A Kandahar, des femmes résistent et travaillent, dans l'angoisse

Des femmes portant une burqa marchent le long d'un chemin du district d'Arghandab, dans le centre de la province de Kandahar, le 7 octobre 2021. (Photo, AFP)
Des femmes portant une burqa marchent le long d'un chemin du district d'Arghandab, dans le centre de la province de Kandahar, le 7 octobre 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 09 octobre 2021

A Kandahar, des femmes résistent et travaillent, dans l'angoisse

  • Depuis leur retour au pouvoir mi-août, les talibans ne s'en sont pas pris physiquement aux femmes qui étudient ou travaillent à Kandahar
  • Mais les souvenirs de plomb des années 1990, lorsqu'ils empêchaient les femmes de travailler, d'étudier ou de sortir seules ou sans burqa, ont suffi pour que les femmes désertent les longues avenues commerçantes et poussiéreuses

KANDAHAR: A Kandahar, berceau des talibans, les femmes ont quasiment déserté les rues depuis le retour au pouvoir des fondamentalistes à la mi-août. Sauf Fereshteh, Fauzia et d'autres, qui défient l'angoisse pour continuer à travailler ou étudier.

Fereshteh et Zohra ont à peu près le même âge, 23 et 24 ans, et la même peur ces jours-ci: qu'un taliban surgisse face à elles dans la rue et les défigure en leur jetant de l'acide au visage, pour leur passer l'idée d'aller en cours.

Depuis leur retour au pouvoir mi-août, les talibans ne s'en sont pas pris physiquement aux femmes qui étudient ou travaillent à Kandahar, selon des témoignages concordants. Et la dernière attaque à l'acide répertoriée contre des écolières ou étudiantes dans la ville date de plus de douze ans.

Mais les souvenirs de plomb des années 1990, lorsqu'ils empêchaient les femmes de travailler, d'étudier ou de sortir seules ou sans burqa, ont suffi pour que les femmes désertent les longues avenues commerçantes et poussiéreuses, où la très conservatrice culture locale les faisait déjà rares.

Les seules visibles ces jours-ci sont des ombres en burqa qui hâtent le pas entre deux magasins, sacs de courses à la main.

"Avant on était heureuses de venir travailler, maintenant on est stressées", explique Fereshteh Nazari, directrice de l'école pour filles Sufi Sahib à Kandahar. "Dans la rue, les talibans ne nous disent rien, mais on voit qu'ils nous regardent de travers".

«On ne va plus nulle part»

Dans son école, "la plupart des parents n'envoient plus leurs filles à l'école après 10 ans" car "ils ne les sentent plus en sécurité dans cette société". Ce jour-là, 700 filles sont à l'école, contre 2 500 normalement.

"À part les courses, qu'on fait très rapidement, on ne va plus nulle part, on rentre chez soi très vite", confirme Fauzia, une étudiante en médecine de 20 ans qui préfère taire son vrai prénom par souci de sécurité. Quand les hommes, eux, prennent leur temps de discuter ensemble pendant des heures, sur le trottoir ou dans les restaurants ou bars à chicha.

Zohra, une étudiante en mathématique qui utilise aussi un prénom d'emprunt, a elle décidé de ne plus aller en cours, comme plusieurs de ses amies, après les rumeurs de possibles attaques à l'acide, venues d'on ne sait où. Elle préfère ne prendre aucun risque. "Pour moi, la vie est plus importante que tout le reste", dit-elle.

Mais d'autres n'ont pas ce luxe, comme Fereshteh et ses collègues professeures, qui attendent de toucher leurs salaires gelés depuis l'effondrement du précédent gouvernement il y a presque deux mois. "On va peut-être finir par devoir aller mendier au marché", soupire la jeune directrice, brune aux grands yeux noirs soulignés de khôl, qui porte sur ses cheveux un foulard noir brodés de sequins brillants.

"Il n'y a plus d'argent. Mon mari n'a plus de travail, et je dois nourrir nos deux enfants", explique une collègue professeure de Fereshteh qui préfère taire son prénom et se dit, comme beaucoup de femmes de la ville, "en dépression".

«C'est leur problème»

Fauzia est elle dans une situation alarmante. Orpheline, elle est chargée de nourrir ses quatre frères et sœurs de 13 à 17 ans. Elle travaillait jusqu'à août dans une radio locale, où elle prêtait sa voix à des publicités. 

Mais après avoir pris la ville, les talibans "ont posté des messages sur Facebook disant qu'ils ne voulaient plus de musique ou de voix de femmes à l'antenne", explique un des directeurs de la radio. "On a arrêté, et c'est dommage car les voix de femmes marchent mieux pour attirer l'attention du public", dit-il.

Depuis, Fauzia a déposé son CV dans toute la ville, notamment pour des postes de professeur. Mais tout semble bloqué, sans réponses. "On me dit d'attendre", dit-elle. Mais ça en devient désespérant, car "les talibans ne disent rien de plus...".

Les fondamentalistes se défendent officiellement de vouloir revenir à leur régime de fer des années 90. "Nous n'avons rien interdit aux femmes", affirme le mollah Noor Ahmad Saeed, l'un des responsables talibans dans la province de Kandahar, encore plus conservatrice que la ville.

"Si elles ne se sentent pas en sécurité ou ne retournent pas au travail, c'est leur problème", déclare-t-il, visiblement peu ému par leur sort. Les talibans, qui suivront "les règles de l'islam" avant tout, "continuent d'étudier" le sujet, ajoute-t-il, sibyllin.

Fauzia voit la pression sociale monter jusque chez elle. "Mon petit frère lui-même me dit de me couvrir le visage, de ne plus voir d'amis, de n'aller nulle part à part en cours..."

Dans la cour de l'école, une élève de Fereshteh, Shahzia, 12 ans, regrette le temps de l'ancien gouvernement, qui avait beaucoup promu l'éducation des filles. "On veut de la liberté", dit-elle, mais en réalité, "on devra faire ce qu'ils nous diront, sinon on aura des problèmes".


Des députés britanniques exhortent le gouvernement à désigner le CGRI comme un groupe terroriste

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  • Les signataires de la lettre ouverte affirment que l’organisation iranienne «n’a jamais représenté une aussi grande menace pour le Royaume-Uni»
  • La désignation du CGRI comme groupe terroriste le mettrait sur un pied d’égalité avec Daech et Al-Qaïda

LONDRES: Un groupe multipartite formé de plus de 50 députés et de pairs à la Chambre des lords au Royaume-Uni a exigé que le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien soit désigné comme une organisation terroriste.

Ce groupe, qui comprend les anciennes secrétaires d’État à l’intérieur Suella Braverman et Priti Patel, a formulé cette demande dans une lettre ouverte publiée dans le quotidien The Times.

Le CGRI constitue un élément clé des capacités militaires et de projection de puissance de l’Iran. Plus de 125 000 personnes servent dans ses rangs, réparties dans des unités telles que la force Al-Qods, l’unité d’outre-mer chargée d’assurer la liaison avec les milices au Yémen, au Liban, en Irak et en Syrie, et de les soutenir. Ces dernières années, le CGRI a également établi des relations avec le Hamas dans la bande de Gaza.

La lettre ouverte, signée par 134 personnes, intervient après l’attaque iranienne du week-end dernier contre Israël, que les signataires ont décrite comme le «dernier chapitre de la terreur destructrice du CGRI».

«Le gouvernement lutte contre le terrorisme et l’extrémisme en considérant le Hamas et le Hezbollah comme terroristes, mais ce n’est pas suffisant», indique le document.

«Le CGRI est la principale source de radicalisation idéologique, de financement, d’équipement et de formation de ces groupes.»

«Le gouvernement doit agir contre la racine même du problème et considérer le CGRI comme une organisation terroriste.»

L’Iran a riposté à l’attaque israélienne contre son consulat à Damas, qui a fait onze morts, dont des commandants de haut rang.

L’ancien président américain Donald Trump a désigné le CGRI comme une organisation terroriste en 2019, un an avant l’assassinat de Qassem Soleimani, commandant de la force Al-Qods.

Le Royaume-Uni s’est toutefois montré réticent à faire de même par crainte de rompre les canaux de communication diplomatiques avec Téhéran.

Cependant, dans le cadre des sanctions imposées à l’Iran en raison de son programme nucléaire, le Royaume-Uni a sanctionné le CGRI; il a gelé les avoirs de ses membres et a mis en œuvre des mesures d’interdiction de voyager.

La désignation du CGRI comme groupe terroriste au Royaume-Uni le mettrait sur un pied d’égalité avec Daech et Al-Qaïda et rendrait illégal tout soutien au groupe, avec une peine maximale de quatorze ans d’emprisonnement.

Les 134 signataires affirment que le CGRI «n’a jamais représenté une aussi grande menace pour le Royaume-Uni». Ils accusent des «voyous» qui appartiennent au groupe d’avoir poignardé un dissident iranien à Londres le mois dernier.

La lettre a été coordonnée par le Groupe parlementaire multipartite Royaume-Uni-Israël, dont fait partie l’ex-ministre de l’Immigration Robert Jenrick.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Washington et Londres imposent des sanctions contre l'Iran, visant des fabricants de drones

Un camion militaire iranien transporte des pièces d'un missile Sayad 4-B devant un portrait du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, lors d'un défilé militaire dans la capitale Téhéran, le 17 avril 2024. (AFP)
Un camion militaire iranien transporte des pièces d'un missile Sayad 4-B devant un portrait du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, lors d'un défilé militaire dans la capitale Téhéran, le 17 avril 2024. (AFP)
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  • Elles concernent également trois filiales du constructeur automobile iranien Bahman Group et le ministère iranien de la Défense
  • L'Iran a lancé dans la nuit de samedi à dimanche plus de 350 drones et missiles contre Israël, dont la quasi-totalité ont été interceptés en vol

WASHINGTON: Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont imposé jeudi des sanctions contre l'Iran, ciblant "le programme iranien de drones, l'industrie sidérurgique et les constructeurs automobiles", après l'attaque du week-end dernier contre Israël.

Les sanctions de Washington visent "16 personnes et deux entités permettant la production de drones iraniens" dont les Shahed qui "ont été utilisés lors de l'attaque du 13 avril", a annoncé le département du Trésor dans un communiqué.

Elles concernent également trois filiales du constructeur automobile iranien Bahman Group et le ministère iranien de la Défense.

Le président américain Joe Biden a déclaré que les Etats-Unis allaient continuer à faire "rendre des compte" à l'Iran avec ces nouvelles sanctions visant la République islamique.

Il a assuré que les sanctions étaient destinées à "limiter les programmes militaires déstabilisateurs de l'Iran", selon un communiqué de la Maison Blanche.

Les sanctions imposées par Londres ciblent, elles, "plusieurs organisations militaires iraniennes, individus et entités impliqués dans les industries iraniennes de drones et missiles balistiques", a précisé le Trésor.

L'Iran a lancé dans la nuit de samedi à dimanche plus de 350 drones et missiles contre Israël, dont la quasi-totalité ont été interceptés en vol.

Téhéran a présenté son attaque comme une riposte à la frappe meurtrière imputée à Israël visant le consulat iranien à Damas début avril.

Eviter l'escalade 

En réponse, les pays occidentaux ont promis de renforcer leurs sanctions contre l'Iran, mais veulent aussi éviter une escalade de la violence dans la région.

L'Union européenne a ainsi décidé, mercredi lors d'un sommet à Bruxelles, d'imposer de nouvelles sanctions visant les producteurs iraniens de drones et de missiles.

Et jeudi, la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock a indiqué que les dirigeants des pays du G7, en réunion sur l'île italienne de Capri, discutent "de mesures supplémentaires", tout en insistant sur la nécessité d'éviter "une escalade".

Les pays du G7 (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon et Italie) devraient appeler à des sanctions individuelles contre des personnes impliquées dans la chaîne d'approvisionnement iranienne en missiles et en drones, selon une source au sein du ministère italien des Affaires étrangères.

Et les ministres des Finances et banquiers centraux du G7, réunis à Washington, avaient promis, dans un communiqué mercredi soir, d'assurer "une coordination étroite de toute mesure future visant à affaiblir la capacité de l'Iran à acquérir, produire ou transférer des armes pour soutenir ses activités régionales déstabilisatrices".

Ils avaient par ailleurs appelé "à la stabilité dans l'ensemble de la région, au vu des risques économiques posés par une escalade régionale, notamment les perturbations du transport maritime international".


L'éventuelle aide américaine à l'Ukraine «ne changera rien», selon le Kremlin

Des piétons marchent vers un drapeau national ukrainien flottant en berne en raison du mauvais temps, à côté du monument de la Patrie au musée en plein air de la Seconde Guerre mondiale à Kiev, le 18 avril 2024 (Photo, AFP).
Des piétons marchent vers un drapeau national ukrainien flottant en berne en raison du mauvais temps, à côté du monument de la Patrie au musée en plein air de la Seconde Guerre mondiale à Kiev, le 18 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • L'heure est à l'optimisme à Moscou, plusieurs mois après l'échec de la contre-offensive de Kiev de l'été 2023
  • De son côté, épuisée par deux ans de combats, l'Ukraine est à la peine face à l'armée russe supérieure en nombre de soldats, en quantités d'armement et de munitions

MOSCOU: Le Kremlin a assuré jeudi que l'aide des Etats-Unis à l'Ukraine, bloquée au Congrès depuis plusieurs mois et sur laquelle les élus américains doivent se prononcer samedi, "ne pourra rien changer" à la situation sur le front, où l'armée russe est à l'offensive.

L'Ukraine réclame inlassablement à ses alliés occidentaux plus de munitions et de systèmes de défense antiaérienne, alors que les forces russes pilonnent toujours quotidiennement ses villes et ses infrastructures énergétiques.

Or, la Chambre américaine des représentants doit voter samedi sur un texte prévoyant près de 61 milliards de dollars d'aide militaire et économique à l'Ukraine, ce qui pourrait permettre à son armée de reprendre son souffle.

"Cela ne peut en aucun cas influencer l'évolution de la situation sur les fronts", a balayé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

"Cela ne pourra rien changer", a-t-il martelé devant la presse, affirmant que "tous les experts indiquent dorénavant que la situation sur le front est défavorable à la partie ukrainienne".

Vote à l'issue incertaine 

L'heure est à l'optimisme à Moscou, plusieurs mois après l'échec de la contre-offensive de Kiev de l'été 2023 et alors que l'armée russe grignote progressivement du terrain, notamment dans le Donbass, cible prioritaire du Kremlin.

De son côté, épuisée par deux ans de combats, l'Ukraine est à la peine face à l'armée russe supérieure en nombre de soldats, en quantités d'armement et de munitions.

Les forces ukrainiennes manquent notamment de systèmes de défense antiaérienne pour contrer les attaques quotidiennes russes de drones explosifs et de missiles, à l'instar de la triple frappe mercredi à Tcherniguiv, qui a fait 18 morts.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky déplore quasiment tous les jours le manque d'aide des Occidentaux, après plus de deux ans de conflit à haute intensité.

Mi-mars, le chef de l'Etat ukrainien avait jugé "d'importance critique" une décision rapide du Congrès américain sur le déblocage de l'aide à son pays, confronté simultanément à des difficultés pour enrôler des volontaires dans l'armée.

"Nous avions besoin de cet argent hier, pas demain, pas aujourd'hui", a appuyé le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal dans un entretien à la BBC.

Cette aide financière a déjà été approuvée par le Sénat à majorité démocrate, mais reste bloquée au Congrès, les représentants républicains, soutenant Donald Trump, faisant la sourde oreille à six mois de la présidentielle.

Le président américain Joe Biden, qui pousse pour l'adoption de ce texte, s'est lui à nouveau dit mercredi "très favorable" à cette enveloppe, évoquant dans les colonnes du Wall Street Journal "un moment charnière".

L'issue du vote n'en reste pas moins incertaine à ce stade.

Restrictions d'électricité 

Pourtant, sur le terrain, la dynamique n'est pas à l'avantage de l'Ukraine, dont près de 20% du territoire reste occupé par la Russie.

Deux personnes ont été tuées jeudi dans de nouveaux bombardements russes, selon les autorités locales.

Et les attaques russes visant les infrastructures énergétiques restent très fréquentes malgré les tentatives de l'armée ukrainienne de protéger ces sites.

Face à cette situation, le ministère ukrainien de l'Energie a appelé jeudi la population et les entreprises à limiter leur consommation d'électricité le soir "pendant les heures de pointe" (de 19h00 à 22h00), relayant la demande de l'opérateur privé d'électricité DTEK.

Le ministère a notamment justifié cette décision par "l'augmentation de la charge sur le réseau électrique qui découle" de ces frappes russes répétées.

En représailles, l'Ukraine vise régulièrement des raffineries ou des sites militaires sur le sol russe dans le but de perturber la chaîne logistique d'approvisionnement vers les troupes engagées sur le front.

Jeudi, le renseignement militaire ukrainien (GUR) a revendiqué une frappe "réussie" la veille sur un aérodrome militaire russe en Crimée annexée, "détruisant ou endommageant gravement" des lanceurs de systèmes S-400, des équipements radar et un centre de contrôle de défense antiaérienne.