À Kaboul, des universités désertées au premier jour de la non-mixité talibane

Très faible affluence dans les cinq étages de coursives qui cernent le patio sous la grande verrière de l'université kaboulie de Gharjistan, où trône une grande photo de quatre étudiants, en costume-cravate, vainqueurs d'un concours informatique inter-universités. (Photo, AFP)
Très faible affluence dans les cinq étages de coursives qui cernent le patio sous la grande verrière de l'université kaboulie de Gharjistan, où trône une grande photo de quatre étudiants, en costume-cravate, vainqueurs d'un concours informatique inter-universités. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 07 septembre 2021

À Kaboul, des universités désertées au premier jour de la non-mixité talibane

  • Les étudiantes sont fermement invitées à porter une abaya et un niqab, ne laissant voir que les yeux, dans les universités privées
  • Seules des femmes, ou des hommes «âgés», dont la moralité aura été passée au crible, sont autorisés à enseigner

KABOUL : Tout sauf une rentrée normale: sommées par le nouveau pouvoir taliban d'imposer la non mixité des classes et le niqab aux étudiantes, des universités privées de Kaboul étaient largement désertées lundi, sans nouvelles de bien des élèves.

"Il n'y a personne, pas d'étudiants", commentaient dans la matinée à l'AFP les gardes de deux établissements, alors que deux autres annonçaient une très faible fréquentation.

"La plupart de nos étudiants ne sont pas là", abonde auprès de l'AFP Reza Ramazan, professeur d'informatique à l'université Gharjistan de Kaboul. "On ne sait même pas s'ils sont encore dans le pays", observe-t-il, les Afghans éduqués ayant pris par dizaines de milliers le chemin de l'exil depuis le soudain retour au pouvoir des talibans.

Quant aux autres, "ils craignent les talibans et ne savent désormais plus de quoi leur avenir sera fait", après deux décennies de hausse de la scolarisation.

La veille, les talibans, qui autrefois interdisaient aux femmes d'étudier, avaient annoncé les accepter désormais dans les universités privées - rien n'a encore été annoncé du côté public -, mais sous de strictes conditions.

Les étudiantes sont ainsi fermement invitées à porter un tunique noire ample et longue couvrant les cheveux (abaya) et un voile ne laissant voir que les yeux (niqab). Et à étudier hors de la vue des hommes: dans une classe juste pour elles si elles sont plus de 15, dans une classe où elles sont séparées des hommes si elles sont moins de 15.

Certains établissements ont obtempéré, comme la faculté d'économie de Ibn-e Sina, qui a installé dans ses classes, face au professeur, un rideau séparant les garçons des filles.

"Ces décisions nous ont été imposées, nous ne pouvions pas nous y opposer", a expliqué à l'AFP Jalil Tadjil, le porte-parole de l'université, en précisant que son établissement avait également aménagé deux entrées séparées pour les hommes et les femmes. Mais très peu d'étudiants sont venus lundi "en raison du climat incertain", admet-il.

Même faible affluence dans les cinq étages de coursives qui cernent le patio sous la grande verrière de l'université kaboulie de Gharjistan, où trône une grande photo de quatre étudiants, en costume-cravate, vainqueurs d'un concours informatique inter-universités.

"Sur nos 1000 étudiants, moins de 200 sont là", explique à l'AFP Noor Ali Rahmani, directeur de l'établissement.

Dimanche, lors de la réunion au ministère, son université a clairement exprimé son désaccord aux talibans, affirme-t-il.

"Nous avons dit que nous n'acceptions pas (le niqab) car c'est trop difficile à imposer, nos étudiantes portent le foulard (hijab), pas le niqab. Nous leur avons aussi dit que cela n'était pas ce que disait le Coran."

Les nouveaux maîtres du pays veulent également que seules des femmes, ou des hommes "âgés" dont la moralité aura été passée au crible, soient autorisés à donner des cours aux étudiantes.

Mais à partir de quand un enseignant peut-il être considéré comme âgé, au-dessus de toute morale ? Face à ce casse-tête qui lui semble surréaliste, M. Rahmani secoue la tête, désabusé.

Que faire ? Lui souhaite que la communauté internationale, traditionnel soutien économique de ce pays pauvre, "fasse pression sur les talibans" pour qu'ils assouplissent leur politique, "sinon nos étudiants ne l'accepteront pas, et nous devrons fermer l'université".

L'un de ses étudiants en informatique, Amir Hussain, 28 ans, confirme que l'arrivée des talibans a considérablement assombri les perspectives des étudiants, mais sans pour autant prédire la fermeture de l'université.

"Ceux qui peuvent partir à l'étranger partiront", ajoute-t-il. "Mais les autres devront suivre les règles, ils n'auront pas le choix, sinon ils seront punis."

D'autres voix se voulaient plus positives, voyant plus le verre à moitié plein et les progrès faits par les talibans en matière d'acceptation de l'éducation des femmes.

"Aujourd'hui j'ai parlé à des étudiantes, elles sont heureuses d'aller à l'université, même voilées. Cette ouverture des talibans est un progrès essentiel", a ainsi tweeté Zuhra Bahman, qui dirige des programmes éducatifs pour les femmes depuis des années dans le pays.


Pont effondré à Baltimore: les corps de deux des six ouvriers retrouvés

Le pont Francis Scott Key, effondré, se trouve au sommet du porte-conteneurs Dali à Baltimore, dans le Maryland, le 27 mars 2024. (AFP)
Le pont Francis Scott Key, effondré, se trouve au sommet du porte-conteneurs Dali à Baltimore, dans le Maryland, le 27 mars 2024. (AFP)
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  • Les corps repêchés ont été identifiés comme ceux de deux hommes âgés de 35 et 26 ans, originaires du Mexique et du Guatemala
  • En raison de la quantité de béton et de débris, «les plongeurs ne sont plus en mesure de se frayer un chemin en sécurité» vers «ce que nous pensons être les véhicules piégés», dit la police

BALTIMORE: Les corps sans vie de deux des six ouvriers recherchés ont été repêchés mercredi des eaux glacées du port de Baltimore, sur la côte Est américaine, ont annoncé les autorités, au lendemain de l'effondrement spectaculaire d'un pont percuté par un porte-conteneurs.

"Des plongeurs ont localisé un pick-up rouge à environ 7.6 mètres de profondeur", a annoncé lors d'un point presse, la police du Maryland, l'Etat où se situe Baltimore. "Deux victimes du drame étaient prisonnières du véhicule".

Les corps repêchés ont été identifiés comme ceux de deux hommes âgés de 35 et 26 ans, originaires du Mexique et du Guatemala, qui faisaient partie de l'équipe d'ouvriers présente sur la chaussée du pont Francis Scott Key au moment de l'accident.

Les corps de quatre de leurs collègues, tous présumés morts, n'ont eux pas encore été retrouvés, ont ajouté les autorités.

Mais, en raison notamment de la quantité de béton et de débris, "les plongeurs ne sont plus en mesure de se frayer un chemin en sécurité" vers "ce que nous pensons être les véhicules piégés", a déclaré Roland Butler, de la police du Maryland.

Les secours vont donc chercher à retirer la structure de l'eau pour faciliter l'accès aux plongeurs, a-t-il précisé.

Les autorités avaient averti mardi soir qu'elles ne pensaient pas pouvoir "retrouver ces individus encore en vie", alors que deux membres de leur équipe avaient été secourus peu après le drame.

Les victimes, originaires d'Amérique latine selon la presse américaine, réparaient des nids de poule sur le pont lorsqu'il s'est écroulé dans le fleuve Patapsco.

«Pas conçu pour résister»

L'agence américaine de sécurité des transports (NTSB) a fourni mercredi une chronologie détaillée de la tragédie, basée sur l'analyse préliminaire de l'enregistreur de données du porte-conteneurs.

Long de 300 mètres pour 48 mètres de largeur, le Dali, battant pavillon singapourien, a quitté le quai du port de Baltimore mardi à 0H39 (04H39 GMT) à destination de l'Asie, a indiqué Marcel Muise, enquêteur du NTSB, lors d'une conférence de presse.

À 1H24 locales, des alarmes ont commencé à retentir à bord du navire, signalant des problèmes de propulsion. Le pilote a rapidement informé les autorités portuaires par radio que le navire se dirigeait vers le pont, et a demandé l'intervention de remorqueurs.

L'appel à l'aide a été également reçu par deux équipes de l'autorité locale des transports qui se trouvaient sur le pont en raison des travaux. Ces dernières ont alors fermé toutes les voies de circulation, sauvant ainsi probablement des vies.

Puis, à 1H29, l'enregistreur du navire a enregistré des "sons correspondant à la collision".

Le pont, emprunté chaque jour par des dizaines de milliers de véhicules, s'est alors effondré tel un château de cartes, des pans entiers de la structure se retrouvant sur le bateau.

Des images impressionnantes de vidéosurveillance montrent le porte-conteneurs dévier de son cap, heurter une pile du pont inauguré en 1977 puis s'écrouler.

Pour le ministre américain des Transports Pete Buttigieg, "ce type de pont (...) n'a tout simplement pas été conçu pour résister à un choc direct contre pilier de soutien essentiel".

L'équipage avait tenté en vain de ralentir la course du navire en jetant l'ancre.

L'enquête préliminaire montre qu'il s'agit d'un accident, selon les autorités.

«Coût de la reconstruction»

Le président Joe Biden s'est engagé à ce que "l'Etat fédéral paie la totalité du coût de la reconstruction" du pont, qui porte le nom de l'auteur des paroles de l'hymne national américain, en admettant que cela prendrait du temps.

"Nous serons aux côtés des habitants de Baltimore aussi longtemps qu'il le faudra", a-t-il encore assuré mercredi soir sur le réseau social X.

Car l'enjeu est aussi économique: ce pont à quatre voies, long de 2,6 km, est situé sur un axe nord-sud crucial pour l'économie de la côte Est des Etats-Unis.

Pour l'heure, le transport maritime y est "suspendu jusqu'à nouvel ordre", selon les autorités. Le port de Baltimore est le neuvième du pays en termes d'activité et génère plus de 15.000 emplois.

Le Dali est "stable" et ne représente pas de danger pour l'environnement et le public, en dépit de la présence à bord de 5,6 milliards de litres de diesel et de quelques conteneurs de matières dangereuses, a assuré mercredi Peter Gautier, responsable des gardes-côtes.

Deux conteneurs, sur un total de 4,700, sont tombés à l'eau.

Le navire est exploité par la société maritime Synergy Group et affrété par le géant danois du transport maritime Maersk.

Les autorités portuaires de Singapour ont déclaré mercredi qu'il avait passé avec succès deux inspections en 2023 et qu'une jauge de contrôle de la pression du carburant défectueuse avait été réparée en juin.

Les autorités chiliennes avaient signalé en 2023 un défaut dans les machines du navire, une anomalie rapidement réparée selon elles.


Mer de Chine méridionale: nouvel échange acerbe entre Manille et Pékin

Cette photo prise le 5 mars 2024 montre un navire des garde-côtes chinois dans la mer de Chine méridionale contestée. (AFP)
Cette photo prise le 5 mars 2024 montre un navire des garde-côtes chinois dans la mer de Chine méridionale contestée. (AFP)
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  • Samedi, trois soldats philippins ont été blessés lors d'un accrochage avec les garde-côtes chinois, qui ont bloqué leur navire
  • Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, y compris des eaux et des îles proches des côtes de plusieurs pays voisins

MANILLE: La Chine et les Philippines ont échangé jeudi de nouvelles accusations après de nouveaux accrochages en mer de Chine méridionale, où les deux pays ont des revendications concurrentes.

Samedi, trois soldats philippins ont été blessés lors d'un accrochage avec les garde-côtes chinois, qui ont bloqué leur navire et l'ont endommagé à l'aide de puissants canons à eau au large d'un des récifs disputés, l'atoll Second Thomas.

"Nous ne cherchons pas à entrer en conflit avec quelque nation que ce soit, en particulier avec les nations qui prétendent être nos amies, mais nous ne nous laisserons pas réduire au silence, à la soumission ou à l'asservissement", a déclaré jeudi dans un communiqué le président philippin Ferdinand Marcos.


Le nombre de migrants ayant traversé la Manche à un niveau record depuis janvier

Le navire des forces frontalières britanniques « Defender », transportant des migrants récupérés en mer alors qu'ils tentaient de traverser la Manche depuis la France, revient à la marina de Douvres, dans le sud-est de l'Angleterre, le 17 janvier 2024 (Photo, AFP).
Le navire des forces frontalières britanniques « Defender », transportant des migrants récupérés en mer alors qu'ils tentaient de traverser la Manche depuis la France, revient à la marina de Douvres, dans le sud-est de l'Angleterre, le 17 janvier 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des chiffres publiés mercredi par le ministère britannique de l'Intérieur, 4 644 personnes, toutes nationalités confondues, ont effectué cette périlleuse traversée au premier trimestre
  • En 2023, près de 30 000 migrants ont au total traversé illégalement la Manche

LONDRES: Plus de 4.600 migrants ont rejoint l'Angleterre par la Manche illégalement à bord de canots depuis le 1er janvier, un record pour les trois premiers mois de l'année malgré les promesses du gouvernement conservateur de mettre fin à ces dangereuses traversées.

Selon des chiffres publiés mercredi par le ministère britannique de l'Intérieur, 4.644 personnes, toutes nationalités confondues, ont effectué cette périlleuse traversée au premier trimestre, soit une augmentation de 23% par rapport à la même période l'année dernière (3.700).

Le dernier record avait été établi en 2022 avec 4.548 traversées entre début janvier et fin mars.

Rien que mardi, 338 personnes ont gagné les côtes anglaises dans ces embarcations, le plus souvent des canots pneumatiques chargés de dizaines de passagers.

Depuis le début de l'année, au moins sept migrants, dont une fillette de sept ans et un adolescent de 14 ans, sont morts en mer et sur un canal en tentant de rejoindre l'Angleterre.

"Il y a une prise de risque de plus en plus grande" et "l'année qui vient n'augure rien de bon", avait averti début mars l'association française d'aide aux migrants Utopia 56, selon laquelle le rythme de décès depuis le début de l'année atteint un niveau inédit depuis trois ans.

Depuis son arrivée à Downing Street il y a un an et demi, le Premier ministre Rishi Sunak a fait de la lutte contre l'immigration irrégulière l'une de ses priorités, martelant vouloir "stopper les bateaux".

Projet de loi contreversé

En 2023, près de 30.000 migrants ont au total traversé illégalement la Manche, un chiffre en forte baisse par rapport au record atteint en 2022 (45.000), que le gouvernement met en avant dans son bilan.

Toute progression des arrivées sur le sol britannique risque de fragiliser les conservateurs à quelques mois des élections législatives, pour lesquelles l'opposition travailliste est donnée largement en tête dans les sondages.

Le projet de loi controversé du gouvernement pour expulser les migrants au Rwanda se heurte par ailleurs à la résistance de la chambre haute du Parlement, celle des Lords, qui souhaite adoucir ce texte.

Lundi, le ministère de l'Intérieur a lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour dissuader les ressortissants vietnamiens, de plus en plus nombreux, à tenter de traverser la Manche.