Derrière la tragédie de Beyrouth, un certain non-droit des mers mis en évidence

Le Rhosus, bateau de trente ans d'âge dont le port d'attache était en Géorgie mais qui avait une boîte aux lettres en Bulgarie, battait pavillon... de la Moldavie.  Ce pays sans accès à la mer est sur la liste noire du "Memorandum de Paris", une organisation de 27 Etats, en majorité européens, qui classe les pavillons selon des critères de sécurité, environnementaux et sociaux. (Photo AFP).
Le Rhosus, bateau de trente ans d'âge dont le port d'attache était en Géorgie mais qui avait une boîte aux lettres en Bulgarie, battait pavillon... de la Moldavie. Ce pays sans accès à la mer est sur la liste noire du "Memorandum de Paris", une organisation de 27 Etats, en majorité européens, qui classe les pavillons selon des critères de sécurité, environnementaux et sociaux. (Photo AFP).
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Publié le Jeudi 10 septembre 2020

Derrière la tragédie de Beyrouth, un certain non-droit des mers mis en évidence

  • Le Rhosus, bateau de trente ans d'âge dont le port d'attache était en Géorgie mais qui avait une boîte aux lettres en Bulgarie, battait pavillon... de la Moldavie
  • Mais il n'y a pas seulement le pavillon. Selon une enquête du consortium de journalistes OCCRP (Organized Crime and Corruption Reporting Project), le véritable propriétaire du Rhosus, un magnat du transport maritime chypriote, était dissimulé derrière des

PARIS : Un vieux cargo géorgien - à moins qu'il ne soit bulgare ou moldave -, au propriétaire insaisissable, chargé de matière explosive... La tragédie de Beyrouth a rappelé que les océans étaient parfois une zone de non-droit propice à tous les trafics.

Près de 200 morts et des milliers de blessés, des quartiers entiers détruits: la déliquescence de l'Etat libanais et la corruption ont été amplement dénoncés après l'explosion d'un énorme stock de nitrate d'ammonium, entreposé dans le port de Beyrouth où le cargo Rhosus avait fait escale le 20 novembre 2013, pour ne plus repartir. 

Pour Helen Sampson, directrice du Centre international de recherches sur les marins à l'université de Cardiff (Grande-Bretagne), la tragédie révèle aussi d'autres problèmes: "si le Rhosus avait été correctement réglementé, il n'aurait pas pu naviguer jusqu'à Beyrouth et n'aurait pas été saisi" par les autorités portuaires.

"On peut supposer qu'il n'aurait pas été abandonné et que sa cargaison n'aurait pas été déchargée. En tout état de cause, cet exemple jette une lumière crue sur les lacunes du système actuel de réglementation maritime". 

Pavillon moldave

Le Rhosus, bateau de trente ans d'âge dont le port d'attache était en Géorgie mais qui avait une boîte aux lettres en Bulgarie, battait pavillon... de la Moldavie.

Ce pays sans accès à la mer est sur la liste noire du "Memorandum de Paris", une organisation de 27 Etats, en majorité européens, qui classe les pavillons selon des critères de sécurité, environnementaux et sociaux.

Selon Mme Sampson, plus de 70% du tonnage circulant sur les mers relève de pavillons "de libre immatriculation", flottant sur des bateaux enregistrés ailleurs que dans leur pays d'origine. Mais la fiabilité et le sérieux de ces pavillons dits "de complaisance", l'appellation plus connue du grand public, sont variables. 

La liste noire du "Memorandum de Paris" compte 17 noms actuellement, allant du Togo à la Mongolie en passant par l'Ukraine.

La fédération syndicale internationale du transport maritime (ITF) recense, elle, 35 pavillons à risque - dont celui du Panama, le plus connu et le plus important pavillon "de complaisance": 9.367 bateaux à fin 2019, près de deux fois plus que la Chine (source: Lloyds).

 Propriétaire insaisissable

Mais il n'y a pas seulement le pavillon. Selon une enquête du consortium de journalistes OCCRP (Organized Crime and Corruption Reporting Project), le véritable propriétaire du Rhosus, un magnat du transport maritime chypriote, était dissimulé derrière des sociétés écrans. 

Il aurait loué le bateau, via une société enregistrée au Panama, à un intermédiaire russe impécunieux qui l'a finalement abandonné, ainsi que son équipage et sa dangereuse cargaison. 

Toujours selon l'OCCRP, la société qui a délivré au Rhosus son "certificat de navigabilité" appartenait en réalité... à l'armateur lui-même.

Quant à son chargement, il était destiné à une firme mozambicaine, Fabrica de Explosivos. Qui, selon l'OCCRP, fait partie d'un réseau d'entreprises liées à la classe dirigeante du Mozambique et ayant fait l'objet d'une enquête pour trafic d'armes et fourniture d'explosifs à des terroristes.

  "Les mailles se resserrent"

Attention de ne pas "jeter le bébé avec l'eau du bain", met toutefois en garde Jean-Marc Lacave, délégué général d'Armateurs de France. Certes, des "moutons noirs continuent d'exister" mais "les différences entre les pays sont en train de s'estomper et on assiste à une convergence par le haut" des normes, assure cet ancien directeur du port français du Havre.

En outre, "les mailles se resserrent", les contrôles dans les ports étant de plus en plus fréquents et efficaces, renchérit Nelly Grassin, experte en sécurité au sein de la même organisation. 

Le Rhosus et son chargement explosif ne seraient-ils qu'une goutte d'eau dans l'océan des marchandises transportées par voie maritime, qui représente aujourd'hui 90% des échanges de biens internationaux? 

Peut-être, sauf que "la massification" de ces échanges crée une "invisibilité" qui profite aux organisations criminelles, souligne l'économiste Clotilde Champeyrache dans "La face cachée de l'économie, néolibéralisme et criminalité". Ajoutant que "la mise en concurrence des territoires permet de mettre en déroute les opérations des forces de l'ordre et de la justice en brouillant la traçabilité des marchandises, des capitaux et des personnes".  


Négociations de paix au Soudan: le chef de l'armée prêt à «collaborer» avec Trump

Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
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  • Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)"
  • Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise

PORT-SOUDAN: Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt.

Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)", a déclaré le ministère des Affaires étrangères pro-armée dans un communiqué publié à l'issue d'un déplacement officiel à Ryad, à l'invitation du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise.

Les négociations de paix menées par les Etats-Unis avec le groupe de médiateurs du Quad (réunissant Egypte, Arabe Saoudite et Emirats) sont à l'arrêt depuis que le général al-Burhane a affirmé que la dernière proposition de trêve transmise par M. Boulos était "inacceptable", sans préciser pourquoi.

Le militaire avait alors fustigé une médiation "partiale" et reproché à l'émissaire américain de reprendre les éléments de langage des Emirats, accusés d'armer les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Abou Dhabi nie régulièrement fournir des armes, des hommes et du carburant aux FSR, malgré des preuves fournies par des rapports internationaux et enquêtes indépendantes.

De leur côté, les FSR ont annoncé qu'ils acceptaient la proposition de trêve mais les attaques sur le terrain n'ont pas pour autant cessé au Kordofan, région au coeur de combats intenses.

Pour l'instant, aucune nouvelle date de négociations n'a été fixée, que ce soit au niveau des médiateurs du Quad ou de l'ONU qui essaie parallèlement d'organiser des discussions entre les deux camps.

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée, qui contrôle le nord et l'est du pays - aux FSR, dominantes dans l'ouest et certaines zones du sud.

Depuis la prise du dernier bastion de l'armée dans la vaste région voisine du Darfour, les combats se sont intensifiés dans le sud du pays, au Kordofan, région fertile, riche en pétrole et en or, charnière pour le ravitaillement et les mouvements de troupes.

Le conflit, entré dans sa troisième année, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné des millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Le prince héritier saoudien rencontre le chef du conseil de transition soudanais pour discuter de la sécurité et de la stabilité

Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
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  • La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation
  • Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays

RIYADH : Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a rencontré Abdel Fattah Al-Burhan à Riyad lundi pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à restaurer la sécurité et la stabilité dans le pays, a rapporté l'Agence de presse saoudienne.

La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation.

Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays, a ajouté SPA.

Le ministre saoudien de la défense, le prince Khalid ben Salmane, le ministre des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, le ministre d'État et conseiller à la sécurité nationale, Musaed bin Mohammed Al-Aiban, le ministre des finances, Mohammed Al-Jadaan, et l'ambassadeur saoudien au Soudan, Ali Hassan Jaafar, ont également assisté à la réunion.


Cisjordanie: 25 immeubles d'habitation menacés de destruction dans un camp de réfugiés

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  • "Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre"
  • "Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie

TULKAREM: L'armée israélienne va démolir 25 immeubles d'habitation du camp de réfugiés de Nour Chams, dans le nord de la Cisjordanie, ont indiqué lundi à l'AFP des responsables locaux.

Abdallah Kamil, le gouverneur de Tulkarem où se situe le camp, a déclaré à l'AFP avoir été informé par le Cogat --l'organisme du ministère de la Défense israélien supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens-- que les démolitions interviendraient d'ici la fin de la semaine.

"Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre", a indiqué à l'AFP Faisal Salama, responsable du comité populaire du camp de Tulkarem, proche de celui de Nour Chams, précisant qu'une centaine de familles seraient affectées.

Le Cogat n'a pas répondu dans l'immédiat aux sollicitations de l'AFP, l'armée israélienne indiquant se renseigner.

"Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie.

Il estime qu'elles s'inscrivent "dans une stratégie plus large visant à modifier la géographie sur le terrain", qualifiant la situation de "tout simplement inacceptable".

"Crise" 

La Cisjordanie est occupée par Israël depuis 1967.

Début 2025, l'armée israélienne y a lancé une vaste opération militaire visant selon elle à éradiquer des groupes armés palestiniens, en particulier dans les camps de réfugiés du nord, comme ceux de Jénine, Tulkarem et Nour Chams.

Au cours de cette opération, l'armée a détruit des centaines de maisons dans les camps, officiellement pour faciliter le passage des troupes.

Selon M. Friedrich, environ 1.600 habitations ont été totalement ou partiellement détruites dans les camps de la région de Tulkarem, entraînant "la crise de déplacement la plus grave que la Cisjordanie ait connue depuis 1967".

Lundi, une vingtaine de résidents de Nour Chams, tous déplacés, ont manifesté devant des véhicules militaires blindés bloquant l'accès au camp, dénonçant les ordres de démolition et réclamant le droit de rentrer chez eux.

"Toutes les maisons de mes frères doivent être détruites, toutes! Et mes frères sont déjà à la rue", a témoigné Siham Hamayed, une habitante.

"Personne n'est venu nous voir ni ne s'est inquiété de notre sort", a déclaré à l'AFP Aïcha Dama, une autre résidente dont la maison familiale de quatre étages, abritant environ 30 personnes, figure parmi les bâtiments menacés.

Disparaître 

Fin novembre, l'ONG Human Rights Watch a indiqué qu'au moins 32.000 personnes étaient toujours déplacées de chez elles dans le cadre de cette opération.

Comme des dizaines d'autres, le camp de Nour Chams a été établi au début des années 1950, peu après la création d'Israël en 1948, lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont fui ou été expulsés de leurs foyers.

Avec le temps, ces camps se sont transformés en quartiers densément peuplés, où le statut de réfugié se transmet de génération en génération.

De nombreux habitants ont affirmé à l'AFP ces derniers mois qu'Israël cherchait à faire disparaître les camps, en les transformant en quartiers des villes qu'ils jouxtent, afin d'éliminer la question des réfugiés.

Nour Chams a longtemps été un lieu relativement paisible où vivaient dans des maisons parfois coquettes des familles soudées entre elles.

Mais depuis quelques années, des mouvements armés s'y sont implantés sur fond de flambées de violence entre Palestiniens et Israéliens et de précarité économique.