Face à la Chine, Biden trace froidement sa route

En décidant d'équiper l'Australie de sous-marins à propulsion nucléaire, le président américain fonce tout droit dans la confrontation avec la Chine, quitte à faire des dommages commerciaux collatéraux parmi ses alliés, comme la France. (Photo, AFP)
En décidant d'équiper l'Australie de sous-marins à propulsion nucléaire, le président américain fonce tout droit dans la confrontation avec la Chine, quitte à faire des dommages commerciaux collatéraux parmi ses alliés, comme la France. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 17 septembre 2021

Face à la Chine, Biden trace froidement sa route

  • L'alliance «indo-pacifique» renforce la grande priorité internationale du président : confronter un géant érigé en «plus grand défi géopolitique du XXIe siècle»
  • L'Europe risque de passer au second plan, Biden semble confirmer plus que jamais le «pivot» vers l'Asie initié il y a une dizaine d'années par Obama

WASHINGTON : Plus que jamais, la confrontation avec la Chine s'impose comme la grande priorité internationale de Joe Biden. Et le président des Etats-Unis trace froidement sa route, quitte à faire des dommages collatéraux parmi ses alliés.

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Le Liaoning, ci devant unique porte-avions chinois, puisque Pékin poursuit lentement, mais sûrement, la création d'une marine moderne capable de rivaliser avec l'Occident. (Photo, AFP)

L'alliance "indo-pacifique" annoncée mercredi avec l'Australie et le Royaume-Uni est la dernière manifestation de ce pragmatisme diplomatique lorsqu'il s'agit de contrecarrer les ambitions grandissantes de Pékin: elle voit le jour au détriment de la France, qui se retrouve exclue et perd au passage une énorme commande de sous-marins qu'elle devait vendre à Canberra.

"La priorité, c'est la compétition avec la Chine", résume Benjamin Haddad, du cercle de réflexion américain Atlantic Council. "Tout le reste n'est que distraction."

Ce chercheur français installé aux Etats-Unis y voit "une forme de continuité" avec le mot d'ordre "America First", ou "l'Amérique d'abord", cher à l'ex-président républicain Donald Trump, sur le fond mais aussi "de plus en plus dans la méthode assez unilatérale".

Joe Biden a immédiatement adopté la même fermeté que son prédécesseur à l'égard du géant asiatique, érigé en "plus grand défi géopolitique du XXIe siècle" par son secrétaire d'Etat Antony Blinken.

Mais son message -- "America is back", "de retour" auprès de ses alliés -- se voulait en rupture avec l'unilatéralisme et le souverainisme du milliardaire républicain.

Ses premiers mois ont semblé donner des gages dans ce sens, avec la multiplication des égards à l'endroit de l'Union européenne et de l'Otan, et la volonté affichée de bâtir un front commun transatlantique anti-Chine.

Le retrait d'Afghanistan a toutefois montré les limites de la démarche.

Malgré la tenue de consultations sur cette décision sensible, plusieurs alliés européens, Allemands et Britanniques en tête, n'ont pas caché leur mécontentement face à la politique américaine du fait accompli.

"Le monde change. Nous sommes engagés dans une compétition cruciale avec la Chine", a répondu le président Biden au lendemain du départ du dernier soldat américain d'Afghanistan, expliquant que la plus longue guerre de l'histoire des Etats-Unis était, justement, devenue une distraction que Washington ne pouvait plus se permettre.

Depuis son arrivée à la Maison Blanche il y a huit mois, le démocrate a clairement montré qu'il s'agissait là d'un objectif qui écrasait tous les autres.

En politique intérieure aussi, ses mégaplans d'investissements économiques sont justifiés par la nécessité de tenir la dragée haute à la puissance rivale.

Et lorsque des imprévus ont surgi dans le déploiement de sa stratégie internationale, comme la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza au printemps, ou l'effondrement soudain de l'armée afghane cet été, le 46e président des Etats-Unis a un temps semblé déstabilisé -- comme agacé par tout ce qui pouvait le dévier de son chemin.

Vue de Washington, l'alliance indo-pacifique n'est pas forcément en contradiction avec le multilatéralisme vanté par Joe Biden.

"Elle met l'accent sur l'importance donnée aux alliances et aux partenariats", estime Walter Lohman, directeur des études asiatiques à la fondation conservatrice Heritage.

Selon lui, faire face au "défi chinois" nécessite "toutes les bonnes volontés".

A cet égard, doter l'Australie de sous-marins à propulsion nucléaire, moins facilement détectables par Pékin, est une avancée "très importante" qui méritait à ses yeux ce petit coup de canif à la relation franco-américaine.

"Au bout du compte, les Français sont de grands garçons", "ils comprennent comment marchent les ventes d'armes mieux que quiconque", dit-il à l'AFP, "ils vont s'en remettre".

"Mais il sera important de garder un rôle pour la France à l'avenir dans la réflexion stratégique des Etats-Unis dans la région, peut-être en parallèle", explique-t-il.

Les pays occidentaux doivent probablement s'habituer à ces relations en dents de scie.

L'administration Biden va en effet privilégier "des alliances à géométrie variable en fonction de leurs intérêts", prévient Benjamin Haddad, qui redoute toutefois que l'Europe passe "de plus en plus au second plan".

Malgré ses origines irlandaises, et le prisme pro-européen et atlantiste qui l'a longtemps caractérisé, le président américain semble ainsi confirmer plus que jamais le "pivot" vers l'Asie initié il y a une dizaine d'années par Barack Obama -- dont il était à l'époque vice-président.

 


Gaza: les Etats-Unis font pression pour l'adoption de leur résolution à l'ONU lundi

Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
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  • Les États-Unis poussent pour l’adoption par le Conseil de sécurité de leur résolution soutenant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza
  • Malgré des réticences de certains membres et un texte concurrent présenté par la Russie, Washington met en avant un large soutien arabe et occidental et avertit qu’un rejet ouvrirait la voie à la poursuite du conflit

NATIONS UNIES: Les Etats-Unis ont mis la pression vendredi pour convaincre de la nécessité d'adopter leur projet de résolution endossant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza, qui sera mis au vote du Conseil de sécurité de l'ONU lundi.

La semaine dernière, les Américains ont officiellement entamé des négociations au sein du Conseil sur un projet de texte qui "endosse" le plan du président américain ayant permis la mise en place, le 10 octobre, d'un cessez-le-feu fragile dans le territoire palestinien ravagé par deux années de guerre provoquée par une attaque sanglante du mouvement islamiste Hamas. Le texte autorise notamment le déploiement d'une "force de stabilisation internationale" (ISF).

Face aux réserves de certains membres et à la proposition d'un texte concurrent de la Russie, ils ont mis en garde vendredi contre les risques d'un rejet de leur texte et affiché le soutien de plusieurs pays arabes et musulmans.

"Les Etats-Unis, le Qatar, l'Egypte, les Emirats arabes unis, le royaume d'Arabie saoudite, l'Indonésie, le Pakistan, la Jordanie et la Turquie expriment leur soutien conjoint" au projet de résolution américaine autorisant notamment une force internationale dans le territoire palestinien, et espèrent son adoption "rapide", disent-ils dans une déclaration commune.

Ce plan offre "un chemin viable vers la paix et la stabilité, non seulement pour les Israéliens et les Palestiniens, mais pour toute la région", ont-ils insisté.

Le Royaume-Uni a également apporté vendredi son soutien public au texte américain.

Et le Conseil se prononcera lundi à 17H00 (22H00 GMT) sur le texte, ont indiqué vendredi soir plusieurs sources diplomatiques à l'AFP.

Le projet de résolution américain, plusieurs fois modifié, prévoit de donner un mandat jusqu'à fin décembre 2027 à un "comité de la paix" censé être présidé par Donald Trump, organe de "gouvernance de transition" pour administrer Gaza.

Il "autorise" également le déploiement de l'ISF qui pourra utiliser "toutes les mesures nécessaires pour mener son mandat dans le respect du droit international": appui à la sécurisation des frontières en coopération notamment avec Israël et l'Egypte, démilitarisation de Gaza, désarmement "des groupes armés non étatiques", protection des civils, formation d'une police palestinienne...

- Conflit perpétuel" -

La décision de programmer le vote intervient alors que la Russie a fait circuler aux membres du Conseil un projet de résolution concurrente qui n'autorise ni la création d'un "comité de la paix", ni le déploiement immédiat d'une force internationale à Gaza, selon le texte vu vendredi par l'AFP.

Ce texte demande simplement au secrétaire général de l'ONU "d'identifier des options pour appliquer les dispositions" du plan de paix et présenter "rapidement" des "options de déploiement d'une force" à Gaza.

"Nous voulons souligner que notre document ne contredit pas l'initiative américaine", a assuré vendredi dans un communiqué la mission russe à l'ONU.

La "logique" du texte russe est de permettre au Conseil "de définir des modalités claires de déploiement d'un contingent de maintien de la paix et d'établir une administration à Gaza tout en s'assurant que ces modalités sont en accord" avec les normes internationales, a-t-elle ajouté.

Alors que des échanges publics de ce type lors de négociations du Conseil sont plutôt rares, l'ambassadeur américain à l'ONU Mike Waltz a également publié un texte vendredi dans le Washington Post.

"Tout refus de soutenir cette résolution (le texte américain, ndlr) est un vote en faveur de la poursuite du règne des terroristes du Hamas ou en faveur de la reprise de la guerre avec Israël, condamnant la région et sa population à un conflit perpétuel", a-t-il déclaré.

La guerre a été déclenchée par l'attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas en Israël, qui a entraîné côté israélien la mort de 1.221 personnes, en majorité des civils, selon un bilan établi par l'AFP à partir de chiffres officiels.

Plus de 69.185 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza par la campagne militaire israélienne de représailles, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l'autorité du Hamas et dont les chiffres sont jugés fiables par l'ONU.


Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Netanyahu

Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
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  • "Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël
  • "Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu

JERUSALEM: Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence.

M. Herzog a reçu "ce matin" une lettre de Donald Trump, "l'invitant à envisager d'accorder une grâce" à M. Netanyahu, détaille un communiqué du bureau présidentiel, qui précise que "toute personne souhaitant obtenir une grâce présidentielle doit présenter une demande officielle".

M. Netanyahu est poursuivi dans son pays pour corruption et est régulièrement entendu dans le cadre d'au moins trois procédures judiciaires, dans lesquels aucun jugement n'a encore été rendu.

"Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël, "sa contribution considérable au retour des otages, à la refonte de la situation au Moyen-Orient et à Gaza en particulier, et à la garantie de la sécurité de l'Etat d'Israël", précise le communiqué.

Aussitôt plusieurs personnalités politiques israéliennes ont réagi.

"Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu.

Une députée également d'extrême-droite mais dans l'opposition, Yulia Malinovsky, du parti Israel Beitenou ("Israël est notre maison" en hébreu), a de son côté suggéré que le président américain faisait cette demande dans le cadre d'un accord avec M. Netanyahu sur des sujets relatifs au cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Quant au dirigeant de l'opposition, Yaïr Lapid, du parti centriste Yesh Atid ("il y a un futur", en hébreu), il a taclé M. Netanyahu en écrivan sur X: "rappel: la loi israélienne stipule que la première condition pour obtenir une grâce est l'aveu de culpabilité et l'expression de remords pour les actes commis".

Lors d'un discours au Parlement israélien le 13 octobre, M. Trump avait déjà suggéré qu'une grâce lui soit accordée.

"J'ai une idée. Monsieur le président (Isaac Herzog), pourquoi ne pas lui accorder une grâce? Ce passage n'était pas prévu dans le discours (...) Mais j'aime bien ce monsieur", avait dit le président américain dans son allocution, mettant en avant qu'il a été "l'un des plus grands" dirigeants "en temps de guerre".

 


Famine: l'ONU alerte sur «16 zones critiques» où la situation s'aggrave

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.  L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".  Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations. L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante". Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
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  • Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue
  • "Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM

ROME: Des millions de personnes supplémentaires dans le monde pourraient être confrontées à la famine ou au risque de famine, ont averti mercredi les deux organes de l'ONU dédiés à l'alimentation et à l'agriculture, dans un contexte tendu par la limitation des financements.

Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue.

"Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM, tous deux basés à Rome, dans un communiqué commun.

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.

L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".

Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh.

"Nous sommes au bord d'une catastrophe alimentaire totalement évitable qui menace de provoquer une famine généralisée dans de nombreux pays", a mis en garde Cindy McCain, directrice générale du PAM, citée dans le communiqué, ajoutant que "ne pas agir maintenant ne fera qu'aggraver l'instabilité".

Le financement de l'aide humanitaire est "dangereusement insuffisant", alerte également le rapport, précisant que sur les 29 milliards de dollars nécessaires pour venir en aide aux populations vulnérables, seuls 10,5 milliards ont été reçus, précipitant notamment l'aide alimentaire aux réfugiés "au bord de la rupture".

Le PAM indique avoir réduit son assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées en raison des coupes budgétaires et suspendu les programmes d'alimentation scolaire dans certains pays.

La FAO prévient de son côté que les efforts pour protéger les moyens de subsistance agricoles sont menacés et alerte sur la nécessité d'un financement urgent pour les semences et les services de santé animale.

"La prévention de la famine n’est pas seulement un devoir moral – c’est un investissement judicieux pour la paix et la stabilité à long terme", a rappelé le directeur général de la FAO, Qu Dongyu.