«Un massacre en silence»: la famine rôde au Tigré

Les personnes qui ont fui la guerre de May Tsemre, Addi Arkay et Zarima se rassemblent dans un camp de déplacés internes (PDI) temporairement construit pour recevoir leurs premiers sacs de blé du Programme alimentaire mondial (PAM) à Debark, à 90 kilomètres de la ville de Gondar, Éthiopie, le 15 septembre 2021 (Photo, AFP)
Les personnes qui ont fui la guerre de May Tsemre, Addi Arkay et Zarima se rassemblent dans un camp de déplacés internes (PDI) temporairement construit pour recevoir leurs premiers sacs de blé du Programme alimentaire mondial (PAM) à Debark, à 90 kilomètres de la ville de Gondar, Éthiopie, le 15 septembre 2021 (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 23 septembre 2021

«Un massacre en silence»: la famine rôde au Tigré

Les personnes qui ont fui la guerre de May Tsemre, Addi Arkay et Zarima se rassemblent dans un camp de déplacés internes (PDI) temporairement construit pour recevoir leurs premiers sacs de blé du Programme alimentaire mondial (PAM) à Debark, à 90 kilomètres de la ville de Gondar, Éthiopie, le 15 septembre 2021 (Photo, AFP)
  • Ces femmes se frayent un chemin entre les combats à la recherche d'aide alimentaire, tout en guettant les signes de malnutrition chez les plus jeunes: apathie, éruptions cutanées, perte d'appétit... 
  • Les combats ont débuté en novembre au Tigré après que le Premier ministre Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, y a envoyé des troupes pour renverser les autorités régionales issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF)

ADDIS ABEBA: Derrière le fracas des combats, la faim avance en silence: dans la région éthiopienne du Tigré ravagée par la guerre depuis plus de dix mois, des mères de famille racontent avoir dû nourrir leurs enfants avec des feuilles d'arbres pour les maintenir en vie. 

Ces femmes se frayent un chemin entre les combats à la recherche d'aide alimentaire, tout en guettant les signes de malnutrition chez les plus jeunes: apathie, éruptions cutanées, perte d'appétit... 

Ces symptômes sont de plus en plus fréquents et laissent présager le pire, selon des documents internes et des photographies d'une agence humanitaire qui détaillent des décès par famine dans deux zones.  

D'autres cas de décès causés par la faim sont suspectés. 

« Avant la guerre, ma fille était en bonne santé physique et mentale (...) Regardez-la maintenant. Ca fait des semaines qu'elle a perdu l'appétit. Elle ne peut pas marcher, elle a perdu son sourire », déclare la mère d'un enfant de 20 mois dans la ville d'Adigrat, selon un témoignage fourni par l'agence. 

Cette dernière a partagé ces documents à condition de rester anonyme, craignant des sanctions du gouvernement éthiopien qui a suspendu les opérations de plusieurs ONG.  

Cela fait près de trois mois que l'ONU a alerté que 400 000 personnes à travers le Tigré ont « franchi le seuil de la famine ». 

Depuis, la situation n'a fait qu'empirer dans cette région du nord de l'Ethiopie, soumise à un « blocus de facto », selon l'ONU, qui empêche la plupart de l'aide humanitaire d'arriver. 

Après des mois de combats et de massacres qui ont fait des milliers de morts, les médecins redoutent une nouvelle vague de décès provoquée par une famine similaire à celle qui a rendu l'Ethiopie tristement célèbre dans les années 1980. 

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Après des mois de combats et de massacres qui ont fait des milliers de morts, les médecins redoutent une nouvelle vague de décès provoquée par une famine similaire à celle qui a rendu l'Ethiopie tristement célèbre dans les années 1980 (Photo, AFP)

« Pire qu'une mort par balle »  

« C'est un massacre en silence », affirme le Dr Hayelom Kebede, directeur de recherche à l'hôpital Ayder à Mekele, dans la capitale du Tigré. 

« Le pire avec la famine, c'est que vous verrez des gens dans les bras de la mort, mais ils ne mourront pas immédiatement. Ça prend du temps, une fois que leur corps a été affaibli, et affaibli, et affaibli. C'est pire qu'une mort par balle. » 

Les combats ont débuté en novembre au Tigré après que le Premier ministre Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, y a envoyé des troupes pour renverser les autorités régionales issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qu'il accuse d'avoir orchestré des attaques contre des camps militaires fédéraux. 

Les combats ont perturbé les récoltes dans cette région déjà en situation d'insécurité alimentaire. Certains combattants ont aggravé encore la situation en bloquant et pillant l'aide alimentaire. 

Le TPLF a repris la majeure partie du Tigré fin juin. 

Les forces gouvernementales se sont alors pour la plupart retirées et le bureau d'Abiy Ahmed a annoncé un cessez-le-feu humanitaire. Mais très peu d'aide est arrivée: selon les Etats-Unis, moins de 10% des fournitures nécessaires ont pu être acheminées le mois dernier.  

Les dirigeants fédéraux accusent le TPLF d'entraver les accès, avec leurs récentes offensives dans les régions voisines de l'Afar et de l'Amhara. 

La semaine dernière, l'ONU a affirmé que des centaines de camions d'aide humanitaire ne sont « pas revenus » du Tigré. 

« Siège »  

« Les Etats-Unis sont consternés par les informations faisant état de gens morts de faim en Ethiopie », a déclaré un porte-parole du département d'Etat cette semaine.  

« Les accès routier et aérien, qui avec l'électricité, les télécommunications, l'activité bancaire et l'approvisionnement en carburant sont essentiels pour permettre l'acheminement de l'aide, sont refusés par le gouvernement éthiopien, ce qui est le signe d'un état de siège ». 

Le président américain Joe Biden a signé vendredi un décret permettant à son administration de prendre des sanctions contre les protagonistes du conflit, s'ils ne s'engagent pas vers une solution négociée. 

À l'hôpital Ayder, la pénurie est partout. 

Au moins 50 enfants sont en soins intensifs pour malnutrition mais les médecins sont impuissants, affirme le Dr Hayelom. 

« Nous avions l'habitude de fournir des nutriments à ces enfants mais nous n'avons plus de médicaments et plus de stock de nourriture. On ne peut pas les aider », explique-t-il.  

Un premier vol humanitaire de l'UE a atterri à Mekele le 11 septembre avec à son bord des aliments thérapeutiques pour les enfants malnutris. Mais une partie de la cargaison, des médicaments, a été retirée par les autorités éthiopiennes avant son décollage d'Addis Abeba, selon un rapport de l'agence humanitaire des Nations Unies (Ocha). 

Des médecins et infirmières ne peuvent même pas utiliser leur salaire en raison de la suspension des opérations bancaires et doivent vivre de « kolo », un plat d'orge grillé, ajoute Hayelom. 

Il a tenté d'alerter le ministère de la Santé. « Ils ont répondu: ‘Oui, nous sommes également inquiets’, mais ils n'ont aucun pouvoir » autre que de soumettre le sujet au Premier ministre, explique-t-il. 

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«Le pire avec la famine, c'est que vous verrez des gens dans les bras de la mort, mais ils ne mourront pas immédiatement. Ça prend du temps, une fois que leur corps a été affaibli, et affaibli, et affaibli. C'est pire qu'une mort par balle» (Photo, AFP)

Horizon « catastrophique » 

Hors de Mekele, des poches de famine sont déjà apparues. 

L'administration intérimaire du Tigré mise en place par Abiy Ahmed avait signalé en avril « environ huit » cas de morts de ce type dans la ville d'Ofla.  

Plus récemment, trois autres décès ont été confirmés à Mehoni, à environ 120 kilomètres au sud de Mekele, et deux à Adwa, à environ 160 kilomètres au nord-ouest, selon les documents de l'agence d'aide.  

Bien que les combats dans la région se sont largement calmés ces derniers mois, certaines parties du Tigré restent inaccessibles, ce qui empêche une vision globale de la situation.  

Les dirigeants du TPLF ont affirmé que 150 personnes sont mortes de faim en août et qu'un million d'autres « risquaient une famine mortelle » - des chiffres impossibles à vérifier. 

L'Unicef a estimé en juillet que plus de 100 000 enfants pourraient souffrir de malnutrition mortelle au cours des 12 prochains mois, soit 10 fois plus que la moyenne annuelle. 

De nombreux Tigréens redoutent une famine comme celle des années 1980, également causée par un conflit interne et qui a fait, selon l'ONU, environ un million de morts. 

 


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
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  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Après la panne géante, les énergies renouvelables sur le banc des accusés en Espagne

Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
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  • Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne.
  • Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez.

MADRID : L'essor des énergies renouvelables a-t-il fragilisé le réseau électrique espagnol ? Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne, malgré les messages rassurants des autorités.

« Le manque de centrales nucléaires et la multiplication par dix des énergies renouvelables ont mis à terre le réseau électrique », assure en une le quotidien conservateur ABC mercredi matin. « Les alertes sur les renouvelables depuis cinq ans » ont été « ignorées », regrette de son côté El Mundo, également classé à droite.

Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui a fait de l'Espagne l'un des champions européens de la transition verte.

Selon le gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, le solaire et l'éolien ont représenté en 2024 près de 40 % du mix électrique espagnol. C'est près de deux fois plus qu'en 2014, et près du double également de la part du nucléaire, tombée l'an dernier à 20 %. 

Cette évolution est défendue par l'exécutif, qui s'est engagé à fermer toutes les centrales nucléaires d'ici dix ans, mais elle est source de tensions dans le pays, plusieurs rapports ayant pointé ces derniers mois de possibles risques en l'absence de mesures fortes pour adapter le réseau.

- Une énergie « sûre » ?

Dans son document financier annuel publié fin février, Redeia, la maison-mère de REE, avait ainsi mis en garde contre « la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations ».

Cela pourrait « provoquer des coupures de production », qui « pourraient devenir sévères, allant jusqu'à entraîner un déséquilibre entre la production et la demande, ce qui affecterait significativement l'approvisionnement en électricité » de l'Espagne, avait-elle écrit. 

Un message relayé par l'organisme espagnol de la concurrence (CNMC) dans un rapport de janvier. « À certains moments, les tensions du réseau de transport d'électricité ont atteint des valeurs maximales proches des seuils autorisés, dépassant même ces seuils à certains moments », avait écrit l'organisme.

Après la coupure de lundi, certains experts du secteur se sont interrogés sur un éventuel déséquilibre entre production et demande (difficile à corriger dans un réseau où l'éolien et le solaire ont une place prépondérante) qui aurait pu contribuer à l'effondrement du système électrique espagnol.

Dans un entretien accordé mercredi matin à la radio Cadena Ser, Beatriz Corredor, la présidente de Redeia et REE (l'ex-députée socialiste) a cependant assuré que la production d'énergies renouvelables était « sûre ».

« Relier l'incident si grave de lundi à une pénétration des énergies renouvelables n'est pas vrai, ce n'est pas correct », a-t-elle insisté, en assurant que le rapport de février ne faisait que dresser la liste de risques potentiels, comme l'y oblige la législation. 

- « Ignorance » -

Mardi déjà, Pedro Sánchez avait lui aussi défendu le modèle énergétique mis en œuvre par son gouvernement, rappelant que la cause précise de la panne qui a provoqué le chaos au Portugal et en Espagne durant de longues heures lundi n'était toujours pas connue à ce stade.

« Ceux qui lient cet incident au manque de nucléaire mentent franchement ou démontrent leur ignorance », a assuré le dirigeant socialiste.

« Les centrales nucléaires, loin d'être une solution, ont été un problème » durant la panne, car « il a été nécessaire de rediriger vers elles de grandes quantités d'énergie pour maintenir leurs réacteurs stables », a insisté le chef du gouvernement. 

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la panne depuis deux jours, dont celle d'une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un « sabotage informatique » susceptible d'être qualifié de « délit terroriste ».

REE estime cependant que cette hypothèse est peu crédible. « Au vu des analyses que nous avons pu réaliser avec l'aide notamment du Centre national du renseignement espagnol (CNI), nous pouvons écarter un incident de cybersécurité », a ainsi assuré le gestionnaire.

D'après REE, l'équivalent de 60 % de la consommation électrique de l'Espagne, soit 15 gigawatts, a disparu en l'espace de cinq secondes seulement lors de la panne survenue lundi à 12 h 33 (11 h 33 GMT), un phénomène qualifié d'« inédit » et « totalement extraordinaire ».


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.