Mostra de Venise: Yvan Attal s'attaque au consentement et à la "zone grise"

Le réalisateur français Yvan Attal assiste à un photocall pour le film "Les Choses Humaines" (L'Accusation) présenté hors compétition le 9 septembre 2021 lors de la 78e Mostra de Venise au Lido de Venise. (Marco Bertorello/AFP)
Le réalisateur français Yvan Attal assiste à un photocall pour le film "Les Choses Humaines" (L'Accusation) présenté hors compétition le 9 septembre 2021 lors de la 78e Mostra de Venise au Lido de Venise. (Marco Bertorello/AFP)
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Publié le Vendredi 10 septembre 2021

Mostra de Venise: Yvan Attal s'attaque au consentement et à la "zone grise"

  • Le film reprend la trame du roman de Karine Tuil: une jeune femme porte plainte contre le fils de la nouvelle compagne de son père, qui l'aurait violée à la fin d'une soirée étudiante
  • Le film ne tranche jamais en faveur de l'un ou de l'autre protagoniste, laissant le spectateur se faire son intime conviction entre les deux versions des mêmes faits

VENISE, Italie : Le cinéaste Yvan Attal s'attaque à la question de l'existence d'une "zone grise" autour du consentement dans "Les choses humaines", adaptation d'un roman à succès présenté jeudi à la Mostra de Venise, dans lequel il enrôle son fils.

Le film, présenté hors compétition et qui sort le 1er décembre en France, reprend la trame du roman de Karine Tuil, prix Goncourt des lycéens et prix Interallié en 2019: une jeune femme porte plainte contre le fils de la nouvelle compagne de son père, qui l'aurait violée à la fin d'une soirée étudiante.

Ce dernier, issu de la haute bourgeoisie intellectuelle et médiatique parisienne, nie tout rapport sexuel contraint, invoquant la "zone grise" du consentement face à une partenaire qui n'aurait pas dit "non", mais va finir par être mis en examen pour viol et jugé.

Le film ne tranche jamais en faveur de l'un ou de l'autre protagoniste, laissant le spectateur se faire son intime conviction entre les deux versions des mêmes faits, qui ne sont jamais montrés à l'écran. "Le but ultime, c'est d'être bringuebalé entre les deux", explique Yvan Attal.

Le réalisateur de "Mon chien stupide" (2018) et "Le Brio" (2017), 56 ans, a fait une nouvelle fois appel à sa compagne, Charlotte Gainsbourg, pour interpréter la mère du jeune accusé, une militante féministe, et a aussi entraîné dans l'aventure leur fils Ben Attal, à qui il offre le premier rôle.

Se mettre dans la peau de ce jeune étudiant brillant de Stanford qui n'arrive pas à prendre conscience qu'il a agressé une jeune femme sur laquelle il a de l'ascendant était "très, très compliqué", explique Ben Attal, 24 ans, à l'AFP.

"J'aimerais aimer ce personnage mais je ne comprends pas comment quelqu'un d'aussi intelligent puisse ne pas comprendre l'émotion de l'autre", ajoute-t-il. "Je ne peux pas cautionner ça".

Face à lui, la victime, Mila, est jouée par un nouvelle venue, Suzanne Jouannet, qui espère que le film puisse permettre "d'ouvrir le dialogue. Sur la +zone grise+, les gens ne sont pas à l'aise, c'est subjectif".

Pourquoi Yvan Attal a-t-il choisi son fils ? "Je voulais un garçon pour lequel on ne ressente pas tout de suite une répulsion, un gentil garçon", a répondu le réalisateur, qui s'intéresse à "ce qui fait qu'il n'a pas pu voir que cette fille ne voulait pas".

Dernier tour de piste à la Mostra avec Ben Affleck et Matt Damon

Toujours à la Mostra, Ben Affleck et Matt Damon s'apprêtent à enflammer le tapis rouge vendredi à Venise pour "Le dernier duel", le nouveau film de Ridley Scott, à la veille de la clôture d'une Mostra marquée par le comeback de Hollywood et une compétition de haut vol.

Après dix jours de célébration du septième art sur le Lido, les organisateurs du plus ancien festival de cinéma du monde s'offrent une nouvelle dose de stars internationales avec ce film en costume à grand spectacle, qui se déroule dans la France du Moyen-Âge, sous le règne de Charles VI.

Les paparazzi ont pu s'en donner à cœur joie dès jeudi, Ben Affleck et sa compagne la chanteuse Jennifer Lopez traversant la lagune, en plein soleil, à bord d'un bateau-taxi.

L'acteur américain Ben Affleck et l'actrice et chanteuse américaine Jennifer Lopez voyagent à bord d'un bateau-taxi vaporetto le 9 septembre 2021 après leur arrivée pour assister au 78e Festival du film de Venise à Venise. Filippo MONTEFORTE / AFP
L'acteur américain Ben Affleck et l'actrice et chanteuse américaine Jennifer Lopez voyagent à bord d'un bateau-taxi vaporetto le 9 septembre 2021 après leur arrivée pour assister au 78e Festival du film de Venise à Venise.
Filippo MONTEFORTE / AFP

Au casting du film, figurent également Adam Driver (Kylo Ren dans "Star Wars") et l'actrice britannique Jodie Comer.

"Le dernier duel" marque le retour à l'écriture d'un duo, Ben Affleck et Matt Damon, qui s'étaient fait connaître il y a un quart de siècle avec "Will Hunting", projet qu'ils avaient déjà co-écrit et que Gus Van Sant avait réalisé.

Projeter sur le Lido cette grosse production, signée Ridley Scott, créateur de "Blade Runner" ou "Gladiator", est un signe supplémentaire de l'influence de la Mostra de Venise, qui a fait son succès ces dernières années en mêlant cinéma d'auteur et films des plus gros studios, et en devenant une rampe de lancement pour les Oscars.

Outre "Le dernier duel", Venise a également accueilli cette année le feu d'artifice "Dune", nouvelle adaptation très attendue du roman phare de la science-fiction, avec Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac ou encore Javier Bardem.

Cet afflux de stars dans la cité lacustre est aussi une preuve de la volonté de redémarrage de l'industrie mondiale du cinéma, qui a été mise à genoux par la crise sanitaire.

Celle-ci a favorisé un essor sans précédent des plateformes, d'ailleurs présentes en force à Venise cette année, avec plusieurs films produits par Netflix et distribués directement sur la plateforme parmi les plus sérieux candidats au Lion d'or, comme "La part du Chien" de Jane Campion ou "La main de Dieu" de Paolo Sorrentino.

- Kristen Stewart en princesse Diana -

La récompense suprême doit être décernée samedi soir lors de la cérémonie de clôture de cette 78e Mostra.

Le jury, présidé par le cinéaste sud-coréen Bong Joon-Ho, lauréat de la Palme d'Or 2019 à Cannes avec "Parasite" et au sein duquel siègent également la cinéaste sino-américaine Chloé Zhao, oscarisée pour "Nomadland", doit encore voir vendredi le 21e et ultime film de la sélection, "Un autre monde".

L'actrice américaine Kristen Stewart pose à son arrivée pour la projection du film "Spencer" présenté en compétition le 3 septembre 2021 lors de la 78e Mostra de Venise au Lido de Venise. Filippo MONTEFORTE / AFP
L'actrice américaine Kristen Stewart pose à son arrivée pour la projection du film "Spencer" présenté en compétition le 3 septembre 2021 lors de la 78e Mostra de Venise au Lido de Venise.
Filippo MONTEFORTE / AFP

Signé du Français Stéphane Brizé, il s'agit du troisième volet d'une trilogie sociale dont le rôle principal est confié à Vincent Lindon. Après avoir incarné un vigile de supermarché dans "La loi du marché" (2015), puis un leader syndical dans "En guerre", l'acteur se glisse cette fois dans la peau d'un cadre dirigeant.

Pour le Lion d'Or, la compétition semble très ouverte.

Selon les critiques internationales compilées par le quotidien du Festival, Jane Campion, déjà Palme d'or à Cannes pour "La leçon de Piano", le film russe "Capitaine Volkonogov s'est échappé" ou encore les "Mères Parallèles" de Pedro Almodovar sont très bien placés.

Et tout le monde s'accorde à saluer la performance de Kristen Stewart en princesse Diana dans "Spencer", faisant d'elle la plus sérieuse candidate au prix d'interprétation féminine.

 

 

Les 21 films en lice pour le Lion d'or à Venise

Vingt-et-un films sont en lice pour remporter le prestigieux Lion d'or du meilleur film au 78ème festival du cinéma de Venise, qui sera décerné samedi soir. Brève description de chacun d'entre eux:

"Madres paralelas" de Pedro Almodovar (Espagne)

Le cinéaste de 71 ans renoue avec ses sujets de prédilection, la filiation et les figures féminines, pour un film qui ambitionne d'aider l'Espagne à panser les plaies de la Guerre civile. Son actrice fétiche Penelope Cruz incarne Janis, une photographe enceinte d'un ami archéologue et marié, qui lui a promis de l'aider à retrouver la sépulture de son arrière grand-père, disparu lors de la guerre civile. La vie de Janis est bouleversée par sa rencontre avec Ana, une jeune fille qui accouche le même jour dans la même maternité.

"Mona Lisa and the Blood Moon" de Ana Lily Amirpour (Etats-Unis)

"Mona Lisa", une jeune fille coréenne dotée de pouvoirs télépathiques, s'échappe d'une institution psychiatrique en Louisiane et est recueillie à La Nouvelle Orléans chez une strip-teaseuse haute en couleurs incarnée par Kate Hudson, surprenante dans ce rôle à contre-emploi. Mona Lisa ne tarde pas à nouer un lien fort avec Charlie, le petit garçon solitaire de sa logeuse. Ce mix surprenant de conte de fées et de jeu vidéo ponctué de musique techno et métal est signé de l'Américaine d'origine iranienne Ana Lily Amirpour.

"Un Autre Monde" de Stéphane Brizé (France)

Troisième épisode d'une trilogie sur le monde du travail, ce film avec Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain adopte le point de vue d'un patron qui doit prendre des décisions dramatiques.

"La part du chien" de Jane Campion (Australie/Nouvelle-Zélande)

Adapté du roman éponyme de Thomas Savage, ce huis clos étouffant dans un monde de cow-boys entraîne le spectateur dans un ranch du Montana au début du XXe siècle, où la vie du célibataire endurci Phil Burbank (Benedict Cumberbatch) est bouleversée par l'arrivée de la nouvelle femme de son frère, Rose (Kirsten Dunst), et de son fils issu d'un précédent mariage. A petites touches, ce film produit par Netflix dépeint une société corsetée au bord de l'implosion.

"America Latina" de Fabio et Damiano D’Innocenzo (Italie-France)

Les jumeaux italiens ont écrit et mis en scène ce film à mi-chemin entre thriller et histoire d'amour, avec notamment Elio Germano, prix d'interprétation à Cannes en 2010.

"L’Événement" de Audrey Diwan (France)

La réalisatrice franco-libanaise adapte Annie Ernaux pour raconter Anne, une étudiante insouciante dans la France du début des années 1960, où l'avortement n'est pas encore légalisé. Anne découvre qu'elle est enceinte, mais la jeune femme, issue d'un milieu populaire, souhaite continuer ses études de lettres. Médecins, amis, partenaire, professeur: elle ne trouvera personne pour l'aider.

"Competencia Oficial" de Gastόn Duprat et Mariano Cohn (Espagne/Argentine)

Dans cette comédie bourrée d'autodérision sur les travers du cinéma, Penélope Cruz incarne Lola, une célèbre réalisatrice qui doit travailler avec deux acteurs brillants mais que tout oppose: Félix, star hollywoodienne, sexy, charismatique et tellement sûr de lui, évidemment interprété par Antonio Banderas. Et Ivan, un acteur de théâtre renommé, lettré et faussement humble --le rôle a été confié à l'acteur argentin Oscar Martinez. Ce trio doit préparer le tournage et répéter ensemble, pas facile lorsqu'on partage si peu de choses, si ce n'est un égo surdimensionné.

"Il Buco" de Michelangelo Frammartino (Italie/France/Allemagne)

Basé sur une histoire vraie, "Il buco" ("Le trou") suit de jeunes spéléologues qui entreprennent en 1961 d'explorer une profonde grotte dans le sud de l’Italie. Ce film épuré sans dialogues est aussi une allégorie poétique sur la marche aléatoire du progrès dans l'Italie du boom économique.

"Sundown" de Michel Franco (Mexique/France/Suède)

Tim Roth interprète un homme riche qui cherche à s'éloigner de sa vie réglée durant ses vacances. Charlotte Gainsbourg fait partie du casting.

"Illusions perdues" de Xavier Giannoli (France)

Dans cette adaptation du roman de Balzac, Lucien (Benjamin Voisin) est un jeune poète inconnu dans la France du XIXème siècle qui veut se forger un destin. Il quitte sa province natale pour tenter sa chance à Paris, au bras de sa protectrice. Il va aimer, souffrir, mais survivre à ses illusions. Egalement au casting, Cécile de France et Gérard Depardieu.

"The Lost Daughter" de Maggie Gyllenhaal (Etats-Unis/Grèce/GB/Israël)

L'actrice américaine Maggie Gyllenhaal fait ses début derrière la caméra dans cette adaptation d'un roman d'Elena Ferrante, "Poupée volée", avec Olivia Colman dans le rôle d'une femme oscillant entre raison et folie.

"Spencer" de Pablo Larraín (Allemagne/GB)

Drôle, fantasque et fragile: l'actrice américaine Kristen Stewart incarne la princesse Diana, décédée il y a 24 ans. Cette icône, disséquée dans moult documentaires, séries et films, a-t-elle encore quelque chose à dévoiler? En presque deux heures, le cinéaste chilien répond par l'affirmative en universalisant l'intimité de cette femme qui ne réussit plus à respirer, étouffée par le protocole corseté des Windsor mais refusant de renoncer à sa liberté.

"Freaks Out" de Gabriele Mainetti (Italie/Belgique)

A Rome durant la Seconde Guerre mondiale, une troupe de cirque sombre dans le désespoir après la disparition de leur directeur juif. Ce conte de fées bourré d'effets spéciaux se veut un feu d'artifices optimiste sur la résilience et la célébration de la différence.

"Qui rido io" de Mario Martone (Italie/Espagne)

La star italienne Toni Servillo interprète le célèbre comédien napolitain Eduardo Scarpetta (1853-1925) dans ce biopic signé Mario Martone. Eduardo Scarpetta, auteur du chef-d'œuvre "Misère et Noblesse", a aussi donné naissance à une dynastie de comédiens parmi lesquels Eduardo De Filippo, Peppino De Filippo et Titina De Filippo, lesquels marqueront le théâtre et le cinéma napolitains du XXe siècle.

"On the Job: The Missing 8" de Erik Matti (Philippines)

Suite de "On the job" (2013), ce film suit les pas d'un journaliste enquêtant sur la disparition mystérieuse de ses collègues et d'un détenu libéré temporairement pour commettre des assassinats.

"Leave no traces" de Jan P. Matuszyński (Pologne/France/République tchèque)

"Żeby nie było śladów" raconte l'histoire vraie du tabassage d'un jeune militant à Varsovie par la milice sous le régime communiste.

"Le capitaine Volkonogov s'est échappé" de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov (Russie/Estonie/France)

En 1938, Fiodor Volkonogov, officier modèle des services de sécurité soviétiques, a pour mission de faire avouer à des innocents par tous les moyens, y compris la torture, des crimes qu'ils n'ont pas commis. Avec ou sans aveux, l'issue est toujours la même: la mort. Jusqu'au jour où lui-même fait l'objet de soupçons. Il décide alors de se lancer dans une quête de rédemption pour obtenir le pardon des familles de ses propres victimes.

"The Card Counter" de Paul Schrader (Etats-Unis/GB/Chine)

Un joueur de poker (Oscar Isaac) est hanté par son passé de soldat en Irak, où il a été impliqué dans les violations de droits humains à la prison d'Abou Ghraib.

"La main de Dieu" de Paolo Sorrentino (Italie)

Dans ce film largement autobiographique qui sortira sur Netflix, Paolo Sorrentino raconte l'enfance d'un jeune Napolitain, brisée par la mort accidentelle de ses parents, intoxiqués au monoxyde de carbone. Cette ode à Naples est aussi le prétexte d'une galerie de portraits de personnages hauts en couleurs.

"Reflet" de Valentyn Vasyanovych (Ukraine)

Le protagoniste, chirurgien dans la vie civile, est capturé par les forces russes présentes dans l'est de l'Ukraine, et vit une véritable descente aux enfers: humiliations, violences et torture. Libéré lors d'un échange de prisonniers, il peine à retrouver ses marques.

"La Caja" de Lorenzo Vigas (Mexique/Etats-Unis)

Un adolescent de Mexico prend la direction du nord pour récupérer les cendres de son père, mais il est emporté dans le monde sordide des ateliers textiles à bas coût. Avec ce film coup de poing, le cinéaste vénézuélien, premier latino-américain à avoir décroché un Lion d'or, aborde à la fois l'exploitation de la main d'œuvre, les disparitions au Mexique, la paternité et les violences contre les femmes.

 


Cinéma: Hazanavicius et le réalisateur iranien Rasoulof ajoutés à la compétition cannoise

Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager (Photo, X).
Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager (Photo, X).
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  • Michel Hazanavicius, 57 ans, sera en lice pour la Palme d'Or
  • Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement

CANNES: Le Festival de Cannes a parachevé sa sélection lundi, invitant notamment en compétition un cinéaste iranien en rupture avec le régime, Mohammad Rasoulof, et le réalisateur Michel Hazanavicius pour un film d'animation.

Michel Hazanavicius, 57 ans, sera en lice pour la Palme d'Or avec "La plus précieuse des marchandises". Il s'agit d'une première tentative dans le cinéma d'animation pour le réalisateur très éclectique de "The Artist" (oscarisé en 2012) ou des deux premiers volets de la comédie d'espionnage "OSS 117".

Adapté d'une pièce de Jean-Claude Grumberg, le film évoque le souvenir de la Shoah et le sort d'un enfant juif qui échappe miraculeusement à la déportation vers le camp d'extermination nazi d'Auschwitz.

Le festival a également ajouté le nouveau film de Mohammad Rasoulof, "The seed of the sacred fig". Ce cinéaste, lauréat du prix Un Certain Regard à Cannes en 2017 ("Un homme intègre"), puis de l'Ours d'or à Berlin en 2020 ("Le diable n'existe pas"), avait été invité l'an dernier comme membre d'un jury.

Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager.

Evoquant les questions brûlantes de la corruption ou de la peine de mort, Mohammad Rasoulof fait partie des réalisateurs iraniens primés dans les plus grands festivals mais accusés en Iran de propagande contre le régime, comme Jafar Panahi ou Saeed Roustaee.

Sujets sensibles 

Un troisième réalisateur, le Roumain Emanuel Parvu, est également ajouté à la compétition, portant à 22 le nombre de films en lice pour succéder à la Palme d'Or de l'an dernier, "Anatomie d'une chute" de Justine Triet.

Parmi eux, les œuvres d'illustres réalisateurs hollywoodiens, dont "Megalopolis" de Francis Ford Coppola et "Oh Canada" de Paul Schrader, une comédie musicale de Jacques Audiard, le nouveau film de Yorgos Lanthimos avec Emma Stone, après son Lion d'or pour "Pauvres créatures", ou encore une oeuvre sur Naples par l'Italien Paolo Sorrentino.

Hors compétition, le festival, qui se tiendra du 14 au 25 mai, a également annoncé lundi la première du "Comte de Monte-Cristo", avec Pierre Niney dans le rôle-titre, blockbuster français programmé hors compétition, tandis qu'Oliver Stone présentera en séance spéciale un documentaire sur le dirigeant brésilien Lula.

Trois films sont également ajoutés dans la section Un Certain Regard, dont le premier film comme réalisatrice de l'actrice Céline Sallette, un biopic sur l'artiste Niki de Saint-Phalle, avec Charlotte Le Bon.


Un chef-d'oeuvre oublié de Raphaël exposé au public dans une basilique varoise

Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux (Photo, X).
Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux (Photo, X).
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  • Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux, considéré comme le troisième tombeau de la chrétienté après Jérusalem et Rome
  • Gardé constamment par deux gardes, ce portrait est bien mis en valeur par un éclairage doux au sein de la sacristie donnant au lieu une ambiance mystique

SAINT-MAXIMIN-LA-SAINTE-BAUME: L'exposition ce week-end dans la sacristie de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var) pour la première fois au public d'un tableau oublié et récemment redécouvert du peintre italien de la Renaissance Raphaël a attiré de nombreux visiteurs, a constaté un photographe de l'AFP.

Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux, considéré comme le troisième tombeau de la chrétienté après Jérusalem et Rome, qui abrite des reliques de Marie-Madeleine.

Une cinquantaine de personnes ont ainsi fait la queue dimanche après-midi pour pouvoir admirer ce tableau peu connu du maître italien auteur des "Trois Grâces" ou encore des fresques ornant le palais du Vatican à Rome "L'Incendie de Borgo" et "L'Ecole d'Athènes".

Les visiteurs doivent cependant s'acquitter la somme de trois euros pour l'admirer, des fonds qui serviront à soutenir la restauration de la basilique.

Gardé constamment par deux gardes, ce portrait est bien mis en valeur par un éclairage doux au sein de la sacristie donnant au lieu une ambiance mystique.

Tableau oublié 

La redécouverte de ce tableau oublié pourrait, pour certains, relever du miracle: un collectionneur français avait acheté ce portrait de Marie-Madeleine, datant de la rencontre entre Raphaël et Léonard de Vinci (1505), à une galerie londonienne sur son site internet pour 30.000 livres (près de 35.000 euros) en pensant qu'il s'agissait d'une oeuvre de l'école de Vinci.

Il avait ensuite fait appel à l'expertise d'Annalisa Di Maria, membre du groupement d'experts de l'Unesco à Florence (Italie) qui a authentifié l'oeuvre en septembre.

A l'issue d'innombrables analyses, dont la visualisation grâce à la lumière infrarouge des couches de carbone cachées par les pigments de peinture, ils ont pu attribuer le tableau à Raphaël (1483-1520).

Marie-Madeleine, premier témoin de la résurrection de Jésus, dont elle était une fidèle disciple, est une figure importante des Evangiles, souvent présentée comme une pécheresse repentie. Elle aurait passé les 30 dernières années de sa vie dans une grotte du massif de la Sainte-Baume, à une vingtaine de kilomètres de la basilique, devenue un haut-lieu de pèlerinage chrétien.


Des collages XXL à l'Orient-Express, JR veut «changer les perspectives»

Des gens regardent des œuvres de Claire Tabouret à la prison pour femmes de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège, lors de la pré-ouverture de la 60e exposition d'art de la Biennale de Venise, le 18 avril 2024 à Venise (Photo, AFP).
Des gens regardent des œuvres de Claire Tabouret à la prison pour femmes de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège, lors de la pré-ouverture de la 60e exposition d'art de la Biennale de Venise, le 18 avril 2024 à Venise (Photo, AFP).
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  • Oeuvres monumentales en trompe-l'oeil, portraits, collages... Des favelas de Rio au Louvre, de New York au Népal, le travail éphémère de l'artiste a traversé les frontières, jusqu'à faire l'objet de rétrospectives dans de prestigieux musées
  • Il y est souvent questions de sujets sociaux

 

VENISE: "Changer les perspectives" au-delà des frontières: après plus de 25 ans de carrière, le goût du voyage et de l'ailleurs continue de façonner l'oeuvre de JR, street-artist de renommée mondiale dont le dernier projet prend la route du rail.

A 41 ans, le photographe français au chapeau et lunettes noires, devenu célèbre avec ses collages photographiques XXL, s'est lancé dans un "projet fou": décorer tout un wagon du Venice Simplon-Orient-Express.

"Les gens connaissent tous l'Orient-Express, mais beaucoup ne savent pas qu'ils roulent encore", dit-il à l'AFP en marge de la 60e Biennale d'art contemporain de Venise.

Pour l'occasion, le rutilant wagon-lit bleu nuit, devenu légendaire grâce au roman policier d'Agatha Christie et à ses adaptations au grand écran, a circulé à bord d'une barge cette semaine sur les eaux de la lagune de la Cité des Doges, avant son lancement sur les rails européens au printemps 2025.

En décorant l'intérieur luxueux de cette "oeuvre vivante" - incluant un salon de thé et une bibliothèque - JR, qui maitrise les codes du happening, s'est amusé à dissimuler dans ses recoins divers clins d'oeil à son oeuvre, des lettres, des jumelles, jusqu'à un appareil photo des années 1920.

"C'est une de ces voitures là qui a eu 1.000 vies. Quand on l'a récupérée en Belgique, elle était encore toute brûlée et cabossée, parce qu'elle avait été abandonnée depuis longtemps", se souvient-il en confiant sa "fascination" pour l'univers des trains.

JR voit dans ce moyen de transport une manière de "faire voyager" ses oeuvres, "comme un message dans une bouteille".

Oeuvres monumentales en trompe-l'oeil, portraits, collages... Des favelas de Rio au Louvre, de New York au Népal, le travail éphémère de l'artiste a traversé les frontières, jusqu'à faire l'objet de rétrospectives dans de prestigieux musées.

Il y est souvent questions de sujets sociaux, comme les droits des femmes ("Women are Heroes"), l'immigration ("Déplacé.e.s") ou les armes à feu ("Guns in America").

«Vers l'inconnu»

Avant les festivals et les récompenses, le travail de l'artiste a puisé son inspiration sur les rails "avec les voyages en métro ou en RER" à Paris.

"Quand j'avais 16/17 ans, les appareils ont commencé à devenir numériques. La photo n'était plus un sport de riche. Puis on a démocratisé le voyage, on pouvait voyager pour rien en train ou en avion à l'autre bout du monde. Je pense que je n'aurais pas été artiste si je n'étais pas né cette année-là", confie-t-il.

Au-delà de sa mobilité géographique, le street-artist se plait à arpenter "un chemin vers l'inconnu", "comme le monde du ballet, de l'opéra, du train, etc. Finalement, c'est là où je pense que j'apprends le plus", reconnait-il.

La rencontre faisant partie intégrante du voyage, JR revendique un "art infiltrant" impliquant activement les communautés et le public afin de gommer l'opposition entre sujets et acteurs.

En novembre, 25.000 personnes ont ainsi assisté à un spectacle de sons et lumière, avec la participation de 153 danseurs sur un immense échafaudage devant la façade du Palais Garnier à Paris, métamorphosée en grotte par l'artiste.

Cette performance hypnotisante avait fait face à de nombreux obstacles, menacée par la pluie, les alertes attentat et les incertitudes techniques qui donnaient au projet "plus de chances d'échec que de succès".

"Ce que les gens ne réalisent pas, c'est que nous-mêmes on savait pas si ça allait se passer. Mais si ça marche, d'un coup, c'est quelque chose qui n'a jamais été fait. Pour moi, c'est le signe que c'est un chemin intéressant", explique-t-il.

"C'est encore ce que je fais aujourd'hui: voyager, confronter les images aux autres, changer les perspectives, mais surtout questionner. Parce que je pense que c'est ça qui a la plus grande force de l'art."