie ont déjà été expliqués en partie par la crise du climat, qui peut affecter directement les conditions de vie de certaines espèces, voire leur biologie même, par exemple les cycles de reproduction.
Le passage d'une catégorie à l'autre peut avoir d'importantes conséquences pour une espèce, en termes d'incitation à durcir ou assouplir une législation, mais aussi de visibilité ou de financements.
"Liste rouge" UICN: près de 30% des espèces étudiées menacées
Près de 30% des espèces étudiées dans la "Liste rouge" de l'UICN sont "menacées", selon la mise à jour de ce véritable baromètre du vivant publiée samedi à Marseille.
Au total, l'Union internationale de conservation de la nature a étudié 138.374 espèces, dont 38.543 (quelque 28%) sont classées dans les différentes catégories "menacées", alors que les spécialistes alertent sur un effondrement en cours de la biodiversité, certains évoquant une "sixième extinction de masse".
Parmi les espèces emblématiques, les dragons de Komodo, plus grand lézard au monde, ont vu leur statut passer de "vulnérable", plus basse des catégories menacées, à "en danger".
L'UICN avertit notamment qu'en raison du changement climatique, "la hausse des températures et donc du niveau de la mer devrait réduire leur habitat d'au moins 30% dans les 45 prochaines années". Et les individus vivant hors du parc naturel qui couvre une partie des îles en Indonésie où ils sont présents, voient en outre leur habitat menacé par l'activité humaine.
Autres victimes des hommes, les requins et raies (qui font partie de la même famille), dont une réévaluation globale de la situation a montré que 37% sont désormais dans les catégories menacées, contre 24% en 2014. Toutes les espèces ainsi classées font face à la surpêche, 31% à la dégradation ou la perte d'habitat et 10% à des conséquences du changement climatique, selon l'UICN.
A contrario, l'UICN se félicite de voir "quatre espèces de thon pêchées commercialement en voie de récupération grâce à la mise en oeuvre de quotas régionaux," élaborés par des organisations spécifiques. Sur les sept espèces les plus pêchées, ces quatre ont ainsi vu leur classement redescendre dans la liste. Mais l’organisation prévient "qu'en dépit d'une amélioration globale, de nombreux stocks régionaux de thon restent appauvris".
Lobbying
"Il y a beaucoup de lobbying" autour des révisions de la liste, reconnaît d'ailleurs Craig Hilton-Taylor. Et plutôt dans le sens d'éviter à certaines espèces emblématiques le passage dans une catégorie moins menacée.
"Il y a beaucoup d'inquiétudes que si une espèce descend d'une catégorie, les investissements s’arrêteront. C'est là que le statut vert va aider", explique le responsable.
Ce statut vert, ou liste verte, sur lequel l'UICN travaille depuis presque une dizaine d'années, va être attribué officiellement pour la première fois lors du congrès de Marseille. Il vise à labelliser les succès des programmes de conservation d'espèce menés dans des aires protégées notamment.
Il prend en compte des critères de gouvernance et de planification et bien sûr les résultats obtenus.
L'objectif, selon le patron de la "Liste rouge", c'est de pouvoir "mesurer que vos efforts sont couronnés de succès": "Si nous n'avions rien fait, où en serait cette espèce? Et si nous arrêtions tous nos efforts maintenant, que se passerait-il pour elle?".
"Empêcher l'extinction n'est pas suffisant", insiste Molly Grace, coordinatrice du groupe de travail sur le Statut vert, pour qui ce label permet de "rendre visible le travail invisible de la protection" des espèces.
Elle a donné comme exemple le condor californien, classé "en danger critique" d'extinction depuis les années 1990, mais dont la population augmente très lentement à l'état sauvage, avec 93 adultes aujourd'hui, grâce à des réintroductions et une forte protection. Sans cela, il aurait disparu à l'état sauvage, a-t-elle relevé.
Le Statut vert doit ainsi permettre de voir le potentiel de rétablissement d'une espèce à court et long terme, jusqu'à un siècle.
Les premières réponses sont attendues à 12H30 GMT, avec le dévoilement des nouveaux classements.
Créé en 1992, le comité français de l’UICN regroupe plus de 200 experts, plusieurs ministères, et près de 50 ONG.
(Avec AFP)