En Afghanistan, la chaîne Tolo News toujours active malgré les menaces

Dans cette photo prise le 11 septembre 2018, la présentatrice afghane Zarmina Mohammadi pour Tolo News participe à une émission en direct sur la chaîne de télévision Tolo à Kaboul. (Wakil Kohsar/AFP)
Dans cette photo prise le 11 septembre 2018, la présentatrice afghane Zarmina Mohammadi pour Tolo News participe à une émission en direct sur la chaîne de télévision Tolo à Kaboul. (Wakil Kohsar/AFP)
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Publié le Samedi 04 septembre 2021

En Afghanistan, la chaîne Tolo News toujours active malgré les menaces

  • Comme le reste des chaînes de radio et de télévision du pays, Tolo News navigue à vue, dans un brouillard d'incertitudes mêlées de craintes face aux intentions des nouveaux maîtres de l'Afghanistan
  • Depuis son retour au pouvoir, le mouvement islamiste, qui s'efforce de montrer une image plus modérée, a demandé aux médias afghans de ne rien changer à leurs habitudes

KABOUL, Afghanistan : A l'arrivée des talibans à Kaboul le 15 août dernier, les dirigeants de la chaîne afghane privée Tolo News avaient le choix entre rester à l'antenne ou éteindre le signal.

La première option a finalement été retenue mais comme le reste des chaînes de radio et de télévision du pays, Tolo News navigue à vue, dans un brouillard d'incertitudes mêlées de craintes face aux intentions des nouveaux maîtres de l'Afghanistan. 

La presse afghane n'a pas oublié les menaces et les assassinats de journalistes qui ont rythmé les vingt années d'insurrection du mouvement islamiste après son départ du pouvoir en 2001, chassé par une coalition emmenée par les Etats-Unis.

Le souvenir du premier règne taliban (1996-2001) reste encore très vif dans les mémoires - la télévision et la plupart des divertissements y étaient alors interdits.

Le retour au pouvoir des talibans «nous a mis dans une situation très, très difficile», confie Lotfullah Najafizada, directeur de Tolo News, joint au téléphone par l'AFP. «En tant que service d'information fonctionnant 24h/24, 7 jours/7, nous n'avons même pas eu une heure pour faire une pause et réfléchir».

La décision a finalement été prise de rester à l'antenne parce que Tolo a le devoir de couvrir l'actualité, explique-t-il, mais également parce qu'il aurait été «quasi impossible» de négocier avec les talibans une reprise des programmes si ces derniers avaient déjà été suspendus.

Depuis son retour au pouvoir, le mouvement islamiste, qui s'efforce de montrer une image plus modérée pour tenter de rassurer la communauté internationale et la population, a demandé aux médias afghans de ne rien changer à leurs habitudes.

En gage d'ouverture, un responsable taliban acceptait de répondre, le 17 août dernier, aux questions d'une journaliste, Behishta Arghand, en direct sur le plateau de Tolo News.

- «Nous avons peur» -

Mais ces gestes et ces déclarations peinent à convaincre. Signe de la défiance et de la crainte prégnantes, Beheshta Arghand a depuis fui au Qatar, craignant pour sa vie.

«Nous avons peur, je vais être honnête avec vous, nous sommes très nerveux», a déclaré Saad Mohseni, PDG de Moby Group, société mère de Tolo, au Comité pour la protection des journalistes (CPJ), depuis Dubaï.

«On fait tous des nuits blanches mais notre situation n'est pas si éloignée de ce que vivent nos téléspectateurs», a-t-il ajouté.

Sur le terrain, la situation s'est dégradée depuis quelques semaines pour les journalistes, notamment les femmes, largement exclues de l'espace public, de l'accès à l'éducation et à l'emploi sous le précédent régime taliban.

Selon Reporters sans frontières (RSF), le nombre de femmes journalistes en activité à Kaboul est ainsi passé de 700 l'an dernier à moins de cent.

Dans le reste du pays, la situation est également critique. Une centaine de médias locaux privés ont ainsi cessé leur activité dès l’arrivée des talibans, toujours selon RSF.

Le retour des talibans au pouvoir pourrait par ailleurs mettre un coup d'arrêt à la croissance exponentielle des médias indépendants observée depuis vingt ans en Afghanistan.

Depuis 2001, ce sont plus de 160 stations de radio et des dizaines de chaînes de télévision qui ont vu le jour grâce à l'aide internationale et à des investissements privés.

Ces dernières années, la population a pu regarder des programmes qui auraient été interdits sous le régime taliban, que ce soit des émissions de téléréalité musicale ou des débats politiques lors de la dernière élection présidentielle.

Les nouvelles autorités afghanes n'ont pas édicté de règle officielle à ce stade. Mais le PDG de Moby Group a d'ores et déjà prévenu qu'une interdiction aux femmes journalistes d'exercer leur métier ou l'instauration de la censure constitueraient une «ligne rouge» pour le groupe.

Dans l'immédiat, l'entreprise doit s'atteler à trouver de nouveaux journalistes pour remplacer ceux qui ont quitté le pays, par crainte de représailles, dans les jours qui ont suivi la chute de Kaboul.

«Ce qui est triste, c'est de perdre autant de compétences, de voir une génération de personnes dans lesquelles nous avions investi, qui auraient pu tant faire pour le pays, être obligées de partir», a souligné Saad Mohseni, au CPJ. «Il nous faudra malheureusement encore deux décennies pour combler cette fuite des cerveaux».


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.