Torture et secrets d'Etat débattus à la Cour suprême des Etats-Unis

En 2006, Abou Zoubeida a été transféré à Guantanamo. La CIA a reconnu depuis qu'il n'appartenait pas à Al-Qaïda et qu'il n'avait joué aucun rôle dans la préparation des attaques contre les tours jumelles ou le Pentagone. (Photo, AFP)
En 2006, Abou Zoubeida a été transféré à Guantanamo. La CIA a reconnu depuis qu'il n'appartenait pas à Al-Qaïda et qu'il n'avait joué aucun rôle dans la préparation des attaques contre les tours jumelles ou le Pentagone. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 07 octobre 2021

Torture et secrets d'Etat débattus à la Cour suprême des Etats-Unis

  • Le dossier émane d'Abou Zoubeida, un Palestinien apatride de 50 ans, qui a été arrêté en 2002 au Pakistan dans le cadre de la traque d'Al-Qaïda et remis à l'agence américaine du renseignement
  • Plusieurs magistrats ont fait une suggestion qui a rappelé l'enjeu central du dossier: pourquoi le détenu ne témoignerait-il pas lui-même des tortures qu'il a subies?

WASHINGTON : Une audience consacrée aux tortures infligées dans les prisons secrètes de la CIA après les attentats du 11-Septembre a suscité mercredi la perplexité des juges de la Cour suprême des Etats-Unis, reflétant l'embarras que suscite toujours cet épisode sombre de la "guerre contre le terrorisme".

Les neuf sages ont discuté d'une demande du gouvernement qui, au nom du secret d'Etat, veut empêcher les architectes du programme dit "d'interrogatoire poussé" de témoigner dans le cadre d'une procédure judiciaire intentée en Pologne.

N'est-ce pas "un peu grotesque" de parler de secrets d'Etat, quand "tout le monde les connaît ?", a interrogé lors de l'audience la juge progressiste Elena Kagan, en écho à plusieurs de ses confrères.

Le dossier émane d'Abou Zoubeida, un Palestinien apatride de 50 ans, qui a été arrêté en 2002 au Pakistan dans le cadre de la traque d'Al-Qaïda et remis à l'agence américaine du renseignement. 

Considéré à l'époque comme l'un des principaux membres de l'organisation djihadiste, il a été détenu dans plusieurs prisons secrètes ouvertes par la CIA à l'étranger et soumis à des interrogatoires violents.

Selon un rapport du Sénat américain, il y a notamment subi 83 séances de "waterboarding", ces noyades simulées aujourd'hui interdites par les Etats-Unis, et a passé onze jours dans des boîtes, dont l'une de la taille d'un cercueil. 

En 2006, il a été transféré à Guantanamo. La CIA a reconnu depuis qu'il n'appartenait pas à Al-Qaïda et qu'il n'avait joué aucun rôle dans la préparation des attaques contre les tours jumelles ou le Pentagone.

Les autorités, qui ne l'ont jamais inculpé, estiment toutefois qu'il représente toujours "une menace pour la sécurité des Etats-Unis" et refusent de le libérer. 

«Confiance»

Faute de voir son dossier avancer aux Etats-Unis, il a déposé une plainte en 2010 contre la Pologne qu'il accuse d'avoir abrité un des "sites noirs" de la CIA où il a été torturé. 

Celle-ci n'a rien donné jusqu'en 2015, quand la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné Varsovie pour sa participation au programme de prisons secrètes de la CIA.

Un procureur polonais a alors rouvert le dossier d'Abou Zoubeida, lui demandant de prouver ses allégations.

Pour ce faire, le détenu a adressé des injonctions à deux anciens contractuels de la CIA, James Mitchell et Bruce Jessen. Ces deux psychologues ont mis au point les techniques d'interrogatoire "poussées" de l'agence et Abou Zoubeida a été leur premier cobaye, selon le rapport du Sénat. 

L'Etat américain est intervenu dans la procédure pour empêcher les deux hommes de témoigner parce qu'il ne veut pas confirmer que la Pologne a abrité certains des "sites noirs" de la CIA. 

Son avocat, Brian Fletcher, a expliqué lors de l'audience qu'il s'agissait d'une question de "confiance" entre alliés. 

«Du mal à saisir»

Plusieurs juges ont noté qu'il s'agissait d'accusations graves. "On parle de torture", ont notamment souligné les juges conservateurs Neil Gorsuch et Amy Coney Barrett. Les tribunaux n'ont-ils aucun rôle en cas d'abus commis à l'étranger, s'est étranglé le juge progressiste Stephen Breyer.

Mais les magistrats ont semblé tout aussi déconcertés par la démarche de M. Zoubeida. Puisque les faits sont connus "pourquoi avez-vous besoin de ces dépositions?" a demandé la juge Barrett à son avocat. 

C'est alors que plusieurs magistrats ont fait une suggestion qui a rappelé l'enjeu central du dossier: pourquoi le détenu ne témoignerait-il pas lui-même des tortures qu'il a subies?

"Est-ce que le gouvernement serait prêt à l'autoriser?", a notamment demandé le juge Gorsuch, en soulignant que cela permettrait de satisfaire tous les intérêts.

Me Fletcher a refusé de s'engager sans consulter le ministère de la Défense, mais il paraît peu probable que ce dernier donne son accord.

D'ailleurs, "je ne comprends pas pourquoi (Abou Zoubeida) est toujours à Guantanamo", a ajouté le juge progressiste Stephen Breyer.

"Malgré le retrait d'Afghanistan, nous sommes toujours en conflit avec Al-Qaïda et donc sa détention dans le cadre des lois martiales reste possible", a répondu Me Fletcher.

La décision sera rendue d'ici fin juin.


Ukraine: l'aide européenne compense le désengagement américain, selon le Kiel Institute

Gabriel Felbermayr, économiste autrichien et président de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, participe à une conférence de presse le 11 mars 2020 à Berlin afin de commenter l'impact économique et politique de l'épidémie du nouveau coronavirus. (Photo de Tobias SCHWARZ / AFP)
Gabriel Felbermayr, économiste autrichien et président de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, participe à une conférence de presse le 11 mars 2020 à Berlin afin de commenter l'impact économique et politique de l'épidémie du nouveau coronavirus. (Photo de Tobias SCHWARZ / AFP)
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  • « L'Europe comble largement le retrait de l'aide américaine », écrit l'institut dans un communiqué, qui recense l'aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l'Ukraine depuis l'invasion russe du 24 février 2022.
  • Début 2025, les données du Kiel Institute montrent que « la récente augmentation de l'aide européenne a été tirée par un petit groupe de pays », au premier rang desquels se trouvent « les pays nordiques et le Royaume-Uni ».

PARIS : Selon l'institut de recherche allemand Kiel Institute, une hausse de l'aide des pays européens à l'Ukraine a permis début 2025 de combler le vide laissé par le désengagement de la nouvelle administration américaine de Donald Trump.

« L'Europe comble largement le retrait de l'aide américaine », écrit l'institut dans un communiqué, qui recense l'aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l'Ukraine depuis l'invasion russe du 24 février 2022.

Alors que « les États-Unis, qui étaient auparavant le plus gros donateur à l'Ukraine, n'ont pas annoncé de nouvelle enveloppe depuis début janvier », l'Ukraine a tout de même reçu plus d'aide de janvier à avril 2025 qu'en moyenne les années précédentes sur la même période. 

« Reste à savoir s'il s'agit d'une hausse temporaire ou du début d'une évolution plus durable du rôle de l'Europe en tant que principal soutien de l'Ukraine », a déclaré Christoph Trebesch, qui dirige l'équipe du Kiel Institute chargée de suivre les engagements en faveur de l'Ukraine, cité dans le communiqué.

Début 2025, les données du Kiel Institute montrent que « la récente augmentation de l'aide européenne a été tirée par un petit groupe de pays », au premier rang desquels se trouvent « les pays nordiques et le Royaume-Uni ».

En revanche, « il est frappant de constater le peu d'aide allemande allouée ces derniers mois », a-t-il commenté. « Au lieu d'augmenter son soutien après l'arrivée de Trump au pouvoir, nous observons une forte baisse de l'aide allemande par rapport aux années précédentes. »

« La tendance est la même pour l'Italie et l'Espagne », a-t-il précisé. 

Au 30 avril 2025, 294 milliards d'euros au total ont été alloués à des dépenses précises en faveur de l'Ukraine (sur 405 milliards promis), selon les derniers chiffres du Kiel Institute. Les 111 milliards restants ont été promis à long terme, mais pas encore alloués.

Sur la somme déjà donnée, 140 milliards d'euros correspondent à de l'aide militaire, 133 milliards à de l'aide financière et 21 milliards à de l'aide humanitaire.

Les principaux donateurs sont l'Union européenne et ses membres (131 milliards d'euros donnés ou alloués), les États-Unis (115 milliards) et le Royaume-Uni (19 milliards).

En matière d'aide militaire, l'Europe, le Royaume-Uni compris, « dépasse pour la première fois depuis juin 2022 les États-Unis », selon le Kiel Institute. Les Européens ont déjà donné ou alloué 72 milliards d'euros d'aide militaire à l'Ukraine depuis le début de la guerre, contre 65 milliards pour les États-Unis. 


Les dirigeants du G7, dont Trump, se rejoignent au Canada tandis qu'un conflit oppose l'Iran et Israël

Le logo du G7 2025 est visible sur la pelouse devant le centre des médias de Banff, à l'approche du sommet du Groupe des Sept (G7) qui se tiendra à Kananaskis, dans la province canadienne de l'Alberta, le 16 juin 2025. (Photo : Ben Sheppard / AFP)
Le logo du G7 2025 est visible sur la pelouse devant le centre des médias de Banff, à l'approche du sommet du Groupe des Sept (G7) qui se tiendra à Kananaskis, dans la province canadienne de l'Alberta, le 16 juin 2025. (Photo : Ben Sheppard / AFP)
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  • Les pays du G7 ont entamé dimanche des négociations dans l'espoir de trouver un langage commun concernant le conflit entre l'Iran et Israël.
  • La priorité absolue pour tous sera d'éviter les drames, malgré les nombreux sujets de frictions, des droits de douane imposés par Donald Trump à la guerre en Ukraine, ou encore à celle du Moyen-Orient.

KANANASKIS, CANADA : Les pays du G7 ont entamé dimanche des négociations dans l'espoir de trouver un langage commun concernant le conflit entre l'Iran et Israël, alors que leurs dirigeants, dont le président américain, se retrouvent pour un sommet sous tension dans les Rocheuses canadiennes.

Il s'agit du premier grand sommet depuis que Donald Trump est revenu au pouvoir en janvier, ce qui a fragilisé l'unité du club des grandes démocraties industrialisées (Allemagne, Royaume-Uni, Canada, États-Unis, France, Italie et Japon).

Le président américain, qui n'a cessé de menacer le Canada ces derniers mois, est arrivé en fin de journée dans ce pays, avec sur la tête une casquette blanche portant son slogan « Make America Great Again » (« Rendre sa grandeur à l'Amérique »).

Pour cette réunion qui se déroule à Kananaskis, dans le parc national de Banff, dans l'ouest du Canada, il retrouvera ses alliés du G7 ainsi que les dirigeants de nombreux autres pays invités : l'Inde, l'Ukraine, le Mexique, l'Afrique du Sud et l'Australie seront notamment présents.

La priorité absolue pour tous sera d'éviter les drames, malgré les nombreux sujets de frictions, des droits de douane imposés par Donald Trump à la guerre en Ukraine, ou encore à celle du Moyen-Orient.

Mais parviendront-ils à parler d'une voix commune, notamment sur cette région du monde ?

Israël a stupéfié le monde vendredi en ouvrant un nouveau front avec une campagne militaire surprise et massive contre l'Iran.

Selon une source gouvernementale citée par l'AFP, les dirigeants du G7 travaillent à une déclaration commune. Reste à décider s'il s'agit d'appeler à la désescalade ou simplement de soutenir Israël en affirmant que le pays a le droit de se défendre. 

Mais cette guerre n'est pas le seule enjeu des discussions à Kananaskis. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est parmi les invités et doit s'entretenir avec Donald Trump

Le président américain, qui s'est rapproché de façon spectaculaire de Moscou, a de nouveau eu un entretien téléphonique samedi avec le président russe Vladimir Poutine. Ce dernier lui a dit être prêt à un nouveau round de négociations.

De leur côté, les Européens tentent de convaincre Donald Trump de promulguer de nouvelles sanctions contre Moscou, ciblant plus précisément les ventes de pétrole russe. 

Tous les pays souhaitent par ailleurs aborder l'aspect commercial avec le président Trump. En imposant des taxes douanières d'au moins 10 % sur la plupart des produits entrant aux États-Unis, ce dernier a dévié le cours de la mondialisation et menacé l'économie mondiale d'un ralentissement général. 

Ce sommet du G7 est la première visite du président américain sur le sol canadien depuis qu'il a menacé son voisin du nord, estimant qu'il serait préférable qu'il devienne le 51^e État américain.

Le Premier ministre canadien, Mark Carney, et Donald Trump se rencontreront lundi matin lors d'un tête-à-tête. Outre MM. Carney et Zelensky, le dirigeant américain doit aussi rencontrer la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum. 


Donald Trump appelle Iran et Israël à «trouver un accord»

Donald Trump a appelé Israël et l'Iran à "trouver un accord" dimanche, même s'ils vont peut-être devoir se battre auparavant. (AFP)
Donald Trump a appelé Israël et l'Iran à "trouver un accord" dimanche, même s'ils vont peut-être devoir se battre auparavant. (AFP)
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  • Israël a multiplié dimanche ses frappes meurtrières à travers l'Iran, visant la capitale, la ville de Machhad à l'extrémité nord-est du pays ainsi que des installations militaires dans l'ouest, auxquelles Téhéran a riposté par de nouveaux tirs de missiles
  • En fin de journée, avant son départ pour le G7 au Canada, Donald Trump a renouvelé son appel aux deux pays: "Je pense qu'il est temps de conclure un accord et nous verrons ce qui se passera"

WASHINGTON: Donald Trump a appelé Israël et l'Iran à "trouver un accord" dimanche, même s'ils vont peut-être devoir se battre auparavant, a-t-il déclaré au moment où des échanges intenses de tirs entre les deux pays se poursuivent pour la quatrième nuit consécutive.

"L'Iran et Israël devraient trouver un accord, et ils vont trouver un accord", a écrit le président américain sur son réseau Truth Social dimanche matin, ajoutant que "de nombreux appels et rencontres ont lieu en ce moment".

En fin de journée, avant son départ pour le G7 au Canada, Donald Trump a renouvelé son appel aux deux pays: "Je pense qu'il est temps de conclure un accord et nous verrons ce qui se passera. Parfois, ils doivent se battre, mais nous verrons ce qui se passera. Je pense qu'il y a de bonnes chances qu'il y ait un accord", a-t-il déclaré sur le seuil de la Maison Blanche avant d'embarquer dans son hélicoptère Marine One.

Israël a multiplié dimanche ses frappes meurtrières à travers l'Iran, visant la capitale, la ville de Machhad à l'extrémité nord-est du pays ainsi que des installations militaires dans l'ouest, auxquelles Téhéran a riposté par de nouveaux tirs de missiles.

Au troisième jour de l'offensive aérienne israélienne, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a menacé de faire payer à l'Iran "un prix très lourd" après la mort de civils provoquée par les salves de missiles balistiques iraniens tirées en représailles sur Israël, qui ont touché des zones habitées.

L'Iran a de son côté promis dimanche une "réponse dévastatrice" aux attaques israéliennes et affirmé qu'Israël ne serait bientôt "plus habitable".