Comment les élections de 2020 pourraient affecter le rôle des Etats-Unis dans le monde

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Publié le Dimanche 13 septembre 2020

Comment les élections de 2020 pourraient affecter le rôle des Etats-Unis dans le monde

Comment les élections de 2020 pourraient affecter le rôle des Etats-Unis dans le monde
  • La manière dont les Etats-Unis mènent ce combat électoral peut fournir des indications sur l’avenir de l’ordre international au cours des quatre prochaines années
  • Quel que soit le gagnant, le Royaume-Uni accueillera volontiers des États-Unis qui auront foi dans la cohérence, l’engagement et qui seront attachés à leurs alliés

Si cet article était un dessin animé, les îles britanniques seraient incarnées par le personnage mythique de Britannia. A travers ses doigts, elle regarderait avec angoisse la carte des Etats-Unis sur sa gauche. Des Etats-Unis fissurés et divisés, en forme de visage gonflé par la colère.

Le Royaume-Uni suit attentivement les élections américaines. Le résultat ne nous concerne pas ; tout État libre et démocratique a le droit de choisir son gouvernement. Le Royaume-Uni respectera cette décision. Dans le pays, c’est l’appréhension qui domine, mais même si le gagnant est important, cela ne fait pas tout. Nous sommes habitués à des élections serrées, à une concurrence acharnée et son lot de divisions. Visiteur régulier au Capitole, j’ai pu voir les divisions entre Démocrates et les Républicains s’accentuer au fil de mon parcours politique. Les « shutdowns » n'ont pas commencé avec le président Donald Trump. La tradition politique qui veut que les élections dans le monde libre se gagnent « au centre » décline de plus en plus en plus, et les Etats-Unis en sont la parfaite illustration.

Il semble aujourd’hui que pour renouveler une précédente victoire, vous deviez satisfaire votre base électorale, sans perdre de temps à essayer d’attirer de nouveaux électeurs. Cette conception suggère que certains électeurs ne comptent pas pour vous et que leurs opinions sont sans valeur. Leurs votes sont donc sans importance et, s’ils ne votent pas, qui s'en soucie ? En revanche, le processus qui vise à « conquérir » le plus d’électeurs possible fait que tous les électeurs comptent et qu’il faut s’adresser à un plus large spectre de gens – même s’ils ne sont pas d’accord – ce qui contribue à envoyer un message plus modéré.

Cet état d’esprit traverse les frontières. Il se répand dans d’autres domaines, notamment au niveau international. Si vous êtes partie intégrante de la communauté internationale, à travers des institutions comme l’OTAN, l’OMS ou en lien avec le changement climatique, le premier réflexe va être de menacer de vous retirez si vous n’obtenez pas ce que vous voulez. Dans un second temps, vous collaborez avec les autres pour atteindre un objectif commun.

Si vous êtes engagé au Moyen-Orient,  supposément dans un rôle difficile,  ce qui ne semble plus être le cas de l’Amérique aujourd’hui, votre manière d’aborder les problèmes complexes dans cette région est importante et envoie des signaux. La manière dont les Etats-Unis mènent ce combat électoral peut fournir des indications sur l’avenir de l’ordre international au cours des quatre prochaines années.

« La manière dont les Etats-Unis mènent ce combat électoral peut fournir des indications sur l’avenir de l’ordre international au cours des quatre prochaines années »

 

    Alistair Burt

Le Royaume-Uni a tiré beaucoup d’enseignements de l’expérience de 2016. Il ne répètera pas l'erreur de prendre à la légère la candidature de Trump et de considérer l’élection comme jouée d’avance. Nous n’avions pas apprécié la façon dont Hillary Clinton avait été perçue par beaucoup de gens. D’ailleurs le discours de l’ « outsider » de l’élection nous paraissait tellement ahurissant, qu’il nous paraissait impossible qu’il puisse remporter l’élection. Désormais, nous sommes plus conscients que la question qui se pose est la suivante : si vous avez voté une fois pour Trump, qu’est-ce qui vous empêchera de votre à nouveau pour lui ? Ce que nous pensons au niveau international n'a pas d'importance. Nous sommes bien assez informés pour savoir que la concurrence à l’élection sera serrée.

Les questions non résolues du futur ordre mondial

L'atmosphère dans laquelle se tiennent ces élections n'est malheureusement pas nouvelle. Le thème de la violence et de « l'ordre public » n’est pas nouveau (il suffit de repense à 1968). La férocité des événements qui se sont produits après la mort de George Floyd est pourtant très différente. Elle ne fait qu’illustrer le nouveau pouvoir des médias personnalisés et leurs messages ciblés. Les observateurs américains constatent deux potentielles conséquences plutôt effrayantes qui en découlent. La première est le nombre de milices armées, avec des uniformes non-uniformes, qui veulent se faire juge et partie en fonction de leur agenda.

Ce n’est pas un secret que les États-Unis enregistrent le plus grand nombre d'armes à feu par habitant au monde - ils doivent passer un contrat social consensuel pour s’assurer que rien ne dégénère. En deuxième lieu, le risque qu’un parti ou un autre n’accepte pas le résultat des élections, sous prétexte de fraude et de malversations, et qu’il s’infiltre à travers la problématique des armes et des agendas mettant fin à ce contrat social est réel. Une élection qui prendrait une telle configuration figure en tête de notre liste de préoccupations à l'heure actuelle.

Au-delà de la mécanique du vote lui-même, le Royaume-Uni se demande quelle Amérique va émerger dans un monde plein de problèmes dans lequel son influence est essentielle. Certains problèmes urgents demeurent clairement en suspens, comme le futur de l’accord nucléaire avec l’Iran, le processus de paix au Moyen-Orient et les implications de l'accord Emirats arabes unis-Israël, dans lequel les États-Unis ont joué un rôle crucial. D’autres questions se posent sur le long terme - elles existaient déjà avant l’administration Trump - comme les négociations sur les armes nucléaires, l'implication au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, l’affirmation sur la scène internationale de la Russie et de la Chine, ou encore les questions climatiques et environnementales. Peu importe si elles se retrouvent sur le bureau de Joe Biden ou de Donald Trump.

Quel que soit le gagnant, le Royaume-Uni sera accueillera volontiers des États-Unis qui auront foi dans la cohérence, l’engagement et qui seront attachés à leurs alliés. Cela nous permettra de regarder un ami en face, sans inquiétude ni crainte.

Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels au sein du Foreign and Commonwealth Office - sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013, et ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019.

Twitter : @AlistairBurtUK

NDLR : Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News

Ce texte est une traduction d’un article paru sur www.ArabNews.com