Face à une Europe assoiffée de gaz, Moscou avance ses pions

Des travaux d'installation du gazoduc Nord Stream 2 de nuit en pleine mer Baltique: la particularité de ce nouveau conduit de gaz russe est le fait qu'il alimente directement les terminaux gaziers en Allemagne, et donc le marché européen, en contournant des pays tiers comme l'Ukraine. (Photo, AFP)
Des travaux d'installation du gazoduc Nord Stream 2 de nuit en pleine mer Baltique: la particularité de ce nouveau conduit de gaz russe est le fait qu'il alimente directement les terminaux gaziers en Allemagne, et donc le marché européen, en contournant des pays tiers comme l'Ukraine. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 21 septembre 2021

Face à une Europe assoiffée de gaz, Moscou avance ses pions

  • Les prix grimpent sans relâche, mais la Russie n'ouvre pas le robinet, afin de cimenter sa position de partenaire incontournable
  • Le message est clair: l'augmentation des exportations doit passer par le gazoduc très controversé Nord Stream 2 qui vient d'être achevé

MOSCOU : Les prix du gaz grimpent sans relâche en Europe, mais la Russie - premier fournisseur du vieux continent - n'ouvre pas pour autant le robinet, afin de cimenter sa position de partenaire incontournable.

De semaine en semaine, les records tombent, et avec l'hiver, les consommateurs vont devoir mettre la main au portefeuille.

En cause, un ensemble de facteurs: reprise économique mondiale, marché du gaz naturel liquéfié (GNL) tendu, niveaux des stockages européens bas mais aussi des travaux et un incendie en août sur des infrastructures russes qui ont bridé l'offre.

"Les prix en Europe ont déjà battu tous les records possibles. Et peut-être même que dans un futur proche ces records seront battus à leur tour", se réjouissait vendredi Alexeï Miller, patron de Gazprom.

Mercredi, les prix ont atteint 79,31 euros le mégawattheure, un plus haut historique sur le marché européen de référence (TTF), après avoir gagné près de 30% depuis le début de la semaine.

Cerise sur le gâteau, selon le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, cette envolée européenne, n'aura aucun impact sur les prix à la consommation en Russie.

En somme, Moscou savoure son ascendant. Car la Russie se garde en plus d'utiliser ses capacités de livraisons supplémentaires via l'Ukraine, contribuant ainsi à la hausse des prix.

Le message russe est clair: l'augmentation des exportations vers l'Europe passera par le gazoduc controversé Nord Stream 2 vers l'Allemagne, qui vient d'être achevé après un accord germano-américain pour lui épargner de douloureuses sanctions économiques.

"Il ne fait aucun doute que la mise en service la plus rapide possible de Nord Stream 2 équilibrera considérablement les paramètres de prix du gaz naturel en Europe", a glissé le porte-parole du Kremlin cette semaine.

Son lancement doit cependant encore être acté par le régulateur allemand, alors que nombre d'Européens craignent que Moscou utilise leur dépendance énergétique à des fins politiques.

Selon Dmitri Marintchenko, de l'agence de notation Fitch, la Russie veut "montrer que l'Europe sera confrontée à un marché du gaz plus restreint sans Nord Stream 2". Et donc à des prix plus élevés.

La mise en service du tube ne devrait pas intervenir avant début 2022 et le chemin n'est pas sans embûches.

Le régulateur allemand doit en effet demander son opinion à la Commission européenne, procédure qui peut s'étirer sur quatre mois, et il devra tenir compte de l'avis rendu.

"Nord Stream 2 n'est pas un projet d'intérêt commun pour l'Europe", a commenté auprès de l'AFP un porte-parole de la Commission.

"L'objectif de la Commission est de s'assurer que Nord Stream 2 [...] fonctionne de manière transparente et non discriminatoire" et "conformément au droit international et européen de l'énergie", a-t-il ajouté.

Outre la crainte d'une dépendance énergétique accrue à l'égard du rival russe, plusieurs pays européens soulignent que ce tube constitue une trahison des intérêts d'un allié, l'Ukraine. Son président Volodymyr Zelensky a d'ailleurs qualifié Nord Stream 2 de "dangereuse arme géopolitique du Kremlin".

L'Allemagne assure, elle, avoir négocié les gardes-fous nécessaires, la chancelière Angela Merkel, qui s'apprête à tirer sa révérence, avait d'ailleurs fait fin août de ce message le coeur de ses voyages d'adieu en Russie comme en Ukraine. Sans pour autant convaincre ses adversaires

Certains détracteurs de la Russie en Europe ont aussi adopté un autre angle d'attaque.

Quarante parlementaires européens - notamment d'Europe de l'Est - ont réclamé à la Commission une enquête sur l'explosion des prix du gaz, selon une copie d'une lettre obtenue par l'AFP.

Ils y dénoncent le "refus de Gazprom de répondre aux demandes des consommateurs européens", y voyant une "manipulation délibérée du marché".

Gazprom s'est défendu, assurant remplir l'ensemble de ses obligations et tenter de satisfaires les demandes supplémentaires.

En attendant, la pression monte sur les consommateurs. En France, le gouvernement a déjà promis une aide de 100 euros pour quelque six millions de ménages modestes.

A sept mois de l'élection présidentielle, le sujet y est d'autant plus sensible que la facture énergétique avait été le déclencheur du mouvement des gilets jaunes fin 2018.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.