Taxation des multinationales: accord à 136 pays avec un taux fixé à 15%

Sur les 140 pays et territoires associés aux négociations à l'OCDE, seuls trois pays manquent encore à l'appel après le feu vert hongrois: le Nigeria, le Kenya et le Sri Lanka. (Photo, AFP)
Sur les 140 pays et territoires associés aux négociations à l'OCDE, seuls trois pays manquent encore à l'appel après le feu vert hongrois: le Nigeria, le Kenya et le Sri Lanka. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 08 octobre 2021

Taxation des multinationales: accord à 136 pays avec un taux fixé à 15%

  • Ces 136 pays, qui représentent 90% du PIB mondial, vont pouvoir dégager environ 150 milliards d'euros de recettes supplémentaires grâce à cet impôt minimum
  • Le ministre français de l'économie Bruno Le Maire a salué «un accomplissement majeur, décisif»

 PARIS: Cent trente-six pays se sont accordés pour imposer une taxation minimale à 15% sur les multinationales, a annoncé vendredi l'OCDE, après les ralliements de l'Irlande, l'Estonie et de la Hongrie.   

"La réforme majeure du système fiscal international finalisée aujourd'hui à l'OCDE permettra de garantir l'application d'un taux d'imposition minimum de 15% aux entreprises multinationales à compter de 2023", a indiqué l'OCDE dans un communiqué, saluant un accord "historique". 

Ces 136 pays, qui représentent 90% du PIB mondial, vont pouvoir dégager environ 150 milliards d'euros de recettes supplémentaires grâce à cet impôt minimum, souligne l'OCDE.

Le Kenya, le Nigeria, et le Sri Lanka, associés aux négociations qui comprenaient 140 pays, ne font pas partie des pays signataires. Le Pakistan, pourtant inscrit dans une précédente liste de pays signataires, ne figure plus non plus dans celle de vendredi.

"La politique fiscale internationale est une chose complexe mais le langage obscur de l'accord d'aujourd'hui masque la simplicité et l'ampleur des enjeux", a réagi la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen, se félicitant de cet "accomplissement".

"Il s'agit d'un grand un pas en avant pour rendre notre système fiscal plus équitable", s'est félicitée de son côté la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

«Décisif»

Le ministre français de l'économie Bruno Le Maire a pour sa part salué "un accomplissement majeur, décisif" et affirmé vouloir traduire en acte juridique cet accord international au cours de la présidence française de l'Union européenne, au premier semestre 2022.

Un accord sur les grandes lignes d'une fiscalité internationale avait été trouvé en juillet. Il s'agissait cette fois de définir des paramètres techniques, mais objets d'âpres négociations entre Etats aux stratégies fiscales nationales très variées.

Le verrou clé des 15% a sauté dès jeudi avec le ralliement jeudi de l'Irlande et de l'Estonie, deux pays qui rechignaient jusque-là à apposer leur paraphe sur le texte.

Pour Dublin, qui abrite les sièges européens d'Apple, Facebook et Google, l'assurance que le taux minimum de taxation pour les groupes réalisant plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires ne dépasserait pas 15% a été décisive. L'accord de juillet mentionnait "au moins" 15%, laissant la porte ouverte à un relèvement.

Vendredi, la Hongrie, dernier pays de l'Union européenne à ne pas avoir sauté le pas, a elle aussi rejoint l'accord après avoir obtenu des concessions.

Budapest, qui propose un taux d'imposition sur les sociétés de 9%, fait partie des Etats misant sur l'attractivité fiscale et a négocié l'un des points clés encore en débat: les déductions qui seront autorisées pour calculer la base imposable pour les multinationales.

L'autre gros morceau de la négociation à l'OCDE portait sur la part des recettes fiscales qui seront redistribuées dans les pays où les multinationales ont des activités et des clients, mais pas de siège social.

Cela concerne seulement les très grands groupes qui enregistrent plus de 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires chaque année et affichent une rentabilité élevée. La part des bénéfices taxés dans ce cadre, objet d'un savant calcul, a été fixée à 25% au-delà d'un niveau de rentabilité de 10%.

Critiques

S'il est présenté comme historique par de nombreux dirigeants, le texte reste critiqué par des ONG et certains économistes pour son manque d'ambition et les inégalités qu'il entraînerait.

D'après l'ONG Oxfam, avec un taux d'imposition à 15%, les recettes fiscales supplémentaires dégagées bénéficieront pour les deux tiers aux pays riches du G7 et à l'Union européenne. Les pays les plus pauvres récupèreront moins de 3%.

Quant à la redistribution des recettes fiscales aux Etats où l'activité des multinationales est réalisée, "les Etats-Unis et l'Europe vont essentiellement en bénéficier", affirme à l'AFP Daniel Bunn, responsable des projets internationaux à la Tax Foundation, à Washington. Car les multinationales "y abritent leurs sièges sociaux et la plupart de leurs clients".

Saluant "un grand geste en avant" qui permet de "supprimer certaines failles", le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz a aussi regretté jeudi un accord qui "ne s'adresse pas assez aux inquiétudes des pays en développement et des pays émergents". L'économiste militait pour une taxe minimum de 25%.

L'objectif est une mise en application de la réforme d'ici 2023, le temps d'adapter les législations. Mais certaines questions restent en suspens, telles que la capacité de l'administration américaine à imposer la réforme au Congrès.    


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.