A six mois de la présidentielle, le duel Macron-Le Pen vacille

Le tapis rouge est déroulé pour l'arrivée du président italien à l'Elysée à Paris le 5 juillet 2021. Ludovic MARIN / AFP
Le tapis rouge est déroulé pour l'arrivée du président italien à l'Elysée à Paris le 5 juillet 2021. Ludovic MARIN / AFP
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Publié le Vendredi 08 octobre 2021

A six mois de la présidentielle, le duel Macron-Le Pen vacille

  • À six mois de la présidentielle, l'irruption du trouble-fête Eric Zemmour dans la course à l'Elysée sème le doute sur le remake annoncé du duel de 2017 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen
  • Près d'une trentaine de candidats se bousculent sur la ligne de départ, dont une partie seulement obtiendra le précieux sésame des 500 parrainages pour l'élection à la présidence de la République

PARIS : À six mois de la présidentielle, l'irruption du trouble-fête Eric Zemmour dans la course à l'Elysée sème le doute sur le remake annoncé du duel de 2017 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

Près d'une trentaine de candidats se bousculent sur la ligne de départ, dont une partie seulement obtiendra le précieux sésame des 500 parrainages pour l'élection à la présidence de la République, prévue le 10 et 24 avril prochains, même si Emmanuel Macron et Eric Zemmour ne se sont pas encore officiellement déclarés. 

A ce stade, les sondages confirment les uns après les autres la présence d'Emmanuel Macron au second tour, qu'elles que soient les configurations, et pratiquement tous le donnent à nouveau vainqueur. 

Déjà une trentaine de candidats pour la présidentielle

Au moins une trentaine de candidats à la présidentielle de 2022, poids lourds de la politique ou "simples citoyens", se sont déjà déclarés, mais la liste définitive, qui devrait être réduite d'ici là, ne sera connue qu'au printemps.

Pour pouvoir se présenter au premier tour, ces candidats doivent en effet obtenir l'investiture de leur parti pour ceux qui s'inscrivent dans ce schéma, et le soutien de 500 élus issus de 30 départements et collectivités différents. Ces parrainages d'élus doivent ensuite être validés par le Conseil constitutionnel.

Les candidats non déclarés

Ils ne sont pas encore officiellement dans la course, mais font déjà beaucoup parler d'eux: 

- Le président sortant Emmanuel Macron n'a toujours pas annoncé son intention de briguer un second mandat. Il caracole en tête des sondages. 

- Le polémiste Eric Zemmour a fait une irruption tonitruante dans la campagne depuis la rentrée. Il maintient le doute sur sa candidature. Un sondage l'a placé cette semaine au second tour. 

A gauche, les sept compagnons

A gauche, ils sont nombreux à s'être déjà lancés dans la course, mais aucun d'entre eux ne parvient pour l'instant à décoller:

- L'eurodéputé EELV Yannick Jadot a remporté fin septembre la primaire des Verts, le seul parti qui ait choisi ce système pour désigner son candidat.

- Pour la France insoumise (LFI), le suspense est levé depuis bientôt une année: Jean-Luc Mélenchon sera son candidat. 

- La maire PS de Paris Anne Hidalgo a annoncé sa candidature début septembre, mais le maire du Mans Stéphane Le Foll maintient sa candidature à l'investiture du PS pour la présidentielle.

- L'ex-ministre socialiste Arnaud Montebourg a choisi de se lancer hors parti.

- Le PC lance son propre candidat, le secrétaire national Fabien Roussel, sans soutenir le candidat LFI comme lors des deux dernières présidentielles.

- Philippe Poutou, le conseiller municipal Nouveau Parti anticapitaliste et syndicaliste.

- La porte-parole de Lutte ouvrière Nathalie Arthaud.

A droite, un congrès pour choisir

Le parti Les Républicains n'a toujours pas de candidat à l'Elysée. Les militants le choisiront lors d'un congrès le 4 décembre. La date limite de dépôt des candidatures, le 13 octobre, mais ils sont déjà nombreux à avoir annoncé leur candidature soit au congrès soit directement à la présidentielle.

- Le président des Hauts-de France (ex-LR) Xavier Bertrand s'est lancé seul dans la course à l'Elysée ce printemps. Il n'a toujours pas annoncé s'il se soumettrait ou pas au congrès de LR. 

- La présidente ex-LR de l'Ile-de-France Valérie Pécresse a choisi de se soumettre au congrès de décembre, tout comme l'ancien négociateur pour le Brexit Michel Barnier, le député LR Eric Ciotti et le maire LR de La Garenne-Colombes Philippe Juvin.

- Le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan, souverainiste de droite et ex-allié de Marine Le Pen, a lancé sa campagne dimanche. 

Extrême droite

- La présidente du RN Marine Le Pen est officiellement candidate depuis plus d'un an. Dans la plupart des sondages, elle affronte Emmanuel Macron au second tour comme en 2017. 

Une multitude de "petits candidats"

Comme à chaque élection, nombre de candidats issus de formations plus modestes, des figures des "gilets jaunes" voire de complets inconnus du grand public, comptent se présenter.

Parmi eux:

- Le président des Patriotes Florian Philippot

- Anasse Kazib, syndicaliste Sud-Rail et candidat du CCR (Courant communiste révolutionnaire)-Révolution permanente, une ex-branche du NPA

- Le député Jean Lassalle, à la tête du mouvement "Résistons"

- Le président de l'Union populaire républicaine (UPR) François Asselineau

- Le président de "VIA, la voie du peuple" Jean-Frédéric Poisson, qui s'est dit prêt à se retirer en faveur d'Eric Zemmour

- Hélène Thouy pour le Parti animaliste

- Le "gilet jaune" Eric Drouet

- La "gilet jaune" Jacline Mouraud avec son parti Les Emergents

- L'enseignante Clara Egger pour le mouvement Espoir RIC 2022

- Antoine Martinez, ex-général de l'armée de l'Air, président de Volontaires pour la France et signataire au printemps d'une tribune controversée de militaires dans Valeurs Actuelles

- Alexandre Langlois, ex-policier et secrétaire général du syndicat Vigi, avec son parti Refondation

- Antoine Waechter, ex-candidat des Verts à la présidentielle de 1988.

- Georges Kuzmanovic, souverainiste, ex-LFI. 

En revanche, la présence de Marine Le Pen au second tour est en perte de vitesse.

"Toutes les enquêtes démontraient jusqu'à présent que les Français avaient décidé de remettre les deux challengers de 2017 face à face et que le match Macron-Le Pen se rejouerait avec des équilibres un peu différents", explique à l'AFP le politologue Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po, pour qui l'ordre qui semblait "immuable depuis 2017 est en train d'être bouleversé".

Le responsable de ce chamboulement n'est autre qu'Eric Zemmour qui ne cesse de monter dans les sondages, l'un d'eux l'ayant même placé cette semaine pour la première fois au second tour avec 17 à 18% des intentions de vote, derrière Emmanuel Macron (24 à 27%).

Présidentielle: comment conjurer le spectre de l'abstention ?

A six mois de la présidentielle, le spectre d'une forte abstention, après le record des dernières régionales, hante les politiques qui cherchent la parade pour combattre la désaffection et remobiliser les électeurs.

Depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l’Élysée, plus de la moitié des électeurs ont boudé les urnes à chaque suffrage, des législatives de 2017 (51,3% et 57,3%) aux municipales de 2020 (55,25% et 58,6%), à l'exception notable du sursaut inattendu des européennes de 2019 (49,88%). 

Jusqu'à atteindre, sur fond de crise du Covid, des records aux régionales en juin dernier (66,72% et 65,31%), un niveau proche du référendum sur le quinquennat en 2000, record absolu d'abstention sous la Ve République avec 69,8%.

Dans le passé, l'élection présidentielle bénéficiait d'un effet mécanique de remobilisation. Quid de 2022 ?

"C'est impossible à prédire", estime le sondeur Jean-Daniel Lévy (Harris Interactive), malgré des "paramètres", comme "l'éparpillement de la gauche qui peut démobiliser ses électeurs, faute de chance de victoire" et "un débat pour l'heure focalisé sur l'immigration et pas forcément à la hauteur des attentes des Français".

A ce stade, les dernières études des sondeurs relèvent des intentions de participation très en retrait par rapport à celles mesurées en septembre 2016 (17 points de moins pour Ipsos, 10 points pour Harris Interactive). 

Pour conjurer ce risque qui menace aussi leur légitimité, les politiques ont sonné la remobilisation.

Dans tous les camps, le débat sur l'abstention a rythmé la rentrée politique, chacun estimant qu'elle le dessert plus que les autres.

A l'Assemblée nationale, une mission d'information parlementaire a été lancée en juin, ponctuée par une "consultation citoyenne" auprès des Français en octobre.

En novembre, "on proposera des choses applicables immédiatement via la voie règlementaire ou une proposition de loi mais aussi des sujets de plus long terme pour le débat présidentiel ou une future réforme constitutionnelle", prévient le rapporteur de cette mission Stéphane Travert (LREM).

Simplification des procurations

Parmi les pistes évoquées, les députés étudient une simplification des procurations, peut-être sans passer par un commissariat ou une gendarmerie. 

Le vote électronique n'est en revanche pas plébiscité, en raison de "grosses difficultés en matière d'identité numérique". Les députés s'interrogent davantage sur le vote par correspondance ou anticipé.

Avec un souvenir douloureux pour la majorité: le tollé suscité en février par un amendement inattendu du gouvernement, sèchement retoqué au Sénat.

Il prévoyait que les électeurs puissent demander à voter de manière anticipée sur des machines à voter durant la semaine précédant le scrutin présidentiel. Les oppositions de tous bords avaient dénoncé un "tripatouillage".

Récemment le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, sans y être favorable à titre personnel, a expliqué "travailler à mettre en place le vote à distance", mais pas pour le scrutin de 2022.

Ces solutions "techniques" laissent cependant sceptiques nombre de spécialistes. "Je n'y crois pas un instant", répond Jean-Daniel Lévy, pour qui "le problème est avant tout politique", avec "des électeurs mécontents qui ne reviendront aux urnes que s'ils perçoivent clairement les enjeux de l'élection et y adhèrent". 

A l'Assemblée, Stéphane Travert insiste aussi sur "l'engagement" et la "citoyenneté" des jeunes: "on peut imaginer que quelqu'un de 18 ans qui reçoive sa carte d'électeur ait par exemple comme rôle de tenir un bureau de vote à l'élection suivante, dans une logique de droit et devoir", glisse-t-il.

Côté ministériel, la secrétaire d'État Sarah El Haïry travaille sur l'engagement citoyen avec les mouvements de jeunesse de tous les partis.

Mais les politiques ou les associations citoyennes ne sont pas les seuls à chercher des solutions.

L'animateur phare de C8 Cyril Hanouna entend par exemple "faire +campagne pour la campagne+", se fixant même pour objectif de faire reculer l'abstention de vingt points, écrit-il dans son livre "ce que m'ont dit les Français".

Pour ce faire, le présentateur et producteur va partir en tournée "dans ces villes que l'on voit rarement à la télévision", particulièrement dans des régions fortement abstentionnistes où ses émissions sont très suivies.

Selon Frédéric Dabi, directeur du pôle opinion de l'Ifop, Mme Le Pen apparaît désormais "relativement fragilisée" par la candidature de M. Zemmour, qu'il présente comme "un poison lent qui infuse dans une partie de l'électorat du Rassemblement national qui avait déjà des doutes sur la candidate du RN après sa campagne au second tour en 2017", quand elle avait raté son débat face à Emmanuel Macron. 

"Eric Zemmour apparaît comme un homme qui n'est pas du sérail, qui n'appartient pas à la classe politique et qui incarne assez bien le dégagisme. Il en joue, il en surjoue et en rejoue encore", estime M. Perrineau pour qui l'entrée en scène du polémiste n'est pas sans rappeler certains aspects de la candidature hors parti du président sortant en 2017.  

"Cela peut se dégonfler. Mais pour l'instant, en deux semaines, quel changement de perspective et quel désordre!", s'exclame le politologue.

Ticket plus accessible

Résultat: sous l'effet Zemmour, le ticket d'entrée au second tour devient plus accessible: "Avec une offre électorale morcelée, il baisse automatiquement", constate M. Dabi qui rappelle que Jean-Marie Le Pen avait accédé au second tour le 21 avril 2002 avec 16,8% des suffrages. 

Calendrier et mode d'emploi

L'élection présidentielle est prévue le 10 et le 24 avril et les candidats ayant obtenu 500 parrainages pourront s'y présenter. Elle sera suivie par les législatives en juin. Voici le mode d'emploi:

Calendrier

Le Conseil des ministres a fixé le 13 juillet les dates de la présidentielle. Le premier tour aura lieu le 10 et le second le 24 avril. Le choix était restreint compte tenu des impératifs fixés par la Constitution. Pour la présidentielle, il n'y avait que deux couples de dates possibles: 10 avril/24 avril ou 17 avril/1er mai. Le choix des dates a fait l'objet d'une concertation avec les partis politiques autour du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Le scrutin se déroulera pendant une période de congés scolaires: le 10 avril, seule la zone B sera en vacances. Le 24 avril, toutes les zones, A, B et C, seront en congé.

Les législatives se dérouleront dans la foulée avec un premier tour le 12 juin et un second le 19 juin.

Mode de scrutin

Le chef de l'Etat est élu au suffrage universel direct, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. 

Il doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés en un ou deux tours, quel que soit le taux de participation.

Le vote blanc, qui permet d'exprimer un refus de choix, n'est pas reconnu en France. Depuis une loi de 2014, ces bulletins sont cependant décomptés séparément des votes nuls et annexés au procès-verbal de chaque bureau de vote, mais ils ne sont pas pris en compte dans le calcul des suffrages exprimés.

L'élection des députés pour un mandat de cinq ans se fait au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, constamment utilisé sous la Ve République à l'exception des élections de 1986 qui se sont faites au scrutin proportionnel (listes départementales).

Parrainage

Pour entrer officiellement dans la course, les candidats doivent recueillir 500 parrainages d'élus (maires, parlementaires, conseillers régionaux et départementaux...) dans au moins 30 départements différents, et sans dépasser 50 signatures dans un même département. La période de collecte des parrainages débutera au lendemain de la publication du décret de convocation des électeurs début 2022. 

Les électeurs

Les Français inscrits sur les listes électorales pourront voter à la présidentielle, y compris ceux installés à l'étranger, qui étaient près d'un million en 2017. Le vote commence dès samedi dans les Antilles françaises, en Guyane (Amérique du Sud), à Saint-Pierre et Miquelon (archipel français d'Amérique du Nord) et en Polynésie française (Pacifique Sud). Traditionnellement, les Français découvrent le visage du président élu sur les écrans de télévision à 20h00.

Déjà huit présidents depuis 1959

Huit présidents ont été élus depuis l'instauration de la Ve République en 1958 :

Depuis 2017 : Emmanuel Macron (centre) 

2012-2017 : François Hollande (socialiste)

2007-2012: Nicolas Sarkozy (droite)

1995-2007: Jacques Chirac (droite), qui a enchaîné un septennat et un quinquennat 

1981-1995: François Mitterrand (socialiste), qui a effectué deux mandats de sept ans 

1974-1981: Valéry Giscard d'Estaing (droite), qui a effectué un septennat

1969-1974: Georges Pompidou (droite), décédé deux ans avant la fin de son mandat

1959-1969: Charles de Gaulle (droite), élu par un collège électoral pour un premier septennat puis réélu au suffrage universel direct en 1965. Il a démissionné après avoir perdu un référendum l'année suivante.

Cette baisse du ticket pourrait-il profiter à d'autres candidats qu'Eric Zemmour? Comme la droite ne désignera son candidat que début décembre, il est difficile de tirer des conclusions pour l'instant, mais les sondages placent Xavier Bertrand en embuscade derrière Marine Le Pen et Eric Zemmour. 

Pour M. Perrineau, rien n'est donc joué y compris au second tour: "Des sondages montrent que Xavier Bertrand pourrait battre Emmanuel Macron s'il accède au second tour", souligne-t-il.

Les militants ne désigneront pourtant leur candidat que le 4 décembre parmi M. Bertrand, s'il accepte de s'y soumettre, Valérie Pécresse, Michel Barnier ou encore Eric Ciotti. "LR n'a pas perdu, mais attendre le 4 décembre, ça ne peut que renforcer une certaine fébrilité du peuple de droite qui ne veut ni de Zemmour ni de Le Pen", explique M. Dabi. 

Les thèmes qui dominent le début de la campagne à la présidentielle

L'immigration, l'environnement ou encore le pouvoir d'achat : la course à l'Elysée a débuté cet automne sur des thèmes traditionnels. Voici quelques promesses des candidats: 

Immigration

Avec l'entrée en scène d'Eric Zemmour début septembre, les thèmes de l'immigration et de l'insécurité ont dominé le début de campagne, obligeant la plupart des candidats à se positionner. Marine Le Pen a, pour sa part, présenté les contours de son référendum pour combattre l'immigration. La droite cherche la parade, avec également des promesses de toucher à la Constitution et, à gauche, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé une "vision rabougrie de la France"

Selon un sondage Ifop réalisé à la fin août, l'immigration et l'insécurité ne constituent pourtant pas la principale préoccupation des Français, largement devancées par les interrogations sur "l'avenir du système social", comme la réforme des retraites. Mais par tranche d'âges, 59% des plus de soixante ans se disent inquiets, 30 points de plus que les moins de 35 ans.

Le pouvoir d'achat

Depuis la rentrée et l'entrée en lice de plusieurs candidats, les promesses pour améliorer le pouvoir d'achat des Français se multiplient. La PS Anne Hidalgo a proposé de doubler le salaire des enseignants pendant le prochain quinquennat. A gauche, plusieurs candidats promettent une hausse du Smic, à l'image du communiste Fabien Roussel qui veut l'élever à 1.800 euros bruts par mois.   

A droite, Valérie Pécresse propose une "grande conférence salariale" et une augmentation du salaire net de 10% en abaissant les charges salariales. Quant à Xavier Bertrand, il défend l'idée d'une "prime au travail" pour qu'il n'y ait "plus un salarié à temps complet recevant moins de 1.500 euros net par mois". 

L'énergie

Avec les prix du gaz et de l'essence qui flambent, les candidats multiplient les idées pour réduire la facture énergétique des Français. Le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé que le gouvernement allait "bloquer" le tarif réglementé du gaz jusqu'en avril 2022. Fabien Roussel (PCF) propose de "diviser par deux les factures d'énergie". Anne Hidalgo est favorable à une baisse de la TVA sur l'essence. Une idée que défend Marine Le Pen, qui souhaite abaisser TVA sur l'essence, le gaz et l'électricité à 5,5% au lieu de 20%. 

Jean-Luc Mélenchon veut, quant à lui, bloquer les prix des produits de première nécessité, dont ceux du gaz, de l'électricité et de cinq fruits et légumes. A droite, Valérie Pécresse promet la construction de six nouveaux EPR si elle est élue à la présidence.

Environnement

Les questions environnementales constituent la principale préoccupation des jeunes électeurs. Le candidat écologiste Yannick Jadot, désigné candidat fin septembre lors d'une primaire, promet notamment "d'aller vers l'ISF climatique", qui taxerait davantage "le patrimoine financier qui investit dans les énergies fossiles". A droite, Michel Barnier, l'ex-négociateur du Brexit, se dit favorable à l'instauration d'une taxe carbone aux frontières de l'UE. 

Autres idées

Ils sont plusieurs à prôner une nationalisation des autoroutes, comme Arnaud Montebourg et Marine Le Pen. Xavier Bertrand plaide, quant à lui pour "une République des territoires" qui serait plus décentralisée.

Quant à la gauche, dont les nombreux candidats ne décollent pas pour l'instant dans les sondages, elle court le risque de connaître un "troisième 21 avril", en étant éliminée du second tour comme en 2017 et en 2002, prévient M. Dabi. "On n'a jamais eu un bloc de gauche aussi faible autour de 25-27%.

Pour M. Perrineau, elle est même "en miettes". "Aucun leader n'arrive à exister. On a l'impression qu'en quelques semaines, la gauche a utilisé toutes les stratégies possibles, mais rien ne marche", observe-t-il. 


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.