13-Novembre, les «gueules cassées» du Bataclan

Des années qui suivent, elle liste le vocabulaire médical appris par coeur, évoque son fils qui "s'agace des regards insistants" sur la "tête toute cassée" de sa mère, son "bras de pirate" couvert de cicatrices, les opérations "tous les deux-trois mois" pour lui redonner "visage humain". "C'est sans fin." (Photo, Reuters)
Des années qui suivent, elle liste le vocabulaire médical appris par coeur, évoque son fils qui "s'agace des regards insistants" sur la "tête toute cassée" de sa mère, son "bras de pirate" couvert de cicatrices, les opérations "tous les deux-trois mois" pour lui redonner "visage humain". "C'est sans fin." (Photo, Reuters)
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Publié le Vendredi 08 octobre 2021

13-Novembre, les «gueules cassées» du Bataclan

  • «Ma joue pendait le long de mon cou. J'avalais les dents déchiquetées dans ma bouche parce que ça me faisait tousser et j'avais peur d'attirer l'attention des terroristes.»
  • «Tout le nez avait été arraché, son oeil droit avait explosé.» «Je lui ai dit (à sa compagne, ndlr): C'est pas grave»

PARIS : Une béquille plantée devant la cour, un bras couvert de cicatrices appuyé au pupitre, une bouche en partie paralysée au micro. Au procès des attentats jihadistes du 13 Novembre 2015 à Paris, les "gueules cassées" du Bataclan ont raconté jeudi leurs blessures "de guerre".


"Vous voulez une chaise pour vous assoir ?", demande le président de la cour d'assises spéciale. "Je la prendrai si besoin mais j'ai envie de témoigner debout", répond Amandine, qui se balance légèrement sur sa béquille.


"Tout le monde l'a dit", ce soir-là dans la salle de concert parisienne, "l'ambiance était joyeuse". Jusqu'aux "pétards", commence la jeune femme de 38 ans, longs cheveux bruns et robe à fleurs. 


"J'ai vu les gens tomber comme des dominos." Elle-même se retrouve au sol. "J'ai cru que j'avais trébuché mais je venais d'être fauchée à mon tour" par une rafale de Kalachnikov, "sans avoir rien senti". Son tibia est "explosé", une "plaie béante", son bras "dans le même état".


La lumière est éclatante. Allongée au milieu des corps "enchevêtrés sur un mètre de hauteur", Amandine essaie de mettre ses blessures "en évidence". Pour que ceux qui "achèvent les gens avec une certaine délectation" la croit morte, explique-t-elle.

«C'est pas grave»
Dans la fosse du Bataclan avec sa compagne - depuis seulement "deux mois" -, Pierre-Sylvain retrouve, lui, des réflexes de service militaire. 


L'homme de 54 ans a tout de suite identifié l'odeur "âcre" de la poudre, reconnu le bruit de la Kalachnikov, repéré le positionnement des tireurs. "On est foutus", en déduit-il. Il compte "un tir par seconde". 


Soudain, une gerbe de sang sur la tête de son amie, puis une deuxième balle - "j'ai cru que ma tête s'ouvrait en deux". Il regarde sa compagne, l"'horreur". "Tout le nez avait été arraché, son oeil droit avait explosé." "Je lui ai dit: +C'est pas grave+". 


Lui-même gravement blessé à l'oeil, il arrivera à la porter hors du "charnier". 


Ils ont tous deux été opérés plusieurs fois. Elle "a retrouvé un visage". Le reste est "un long tunnel".


"Elle ne témoignera pas ?", s'enquiert la cour. "Elle ne veut pas trop se montrer... mais elle est là", dit-il, se retournant vers le public pour lui adresser un grand sourire, sans qu'on sache où elle est.

«Toute cassée»
Gaëlle a 40 ans, elle a été opérée au mois d'août pour la "40e" fois. "J'espère ne pas faire le même décompte pour mes 60", dit-elle. 


Brune, droite, elle est élégante dans son pantalon noir et haut clair. Sa bouche semble comme en partie anesthésiée, sa voix la trahit un peu. 


Elle demande à la cour de projeter "une photo de Mathieu". Un souvenir de vacances, un visage radieux apparaît à l'écran. Son compagnon "venait de fêter ses 37 ans. C'était un papa séparé, comme moi", dit-elle la voix tremblante.


Sur le plan géant projeté derrière la cour, elle montre où elle était. "Mathieu m'a attrapé dans ses bras. On est tombés à terre." "J'ai vu un homme armé, j'ai compris." 


Gaëlle raconte la suite sans rien épargner. "Ma joue pendait le long de mon cou. J'avalais les dents déchiquetées dans ma bouche parce que ça me faisait tousser et j'avais peur d'attirer l'attention des terroristes." L'os de son bras est "perpendiculaire" au reste. 


A côté d'elle, elle pense que "Mathieu fait le mort", comme les autres. Elle fait pareil. Il comptera parmi les 90 victimes décédées.


La "scène irréelle" qui se déroule ensuite, Gaëlle ne la voit que par intermittence. "Je me vide de mon sang, je me sens partir." Le policier de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) qui la sortira de là lui dira, bien plus tard, que son visage "avait hanté ses nuits pendant plusieurs mois". 


Dans les couloirs de l'hôpital, les "oh mon Dieu" ponctuent le passage de son brancard. Le lendemain, son chirurgien la prend en photo. "Je me suis demandée s'il fallait la projeter ici mais les terroristes auraient trop apprécié." 


Des années qui suivent, elle liste le vocabulaire médical appris par coeur, évoque son fils qui "s'agace des regards insistants" sur la "tête toute cassée" de sa mère, son "bras de pirate" couvert de cicatrices, les opérations "tous les deux-trois mois" pour lui redonner "visage humain". "C'est sans fin."


"J'ai des rêves simples", dit-elle la voix brisée. "Croquer dans une pomme, boire mon café sans que la moitié dégouline, embrasser sans avoir peur de dégoûter." 


"Vous êtes ce qu'on appelle une gueule cassée", lui avait-on dit à l'hôpital. "Je suis une victime de guerre entre Bastille et République", deux places festives et cosmopolites, prisées par la jeunesse parisienne. 


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.