Elyaas Ehsas, journaliste afghan menacé par les talibans... et en France

Le journaliste afghan Elyaas Ehsas (Photo, AFP).
Le journaliste afghan Elyaas Ehsas (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Mercredi 29 septembre 2021

Elyaas Ehsas, journaliste afghan menacé par les talibans... et en France

  • «Ça n'a pas de sens, mais au moins la France a sauvé ma famille», philosophe le jeune homme de 28 ans
  • «J'avais peur d'être expulsé donc j'ai fui pour vivre dans l'illégalité. Parfois, tu dois enfreindre la loi pour sauver ta vie», confie-t-il dans son squat de Seine-Saint-Denis

PARIS: Les menaces qui pèsent sur Elyaas Ehsas ont poussé la France à exfiltrer sa famille de Kaboul. Mais le journaliste afghan vit, lui, toujours clandestinement dans un squat de banlieue parisienne, pour échapper à une expulsion. Un imbroglio "kafkaïen".

Ces dernières semaines, l'ancien reporter de guerre pour la chaîne de télévision Rah-e-Farda est passé par tous les états: des pensées suicidaires, lorsque l'horizon lui semblait obstrué après six années d'exil, jusqu'au "plus beau jour" de sa vie, quand sa famille a embarqué sur un vol militaire français, fin août.

Voilà le paradoxe dans lequel il navigue: sa mère, sa sœur et ses deux frères ont été évacués car membres de la famille d'un journaliste menacé par les talibans et devraient obtenir rapidement le statut de réfugiés; mais lui vit dans l'illégalité.

"Ça n'a pas de sens, mais au moins la France a sauvé ma famille", philosophe le jeune homme de 28 ans, visage rond souligné par des yeux légèrement bridés typiques de la minorité hazara, persécutée en Afghanistan.

A 22 ans, après trois années à couvrir le conflit qui déchire son pays, Elyaas Ehsas quitte l'Afghanistan en 2015, menacé notamment pour avoir qualifié les talibans de "terroristes".

Pakistan, Iran, Turquie, Grèce... Son exil le mène en Suède, où ses demandes d'asile sont rejetées.

En septembre 2020, il se tourne vers la France, persuadé que ce pays d'où Reporters sans frontières (RSF) le soutient depuis des années lui offrira un nouveau départ. Nouvelle désillusion.

«Miracle»

Ses rêves se fracassent sur le règlement administratif européen qui confie la prise en charge des demandeurs d'asile au premier pays où ils s'enregistrent. La France ne le protègera pas.

"Depuis mon arrivée, ça n'a été que souffrance: j'ai essayé d'échapper à la police, j'ai eu du mal à trouver à manger, des douches, un abri", énumère-t-il.

Après des mois à la rue, sous une tente au pied du Stade de France fin 2020, il connaît le "harcèlement" policier en lisière de Paris, les gardes à vue "sans raison" puis le placement à Rennes (ouest), où il doit pointer deux fois par semaine dans un centre de rétention.

Les pétitions contre son expulsion - une a rassemblé plus de 30.000 signataires - n'y changent rien.

"J'avais peur d'être expulsé donc j'ai fui pour vivre dans l'illégalité. Parfois, tu dois enfreindre la loi pour sauver ta vie", confie-t-il dans son squat de Seine-Saint-Denis, en banlieue parisienne.

C'est là, à la croisée de ses premières tentatives de suicide et des nuits sous comprimés contre le stress post-traumatique, que le "miracle" se produit: sa famille débarque dans le Puy-de-Dôme, dans le centre de la France.

"C'est kafkaïen", juge Pauline Adès-Mevel, porte-parole de RSF, qui a mené une enquête confirmant son statut de "cible" des talibans.

"Il faut qu'il obtienne un statut pour rester en France", estime l'ONG qui l'a soutenu au tribunal administratif de Paris en décembre 2020, sans succès, avant de saisir également le ministère des Affaires étrangères.

Espoir et crainte

Un cas "surréaliste", abonde Sara Santos, l'assistante sociale chargée de l'accompagnement de la famille d'Elyaas. Il "est la personne concernée par les menaces et c'est lui qui est dans la situation précaire".

Sa qualité de journaliste, "c'est le motif de demande d'asile qu'on a mis en avant" pour la famille, explique-t-elle.

Indigné par son sort, le centre de l'association Emmaüs où réside sa famille a offert au jeune homme d'y rester "autant qu'il le souhaite".

Ce vendredi de septembre, Nooria, 43 ans, n'en revient toujours pas de revoir son fils, qui lui rend visite pour la deuxième fois en prenant soin d'éviter les trains pour échapper aux contrôles d'identité.

"Je me suis tellement inquiétée pour Elyaas (...). Aujourd'hui nous sommes là grâce à lui, mais il faut que sa situation s'arrange, c'est mon seul souhait, sinon ça ne sert à rien", lâche-t-elle dans le studio où elle vit avec sa fille de 21 ans, ex-joueuse de l'équipe nationale afghane de basket, et ses fils de 23 et 11 ans.

Elyaas concède que, des années durant, il a caché son quotidien, taisant la faim, le froid, la violence: "je ne voulais pas les inquiéter".

Désormais, il dit avoir retrouvé "l'espoir" et même l'envie de reprendre son métier, si une "décision politique" régularise sa situation.

Nooria ne veut pas imaginer un autre scénario. "Je ne peux pas perdre mon fils une seconde fois".


Russie: un deuxième journaliste arrêté pour des vidéos pour l'équipe de Navalny

Sergueï Kareline est le deuxième journaliste a être arrêté pour ces accusations, après Konstantin Gabov, également placé en détention samedi (Photo, Fournie).
Sergueï Kareline est le deuxième journaliste a être arrêté pour ces accusations, après Konstantin Gabov, également placé en détention samedi (Photo, Fournie).
Short Url
  • La plupart des associés de l'opposant défunt sont en exil à l'étranger, d'autres ont écopé de lourdes peines de prison
  • Sergueï Kareline et Konstantin Gabov sont accusés d'avoir participé à la préparation de vidéos pour la chaîne YouTube NavalnyLIVE

MOSCOU: Un journaliste russe a été placé en détention en Russie pour "extrémisme", accusé d'avoir participé à la création de vidéos pour l'équipe de l'opposant défunt Alexeï Navalny, a rapporté l'agence de presse américaine Associated Press, avec laquelle il a notamment collaboré.

Sergueï Kareline est le deuxième journaliste a être arrêté pour ces accusations, après Konstantin Gabov, également placé en détention samedi et qui collaborait occasionnellement avec l'agence de presse canadienne Reuters.

Associated Press s'est dite dans un commentaire à l'AFP dimanche "très préoccupée par la détention du vidéo-journaliste russe Sergueï Kareline" et indique "rechercher des informations supplémentaires" sur cette affaire.

Complices

Sergueï Kareline et Konstantin Gabov sont accusés d'avoir participé à la préparation de vidéos pour la chaîne YouTube NavalnyLIVE de l'équipe de l'opposant russe Alexeï Navalny, mort en prison en février dans des circonstances troubles.

Son mouvement a été classé comme "extrémiste" par la justice, ce qui fait courir le risque de poursuites à ses collaborateurs et partisans.

La plupart des associés de l'opposant défunt sont en exil à l'étranger, d'autres ont écopé de lourdes peines de prison.

Les autorités russes ont renforcé ces derniers mois leur pression sur les médias indépendants et étrangers en Russie, dans un contexte de répression tous azimuts des voix dissidentes depuis le début de l'offensive en Ukraine.

Fin mars, une photojournaliste, Antonina Kravtsova, qui travaillait sous le nom d'Antonina Favorskaïa, avait été également placée en détention pour des accusations d'"extrémisme".

Elle couvrait très régulièrement les procès d'Alexeï Navalny pour SOTAvision, l'un des derniers médias documentant depuis la Russie les répressions politiques, classé "agent de l'étranger" par les autorités russes.

Un journaliste russe de l'édition russe du média Forbes, Sergueï Mingazov, a, lui, été arrêté le 26 avril, accusé d'avoir diffusé de "fausses informations" sur les exactions imputées à l'armée russe en Ukraine.

Plusieurs autres journalistes se trouvent en détention en Russie dont l'Américain Evan Gershkovich, visé par des accusation d'"espionnage" qu'il rejette tout comme son média, ses proches et les autorités américaines.

Une journaliste russo-américaine, Alsu Kurmasheva, travaillant pour Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), est aussi en détention depuis octobre 2023 pour ne pas s'être enregistrée en tant qu'"agent de l'étranger" comme l'exigent les autorités.


Washington annonce 6 milliards de dollars d'aide militaire à l'Ukraine

Le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin (au centre) et le chef d'état-major interarmées, le général C. Q. Brown, Jr. (à droite), répondent aux questions lors d'un point de presse au Pentagone le 26 avril 2024 à Arlington, en Virginie (Photo, AFP).
Le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin (au centre) et le chef d'état-major interarmées, le général C. Q. Brown, Jr. (à droite), répondent aux questions lors d'un point de presse au Pentagone le 26 avril 2024 à Arlington, en Virginie (Photo, AFP).
Short Url
  • Ce programme d'aide comprend de la défense aérienne, des systèmes anti-drones, des munitions d'artillerie
  • Il s'agit du second volet d'aide annoncé cette semaine, après celui d'un milliard de dollars dévoilé mercredi

WASHINGTON: Le ministre américain de la Défense Lloyd Austin a annoncé vendredi un nouveau volet de 6 milliards de dollars d'aide à l'Ukraine, au moment où Washington tente de rattraper le retard dans ses livraisons à Kiev après des mois d'impasse au Congrès.

"Il s'agit de la plus grande enveloppe d'aide militaire que nous ayons annoncée jusqu'ici", a souligné le responsable américain, lors d'une conférence de presse.

Ce programme d'aide comprend de la défense aérienne, des systèmes anti-drones, des munitions d'artillerie.

Il permettra à Kiev de "stabiliser la ligne de front", a salué le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Il s'agit du second volet d'aide annoncé cette semaine, après celui d'un milliard de dollars dévoilé mercredi.

Les deux montants s'inscrivent dans le budget de 61 milliards de dollars d'assistance à Kiev voté cette semaine au Congrès et promulgué dans la foulée par Joe Biden, l'Ukraine rencontrant actuellement des difficultés dans sa guerre contre la Russie.

Si l'aide d'un milliard de dollars dévoilée mercredi proviendra des stocks de l'armée américaine, celle annoncée vendredi proviendra de contrats avec l'industrie de défense ou de partenaires. Ce qui signifie qu'elle nécessitera davantage de temps pour parvenir jusque sur le champ de bataille.

Après avoir promulgué mercredi la loi prévoyant ces 61 milliards de dollars d'aide militaire et économique à l'Ukraine, Joe Biden avait promis un envoi rapide et massif d'armement.

Vote au Congrès 

Les Etats-Unis sont le principal soutien militaire de Kiev, mais le Congrès n'avait pas adopté de grande enveloppe pour son allié depuis près d'un an et demi -- principalement en raison de querelles partisanes.

Avant cette semaine, Washington n'avait annoncé d'aide à l'Ukraine qu'à une seule occasion cette année: une aide de 300 millions de dollars en mars rendue uniquement possible en raison d'économies réalisées par le Pentagone sur d'autres achats.

L'adoption de ce plan d'aide est un soulagement pour l'armée ukrainienne, confrontée à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions, face aux pressions constantes des troupes russes à l'est. Les autorités prédisent une dégradation sur le front potentiellement dès la mi-mai.

Et si le retour de l'aide américaine va permettre à l'armée ukrainienne de reprendre l'initiative face à la Russie, la préparation d'une contre-offensive sera bien plus longue, a estimé jeudi une responsable militaire américaine.

"Les Ukrainiens ont rationné leurs munitions depuis un moment (...), donc les Russes ont, pour résumer, repris l'initiative", a déclaré à la presse cette responsable sous couvert de l'anonymat.

L'aide militaire des alliés "va permettre aux Ukrainiens de commencer à reprendre l'initiative", mais "ce ne sera pas un processus rapide", a-t-elle ajouté.

La réception et la mise en place opérationnelle des nouvelles livraisons va prendre du temps, rien que "pour défendre leurs positions", a-t-elle prévenu, disant ne s'attendre à "aucune offensive de grande ampleur dans un premier temps".


Biden se moque de Trump lors du dîner annuel des correspondants de la Maison Blanche

Le président américain Joe Biden rit pendant que l'humoriste américain Colin Jost (à l’écran) prend la parole lors du dîner de l'Association des correspondants de la Maison Blanche (WHCA) au Washington Hilton, à Washington, DC, le 27 avril 2024. (Photo par Brendan Smialowski AFP)
Le président américain Joe Biden rit pendant que l'humoriste américain Colin Jost (à l’écran) prend la parole lors du dîner de l'Association des correspondants de la Maison Blanche (WHCA) au Washington Hilton, à Washington, DC, le 27 avril 2024. (Photo par Brendan Smialowski AFP)
Short Url
  • «L'élection de 2024 bat son plein et oui l'âge est un sujet», a déclaré M. Biden avant de lancer: «Je suis un adulte qui se présente contre un enfant de six ans»
  • Depuis des mois maintenant, à chaque fois que le président américain se déplace, des manifestants se rassemblent pour protester contre le soutien à Israël de celui qu'ils appellent «Joe le génocidaire»

WASHINGTON, États-Unis : Le président Joe Biden a fait preuve d'autodérision samedi tout en égratignant son concurrent à la présidentielle américaine Donald Trump, un «enfant de six ans», lors du dîner annuel des correspondants de la Maison Blanche, événement qui a suscité une manifestation contre la guerre à Gaza à ses abords.

De nombreux invités de marque, journalistes ou célébrités, sont arrivés à l'hôtel Hilton de la capitale fédérale au moment où une centaine de manifestants étaient rassemblés près de l'entrée. Certains protestataires ont alors entonné des slogans tels que «Honte à vous».

A l'intérieur du bâtiment, la guerre entre le Hamas et Israël n'a toutefois pas occupé le devant de la scène, au contraire des moqueries sur l'âge de Joe Biden ou ses chutes occasionnelles dans les escaliers de l'avion présidentiel.

La présence du dirigeant américain à ce gala annuel s'inscrit dans la longue tradition de l'événement, interrompue pendant le mandat de son prédécesseur Donald Trump, qui veut que le président écoute, avec le sourire, un humoriste l'éreinter en règle devant une assemblée en smoking et robes longues, puis prononce un discours émaillé de blagues plus ou moins réussies.

A la manœuvre cette année pour rire du président américain se trouvait le comédien Colin Jost, auteur et acteur pour l'émission phare de la télévision américaine «Saturday Night Live», diffusée sur NBC. Son épouse, l'actrice Scarlett Johansson, était également présente samedi au dîner.

«Je voudrais signaler qu'il est 22H00 passées, Joe l'endormi est toujours debout, pendant que Donald Trump a passé la semaine à s'endormir au tribunal chaque matin», a asséné l'humoriste, dans une allusion au procès à New York de l'ancien président pour une affaire de paiements dissimulés à une ancienne actrice de films X.

Entre autodérision et taquineries à l'encontre des médias, M. Biden, 81 ans, a pris la parole pour railler son rival républicain, 77 ans, expliquant que «l'âge est la seule chose que nous avons en commun».

Colin Jost et Joe Biden ont toutefois adopté un ton plus grave en abordant la question du climat politique aux Etats-Unis. La rhétorique de Donald Trump constitue un danger selon le président américain, en particulier après l'assaut du Capitole en 2021, et «les enjeux ne pourraient être plus élevés», d'après lui.

- Manifestation pro-palestinienne  -

«L'élection de 2024 bat son plein et oui l'âge est un sujet», a déclaré M. Biden avant de lancer: «Je suis un adulte qui se présente contre un enfant de six ans».

Loin des rires de l'assistance parcourant la salle, une manifestation s'est déroulée devant l'hôtel, d'où, depuis une fenêtre du dernier étage, des protestataires ont suspendu un drapeau palestinien de plusieurs mètres de long. D'autres étaient rassemblés en contrebas, au niveau de la chaussée, tenant des pancartes ou des mégaphones.

Le dîner de gala s'est tenu alors que le mouvement de protestation contre la guerre à Gaza se généralise dans les campus américains, avec des arrestations par centaines et le déploiement de policiers anti-émeute.

Un des groupes qui ont organisé la manifestation devant l'hôtel Hilton, Code Pink, a dit vouloir «arrêter» le dîner pour protester contre «la complicité du gouvernement Biden dans le ciblage et le meurtre de journalistes palestiniens par l'armée israélienne», précisant que cette action serait «non violente».

Depuis des mois maintenant, à chaque fois que le président américain se déplace, des manifestants se rassemblent pour protester contre le soutien à Israël de celui qu'ils appellent «Joe le génocidaire», et pour réclamer un arrêt des hostilités à Gaza.

Plusieurs journalistes palestiniens avaient appelé dans une lettre ouverte leurs confrères américains à boycotter cet événement très couru, point d'orgue de tout un week-end de réceptions mondaines.

«Vous avez une responsabilité particulière de dire leur vérité aux puissants et de soutenir l'intégrité journalistique. Il est inacceptable de rester silencieux, par peur ou pour des raisons de carrière, lorsque des journalistes à Gaza continuent d'être détenus, torturés, et tués parce qu'ils font leur métier», ont écrit une vingtaine de journalistes palestiniens.

Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), une association établie à New York, au moins 97 journalistes ont été tués depuis le début de la guerre le 7 octobre entre Israël et le Hamas, dont 92 Palestiniens. Au moins 16 autres ont été blessés.

Le dîner était organisé par l'association des correspondants à la Maison Blanche. Cet événement annuel donne aussi lieu à une remise de prix et à une distribution de bourses à des étudiants en journalisme.

L'an dernier, 2.600 invités avaient assisté à l'événement.